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propolîtion qui en eft la conféquence , comme,
y v o u s à bout de votre deffein, vous ne
ferie\ ou vous ne fere\ p as plus heureux ; dans
ces proportions, dis-je , l ’Uiàge de notre langue
eft: de mettre au Subjonctif le verbe de la proposition
hypothétique fans aucune conjonction précédente
, & de mettre le fujet après le verbe. C ’eft
ainfi que Cléopâtre , dans la Rôdogune du même
Corneille (V. i ) , dit dans des vers que le commentateur
n’a pas cenfurés :
D û t le p eu p le , en fureur pour fe s maîtres n o u v e a u x ,
D e m o n fan g od ieu x arroier leurs tomb eaux ;
D û t le parthe v engeur me trouver fans d é fen fe ,
D û t le C ie l égaler le fupplice à l ’ o f f e n f e :
T r ô n e , a c a b a n d o n n e r je ne puis consentir*
C eft a dire , Quand la chofe feroit de manière
que le peuple dut . . . que le parthe dût . . . .
que le Ciel dût , . . Ce qui marque bien l ’hypo-
thèfe,*
Mais la phrafe eenfurée du Polyeucte eft pareillement
hypothétique , puifqu’elle lignifie aulîi , fi
la chofe efi de manière que cette croyance fo it
faujfe ou véritable ; elle eft conftruite comme les
autres propositions hypothétiques que l ’on vient de
citer, & conformément à la lo i que prefcrit notre
Grammaire : que faut - il de plus pour la natura-
lifer ?
Eh n eft - elle pas déjà reçue prefquè- en mêmes
termes, & cependant fous une autre forme , quand on
d it, par exemple , Soit que j e me trompe ou que je
ne me trompe pas ? Car ce f o i t , qui eft à la tête,
n eft pas différent, quoi qu’on en puiffe dire , de
celui de Corneille : il eft abfurde de le regarder
comme^une conjonction ; c’eft le Subjonctif du
verbe etre ,• il fuppofe un que précédent , & une
proposition principale à laquelle il doit être fubor-
donne , par exemple ( fuppofez que la chofe )
fo i t ( de manière ) que je me trompe ou que j e ne
me trompe pas ,• & pour achever la parité , la prétendue
conjonction fo it ne s’emploie que dans des
propoli tionS'hypothétiques.
Ne dit-on pas tous les jours, Vienne qui vou-t
dra- , Arrive ce qui pourra? & ce font auffi des
propositions hypothétiques., qu’on traduiroit, li
on vouloir, comme Voltaire a traduit le vers de
Corneille ; Que qui voudra vienne, Que ce qui
pourra arrive. )
i° . Ceux de nos grammairiens françois qui éta*
bliiTent une troilîème perfonne Singulière & une
troisième perfonne piurièle dans nos impératifs ,
font encore dans' la même erreur. Qu’ils y prennent
j^arde, la fécondé du Singulier & les deux
premières du pluriel ont une forme bien différente
* *es. prétendues troisièmes perfonnes; f a i s , fefons,
fa ite s ,• lis , lifons, lije^ ,* écoute , écoutons ,
écoute^ ; &c : ce font communément des perfonnes
. de l ’indicatif, dont on fupprime les pronoms per-
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fonnelsy & cette fuppreffion même eft la forme qui
conftitue l ’impératif ( Voye\ Impératif ). Mais
c’eft tout autre chofe à la prétendue troisième perfonne
; q u il ou quelle fa f fe , qu’i l ou quelle Life,■
q u il ou quelle écoute, au Singulier; qu’ ils 01*
quelles fa ffen t, quils ou qu’elles lifent, qu’ ils
ou qu’elles écoutent, au pluriel; il y a ici.des
pronoms perfonnels, une conjonction: que, en un
mot, ces deux troisièmes perfo.nnes prétendues impératives
, font toujours les mêmes, dit Reftaut
( chap. v j , art. 3 ) , que celles du préfent du Subjo
n c t if
Or je le demande , eft-il croyable qu’aucune vite
d’analogie ait pu donner des formations Si différentes
aux perfonnes d’un même temps, je ne dis pas par
raport à quelques verbes exceptés, comme chacun
fent que cela peut être > mais dans le fyftême entier
de la conjugaifon françoifè ? Ce ne feroit plus analogie
, puifque des idées femblables auroient des
lignes différents, & que des idées différentes y auroient
des lignes femblables ; ce feroit anomalie &
confufîon.
Je dis donc que les prétendues troilièmes perfonnes
de l ’impératif font en effet du Subjonctif,
comme il eft évident par la.forme confiante qu elles
ont , & par la conjonction qui les accompagne
toujours : j’ajoâte que , dans toutes les occalions ou
elles paroiffent employées dire (fie ment, comme il
convient en effet au mode impératif, il y a nécef»
fairement une E llip fe , fans le fupplémenc de laquelle
il n’eft pas poJîible de rendre de la phrafe
une bonne raifon grammaticale. Qu’ i l médite beau*
coup avant d’écrire , -c’eft à dire, i l fa u t , i l efi nécejfaire, i l efl convenable, je lui eqnfeille ,
&c , qu’i l médite beaucoup avant d’écrire : Qu’elles
ayent tout préparé quand nous arriverons
c’eft à dire, par exemple, j e défire ou je veux
quelles ayent tout préparé.
Mais , dira-t-on, ces fuppléments font dilparoître
le fens-impératif que la forme ufuelle montre nettement
; donc ils né rendent pas une jufte raifon
de la phrafe. Il me femble, au contraire , que c’eft
marquer bien nettement le fens impératif, que de
dire, je veux , je défire , je confeille ( voyez Impératif')
; & fi l ’on d it , i l fa u t , i ï efi nécejfaire ,
i l efi convenable ; qù’eft - ce à dire , finon la loi
ordonne , la raifon rend nécejfaire ou impofe la
néceffité, la bienféance ou la convenance exige ? &
tout cela n’eft-il pas impératif?
C ’eft donc la forme de la phrafe, c’eft le tour
elliptique qui avertit alors du fens impératif ; &
il n’eft point attaché à la forme particulière du
verbe , comme dan$_les autres perfonnes : mais la
forme de la phrafe ne doit entrer pour rien dans
le fyftême de la conjugaifon, où elle n’eft nullement
lenfible. Que je dife à un étranger que ces
mots ’ qu’ i l faffe font de la conjugaifon du verbe
faire , il m’en croira : mais que je lui dife que c’eft
la croifième perfonne de l ’impératif, & que la
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fécondé èft fa i s ; je le dis hardiment, il ne m’en
croira pas , s’il raifonne jufte & conféquemment.
S’ilconnoît les principes généraux de la Grammaire,
& qu’il fâche que notre que eft une' çonjonârion ,
je ne doute pas qu’il n’aille, jufqu’à voir que ces
mots q u il fa ffe font du Subjonctif’, parce qu’il n’y
a que des formes fubjonctives qui exigent indift-
penfablement des conjonctions.
3 0. Partout ou l’on trouve le Subjonctif, il T
a ou il faut fuppléer une conjonction qui puiffe
attacher ce mode à une phrafe principale. Ainfi, dans
ces vers d’Horace ( II. Ep, j , 1 ) ;
Quum tôt SUSTIWEAS & tanta negotia f o l us;
Res italas armis T V T E R IS , moribus ORNES,
Legibus EMENDES : mpublica commoda EECCEM,
S i longo fermone MO RE R tua tempera, Ccefar:
Il faut néceflairement fuppléer ut avant chacun
de ces Subjonctifs , & tout ce qui' fera néceflaire
pour amener cet u t ; par exemple, Quum res eft
ita ut tôt SVSTINEAS & tanta negotia fo lu s ,*
ut res italas armis T u t ER 1 s , ut res italas
moribus ornes , ut Res italas legibus emendes ;
res erit ita ut ira public a cùmmoda peccem , fi res
erit ita ut longo fermone morer tua tempora ,
Ccefar.
Ferreus essem , f i te non a m a r e m ( Cic.
Ep. xv , z 1 ) ; c’eft à dire, Res ita jam dudum fuit ut
ferreus essem , f i unquam res fuit ita ut te non AMAREM.
P ace tua d îx e r im , c’eft à dire , Ita concédé ut pace tua d ix e r im .
Nonnulli etiam Ctefari nuntiabant , quum
cafira moveri aut fîgna ferri JUs s is s e t , non
fore diclo audientes milites (Cæf. 1. Gall.) ; c’eft
à dire , quum res futura erat ita ut cafira moveri aut
figna ferri JU ssîssET.
La néceffité d’interpréter ainfi le Subjonctif eft
non feulement une fuite de la nature connue de
ce mode ,• c’eft encore une chofe en quelque forte
avouee par nos grammairiens, qui ont grand foin
de mettre la conjonction que avant toutes les perfonnes
des temps du Subjonctif, parce qu’il eft
confiant que cette conjonction eft effencielle à la
fyntaxe de ce mode ; que j ’ aime, que j ’aimajfe ,
que j ’aye aimé , &c. Les rudimentaires eux-mêmes
ne tràduifent pas autrement le Subjonctif latin dans
les paradigmes des conjugaifons: Ameiji > que j’aime ;
amarem , que j’aimafle ; amaverim, que j’aye aimé,
é/c. On trouve , dans les auteurs latins , plufieurs
phrafes où le Subjonctif & l’indicatif paroiffent
réunis par la conjonction copulative , qui ne doit exprimer
qu’une liaifon d’unité fondée fur la fimili-
tade ( Voye\ Mot , art. II, n. 3 ). Les grammairiens
en ont conclu que c’étoit une Ënallagé, en vertu
de laquelle le Subjonctif eft mis pour l’indicatif.
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Mais en vérité c’eft connoître bien peu jufqu’à quel
point eft raifonnable & conféquent ce génie fupé-
rieur qui dirige fécrètement toutes les langues, que
de croire qu’i l puiffe fuggérer des locutions fi contraires
à fes principes fondamentaux , & conféquemment
fi uuifibles à la clarté de l ’énonciation, qui
eft. le premier & le plus effenciel objet de la parole.
L ’Énallage eft une chimère , inventée par les
grammatiftes qui n’ont pas fu analyfer les phrafes
ufuelies ( V o y e \É n a l l a g e ). Chaque temps,
chaque mode, chaque nombre , & c , eft toujours
employé conformément à fa deftination ; jamais
une conjonction copulative ne lie des phrafes difc
femblables , comme il n’arrive jamais qu ’amure
fignifie Haïr , que .ignis fignifîe eau , &c : l ’un
n’eft ni plus pofuble ni plus raifonnable que l’autre..
Que falloit-il donc conclure des phrafes où la
conjonction copulative femble réunir l’indicatif &
le Subjonctif? par exemple, quand on lit dans
Plaute; Eloquere quid tibi e s t , &. quid nof-
tram v ELIS operam; & ailleurs; Nunc dicam
cujus juffu t e n u ) , & quamobrem v e n e r im ,
&c ? V o ic i, fi je ne me trompe ,. comment il fal-
loit raifonner. La conjonction copulative.. & doit
lier des phrafes femblables ; or la première phrafe ,
quid tibi e s t d’une part, ou cujus juffu VEVIO
de l ’autre, eft direCte , & le verbe en eft à l ’indicatif
; donc la fécondé phrafe , de part & d’antre,
doit également être direCte & avoir fon verbe à
l ’indicatif: je trouve cependant le Subjonctif ; c’eft
-qu’il conftitue une phrafe fubordonnée à la phrafe
direCte qui doit fuivre la conjonction, dont l ’Ellipfe
a fupprimé le verbe indicatif, mais dont la fup-
preflion eft indiquée par le Subjonctif même qui
eft exprimé. Ainfi , je dois expliquer ces paffages
en fuppléant l ’Ellipfe : Eloquere quid tibi e s t ,
& ad quid res ,e s t ita ut noflram T ELIS operam ;
& l’autre, Nunc dicam cujus juffu F EN 10 , &
quamobrem faCtum est ita ut venerim.
Mais ne m’objeCtera-t-on point que c’eft innover
dans la langue latine , que d’y imaginer des fuppléments
de cette efpèce ? Ces* res efi, ou erat, ou
futura e f i ou futura erat ità ut, factum efl
ita u t , & c , placées partout avant le S ub jon c tif,
femblent être » des exprefilons qui ne font point
» marquées au coin public, des expreffions de
» mauvais aloi , qui doivent être rejetées comme
» barbares ». Ainfi s’exprime un grammairien moderne
, dans une fortie fort vive contre SanCtius.
Je ne me donne pas pour l ’apologiite de ce grammairien
philofophe : je conviens au contraire qu’avec
des vues générales très - bonnes en foi , il s’eft
fouvent mépris dans les applications particulières;
& moi-même j’ai ôfé quelquefois le cenfurer : mais
je penfe qu’il eft exceffïf au moins de dire que
certaines expreffions qu’il a prifes pour fupplément
cTEllipfe , » ne fo-nt les productions que de l ’igno-
» rance On ne doit parler ainfi de quelqu’un en
particulier , qu’autant que l ’on feroit sur d’ être
I i i a