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deflin régulier & fini. Voyez l ’E jp d fu r l ’union
de la hoèjie & delà Mu jique. {M. M a r m o r -
TBl . )
P É R IO D IQ U E , adj. Grammaire & Rhétorique.
i l fe dit d’un ftyle ou d’un difeours qui a
du nombre ou de L’harmonie , ou qui eft compcfé
de Périodes travaillées avec art. Voye^ Nombre.
L e jù f i t périodique a deux avantages fur le ftyle
coupé : le premier, qu’il eft plus harmonieux; le
fécond, qu’il tient l ’efpHt en fufpens. La Période
commencée, l ’efprit de l ’auditeur s’engage & eft
obligé de fuivre l ’orateur jufqu’à la fin; fans q uoi,
i l perdroit le fruit de l ’attention qu’i l a donnée
aux premiers mots. Cette fufpenfion eft très-agréable
a l’auditeur, elle lè tient toujours éveillé &
en haleine : ce qui prouve que le ftyle périodique
eft plus propre aux difeours publics que le ftyle
coupé , quoique celui-ci n’en doive pas être exclu ;
mais le premier doit y dominer. ( A n o n ym è . )
PÉRIPHRASE, f. f. Rhétor. C-’eft à dire, Circonlocution
, détour de mots ; figure dont Quintilien
a fi bien traité(//V. v i n , c. vj. || Pluribus verbis ,
quum id quoduno autpaucioribus dici potejl }ex-
plicatur, Periphrafim v a c a n t circuitum loquendi ;
qui nonnunquam necejjitatîm habet, quoties diclu
deformia operit . . . . Intérim ornaturh petit
folum , qui ejl apud poetas frequentiffimus > &
apud oratores non ram s , femper tamen adfiric-
tior. I l eft~ de la décence de recourir aux Périphrases
, pour faire entendre les chofes qu’il ne
-convient pas de nommer. Ces tours d’expreffion
font fouvent néceffaires aux orateurs. La Périphrafe
, en étendant le difeours, Te relève ; mais
i l la faut employer avec choix & avec mefure , pour
qu’elle Çoii àrationis dilueidior circuitio , & pour
y produire une belle harmonie.
Platon, dans une orailon funèbre , parle ainfi :
« Enfin, Meilleurs , nous leur avons rendu les der-
» niers devoirs , & maintenant ils achèvent ce fatal
». voyage ». Il appelle la mort ce fa t a l voyage ;
enfuite i l parle des derniers devoirs comme d une
pompe publique , que leur pays leur avoit préparée
exprès pour les conduire hors de cette vie.
De même Xénophon ne dit point, Vous travaillez
beaucoup ; mais « Vous regardez le travail comme
» le feul guide qui peut vous-conduire à une vie
heureufe ».
L a Périphrafe fuivante d’Hérodote eft encore
plus délicate. La déeife Vénus, pour châtier l ’in-
iblence des feythes, qui avoient ©Je piller fon
temple, leur envoya une maladie qui les rendait
femmes. I l y a dans le grec ^«AuVav »«o-oy ; c’eft- vrai-
femblablement le vice de ceux dont S. Grégoire
de Naziance dit qu’ils font
K runa.s cuny/tU. , xj ypnÿos irutlai ,
A ytTjjfif y viatel icj y v'taAv.is «vJWfiv.
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Un paffage du feoliafte de Thucydide eft dccifif.
Il parle de Philoâète , <ju: 'on fait avoir été'puni par
Vénus de la même maniéré qu’Hérodote dit qu’elle
punit les feythes.
Cicéron, dans fon plaidoyer pour Milon, ufe
d’une Périphrafe encore plus -belle que celle de
1 hiftorien grec. Au lieu de dire que les efclaves
de Milon tuèrent Clodius, il dit : Fecerunt fervi
jVLilonis, ne que imperante, neque fc.iente , neque
praefente domino , id quodfuos quifque fervos
in tali re facere voluiffet. Cet exemple , aufli
bien ^üe celui d’Hérodote , entre dans le tropê
que Ion nomme euphémij,me, par lequel on dé-
guife les idées défagréables , odieufes , ou triftes^
tous des noms, qui ne font point les noms propres
de ces idees : ils leur fervent comme de voiles ; &
ils en expriment en apparence de plus agréables ,
de moins choquantes, ou de plus honnêtes, félon le
befoin.
L ’ufage de la Périphrafe peut s’étendre fort
loin , & la Poéfie en tire fouvent beaucoup d’éclat;
mais il faut alors qu’elle jaffe une belle image. On
a eu raifon de blâmer cette Périphrafe de Racine y
dans le récit 'de. Théramène ;
Cependant, fur le dos de la plaine liquide r
S’élève à gros bouillons une montagne humide r
une montagne humide qui s’élève à gros bouillons
fur la plaine liquide, eft proprement de l ’enflure.
Le dos de la plaine liquide eft une métaphore
qui ne peut fe tranfporter du latin en
françois ; enfin, la Périphrafe n’eft pas exacte 3 &
fort du langage de la Tragédie.
Mais les deux vers fuivants , /
Indomptable taureau, dragon impétueux,
Sa croupe fe recourbe en replis tortneux j
ces deux vers , dis-je , font bien éloignés d’être une
Périphrafe gigantefqùe ; c’eftdela grande Poéfie,
où fe trouve la précifion du deflin & la hardieffe
du coloris. Oublions feulement que c’eft Théramène-
qui parle. ( Le chevalier d e J AU COURT. ) '
_ ( N. ) P É R I P H R A S E , f. f. C'efl un mot
d origine grèque. rhp/tppatn? , circumlocutio ;
RR. -rtfi , circum , 5c <pfa£<o ,‘ loquor. La P é r iphrafe
eft une figure de penfée par dèvelopement,
dans laquelle,, au lieu de l ’expreftïon fimple qui
rendroit l’idée immédiatement & fans a p r ê t o n
fe fert d’une expreffion plus étendue , qui dèvelope
les idées partielles de celle que l ’on veut faire
entendre faris la montrer directement.
Pour être un véritable ornement dans le difeours,
la Périphrafe ne doit point y paroître fans un
jufte fondement ; autrement, ce né feroit plus
qu’une circonlocution vicieufe. Foye\ Circonlocution.
Différents motifs font recourir à cette
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figure; & les expreflions qu’on y emploie doivent
alors être adaptées au motif.
I. On y a recours par bienféance , lorfqu’on a
befoin d’exprimer certaines chofes. qu’on ne peut
exprimer par leur nom fans pécher contre l ’honnêteté.
Maimbourg parle ainfi de la mort d’Arius :
JJ effet de cette -crainte fu t f i prompt & f i violent
, que , fe fentant prefTé d’une néceffité natu- ~
re lie , il fu t obligé de fe retirer à la hâte dans
un lieu public qu'on lui montra tout joignant
la place ,* & là i l mourut fu r le champ d'un horrible
genre de mort.
II. Par délicatçfle , pour relever des chofes com-
. munes ou baffes. Ces foudres de bron\e, dit
Fléchier, que Venfer a inventés pour la defiraction
des hommes ; c’eft à dire, les canons.
Voltaire , au lieu de direfimplement , Demande^
à Silva comment f e forme le chile & le fu n g ,
anoblit ces idées par une Périphrafe : ■
Demandez à Silva , par queffecret myftère
Ce pain, cet aliment, dans mon corps digéré,
Se transforme en un lait doucement préparé $
Comment, toujours filtr é dans fies routes certaines,
En longs ruijfeaux de pourpre i l court enfier mes veines.
III. Par néceffité , quand il s’agit dé traduire , &
que l’une des deux langues , comme cela arrive
fouvent, n’a point de terme qui foit le jufte équivalent
de celui de l ’autre idiome.
Sallufte, par exemple* dit de Catilina ( Bell..
Caïil. V . ) qu’il, étoit ingenio malo pravoque :
les deux adjectifs malo & pravo, qui font fyno-
nynies , fembleroient pouvoir fe rendre par un feul
dans notre langue , ainfi que l ’a fait l ’abbé de Caf-
fàgne, qui dit qu5// avoit de très-méchantes inclinations
; mais ce n’eft pas rendre Sallufte. Le
r . DotteviUè , fans rendre l ’ingenio , met deux
adjeétifs françois à la place des deux latins , & dit
de l ’homme , qu’/7 étoit pervers & corrompu ;
mais ces deux adje&ifs font-ils de juftes équivalents,
& le font-ils bien clairement ? Qu’on me pardonne
fi je me cite en exemple; ce n’eft pas que je prétende
me donner pour modèle , je ne veux que
faire entendre ma penfée fur l ’ufage de la ? w -
pAra/èdansle cas dont il s’agit : j’ai donc cru devoir
rendre la valeur de ces deux termes , en développant
les idées acçefToires comprifes dans leur lignification
refpeâiVe, i l étoit d'un caractère porté
au mal, par nature & par habitude y c’eft , je
crois, lé véritable fens de Sallufte , puifqu’il eft
avoue que MA LU s efi naturâ , P r A v u s exer-
citio & ufu. On m’a confeillé de dire, dans mes
dernières éditions, i l f toit d'un caractère méchant
& dépravé : j’ai l ’a ir , j’etfeonviens , d’ être plus près
de la lettre de l ’hiftorien; mais fuis-je aufli près de
fa penfée ?
De même, fi l’on avoit à traduire en latin le
«om Perruque : comme, ce mot exprime une idé
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faéliçe inconnue aux anciens, ils ne nous ont laifle
aucun terme qui y correfpondé ; nous ferions donc
forcé de recourir à la Périphrafe, & de dire Coma
adfcititia (Chevelure empruntée d’ailleurs).
IV . Par énergie, dans l ’intention de dèveloper
fpécialement certaines idées partielles, fur lefquellçs
on fonde ce que l’on avance. Joad, par exemple,
auroit pu dire firaplement â Abner, Dieu fa it
bien des méchants arrêter les complots ,• mais
Racine, qui vouloit mettre dans la bouche du grand
prêtre & la maxime & la preuve, l ’a prife dans
une idée partielle de celle de Dieu, dans l'idée d’un
miracle de fa toute - puiffance :
Celui qui met un frein h la fureur des flots ,
Sait aufli des méchants arrêter les complocs.
L ’Antonomafe ( voye\ ce mot ) , qui eft une
efpèce de Périphrafe , ne doit , pour faire un bon
effet dans le difeours, y être employée que dans de
pareilles vues.
V . Par Euphémifme ( voye% ce mot ) , pour
adoucir des idées qui pourvoient paroître dures 6c
révoltantes. Cicéron , contraint d’avouer que les
gens de Milon avoient tué Clodius $ n’a garde d’en
faire l ’aveu fans précaution-; c’eût été perdre fa
partie : mais en ufant de Periphrafe , il déguifè
l ’horreur de ce meurtre fous une idée , qui ne
pouvoic déplaire aux juges & qui fembloit même
les intéreffer , d’autant plus qu’i l a d’abord montré
la chofe comme un guet-apens de la part de Clodius
:
Fecerunt id fervi M i- Les efclaves de’Milon
lonis ( dicam enirn , non ( car je le- dirai, non pour
derivandi criminis eau- éluder l ’accufation , mais
fa , fed ut factum efi) comme le fait s’eft paffé)
neque imperante ,. neque firent fans l ’ordre de leur
feiente, neque praefente maître , à fon infu , loin
domino , quodfuos quif- de fes regards , ce que
que fervos in tali re fa - chacun auroit défiré que
ceYe voluiffet. Pro Mi- fes efclaves euflent fait
lône. x . ip . en pareille occafion.
VI. Par goût, pour orner & embellir l ’élocution
c’eft un fonds où puifent quelquefois les
orateurs , principalement dans le genre démonftra-
tif ; mais c eft furtout pour lespoèies une mine abondante.
M. Thomas, admirant la tranquilité de M. le
Dauphin au moment de f a mon, fubftitue â ces
quatre mots une Périphrafe admirable : Quoi ?
dit-il, dans le moment oit tout échape, où. le
trône s'enfonce & ne laiffe voir à f a place qu'un
tombeau qui s'ouvre ; quand tous les êtres qui
environnent l'âm.e s'en détachent & fe reculent ;
quand les jen s qui la lient à Vunivers fe retirent
; quand les r effort s de la machine crient &
Je rompent ; lorfque le temps n*eft plus que le
calcul lent Ù affreux de la defirucîion ; quand