
j avoue que fVLonfieur appartient ni au fujet ni a
1 attribut ■ de la première propofition, quoique le
mérité ait ordinairement un avantage folide fu r
la. fortune ; par confequent ce mot eft libre de
toute dépendance à cet égard : mais dès là même
i l n’eft ni ne peut être en Régime dans cette propofition.
Cependant £ l ’on avoit à exprimer la
même penfée en une langue trahfpofitive , par
exemple, en latin, il ne feroit pas libre dé traduire
Monfieur par tel cas que Ion voudroit de
dominas ; il faudroit indifpenfablement employer
le voçatiF Domine , qui eft'proprement le nominatif
de la fécondé perfonne ( voye\ Vocatif ) •
ce qui prouve , ce me femble , que Domine feroit
envifagé comme fujet d un verbe à la fécondé per-
lonne , par exemple , audi ou efto attentus ; parce
c^ue dans les langues , comme partout ailleurs,
rien ne fe fait fans caufe : il doit donc en être de
meme enfrançois, od il faut entendre , Monfieur,
écouté^ ou foye\ a tten tif; parce’ qiie l ’analyfe ,
qui eft le lien unique de la communication de
toutes les langues , eft la même dans tous les
idiomes , & y opère les mêmes effets : ainfî, Monfieur
eft en^ françois dans une dépendance réelle'
mais e eft à 1 égard d'un verbe foufentendu dont i l eft
le lu jet.
■ Chofe étrange, dans la fécondé propofition , eft
aufti en dépendance , non par raport à la proposition
énoncée nous donnons toujours la préférence
à celle-ci, mais par raport à une autre dont
le relie eft fupprimé ; en voici la preuve. En tra-
duifant cette période en latin, il ne nous fera pas
fibre dp rendre à notre gré les deux mots chofe
étrange : nous ne pourrons opter qu’entre le nominatif
& l ’acculâtif ; & ce relie- de liberté ne
vient pas de ce que. ces mots font en Régime
libre ou dans l ’indépendance , car les fix cas alors
devraient être également indifférents ; cela vient
de çe qu’on peut envifager la dépendance. .nécef-
faire de ces deux mots fous l ’un ou fous l ’autre des
deux alpefts délîgnés par les deux cas. Si l ’on dit
res miranda au nominatif, c’eft que l ’on fup-
pofe dans la plénitude analytique hoec res eft mi-
randa . f ilo n préféré 1 accufatif rem mirandam,
c ’eft que l ’on envifage la propofition pleine dico
rem mirandam, ou même en rappelant le fécond
adjonélifau premier, Domine, audi remmirandam.
L ’application eft aifée à faire à la pirafe fran-
coife, le détail en feroit ici fuperflu ; je viens à
la conclufion. L ’abbé. Girard n’ayoit pas affez -
aprofondi l ’analyfe grammaticale ou logique du
langage, & fans autre examen il avpit juge indépendant
ce dont il ne retrouvoit pas le corrélatif1
dans les parties exprimées de la phrale. D’autre
part , ces mots mêmes indépendants, il vouloit qu’ils
fuirent en Régime , parce qu’i l avoit fauffement
attache a ce mot une idée de relation à la conf- j
truélion , quoiqu’il n’ignorât pas fms doute qu’en
latin & en grec le Régime eftrelatif à la Tyntaxe : I
piafs il avoit proferjt de notre Grammaire la
doétrine ridicule des cas ; il ne pouvoit doncpl«*
admettre le Régime dans le même fens que U
feraient avant lui la foule des grammatiûçs ; &
m q, . déclarations réitérées que 1 ufage de notre langue, & de padrel ern el ec loannfeualtveer
propre de notre Grammaire fans égard pour la
Grammaire latine, trop fervilement copiée jufqu’d
“ J “ 1111 Pu abandonner entièrement, le mot de Régime ; inde mali laies.
Je n’éntretai pas ici dans le détail énorme des
meprifes où. font tombés, les Rudimentaires & les
Methodiftes fur les prétendus Régimes de quelques
noms, de plufieurs adjeftifs , de quantité de verbes’,
“ Jûtail ne fauroit convenir à l’Encyclo-
pedie. Mais on trouvera pourtant fur -cela même
quantité de bonnes obfervations dans plufieurs articles
de cet ouvrage. V sye:f Accusatif, Datif
Génitif , Ablatif , Construction, Inversion *
Méthode, Profosition, Préposition, &c. ’
Chaque cas a une deftination marquée & uni-
« « n’eft peut-être l ’accufatif, qui eft défi
fine à être le Régime objeélif d’un verbe ou d’une
prepofition : toute la doiâiine du Régime latin fe
réduit là; files mots énoncés ne fuffiienl pas pour
rendre raifon des cas d après ces vûes générales
1 Ellipfe doit fournir ceux qui manquent. Pcenitet
me peccati, il faut fuppléer memoria, qui eft le
! le fujet de poenitet & le mot complété par pec-
e a u , qui en eft régi. Doceo pueros Grammati-
cam , il faut fuppléer cire à avant Grammaticam .
parce que cet accufatif ne peut être que le Régime
d une prépofition , puifque le Régime obje&if de
doceo eft l ’accufatif pueros* Ferire enfe , l ’ablatif
en/e n eft point le Régime du verbe ferire ; i l
1 eft de la prépofition foufentendue cum. Dans
labrorum teniis, le génitif labrorum n’eft point
Régime de tenus, qui gouverne l ’ablatif; i l r e f t
du nom foufentendu regione. Il en eft de même
dans mille autre cas, qui ne font & ne peuvent
etre entendus que par des grammairiens véritablement
logiciens & philofophes. fM . B e a u z é e .)
RÈGLES , f. f. Belles - Lettres. Dans les
Lettres & dans les Arts , Us Règles font les leçons
de' 1 expérience, le refoltat de l ’obfervation fur ce
qui doit produire l ’effet qu’on fe propofe.
Il y a un inftinft pour tous les arts, & cet inf-
tinél, au plus haut degré d’énergie & de. fagacité*
s’appelle Génie ; mais eft-il jamais allez parfait,
allez sur de lui-même , pour avoir droit de méprifer
Î3 Règles ? & les Règles , de leur côté, font-
elles allez infaillibles, allez étendues, allez exdu-
ftvement décilives , pour avoir droit de maitrifer le
génie ?
Ep fuppofant les hommes tels que les a faits
la nature, & avant que l’imagination & le fenti-
ment foient altérés en eux par le caprice de l ’opinion
, des modes,, & dès convenances ; l ’inftinft naturel
fuffiroit à un artifte organifé comme eux pour
j. pçlairer & le conduire : niais la nature peut devinep
te preffentir la nature l ’étude feule, en- obfervant
l ’homme artificiel & faétice, peut faire prévoir les
effets de l ’art. Nous connoiffons quelques hommes extraordinaires,
tels qu’Homère & Efchyie, qui femblent
nfavoir eu pour1 modèle que la nature Sc pour guide
que leur inftinét.; mais' eft - il bien srir qu’avant
Homère, l’art de la Poéfie épique n’eût pas été
cultivé, raifonné;, fournis à, des lois b Ceux qui
regardent ce poète comme l’inventeur de fan art ,
p_arce qu’il eft le plus ancien des poètes connus,
reffembient à ceux qui s’imaginent qu’au delà des
étoiles qu’ils aperçoivent il n’y a plus rien dans
le ciel. A l’égard d’Efebylé , il eft bien certain
qu’il a inventé la Tragédie : mais le modèle de,
la Tragédie étoit l’Épopée , ;dont les Règles lui
font communes ; & quant, à celles qui lui font
propres, Efchyle s’en eft difpenfé, ou plus tôt, en
les obfervant, quand il Ta pu fans-trop de gêne ,
il les a lui-mêmé tracées ; & c’eft peut-être, celui de
tous lesy hommes en qui le goût naturel a été le plus
étonnant. J
La raifon eft l’organe du vrai; le goût eft Toi-.
gane du beau : c’eft la faculté vive & sûre de
difeerner & de preffentir ce qui doit plaire aux
fèns, à l’efprit, & à l’âme; c’eft un don naturel
qui veut être exercé par l’étude & par l’habitude, &
ce n’eft qu’après mille épreuves qu’il peut fe croire
un guide sûr*
11 y a une raifon abfolue & indépendante de
toute convention, comme la vérité;.niais y a-t-il
de même un goût par excellence , indépendant,
comme la beauté, des caprices de l’opinion? &
s il y en a un , quel eft-il ? La vérité a un carac^
1ère inimitable; c’eft l’évidence. Y a - t - i l aufti
quelque ligne infaillible qui- cara&érife l’objet du
goût? ( y oy,e\ Beau ) L’évidence même n’eft reconnue
qu’â la lumière dont elle frape les efpfits; &
dès qu’elle ceffe de luire , on ne fait plus qui a
raifon, ou dû petit nombre ou de la multitude..
En fait de goût, le problème eft encore plus indécis.
Dans tous les temps il y a eu la raifon du
peuple .& la raifon des fages ;, dans tous les temps-'
il y a eu le goût du vulgaire & le goût d’un
monde plus cultivé : mais ni le grand ni le petit
nombre n’a été confiant dans fes goûts ; d’un fiècle ‘
à l’autre , d’un peuple à l’autre , la mêhie
chofe a plu & déplu à l’excès, la même chofe a paru admirable & rifible , a excité les applau-
diffements & les huées;, & fouvent dans le mémo
lieu & prefque dans le même temps, la même
chofe a été reçue avec tranfport & rebutée avec-
mépris. Ou font donc les Règles du goût? & le
goût lui-même eft-il le preffentiment de ce qui
plaira le plus univerfellemenfc dans tous les pays
& dans tous les âges ,, ou de ce qui plaira dans tel
temps,, a telle elaffe d’hommes qui s’appelle le
Monde y & qui, plus occupée des objets d’ûgré-
ment , fefaitl arbitre des plàifirs i Voilà, ce femble,
une difficulté infoluble & interminable ; n’y auroitil
pas quelque moyen de la fimplifier &der la ré-
foudre ?
En fait (te g oû t, i l y a deux? juges à confulter
Se à concilier enfemble : Is’uni eft le bon Cens, qui
eft l ’arbitre des:, vraiferablaftces, des' convenances ,
du defiin , • de l ’ordre , des raports mutuels, - foi t
de la caufe av»ec Eeifeti, foir de l ’inteiltion avec-
l'es moyens qu-’ort emploie. Celte partie du goût
eft du ieffort de la, raifon ; elle- eft fofceptible de
cetce évidence- qui frape tous les hommes dès
qu’ils font éclairés. Juiques là les Règles de l ’art
ne font que les Règles-■ du bon Cens, invariables
comme lui. L ’artifte ,. doué d’un efprit jufte , feroit
donc en cette partie affez sûr de fe bien conduire ,
&- n’auro'it pas befoin de guide, s’il vouloit fe
d'oftner la peine de méditer lui-même- les procédés-
de Tart, de les rédiger en. méthode ; mais quelle
trifte & longue étude t & le génie, impatient de
produire, neft-il pas trop, heureux qu’on lui épargne
le travail d’une froide réflexion ? Corneille
eût-il paffé fi rapidement de Giitandre à Cinna
s’i l n avoit pas trouvé là. route comme tracée par
Ariftote, pour lequel fon refpeét annonce fa. re-
eonnoiffance-? La théorie des:, beaux arts reffemble'
aux éléments des-fciences : l ’homme de génie a de'
quoi les deviner , s'ils n’étoient pas faits», mais quel-
temps n’y emploierok-il pas ?
Le fécond juge , en fait de goût, c’eft le fenti-
ment, foit qu’on entende par là l ’effet de l ’émotion,
dés. organes , foit qu’on entende l ’impreftlon
faite dire£tement fur l ’âraé par l ’entremife des fenrU
C ’eft ic i que le goût varie, & q ue, dans une
longue-fuite de fîècies & dans une multitude in-.
no.nabrable d’hommes diverfement affeétés de la;
même chofe, il s’agit.de déterminer quels font
les temps , les lieux , les peuples, dont le jugement
fera loi ; & le moyen en- eft facile : c’eft de
recueillir les fuffrages des fiècles & dès hâtions-
Or dans tous les arts qui intéreffent les fens, la déférence
univerfelle décidera en faveup des: grecs.
La nature femble avoir .faitjde ce peuple le législateur
des; plàifirs-, le grand màître dans l ’art de
plaire, l ’inveriteur, l ’artifan, le modèle du beau
par excellence, dans tous les genres. C ’eft à lu i
quelle a révélé le fecret des plus belles formes ,
des plus belles proportions des plus harmonieux
enfembles : cette fupériorité lui eft aqiiife au moins
en Sculpture , en Archite&ure ; & depuis le temps
de Périclès jufqu’à nous,- on n’a; rien imaginé de
plus parfait que les modèles' que ce beau fiècle
n? us, g l a^ffês ; de l ’aveu même de tousles peuples,
en s’éloignant de ces modèles ern n a fait qu’altérer
les beautés pures de ces deux arts. En tracer le$j?<?Wt?j-,.
ce n’ eft donc que réduire leur méthode en préceptes ,
génèralifer leurs exemples,, & enfeigner à. les imiter.,
Lorfque Virgile d.ifoit des. romains s,
Exsudent alii fpirantia moUiiïs. ara y
i l ne croyoit que flatter fa patrie, & la confoler
de la fupériorité des grecs dans les arts* il ne^