
précisément celui1 que Ton nomme’exclufivement
comparatif, parce que c-eft le fedlqui énoncé le
raport dé fupénorité, dont l'idée eft nettement défi-
gnée par le mot de Superlatif.
Sanâius trouvait à rediçf. t. comme je fais ici.,'
à l ’abus des dénemjnatiQnS^int'ro'dui.te? à cet égard,
ar la foule,des/ grammairiens ( Minerv. I I , xj,);,
érizonius obfer v & f lb id . not. I ). que , quand, il
s’agit de l’ufage des • chofes , il eft inutile d’inci-
denter^ fur les noms qu’on leur a donnés ; parce
que ces noms dépendent de l ’ufage de la multitude,
qui eft inconftante & aveugle. ; & que d’ailleurs
i l doit en .être des noms des différents degrés comme
de ceux des cas, des,genres , & de tant d’autres,
par-lefquels les grammairiens fe font contentés de
d.éfigner ce qu’i l y a de principal dans la chofp, vu la
difficulté d’inventer des noms qui en exprimaffent
toute la nature.
Mais je ne donnerai pour réponfe à cet habile
commentateur, de la Minerve , que ce que j’ai
déjà remarqué ailleurs (voye^ Impersonnel) d’àprès
Bouhours & Vaugelas, fùrla néceffité de diftingùer
un bon &un mauvais ufàgedans le langage national, &
ce que j’en ai inféré par raport au langage didaétique.
J’ajouterai ici , pour ce qui concerne la prétendue
difficulté dmventer des noms qui expriment
là nature entière des chofes, qu’elle n’a de réalité
que pour ceux à qui la nature eft inconnue ; que
d’ailleurs, quand on vient à l ’aprofendir davantage ,
la nomenclature doit être réformée d’après les
nouvelles lumières, fous peine de ne pas exprimer
avec affez d’exaétitude ce que Ton conçoit; & què,'
pour le cas préfent, j’ôfe me flatter , d’avoir em-
j ibyé des dénominations affez juftes pour ne laiffer
aucune incertitude fur la nature des fens graduels.
|
IV. Il ne refte donc plus qu’à recoanoître comment
ils font rendus dans les langues. .
De toutes les manières d’adapter les fens“ graduels
aux mots qui en font fufceptibles , celle qui
fe préfente la première aux ieux de la Philolo-
phie , c’eft la variation des terminaifons. Cependant,
fi l ’on excepte le pbfitif, qui eft partout la
forme primitive & fondamentale du njot, il n’ y
a aucun des autres qui foit énoncé partout par
des terminaifons fpéciales. Nous n’en avons aucune
, fi ce n’eft pour le fens ampliatif d’un petit
nombre de mots confacrés au cérémonial, férénif-
fime, éminentijjîme , &c ( Vojre\ Bouhours, Rem.
noüv. tom. 1 ,'p a g . 3 1 1 ) ; & pour le fens comparatif
de fupériorité de quelques mots empruntés du
latin fans égard à l’analogie dé notre langue, comme
meilleur , pire , moindre , mieux , moins , p is ,
au lieu de p lus bon, plus mauvais , plus p e t it ,
plus bien ; p lus peu , plus mal : mais ces exceptions
mêmes en fi petit nombre , confirment l ’uni-
yerfalitc de notre analogie.
y 7 L e fens ampliatif a une terminaifon propre
en grec , en latin , en italien, & en efpagnol ;
c*éft celle que l ’on nomme mal à propos le Sup
erlatif. Ainh t très-fage fe dit en grec <™<pwTaTof,
en latin fapientijimus , en italien fàpientiffimo ,
en efpagnol prudentijjimo ; mots dérives des po-
fitifs , «roepos , fa p ien s, fapiente , prudente, qui
toüs fîgnifient Juge. Dans.îles langues orientales
anciennes, le - fens ampliatif fa marque par la
répétition matérielle du pofitif J & ce tour, qui
eft propre au génie de ces langues , a quelquefois
été imité dans d’autres idiomes : j’ai quelquefois
vu des enfants , fous Timpreffion de la fimple nature
, dire de quelqu’un, par exemple, quifuyoit,
qu’i l étoit loin, lo in ; d'un homme dont la taille
les avoit frapés par fa grandeur ou par fa petiteffe,
qu’il étoit grand, grand, ou p e t it , p e t it, &c :
notre très , qui nous fert à l ’expreflion du même
fens , èft l ’indication de la triple répétition ; mais
nous nous fervons auffi d’autres adverbes, & c’eft
la manière de la plupart des langues qui n’ont
point adopté de terminaifons ampliatives, & fpé-
cialemenj de l ’allemand, qui emploie furtout l’ad-
yerbe fehr, en latin valdè ,enfrançois/orr.
. a°, Le . fens diminutif fe marque prefque partout
par une expreflion adverbiale qui fe joint au
mot modifié. , comme un peu obfcur, un peu trijle,
un peu froid. 11 y a feulemeut quelques mots
exceptés dans différents idiomes, lefquels reçoivent
ce fens diminutif, ou par une particule compo-
iante, comme en l?ilmfûbobfcurus, fubtrijlis ; ou
par un changement de terminaifon , comme en
latin frigidlufculus, ou frigidulus, trijliculus, &
en efpagnol trifiefico.
3®. Je ne connois aucune langue où le comparatif
d’égalité foit exprimé autrement que par une
addition adverbiale , auffi fage , auffi loin : fi ce
n’eft peut - être dans quelques mots exceptés par.
hafardcomme tantus, qui veut dire* en latin tant
màgrius.
4°. Le comparatif de fupériorité a une terminaifon
propre en grec & en latin : de o-oyls ,fa g e ,
vient «rocpoVspos, plus fage; de même les latins, de
fa p ien s, (oxmeiAt fapientior. Comme c’eft dans
ces deux langues le feul des trois fens comparatifs
qui y ait reçu une terminaifon propre , on donne
à l ’adje&if, pris fous cette forme , le fimple nom
de Comparatif. Pourvu qu’on l ’entende ainfi , i l
n’y a nul inconvénient, furtout fi l ’on fe rappelle
que ce fens comparatif énonce un raport de ïupé-
riorité , quelquefois individuelle & quelquefois uni-
verfelle. La langue allemande, & peut - être fés
diale&es, a deux terminaifons différentes pour ces
deux fortes de fupériorités : quand il s’agira de la
fupétiorité individuelle , ce fera le comparatif ; 8c
quand il fera queftion de la fupériorité univerfelle,
ce fera véritablement le Superlatif : weifs (fage) ;
*weijfer ( plus fage ) , comparatif ; weijj'ejl ( le plus
fage), c’eft le Superlatif. D’où il fuit que ce feroit
induire en erreur, que de dire que les allemands
ç a t 2 comme les latins, trois degrés terminés ; le
Superlatif allemand; y /eifefi n’eft point du tout
l ’équivalent du. <ro<p«W*f des grecs,mi dufapi,en(if-
Jimus des latins, qui tous deux fignifient très^fage,
il ne répond qu’à notre le plus Jage.
En italien , en efpagnol, & en françois, il n’ y a
aucune terminaifon deftinée ni pour le comparatif
proprement dit-/ ni pour le Superlatif : on’ fe fert
également, dans les trbis idiômes? de l ’adverbe qui
exprime la'lapérioritë; p iù en italien, rhas en éfpà-'
gnolyplus en françois; piàfapiente ;italien*; mas-
prudente; efpagnol ; p lus fa g e ; fran'çois;-Voilà l e -
comparatif proprement dit. *' ■
Pour ce qui- eft du Superlatif r nous ne le diffé-
rencions du comparatif propre qu’en mettant l ’article
le , la j les , ou fon équivalent avec. ;l.e
comparatif : je dis ,fon équivalent i non feulement
pour'ÿ comprendre les petits 'mots dit,, 'au ,
des, a u x , qiii font contradés d’une prépbfitiôh'Sé
de l ’article , mais encore lés mots que .j’ai• appelés
Articlespojfejfifs ; favoir, mon, ma, mes, pçtre,
nos ; ton, ta , tes , votre , vós ; fon , fa , 'fe s ,
leur, leurs ; parce qu’ils rèri|erment efredivement,
dans leur fignification , celle de l ’article avec celle
d’une dépendance relative à quelqu’une des trois
perfonnes ( Voye\ Possessif ). Nous...difons donc
au comparatif , plus grand , plus fidete , plus
tendre , plus cruel, 8c par exception ,. ‘meilleur,
moindre ,& c ; & au Superlatif, nous difons,avcc
l ’article fimple , la plus grande de mes pajjions,
le plus fidèle de vos fuje ts , le plus tendre de
fes amis, les plus cruels de nos ennemis., le
meilleur de tes domefiiques , - le.moindre de leurs
fon ds ; ce qui-eft au même degré que fi l’on met-
îoit l’article pbffeflif ayant le comparatif, & que
Tondît, ma plus grande paffion, votre plus fidèle
fu je t , fon p lus tendre ' am i ,/pos plus. - crUds
ennemis ', ton meilleur domefiique, leur moindre
fouci. ■ |
Nous confervons au Superlatif la même forme
qu’au comparatif, payee qu’en effet l ’un exprime
comme l ’autre un rapport de fupériorité ; mais le
Superlatif exige, de plus Tarticle fimple ou l ’article
poffeffif : & c’eft par là qu’eft défignée la différence
des deux fens.. Sur quoi eft fondé cet ufage ?
Quand on dit,-par exemple, A i a paffion ejl
plus grande que ma crainte., on exprime tout;
8c le terme comparé , ma paffion , & le terme de
comparaifon, ma crainte; .& le raport de fupé-
ïiorité de l ’un à l ’égard de l ’autre , p lus grande ;
8c la liaifon des deux termes envifagés fous cet
-afpe£l, que : ainfi, l’efprit voit clairement qu’i l y a
un raport de fupériorité individuelle.;
Mais quand on dit , La plus grande de mes
paffions, l’analyfe eft différente : la annonce né-
-ceffairement un nom appellat i f , c’eft fa deftination
immuable , & les circonftances de la phrafe n’en
défignent' pas d’autres que paffion; ainfi, il faut
'jTabord dire par fupplément la ( paffion ) plus
grande. :: la. .prépofijtion de , qui .peut pas
tonVbèr; fy.r; :gr.q^\detr, içe|ft ; reiV éyident.5 ni fur p lu s
gwjitlfi\ ; »•.-pâtis np.;parl,otjs, japrais ,à)nfi eJle-rojxibe
donc fur .un nom appeilatif encore foufentendu , &
çomme il s’agit ici d’une fupériorité univerfelle , il
me femble que le fupplément le plus naturel eft
la t o t a l i t é & qu’i l faut 'dire par fupplément ( la
totalité ) de mes pafiioVi!s_■ :>maisj ;ce;i fupplément
'doit tenir par quelque-''lien^àrticulier à lenferable
..de la phrafe , & d’aili^ijrs pîup gràîide, n’étant plus
,4q.u’un.. ..fimple comparatif;, exjge-ujn^w^/& ,un terme
.itldiyiduel -,sde comparaifon:; • je .ferois . donc ainfi
l ’analyfe entière de la phrafe , la (paffion) p lus
grande. que les autres ■( paflibiis de rla totalité )
dermes paffions ; ce qui exprime bien clairement
la fupériorité univerfelle qui caraftérife le'Superlatif...
Si-on di t • hirc;o'ntï$irè 'j ' nta plus, grande paffion ,
la fûppreffion' totale , aü terme de comparaifon eft
le-figiie autbfrfé pâr-i’ufagé , pourdéfigner que-c’eft
la totalité des autres objets de même nom , & que
la phrafe fie réduit analytiquement à celle-ci , ma
paffion p lus grande ( que toutes mes autres paf-
fibns ).;.;;' '
: Dans ces deux cas,, l ’article fimple ou poffeffif,
fçfvant à îndividualifèr Tpbjet. qualifié par le comparatif
, ;eft le fig,ne naturel’qu’on doit le regarder
comnie extrait S à cet égard ,, de la totalité‘ des
autres ,objets de même nature fou mis à la même qualification.
ç°. Le comparatif d’infériorité eft exprimé par
Tadverbe qui.marque l ’infériorité, du moins dans
toutes^les langues dont j’ai connoifîance : les grecs
difent n<r<rov. o-o.cço's les latins., minus fapiens ; les
italiens, menç fapiente ; les e fp a g n o lsmenos
prif-d^nte; & nous, moins fage.
Comme moins eft par lui-même comparatif, fi
nous avons.befoin d’en exprimer le Çèns fuperlat.if,
nous le fefons, comme il vient d’être dit , par
l ’addition de l ’article fimple ou poffeffif, le moins
ïnfiruit des enfants , votre moins belle robe.
y . L’expofition que je viens de faire 'du fyftême
des fens graduels feroit incomplète, fi je ne fixois
pas les efpèces de mots qui en font fufceptibles.
Tout le monde conviendra fans doute que grand
nombre d’adje&ifs 8c. d’adverbes font dans ce cas:
mais il paroitra peut-être furprenant à quelques-
uns , fi j’avance qu’un grand nombre de verbes'font
également fufceptibles des fens -graduels, & qu’il
auroit pu arriver, daus quelques idiomes, quel’ufao-e
les y eut cara&érifés par des terminaifons propres 5
cependant la chofe eft évidente.
Les adjeétifs & les adverbes qui peuvent recevoir
les différents fens graduels , & confëquemment
des terminaifons qui y foien» adaptées, ne le peuvent
, que parce que la qualité qui en conftitue
la fignification individuelle , eft en foi fufceptible