
Sffa P R O
(liretienne ; apres quoi elle le livre & l'abandonne
« une nuire lumière, non p as contraire, mais
toute differente & infiniment fupérieure* ( Fonte-
nelle.) |
II. Àdreffer la parole aux êtres infenfibles, aux
perfonnes abfentes, aux morts , eft comme le fécond
degré de la Profopopée : & cette efpèce eft défîgnée
par le nom particulier $Apofirophe. Voyez A p o s t
r o p h e . ^ 1
Parole adreflee a des êtres infenfibles.. Sans cette
p a ix j Flandre, théâtre fanglant aie f e paffent
Jant de Jcenes tragiques , tu aurois accru le
nombre de nos provinces; & au lieu d’ être la
Jource malheureufe de nos guerres , tu ferais au-
y ourdhui le f ruit paifible de nos victoires. ( Fléchi
er. ) v
Aux perfonnes abfentes.
• Çlytemnéftrë s’écrie :
Dans Racine [Ip hïgN .f),
Maïs cependant, ô Ciel ! ô mère infortunée l '
U e feftons odieux ma fille couronnée
•Tend la gorge aux couteaux par fon père apprêtes
Calchas va dans fon fang . . . Barbares , drrêtei ;
eft lep u r fang dit dieu'qui lance le-tonnerre. . <■.
Aux morts. Dorme^ votre fommeil, Riches de
la. , terre , , 6- demeure-^ dans votre pouffière. - A h !
Ji quelques générations , que dis-je ?' f i quelques
atmees âpre# ‘ vous reveniez, Hommes oublies
au monde i vous vous hâterie3 de rentrer dans
vos tombeaux-, pour ne.voir passo ire nom terni,
votre memotre abolie, & votre prévoyance 'trompée
dans vos anus , dans.y os^ créature s , & nlus
(n£safê)s B&sis & din/ vv
IIJ. Le troifième, Iefublime degré û e la iV o -
Jopopee, eft de prêter la parole aux abfents , aux
nrorts, aux etres infenfibles ; fort réels , foit pu-
lement moraux & mélaphyfiques.: & l ’on fentbien
Ç[U alors ces difeours feints doivent être adaptés
avec art & avec goût aux circonftances qui y donnent
lieu , tant par raport, aux idées que par raport 'au
L ’orateur porte quelquefois la fidlion jufqu’î fe
placer lui-même dans une autre conjoncture & |
fe prêter un difeours. qui s’y raporte- C ’eft lé premier
exemple que je citerai : il eft tiré de Trte-
L iv e (L ib . x x x i v , cap. i j ) , dans le-,difeours de
Laton le ..cenfeur ,-alors conful, tcontre le luxe
des femmes, & en faveur de la loi.Oppia , quidon-
o°it à,çe luxe; des- bornes très-étroites :
Equidem non fine Ce n eftpas , je l ’avoue,
rubore quidam,paulo lins une forte de honte, que
ante , per mtdïum-ag- je viens de. traverfer une ar-
pien mulicrurn\ in f ô - mée de femmes pour arriver
tïtni perverti. Quod â la place publique. Si-, re-
nifime verecundiafin- tenu par ce qui eft. dû dejref-
gulaniih magis ma- peâ-à la dignité & à ia pn-
je fia tis & pud’oris.d e ù r de chacune, plus que
P R 0'
quant univerfarum , par la eonfidéraflon de la
tenuijjec , ne com- multitude, je n’avois voulu
pellatoe à confiule vi- leur fauver la honte d’être
derentur ; dixijfem : réprimandées par un conful •
Qui hic'mos eft in Quelle eft cette manière \
rublicum procurrendi, leur aurois-je dit, de courir
& obfidendi vias, & en P u b lic , d’ajfiéger les
viros alienos appel- rues, de folliciter deshom-
landiîlftudipfumfuos mes qui vous font étran-
quæque do mi rogare gers ! Ne pouviez-vous de-
nonpotuiftisî Anblan- mander chacune chez vous
diores in Publico quam la meme grâce àvosmaris?
in Privato , & alienis V o s charmes font-ils plus
quam veftris, eftis ? puijfants en Public que
Quanquam ne dorai dans le Particulier, fj fu r
quidem vos, fi fui juris des étrangers que fu r vos
hnibus matronas con- époux l E t encore f i la pu-
fcineret pudor , quæ dqur retenait les dames dans
leges hic rogarentur les bornes de leur état, il ne
abrogarenturve curare convenait pas que, même
decuit. chez vous, vous vous mélajiefi
des lois qui f e fan t
ou s'abrogent, ici.
Caton, dans le même difeours ( Ib. cap.yr ) ,
prête à l ’une de ces dames un difeours fort v if fur
leurs, prétentions : ■
U t , quod alii li- Quoiqu’une permiifion, qui
ceat tibinon licere, accordée.a une antre vous ie—
aliquidfortajje na- roit refufée , dût peut-être na-
turalis autpudoris 'turellementvousinfpirerquel-
aut indignationis q>tie fentiment de honte ou
habçat ; f i c , oequato d’indignation ; dès que la pa-
omnium cultu, quid. rare eft, la même: pour toutes ,
unaquaeque. yefiruni pourquoi chacune de vous
yeretur ne in fe craint-elle d’être remarquée
confpieiatur ? P eft- feule î. II. eft horrible, j’en
fimus quidem pudor conviens , d’avoir à rougir de
efivel parcimonie fa lefine. ou de .Ta pauvreté ;
vel pauperpatis ;.fed mais la lo i vous fauve de ce
utrumqite lex y obis double inconvénient, puifqne
dém it, quam id vousuètes-privées qaeclece
quodhabere non licet qu’i l eft-illicite d’avoir; C ’ejl
non habetis. Hanc,- précifément, dit .une dame ,
inquit, ipfam exæ- cette égalité que je ne peux
quationem non fero ; fo u frir ; & c’eft une femme
dlu /peuples. Cur opulente. Pourquoi ne me
non infignis auto & verroipon pas brillante d’or.
purpurâ- confpi'cîor ? 8 die pourpre ? pourquoi, la
cur paùpertas alik- 'pauvreté des autres èft-elle
rüm fùb liée lêgjs-i/2 bien, cachée, a l ’ombre de
fpecie latét, ut,.quod- cette lo i ,, que ce qi!elles ne
habere non pofiunt, peuvent avoir , i l femble
habi'turoe fi liceret qu’elles l ’auroient eu s ’il
fuiffe videantur?' jv«/- étoit permis 1 Vouiez-vous
tis Hoc certamen Romains , inipirer. à vos fem-
uxoribus veftris in- mes cetté' émulation, que les
jiceje , Quintes-, ut riches veuillent avoir ce que
divites id habere nulle autre ne peut fe pro-
velint quod null'a curer;, & que les pauvres..
wjjtfèjà po(fit j paupe- pour ne pas tomber par la
T e s , ne ob hoc ipfum dans le mépris , depenfent
comemnajitur,, fie- au delà de leurs facultés ?
prci vires f e exten- AfTûrement 5 des qu on rou—
dantl Noe,Jîmulpu- gira de ce qui ne doit point
de te quod non opor- faire .honte , on ne rou-
tet coeperic , quod gira plus de ce qui doit en
opor u t non pudebit. faire.
On fent quel peut être l ’effet de cette figure
magnifique : mais elle devient encore bien plus
frapante , lorfqu’elle ofe faire parler les morts.
Voyez quelle fu'blimité dans le tour que prend
Fléchier pour affirmer la vérité d.es éloges qu’il
donne au duc de Montaufier : Vous fave\ que
la flatterie n a pu régner ju fq iiic i dans les
difeours qae f a i fa i t s : ô ferai-je dans celui-ci ,
où la françhife & la candeur fon t le fu je t de
nos éloges , employer la fiction & le menfonge ?
Ce tombeau s ’ouvriroit > ces offements fe rejoindraient
& s ’animer oient pour me dire : » Pour-
» quoi viens-tu mentir pour moi, qui ne mentis
» pour perfonne ? Ne me rends pas un honneur
» que je n’ai pas mérité , a moi qui n’en voulus
» jamais rendre qu’au vrai mérite. Laiffe-moi re-
» pofer dans le lein de la vérité , & ne viens pas
» troubler ma paix par la flatterie que j’ai haïe.
» Ne diffimule pas mes défauts, & ne_m’attribue
» pas mes vertus loue feulement la miféricorde
» de Dieu, qui a voulu m’humilier par les uns &
» me fanétifier par les autres
Cette efpèce de Profopopée femble ôfer encore
davantage , quand elle va jufqu’à donner, aux
chofes infenfibles, nos propres fentimenls & notre
manière de le s exprimer". Boileau , à la fin du'
fécond chant de fon immortel Lutrin , nous en
donne un exemple admirable, où il perfonnifie la
Molleffe en la peignant de Ces couleurs proprés,
& la fait parler d’après le caraâère qui lui convient
le plus. Voyei Astéisme, où j’ai cité ce beau-
morceau. *-
L ’Anthropologie ,. je l ’ai dit en fon lieu , n’efî
que l ’ efpèce de Profopopée , par laquelle les
hommes , fans en excepter même les écrivains
facrés , font obligés , en parlant de Dieu , de lui
attribuer des parties corporelles, un langage, des
goûts j des affeftions, des pallions , des a&ions,
qui ne peuvent en effet convenir qu’aux hommes.
Voye\ A nthropologie & Anthropopathte.
Je vas finir par un exemple de la plus grande
beauté j G’eft un morceau d’Ifaïe , traduit par Louis
Racine : le prophète , après avoir annoncé aux
juifs leur délivrance de Babylone & la punition
de leur tyran , leur met tout à coup dans la bouche
, par une Profopopée magnifique , ce cantique
admirable , rempli lui-même de toutes les efpèces
de Profopopées. Je raporterai les. vers j mais il faut
voir cet admirable morceau dans le texte même.
W - 4— I I . ),
Comment eft difjiaru ce maître impitoyable ?
Et comment du tribut donc nous fumes chargés
Sommes-nous foulages' ?
Le feigneur a brifé le feeptre redoutable
Donc le poids accabloit les humains languiffantS|
Ce feeptre qui frapoic d’une plaie incurable
Les peuples gémiffants.
Nos cris font apaifés, la terre eft en filence.
« Le Seigne.ur a dompté ta barbare infolence»
» O fier & vigoureux Tyran !
» Les Cèdres mêmes du Liban
m Se réjouï{lent de ta perte :
ce I I eft morf ,. difent-ils j & l ’ on ne verra plus
» La montagne couverte
33 Des reftes de nos troncs par le fer abattus.
33 Roi cruel, ton afpect fit trembler les lieux fombres-î
33 Tout l’enfer fe troubla 5 les plus fuperbes ombres
a Coururent pour te voir j
» L e s rois des nations, defeendant de leur trône,
» ’ T ’allèrent recevoir.
33 Toi-même, dirent-ils, ô Roi de Babylonet
” Toi-même, comme nous , te voilà donc percé i
33 Sur la poufjilre renverfé,
ce D e vers tu deviens la pâture,
33 E t ton l it eft la fange impure !
a> Comment es-tu tombé des ci eux.,
33 A tire brillant, Fils de l’Aurore?
»» Puiffant R o i , Prince audacieux,
» La terre aujoârdhui te dévore.
33 Dans ton coeur tu difois : Dieu même pareil 3
» J ’établirai mon trôné au de f u s du f o le i l,
»> E t pris de l ’ Aquilon fur la montagne fainte
33 J ’ irai m’ ajfeoir, fans crainte ;
33 A mes pieds trembleront, les humains éperdus :
oï T u le difois , & tu n’es plus.
» Les paffants: qui verront ton cadavre paroître ,
ai D iro n t, en fe baiflàntpour te mieux reconnoître ;;
33 E ft-ce là ce mortel qui troubla l ’univers , /
» Par qui tant de captifs foupiroient dans les fersr
a» Ce mortel dont le bras détmijit tant de villes ,
ai Sous qui- les champs les plus fertiles
sa Devenaient d’arides déferts ?
a» Tous les rois de la terre ont de la fépulture
»a Obtenu le dernier honneur :
a> T o i feul privé de ce bonheur,
ai En tous lieux rejeté , l’horreur de la nature,
ai Homicide d’un peuple à tes foins confié ,
» D e ce peuple aujourdhui tu re vois oublié,
ai-Qu’on prépare à la .mort fes enfants ‘miférables }■
aa . La race des- méchants ne fub liftera pas :
aa Courez tous à fes fils annoncer le .trépas;
»• Qu’ils périffent. L ’auteur de leurs jours déplorables
a>- Les a remplis de fon iniquité ;
aa Frapez, faites fortir de leurs veines coupables
aa T ou t le malheureux fang_ dont ils ont hérité