
Impies , «claires par la lumière du jour éternel ,
cinq Similitudes confécutives , qui apprécient les
faux biens dont l ’illufion les avoit féduits.
L ’ufage de cette figure demande encore plus de
difcrélion que celui de la Métaphore , & les orateurs
fe la permettent moins que les poètes : toutefois
ils ne s'en interdifent pas entièrement l’ufage,
quoiqu’ils l ’employent avec plus de circonfpeCtion
dans le genre délibératif 8c dans le judiciaire , que
dans le démonftratif.
En voici un exemple dans le genre délibératif,
tiré de Y Avertiffement du Clergé de France en
1770 : La raifon efi un des moyens que Dieu
nous a donnés pour dificerner la vérité. Mais ,
femblable à ces eaux bieqfefautes que Linduftrie
des hommes a ramaffées pour répandre la riche{Je
& rabondance , & qui , venant à rompre les
digues falutaires qui les retiennent , portent
partout La terreur & la. défolation ; elle s'égare
O nous perd , Ji., ufiurpant les droits de tout
connoître ,elle ôfie franchir les limites que la Providence
lu}, a marquées•
En voici encore un exemple, tiré de YHifioire
philofophique & politique des établiffements &
ducommerçe des Européens dans les deux Indes ;
ouvrage véritablement dans le genre délibératif,
& qui auroit pu devenir bien plus utile , fi l ’auteur
en avoit retranché des déclamations, dont le
moindre défaut eft d’être inutiles au véritable but
de l ’ouvrage : i l parle ainfi ( liv. xiij ) du gouvernement
des Colonies. Rien ne paroit p lus conforme
aux vûes d’une politique judicieufe, que
d’accorder à ces infulqires le droit de fe gouverner
eux-mêmes , mais d’une manière Jubor-
donnée à l ’impuljion de la métropole ; à peu près
pomme une chaloupe obéit à toutes les directions
du vaijfeau oit elle ejl remorquée. Cette Similitude
eft d’autant plus heureufe, qu’elle cû puifée
dans le propre fonds de la matière.
Dans le genre judiciaire , Cicéron, plaidant pour
Cluentius ( liij y 146 ) , dit 5
Ut corpora nofira Semblable à nos corps
fine menu ; fie cm - s’ils n’avoient point d’âme;
r t r - un Etat fans lo i ne peut
tas fineLege f u t par- faire aucun u&ge des^at.
lïbus , ! ut nervis, ac ties qui le .compofent, èç
fanguine, & mçmbris, qui en font comme les nerfs,
fitinonpoteft. le fan g, & les membres.
Et Le Maître, dans fon plaidoyer 18 , contre
un raviffeur , L a chajleté, ^dit-il, rejfemble à la
mâne du vieux Tejlament ; elle ne pouvoit être
confumée par le feu ,& f e corrompoit néanmoins
lorsqu’un rayon du foie i l Vavoit échauffée :
ainfi , la chafleté de l ’efprit & du coeur ne peut
être exterminée par la violence , qui dévore comme
lin fe u ; mais elle fe corrompt par les rayons doux
des artifices & des promeffes.
Pans le genre démonftratif, .qui eft plus favorabîe
aux effais brillants de l ’efprit, les orateurs
les plus fages fe donnent carrière au fujet de la
Similitude. Dans l ’Oraifon funèbre de la reine
d’Angleterre, Boffuet peint ainfi la confiance inébranlable
de cette princefle : Comme une colonne,
dont la maffe folide paroît le plus ferme apui
d’un temple ruineux , lorfque ce grand édifice
qu’elle foutenoit fo n d fu r elle finis Vabattre ;
ainfi la reine fe montre le ferme foutien de
VÉtat y lorfiqu après en avoir long temps porté
le f a i x , elle n’efi pas même courbée fou s ja
chute-.
On tire quelquefois, de la Similitude , des
fecours pour répandre la lumière fur des matières
même philofophiques & de pure difeuffion. Un
écrivain moderne , qui a ôfé mettre dans la balance
de la Philofophie les matières les plus graves, &
dont elle devoit le moins juger, dit dans un endroit
: Rien ne paroît grand fu r la terre à qui
la contemple d’un point de vue élevé. Dans une
forêt antique , c’eft du pied des cèdres où s ’ajfied
le voyageur y que leur fa îte jemble toucher aux
deux : du haut des airs où plane Vaigle, les
hautes futa ie s rampent comme la bruyère , &
n’offrent aux ieux du roi des airs qu’un tapis
de verdure déployé fu r des plaines. Dans un autre
endroit i l apprécie ainfi les miniftres des rois ;
Les hommes élevés a ux premiers pofies font
autour du fiouvçrain, comme ces nuages d’or
qui ajfifient au coucher du fo le il , & dont la
Jplendeur s ’obficurcit & difparoît à mefure que
l ’ aftre s ’enfonce fous l ’honfon. Ces deux Similitudes
font tout à la fois nobles, grandes, lumineufes,
& pleines d’énergie.
Toutefois les Similitudes doivent être rares :
car , félon la judicieufe remarque de Cleatj.the
(L ett. I I ) , » Souvent ce grand nombre d’images
» étrangères eft une preuve qu’on manque des
» véritables idées des chofes, & que l’efprit n’ayant
» pas affez de force pour regarder les objets dans
» eux-mêmes & dans leurs principes naturels , i l
» eft obligé de les çoqfidérer par réflexion dans ces
» figures indirectes ».
Çejfe remarque, au refte , tomboit fur un écrie
qui n’étoit deftiné qu’aux gens d.e Lettres & aux
Savants , à qui il y a véritablement quelque inde-,
eence de préfenter tant de petits fecours , qui font
plus convenables à la multitude, parce qu’on ne
pe«t en éclairer les efprits qu’en frapant l ’imagination
, & qu’au lieu d idées, il lui faut des images
palpables. L ’ufage modéré des Similitudes ne peut
donc que produire un bon effet', ee font des images ,
qui ornent le difeours & qui récréent l’efprit, qui
ont de l’agrément pour les habiles & de la forçe
pour les moins éclairés , en un mot, qui fervent
à délaffer les uns & à inftruire les autres. Auffi
les Similitudes , ménagées avec art & choifies
avec goiit , font-elles tres-bien dans, les fermons ,
difeours deftinés à inftruire, a édifier à toucher
indiftinâemeot
indiftitïélément, les Grands & les petits, les pauvres
& les riches , les favants & les ignorants. Maffillon
peut'en fournir bien des exemples. •
Voici une Simili t u-de lu mine ufe, prife dufer mon
fur l ’Aumône : Les aumônes , qûi ont prefque
■ toujours coulé en- fecret, arrivent bien plus pures
dans le féin de Dieu, que celles q u i, expofées
meme malgré nous aux leux des hommes, ont
été grojjies & troublées fu r leur confie , par les
complaifances inévitables de l ’amour propre &
par les louanges des fipeclateurs : femblables à
ces fleuves qui ont prefque toujours coulé fous
la terre , & qui portent dans le fein de la mer
des eaux vives & pures ; au lieu que ceux qui
ont traverfé à découvert les plaines & les campagnes
y n y portent d’ordinaire que des eaux
bourbeufe-s, & traînent toujours après eux les
débris y les cadavres y le limon qu 'ils ont amaffé
fu r leur route.
Voici une autre Similitude, tout à la fois lu-
mineufe & fublime , tirée du fermon fur la Purification
: L a fiurprifie la plus défefpérante des
pécheurs fera de voir y que y dans le temps même
qu’ ils croyaient, vivre fans jo u g & faits Dieu
dans ce monde , ils étoient entre les mains f de
f a fageffe , qui fefervoit de leurs égarements
mêmes pour Vaccompliffement de fe s deffeins éternels
; qu 'en croyant vivre pour eux f e u l s , ils
n étàient , entre les mains de Dieu y -que des
infiruments utiles à la fianctification des jufle s ;...
en un m o t, qu’ ils ont f ait beaucoup de bruit
dans l ’ univers y mais que c’étoit Dieu qui fe
glorijioit par eu x , & qu’ ils n’ont rien fa i t pour
eux-mêmes : femblables' au t ornière y qui donne
un grand fpecîacle à la terre, & fa i t Jenti r aux
hommes la grandeur & la puiffance de Dieu y
mais qui n’ efi lui-même qu’un vain fon y & ne
iaiffe après lui que l’ infeÂion de la matière dont
i l éloit le fe u l ouvrage.
L e ftyle épiftolaire même ne rejette point les
Similitudes ,• mais alors il faut trouver comme
fous la main les objets de comparaifon, & ne pas
«lever le ton plus que ne comporte le refte de la
lettre. Z ilia ( Lett. péruv. xjx ) apprécie ainfi les
moeurs des françois Leurs .vertus y mon cher A \a ,
n ont pas plus de réalité que leurs richeffes.
Les meubles que je croyois d’o r , nen ont que
la fuperficie ; leur véritable fubfiance efl de
\ bois : de même ce qu’ ils appellent Politeffe ,
cache légèrement leurs défauts fous les dehors
de la vertu ; mais avec un peu d’attention , on
en découvre aujji aifémènt Vartifice que celui, de
leurs fa u ffes richèffes.
» Les Similitudes bien choifies & tirées des
» grands,fia jets de la nature, dit le P. Bouhours ,
» qui les- défigne fous le nom de Comparaifons ,
» font toujours des penfées nobles . , . LesSira/-
» litudes qu’on tire des arts valent quelquefois
G r a m m . e t Lï t t é r a t . Tom III.
» celles qu’on emprunte de la nature. L’Hiftoire
» fournit encore de belles Similitudes ».
’ » Elles ne peuvent, dit l ’abbé de Befplas (p. 308),
» être trop relevées dans les fujets relevés ». Puis
il ajoûte : » L ’orateur facré doit , plus que les
» autres , s’abftenir de les emprunter des arts . (
J’ôfe avancer que ce précepte eft trop rigide.
Que l ’orateur facré , j’y fouferis, puife le plus
fouvent dans le fpeétacle de l ’univers , dans les merveilles
de la création : mais ne lui interdifons pas
les oeuvres des hommes ni les richeües des arts ,
tandis que le S. Efprit lui-même renvoie les pa-
reffeux aux oeuvres de la fourmi , & que Jéfus—
Chrift, dans l ’Évangile , demande que nous fa/Iions
pour notre falut ce qu’un économe infidèle a l ’adreffe
de faire pour fa fortune.
» Quand l’Éloquence de la Chaire, dit l ’abbé.
» de Befplas , tire fes Similitudes des arts, ce
» n’eft pas une parure j^c’ eft une condefcendance ,
» c’eftpourfe rendre intelligible, c’eft enfin,comme
» dit S. Paul, pour faire toucher en quelque façon.
» la parole ».
J’aime à voir qu’un orateur facré fente auffi vivement
la dignité de fon miniftère j à coup sûr on
n’entendra jamais fortir de fa bouche que des chofes
dignes du T r è s -H a u t au nom duquel il parle:
mais il ne doit pas , par refpeét pour fa profelfion ,
en dédaigner les droits ou même en méconnoître
les devoirs. L ’orateur facré , comme tout autre ,
doit inftruire, doit plaire, doit toucher ; il peut
donc mettre à profit tout ce qui peut l’aider à remplir
l’un de ces trois objets, & prendre par confé-
quent fes Similitudes partout ou il en trouvera de
convenables.
» L ’a r t , la nature, l’Hiftoire les fournirent ,
dit le P. Gaichiez dans fes Maximes ( ch. x jv ,
n°. 4 ) , » les petits fujets auffi bien que les grands ,
» les plus bas & les plus fublimes- Les moucherons
» & les fourmis , le chien qui retourne à fon vo-
» nullement, l ’animal immonde qui fé roule dans
» la boue , donnent dans l’Écriture des inftruétions
» divines. Des chofes fenfibles on monte aux chofes
» abftraites ». •
» Les Similitudes baffes, dit le P . Bouhours ,
» font que les penfées le font auffi. Bacon , qui
» étoit l ’un des plus beaux génies de fon fiècle ,
» dit que l ’argent rejfemble au fumier, qui ne
» profite que quand il ejl répandu : il y a du
» vrai & même de l ’efprit dans cette penfée , mais
• » i l n’y a point de nobleffe ; l ’idée de fumier a
» quelque chofe de bas & de rebutant ».
C e ne feroit pas toujours une raifon pour rejeter
ces fortes de Similitudes , fi elles avoient pour
but de verfer le dégoût fur l ’objet principal 3 je
les croirois alors très-convenables, pourvu qu’elles
n’allafTent pas jufqu’à provoquer des naufees-: d ail-fleurs
il arrive fouvent qu’il n’y a d’offenfant qua
A 1 D d d