
rarum carminibus &hi/ioriis àppofuerunt. Nota
efi figura propria in lit teroe modum pofita , ad
demonfirandam unamquamque verbi , fententia- '
rutnque , aç verfmtm rationem. O rig . I. 20.
V ers la fin du quatrièm e fiècle & au com m encem
ent du cinquièm e, S. Jérôm e traduifit en latin
l ’E criture fainte , qu’il trouva fans aucune diftinc-
tio n dans le texte original ; c’eft la verfion que
TÉglife a adoptée fous le nom de Vulgate, excepté
les Pfeaumes , q ui font prefque entièrem ent
■ de l ’ancienne verfion. O r le faint doéteur remarque
, dans plufieurs de fes préfaces que l ’on trouve
à la tête des Bibles vulgates ( In Jofue, in lib.
Paralip. in E\ech ) , qu’il a diftingüé dans fa
verfion les m ots , les membres des p h rafes, & les
verfe ts.
C icéron connoifloit aufli ces notes diftin&ives ,
& l’ufage qu’il convenoit d’en faire. O n p eu t voir
( articU A c c e h t ) ■ un paflage de cet orateur
{ O rat. lib. n i , n°. x ljv ) où il eft fait m ention
des iÀbrariorum notis , com m e de lignes deftinés à
m arquer des repos & des mefiires.
A riftote , qui vivoit il y a plus de 2000 ans ,
fe p la in t ( RJiét. n i , $) de ce qu’on ne pouvoit
pas ponctuer les écrits d’H e raclite., fans rifquer
de lu i donner quelque contre-fens.'. ‘Nam fcripta
Heracliti interpungere operofum eft, quia incertum
utri vox conjungenda , an priori, an vero
pojîeriori ,ut in principio ipjius lib ri ,* âitenim:
R ationis exiftentis fem per im periti hom ines nafcuntur
( tÇ Aojv t% cN eovros ale; a^v/eroi avôpw-sroi ytyvov1a.if‘ incertum
eft enim ilkid fem pér (ah<) utriin terpu n d io n e
conjungas. C e paflage prouve que le philofophe
de S tagyre , non feulem ent fentoit la néeeffité de
faire avec in tellig en ce des paufes convenables dans
dénonciation du difcours , & de les m arquer dans
le difcours é c rit, mais mêm e qu’il connoifloit l’ufage
des Points p o ur cette diftinétion : car le m o t o rig
in a l J'ia,?î%xi , rendu ici par interpungere & inter-
punétione , a pour racines le verbe rp<a , pungo,
& la prépofition éid, q ui , félon l ’auteur des racines
grèques de P o rt-R o y a l , vient de JW a, divido ;
en forte que «T<ar/|a< lignifie proprem ent Pungere ad
dividendum , ou P un d is dijiinguere.
C om m ent eft-il donc arrivé q u e , fi lo n g tem p s
après l ’invention des lignes diftjncUfs de la Poncr
tuation , il fe fo it trouvé des copiftes & p eu tr
être des auteurs qui .éerivoient fans diftinôtion ,
non feulem ent de phrafes ;ou de membres de phrafes
, mais m êm e des m ots 2 P ar ra p ô rt aux livres
faints , il eft facile de le concevoir. A ntérieurs
de beaucoup , p o ur la p lu p a rt, à l ’art de ponctuer
y ils on t du être écrits fans aucun figue de
diftinétion. * L es ifraélites , fêlant profelfion de
n’avoir p o in t de com m erce avec les autres peuples ,
ne dupent pas être inftruits prom ptem ent de leurs
iuventions ; & les livres inlpirés , mêm e dans les
derniers tem p s, durent être écrits com m e les p re-
jfljiers > tan t p o ur cette caufe , que par jrefpeôt
pour la forme primitive. Ce même refpeél, porté
par les juifs jufqu’au fcrupule & à la minutie, ne
leur a pas permis depuis d’introduire, dans le texte
facre , le v moindre caraélère étranger : ce ne fut
que long temps après leur dernière difperfion dans
toutes les parties de la terre , & lorfque la langue
fainte, devenue une langue morte , eut befôin de
fecours extraordinaires pour être entendue & conservée
, que les dotteurs juifs de Tibériade, au-
jourdhüi connus fous le nom de Majforèthes , imaginèrent
les P oints-voyelles ( voye\ P oint ) , &
les Agnes de la Ponctuation que les hébraïfants
nomment Accentus paufantes & diflinguentes»
Mais les témoignages que je viens de raporter
d’une tradition plus ancienne qu’eux fur la Ponc<*
tuation , prouve qu’ils n’en inventèrent point l ’art j
ils ne firent que le perfectionner, ou plus tôt
l ’adapter aux livres facrés, pour en faciliter l ’intelligence.
Pour ce qui eft des autres nations , fans avoir
le même atjachement & le même refpçét que des
juifs pour les anciens ufages ,' elles purent aifé-
ment préférer l ’habitude ancienne aux nouveautés
que les bons efprits leur préfentoient : ç’eft une
fuite de là confhtution naturelle de l’homme ; le
peuple furtout fe laifle aller volontiers à Y humeur
Jingerejfe, dont parle Montaigne ; & il n’y a que
trop de Savants qui font peuple & qui ne faven$
qu’imiter ou même copier. D’ailleurs- la communication
des idées nouvelles, avant l ’invention de
l ’Imprimerie, n’étoit ni fi facile , ni fi prompte , ni
fi univerfelle qu’elle l ’eft aujourdhui ; & fi nous
femmes étonnés que les anciens ayent fait fi peu
d’attention à l ’art de ponctuer, il feroit prefque
fcandaleux que, dans un fiècle éclairé Comme le
nôtre & avec les moyens de communication que
nous avons en main , nous négligeaflioris une partie fj
importante de la Grammaire, 1
« II eft très-vrai dit Tabbé Girard ( tom. I I *
>5 dife. xvj , p . 43$ ) , que , par raport à la pu*
» reté du langage , a la netteté de la phrafe ; à
» la beauté dp l ’expfeflîon, à la délicatefie & à
n la folidité des penfées., la Ponctuation n’eft
» que d’un mince mérite . . , . Mais . . . . la
» Pon^Uç-tion foulage & Conduit le le&eurj elle
» lui indique les endroits où il convient de fe
» repofer pour prendre fa refpiration , & combien
» de temps i l y doit mettre j elle contribue à
» l ’honneur de l ’intelligençe , en dirigeant la lec.-
v ture de. manière que le ftupide paroifle , .comme
» l ’homme d’efprit, comprendre „ce qu’il lit ; elle.
» .tient en règle l ’attention de ceux quj écoutent , Sc
» leur fixe les bornes du fens : elle rphaédie aux obfi.
» curités qui viennent du ftylep.
De même que l ’on ne parle que pour être en-»
tendu f on n’ écrit que pour transmettre fes penfées
aux abfents d’une manière intelligible. Or il en
eft à peu près de la parole écrite , comme de la
parole prononcée. « Le repos dç la vpix dans • 1 e
difeouts 3
» Difcours, dit Diderot ( art. E ncyclopédie) , &
»> les fi crues de la Ponctuation dans l ’écriture , ,fe
» correlpondent toujours , indiquent également la
» liaifon ou la disjonction des idées ». Ainfi , il
y auroit autant d’inconvénient à fupprimer ou à
mal placer dans l ’écriture les figues de la Ponctuation
y qu’à fupprimer ou à mal placer dans la
parole les repos de 'la voix : les uns comme les
autres fervent à déterminer le fens ; & il y a telle
fuite de mots qui n’auroit , fans le fecours des
paufes ou des caractères qui les indiquent, qu’une
lignification incertaine & équivoque , & qui pourroit
même préfenter des fens contradictoires , félon la
manière dont on y grouperort les mots.
( On lit dans les Caractères 'de la Bruyere
( chap. xj ) : Ceux au contraire que la fortune
aveugle fans choix & fans difçertiement a comme
accablés de fe s bienfaits , en jouiffent avec or- '
gueil & fa n s modération. Dans une autre édition
, on a mis une virgule après aveugle, & une
autre après difçertiement. C ’eft partout une mau-
vaife Ponctuation. Le mot aveugle paroît d’abord
être un verbe , ceux . . . que la fortune aveugle ;
mais en ? continuant de lire , on voit que ce doit
être un adjëCtif : ainfi , la phrafe eft louche. C’eft
que la Ponctuation en eft vicieufe. La remarque
même que^ je viens de faire exige une virgule
après la fortune : elle avertira le leCteur que le
mot aveugle n’eft pas verbe, parce qu’on ne dépare
point un fujet fimple de fon verbe ; d’ailleurs
les additions qui fuivent font explicatives & doivent
être entre deux virgules. Il faut donc écrire :
Ceux au contraire que la fortune , aveugle ,
fa n s choix & fa n s difçertiement, a comme accablés
de fe s bienfaits y en jouiffent avec orgueil
& fa n s modération. Il eft aifé de fentir que l ’équivoque
occafionnée ici par. le défaut de Ponctuation
y n’y eft qu’une faute d’inadvertance : mais il
n’eft pas moins aifé de s’apercevoir que la mauvaife
foi peut en abufer. )
On raporte que le Général Fairfax, au lieu de
figner Amplement la fentence de mort du roi d’Angleterre
Charles I , fongea à fe ménager un moyen
pour fe ditculper , dans le befoin , de ce qu’il y
avoit d’odieux dans cette démarche , & qu’il prit
un détour, qui, bien apprécié , n’étoit qu un crime
de plus’, i l écrivit fans Ponctuation y au bas de la
fentence : S i omnes confentiunt ego non dijfentio ; fe
réfervant d’interprétér fon dire, félon l ’occurrence ,
en le ponctuant ainfi : S i omnes confentiunt, ego
noni dijfentio, au lieu de le ponctuerconformément
au fens naturel qui fe préfente d’abord, & que
sûrement ilvouloit faire entendre dans le moment :
Siomnes confentiunt, ego non dijfentio.
( Dans la Bulle qui condànne les ptopofi-
tions de Baïus , le pape Pie V s’exprime ainfi -l
Quas quidem fententias Jîricto coram tiobis examine
ponderatas quanquam nonnulloe aliquo
P arto. fujlineri pojjint in rigore & proprio- ver-
Gkamm. e t L it t é r a t . Tome III.
borum fenfu ab aucloribus intento datnnantus. Je
donne ce texte fans Ponctuation, tel que les de-
fenfeurs du Baïanifme prétendent qu’il eft dans la
copie de la Bulle envoyée par le pape même,
& dépofée dans les archives de la Faculté de
Louvain : en conféquence il prétendent mettre une
Virgule après ponderatas , 8c une autre feulement
après intento t comme fi le fouverain pontife^
avoit voulu dire , Quanquam nonnulloe fujlineri
pojjint in rigore & proprio ■ verborum fenfu ab
auctoribus intento. Leurs adverfaires prétendent
au contraire qu’il y ait une Virgule apres pojjint
& qu’il n’y en ait point après intento ; en forte
que le fens de la BulLe foit, Quas quidem fen tentias
in rigore & proprio verborum fenfu dam-
namiiS y quanquam nonnulloe aliquo pacto fu f -
tineri pojjint. Ce dernier fens a été déciaré le
véritable par les papes Grégoire XIII 8c Urbain V II ;
& les règles de la faine Critique confirment cette
dëcifion ; puifqu’il feroit abfurde de condanner des
propofitioos à caufe; d’un fens étranger quelles
n’ont ni dans l ’efprit de leurs auteurs ni .félon la
valeur des termes, & que l ’on déclare qu elle£
peuvent fe foutenir fous ces deux afpefts. Une
Ponctuation exaéfe dans la Bulle auroit prévenu
cette chicane , auroit ôté ce vain prétexte aux défen-
feurs de Baïus, & auroit peut-être arrêté dès l ’origine
les fuites d’une affaire qui n’eft pas encore afloupie.
entièrement. )
« C ’eft par une omiffion de Points & de Vir-
» gules bien marquée, dit le P. Buifier ( Gram-
maire françoife , n°. 9T) ) > w qu’il s’eft trouvé
» des difficultés infurmontablçs , foit dans le texte
» de l ’Écriture. fainte, foit dans l ’expofition des
» dogmes de la Religion, foit dans l ’énonciation
» des lo is , des arrêts , & des contrats de la plus
» grande conféquence pour la vie civile. Cepen-
» dant, ajoûte-t-il, on n’eft point encore convenu
» tout à, fait de l’ufage des divers fignes de la
» Ponctuation. La plupart du temps, chaque
» auteur fe fait un fyftême fur.cela ; & le fyftême
» de plufieurs , c’eft de n’en point avoir . . . I l
n eft vrai qu’il eft très - difficile ou même im-
» poflible de faireTur la Ponctuation un fyftême
» jufte & dont tout le monde convienne , foit à caufe
» de la variété infinie qui fe rencontre dans la
» manière dont les phrafes & les mots peuvent être
» arrangés, foit à caufe des idées différentes que
» chacun fe forme à celte occafion ».
I l me femble que le P. Buffier n’a point touché
ou n’a touché que trop légèrement la véritable
caufe de la difficulté qu’i l peut y a\foir à conftruire
& à faire adopter un fyftême de Ponctuation. C’eft
que les principes en font néceflairement liés aune
Métaphyfique très-fubtile , que tout le monde n’eft
pas en état de faifir 8c de bien appliquer , ou qu’oa
ne veut pas 'prendre la peine d’examiner , ou peut-
être tout Amplement qu’on n’a pas encore allez
.1 déterminée , foit pour ne s’en être pas fuffifamment