à l ’Éloquence (ont ceux qui donnent lieu à cette
variété harmonieufe & raviffante; & les ouvrages
ou elle règne font du petit nombre de ceux dont
on ne fe laffe jamais. (M . M ARMONT EL.)
SIM P L IC ITÉ , f. f. , A r t orat. La Simplicité,
dans l ’Élocution , eft une mânière de s’exprimer,
pure , facile , naturelle , (ans ornement, & où l ’art
ne paroît point ; c’eft affùrément le caractère de
Térence. La Simplicité d’expreflion n’ôte lien à
la grandeur des penfées , & peut renfermer, fous
un air négligé , des beautés vraiment précieufes.
Heureux qui fe nourrie du lait de fes. brebis ,
E t q u i de leur to ifo n voit filer fes habits ;
Qui ne fait d ’autre mer que là Marne ou la Seine,
E t croie q u e to u t finit o ù fin it fon domaine ! ,
Voilà une peinture jimple & charmante de latran-
quilité champêtre, parce que c’eftTexpreflion naïve
des chofes par leurs effets.
L a Simplicité fe trouve dans l’Ode avec dignité.
L e C i e l , qui d o it le b ien fé lon qu’o n le mérite,
S i de ce g rand o rac le i l ne t ’ eût aififté,
P a r un autre préfent n’eût jamais été quitte
E n ve r s ta piété.
Cette (lance de Malherbe , dans (on ode à
Louis X I I I , eft d’une parfaite Simplicité y les deux
(lances fuivantes méritent encore d’être citées.
L e fameux Amphyon, d o n t la v o ix nom pareille,
Bê t ifian t une v i l l e , é tonna l’ univers ,
Q uelque bruit qu’i l ait “eu, n ’ a point fait de merveille
Q u e ne faffent mes vers.
P a r eu x de tes hauts faits là terre fera p leine ;
E t les peuples du N i l qui les au ront ou ïs
D o n n e ro n t de l ’e n c e n s , comme ceux de la S e in e .
A u x autels cfe Louisf
L e même poète va me fournir un exemple plus
parfaitSoxseSimplicité admirable ; c’eft dans faPara-
phrafe du P (baume 145 :
E n vain , pour fatisfaire à nos lèches e n v ie s , -
' N o u s paffons près des rois tou t le temps de nos v ie s
A fouffrir des m ép r is , à p lo y e r les genoux
.Ce .qu’ils peuvent n’eft r ie n , ils font ce que nous famines,
Véritablement h omm es ,
E t meurent comme nous.
L a Simplicité noble eft d’aufli bonne maifon que
l a grandeur même ; & comme elle vient du même
principe de bon efprit, qui doute qu’elle ne fe
(ente du lieu, dont elle eft (ortie, 8c que partout
où elle Te rencontre elle ne conferve fa dignité ,
fes droits , ou pour le moins l ’air & la mine de fa
naiffance ?
Mais fi cette Simplicité noble retrace de grandes
images , elle ne diffère pas du fublime. Homère
& Virgile font des modèles de cette dernière Simplicité.
Racine l ’a bien connue \ 8c j’en cite pour preuve
ces vers d’Andromaque :
Ne vous fouvient-il plus, Seigneur, quel fut H e c t o r ï
Nos peuples affoiblis s ’ e n fouviennent encor !
Son nom feul fait trembler nos veuves & nos filles ;
Et dans toute la Grèce il n’ eft point de familles,
Qui ne demandent compte à ce malheureux fils ,
D ’un père o u d ’ un époux qu’H e fto r leur a ravis,
( Le. chevalier d e Ja u c o u r t . )
SIMPLICITÉ ,. MODESTIE. Synonymes.
L a Simplicité confifte à montrer ce que l ’on eft;
la Modejlie , à le cacher.
La Simplicité ùetii plus au cara&ère ; la Modejlie,
à la réflexion.
La Simplicité plaît fansypenfer; la Modejlie
cherche à plaire.
La Simplicité n’eft jamais fauffe ; la Modejlie le
peut être.
Une vanité connue déplaît moins, quand elle
fe montre avec Simplicité, que quand elle cherche
à fe couvrir du voile de la Modejlie. ( D ’A l em -
BERT. )
.SINCÉRITÉ , FRANCHISE , N A ÏV E T É ,
IN G ÉN U ITÉ . Synonymes.
La Sincérité empêche de parler autrement qu’on
ne penfe ; c’eft une vertu. La Frànchïje fait parler
comme on penfe ; c’eft un effet du naturel. La
Naïveté fait dire librement ce qu’on penfe ; cela
vient quelquefois d’un défaut de réflexion. LïIngénuité
fait avouer ce qu’on fait & ce qu’on fent ; c’eft
fouvent une bétjfe.
Un homme Jincçre ne veut point tromper. Un
homme franc ne fauroit diflimuler. Un homme
n a i f n’eft guère propre àjjatter. Un homme ingénu,
ne lait rien cacher.
L a Sincérité fait le plus, grand mérite dans le
commerce du coeur. L a Frahchife facilite le commerce
des affaires civiles. La Naïveté fait fouvent
manquer à la politeffe. JJingénuité fait pécher
contre la prudence,
Le Sincère eft toujours eftîmable. Le Franc
plaît à tout le monde. Le H a ïf offenfe quelquefois.
JJIngénu fe trahit. Voye\ N a ï f , N a tu r e l ,
Syn. N aïveté , Candeur , Ingénuité, Syn, & N aïveté ( u n e ) , La N aïveté , Sjyn. ( U abbé
G i r a r d . )
S I N G U L I E R ,
SINGULIER, E , É g Grammaire. Ce ferme
eft confacré , dans le langage grammatical, pour
délîgner celui des nombres qui marque l ’unité. V 6ye\
N ombre.
Un même nom , avec la même lignification, ne
laiffe pas très - fouvent de recevoir des fens fort
differents , félon qu’il eft (employé au nombre
Jingulier ou au nombre pluriel. Par exemple,
donner la main, c’eft la préfenter à quelqu’un
par politeffe , pour l’aider i marcher , à defeendre ,
a monter , 6v ; donner les mains, n’eft plus qu’une
expreffion figurée , qui veut dire confentir a une
propofition. Cette remarque eft due à l ’abbé d’Oli-
v et, fur ces vers de Racine (Baja\et l» i i j , 8 , p ) :
« . . , Savez-vous fi demain
Sa liberté -, fes jours feront en votre main ?
Il nie femble que de pareilles obfervations font
fort.propres à faire concevoir , qu’il eft néceflaire
çî’aporter, dans l ’étude des langues, autre chofe que
des oreilles pour entendre ce qui fe dit , ou des
ieux pour lire ce qui eft écrit ; il y faut encore
une attention fcrupuleufe fur mille petites chofes
qui échaperont aifement à ceux qui ne favent point
examiner , ou qui feront mal vues par ceux qui n’auront
pas une certaine pénétration y un certain degré
de jufteffe, dont on fc croit toujours affez bien pourvu
8c qui pourtant eft bien rare. .
L ’ufage a autorifé dans notre langue une manière
de parler qui mérite d’être remarquée ; c’eft
celle où Ton emploie par fynecdpque le nombre
pluriel au lieu du no mbre Jingulier , quand on
adreffe la parole à une feule perfonne : Monjieur,
vous tri ave% ordonné, j e vous'prie, &c y ce qui
lignifie littéralement en latin, Domine , ju jjijlis y
oro vos. La politeffe françoife fait que l ’on traite
la perfonne à qui l ’on parle comme fi elle en va-
loit plufieurs ; & c’eft pour cela que l ’on n’emploie
que le Singulier, quand on parle à une perfonne
a qui l ’on doit plus de franchife ou moins d’égards ;
on lui d it, Tu trias donné, je t}ordonne, fu r
tes avis , &c. Cette dernière façon de parler
s’appelle Xfuqye/* ou Tutayer y ainfi,i’on ne tutoyé
que ceux avec qui l’on eft très-familier, ou ceux
pour qui l ’on a peu d^égards.
On trouve dans le patois de Verdun dévoufer pour tu-
toyerj ce qui me feroit volontiers croire que c’eft un
ancien mot du langage national : il en a tous les Caractères
analogiques , & il eft compofé de la particule
privative dé 8c du pronom pluriel vous, comme pour
dire priver dé Vhonneur du VOUs. Ce mot méritoit
de refter dans la langue, & il devroit y rentrer en
concurrence avec tutoyer : tous deux fignifieroient
la même chofe , mais en indiquant des vues différentes
; par exemple , on tutoieroit par familiarité
ou par énergie, comme dans la Poéfie ; on dévoufe-_
toit par manque d’égards ou par mépris.
" Au refte , il y a peu de langues modernes où
Gr a m m . e t L i t t é k a i , Tome I I I .
l’urbanité n’ait donné lieu à quelque location vrai-
ment irrégulière à cet égard. Les allemands difent:
Mein herr, ich b in hir diener y ce qui lignifie
littéralement en françois , Monjieur , j e fu i s leur
ferviteur , au lieu de ton , qui feul eft régulier :
ils difent de même i l s , au lieu de tu y par exemple
, Sie fyleiben immer ernjlhaft , c’eft à dire ,
ils demeurent toujours fé r ieu x , au lieu de l’ex-
preflion régulière tu. es toujours férieux. Il y a
donc dans le germanifme abus du nombre & de la
perfonne. Les italiens, outre notre manière, ont
encore leur vojjignoria, nom abftrait de la troi-
fième perfonne, qu’ils fubftituent à celui de la
fécondé. Les efpagnols ont également adopté notre
manière , pour les cas du moins où ils ne croient
pas devoir employer les noms abftraits de diftinc-
tion, ou le nom de pure politeffe , vueflra merced
ou vuefa merced, qu’ils indiquent communément
dans l ’écriture par V . M. (M . B e a v z é e . )
S ITU A T IO N , f. f. Belles-Lettres. En Poéfie
on appelle Situation, un moment de l ’aétion épique
ou dramatique , où de la feule pofition des
perfonnages réfulte pour le (peéfateur un faififfe-
ment- de crainte ou de pitié , fi la Situation eft
tragique; de curiofité, d’impatience, ou de maligne
jo ie , fi la Situation eft comique. C’eft dans 1 un
& dans l ’autre genre le plus infaillible moyen de
l ’art.
Pour bien juger d’une Situation , il faut (up-à
pofer les ■ aét-eurs morts flans ce moment critique,
& fedemander à foi -même quel mouvement excitera
dans le (peéfacle la feule vue de la fcène. Si
le (peétateur , pour être ému, doit attendre qu’on
ait parlé, il n’y a plus de Situation.
Le père dë Rodrigue outragé dit à fon fils :
» J’ai reçu un foufflet ; mon bras , affoibli par les
» ans , n’a pu me venger ; voilà mon épée, venge-
» moi. —- De qui? — du père de Chiraène ». Rodrigue
, dès ce moment, n’a qu’à refter immobile
& muet d’étonnement & de douleur : nous fenti-
rôns , avant qu’il le di(e , le coup terrible qui l ’accable.
Ce même Rodrigue fe préfente aux ieux de Chi-
mène , l ’épée nue & fanglante à la main : l’imprefiion
de cet objet n’a pas befoin , pour être fentie, des paroles
qui vont la fuivre.
Chimène, à fon tour, va (è jeter aux pieds du
roi & demander vengeance contre un coupable
qu’elle adore : ces mots, Sire , S ir e , juflice ! nous
en difent affez ; & tous les coeurs, comme le fien,
font déchirés dans ce moment.
L a Situation tragique eft tantôt ce que les
latins appeloient rerum angùflioe , un détroit dans
lequel l ’afteur fe voit comme entre deux écueils
ou fur le bord de deux abîmes : telle eft la Situation
du Cid ; telle eft celle de Zamor, lorfqu’on
lui propofe le choix, ou de renoncer à fes dieux *