
$ 6 P I E
vrages en vers d’une médiocre longueur , telles
.qu’une ode, une élégie, &c. Toutes les Pièces de
Koufleau ne font pas d’une égale force : les Pièces
fugitives qu’on insère dans le Mercure ne font pas
toujours excellentes.
L a coutume s’eft aufii introduite depuis quelque
temps dans le langage familier , d’appeler Pièces
les ouvrages des orateurs : ainfi, l ’on dit que tel
prédicateur a. nombre de bonnes Pièces ; que le
panégyrique de S. Louis, par l ’abbé Sèguy, eft une
des meilleures Pièces qui ayent paru en ce genre.
( A n o n y m e . )
PIED, f. m. Poéfie. En latin, P es; & mieux me-
runiy du grec /«rpov. Alliance ou accord de plufteurs
fyllabes : on l ’appelle P ied par analogie & proportion
, parce que , comme les hommes fe fervent
des Pieds pour marcher, de^même aufii les vers
femblent avoir 'quelque efpèce de Pieds qui les
Soutiennent & leur donnent de la cadence.
On compte ordinairement dans la Poéfie grèque
& latine vingt huit Pieds différents , dont les uns
font (impies & les autres compofés.
I l y a douze Pieds fimples ; favoir, quatre de
deux fyllabes & huit de trois fyllabes. Les Pieds
fimples de deux fyllabes font le pyrrhichée ou pyrrhi-
que , le fpondée , l’iambe , & ie trochée. Les Pieds
(impies de trois fyllabes font'le daétyle , l ’anâpefte ,
le moloffe , le tribrache , l ’amphibrache, l ’amphi-
macre , le bacche , l’antibacchique. Voye-[ tous ces
jnots à leur article.
On compte feize Pieds compofés, qui tous ont
quatre fyllabes ; favoir, le diïpondée ou double
fpondée , le procéleufmatique , le double trochée,
le double iambe., l’ antipafte , le choriambe , le
grand ionique , le petit ionique, le péon ou péan
qui eft de quatre efpèçes , & l ’épitrite , qui fediver-
fifie auffi en quatre manières. P roye\ Dis fondée , ^Vntipaste , ùc.
P ied 8c mefure, dans la Poéfie latine & grèque ,
font des termes fynonymes.
Un auteur moderne explique aufii fort nettement
l ’origine des Pieds dans l ’ancienne Poéfie.
On ne s’avlfa pas tout d’un coup , d it - il, de faire
des vers ; ils ne vinrent qu’après le chant. Quelqu’un
ayant chanté des paroles , & fe trouvant fatis-
fait du chant, voulut porter le même air fur d’autres
paroles ; pour cela , il fut obligé de régler les paroles
du fécond couplet fur celles du premier. Ainfi,
la première ftrophe de la première ode de Pjndare ,
fe trouvant de dix fept vers, dont quelques-uns de
huit fyllabes , quelques-uns de fix , de fept, d’onze ;
i l fallut que dans la fécondé, qui fîguroit avec la
première, il y eût la même quotité de fyllabes
8}c de-vers, & dans le même' ordre.
On obferva enfuite que le chant s’adaptoit
beaucoup mieux aux paroles , quand les brèves &
les longues fe trouvoîent placées en même ordre
Jans chaque ftrophe, pour répondre exactement aux
p l A
mêmes tenues dés tons. En conféquence oh travailla
à donner une durée fixe à chaque fyllabe ,
en la déclarant brève ou longue'; apres quoi l ’on
forma ce qu’on appela des Pieds , c’eft à dire ,
de petits efpaces tout mefurés , qui fuffent au vers
ce que le vers eft à la ftrophe. Cours .de B elle s -
L e ttre s, tome i.
Le nom de P ied ne convient qu’à la Poéfie des
anciens ; dans les langues modernes on mefure les
vers par le nombre des"'fyllabes. Ainfi, nous appelons
vers de dou^e fyllabes , nos grands vers ou
vers alexandrins ; & nous en avons de dix , de huit ,
de fix, de quatre, de deux fyllabes , & d’autres irréguliers
, d’un nombre impair de fyllabes. Voye\
V e r s & V e r s i f i c a t io n . ( A n o n y m e . )
P L A G IA T , f. m. C ’eft une forte de crime littéraire
, pour lequel les pédants , les envieux , & les
fots ne manquent pas de faire le procès aux écrivains
célèbres. P lagiat eft le nom qu’ils donnent
à un larcin de penfées ; & ils crient contre ce larcin
comme fi on les voloit eux-mêmes , ou comme
s’i l étoit bien effenciel à l ’ordre & au repos public
que les propriétés de l ’efprit fuffent inviolables.
I l eft vrai qu’ils ont mis quelque diftinétion
entre voler la penfée d’un ancien ou d’un moderne,
d’un étranger ou d’un compatriote , d’un mort ou
d’un vivant.
Voler un ancien ou un étranger , c’eft s’enrichir
des dépouilles de l ’ennemi, c’eft ufer du droit de
conquête ; & pourvu qu’on déclare lé butin qu’on
a fait où qu’i l foit manifefte , ils le laiffent
paffer. Mais lorfque c’eft aux écrits d’un françois
qu’un françois dérobe une idée , ils ne le pardonnent
pas même a l ’égard des morts , à plus forte raifon à
l ’égard des vivants.
Il y a quelque juftice dans ces diftin&ions ; mais
il feroit jufte aufii dediftinguer , entre les larcins
littéraires , ceux dont le' prix eft dans la matière,
& ceux dont la valeur dépend de l ’ufage que l ’on
en fait.
Dans les découvertes importantes , le vol eft fé-
rieufement - malhonnête ; parce que la découverte
eft un fonds précieux indépendamment de la forme,
qu’elle rapporte de la gloire , quelquefois de l ’utilité
, & que l ’une & l ’autre eft un bien : tel eft ,
par exemple, le mérite d’avqir appliqué la Géométrie
à l ’Aftronomie, & l ’Algèbre à la Géométrie ;
encore dans cette partie celui qui profite des con-
jeétures pour arriver à la certitude , a-t-il la gloire
de la découverte ; & Fontenelle a très-bien dit,
qu’une vérité ri appartient pas à celui qui la
trouve , mais à celui qui la nomme.
A plus forte raifon dans les ouvrages d’efprit,
fi celui qui a eu quelque penfée heureufe & nouvelle
, n’a pas fu îa rendre, ou l ’a laiffée enfe-
velie dans un. ouvrage obfcur & méprifé, c’eft un
bien perdu , enfoui ; c’eft la perle dans le fumier,
& qui attend un lapidaire ; celui qui fait l ’en tirer
p L A
& la mettre en oeuvre ne fait tort à perfonne : ■
l ’inventeur maladroit n’étoit pas digne de l ’avoir
•trouvée ; elle appartient, comme on l ’a dit , à qui
faura mieux l ’employer. Je prends mon bien oit
je le trouve , difoit Molière ; & il appeloit fon
bien tout ce qui appartenoit à la bonne Comédie.
Qui de nous en effet iroit chercher dans leurs obf-
çures fources les idées qu’on lui reproche d’avoir
volées çà & là ?
Quiconque met dans fon vrai .jour , -foit par l’ex-
pfeflîon foit par l ’apropos , ‘ une penfée qui n’eft
pâs à lu i , mais qui fans lui feroit perdue , fe la
rend propre en lui donnant un nouvel être ; car
l ’oubli reffemble au néant.
C ’eft cependant lorfque, dans un ouvrage inconnu,
■ oublié, on découvre une idée qu’un homme célèbre
a mife au jour ; c’eft alors que l ’on crie vengeance,
comme s’il y avoit réellement plus de
cruauté, en fait d’efprit, à voler les pauvres que
les riches. Mais il en eft des génies comme des
tourbillons, les grands dévorent les petits ; & c ’eft
peut-être la feule application légitime de la loi
du plus fort : car en toute chofe, c’eft à l ’utilité
publique à décider du jufte & de l ’injufte, & l ’utilité
publique exigeroit que les bons livres fuffent
enrichis de tout ce qu’il y a de bien , noyé dans
les mauvais. Un homme de goût , qui dans fes
leétures recueille tout l’elprit perdu , reffemble à
ces toifons qui promenées fur le fable erTenlèvent
les pailles d’or. On ne peut pas tout lire; ce feroit
donc un bien que tout ce qui mérite d’être lu fût
réuni dans les bons livres.
Dans le droit public., la propriété d’un terrein
a pour condition la culture : fi le poffeffeur le
lâiffoit en friche, la fociété auroit droit d’exiger
de lui qu’il le cédât ou qu’il le fît valoir. Il en
eft de même en Littérature : celui qui s’eft emparé
d’une idée heureufe & féconde, & qui ne la fait
pas valoir , la laiffe , comme un bien commun,
au premier occupant qui faura mieux que lui en
dèveloper la richeffe.
Du ;Rier avoit dit avant Voltaire, que les (e-
crets des deftinées n’étoient pas renfermés dans
les entrailles des victimes ; Théophile, dans fon
Pyrame , pour exprimer la jaloufie, avoit ' employé
le même tour & les mêmes images que le
grand Corneille dans le ballet de Pfy ché : mais
eft-ce dans le vague de ces idées premières qu’eft le
mérite de l ’invention , du génie, & du goût ? & fi
les poètes qui les ont d’abord employées les ont
avilies, ou par la foibleffe , ou par la baffeffe &
la groffièreté de l ’exprefiîon ; ou fi, par un mélange
impur , ils en ont détruit tout le charme ;
fera-t-il interdit à jamais de les rendre dans leur
pureté & dans leur beauté naturelle ? De bonne
fo i , peut - on faire au génie un reproche d’avoir
changé le cuivfe en or? Pour en juger on n’a qu’à
lire :
G k a m m , e t L i t t é r a t * T w ç U J * '
P L A
( Du Rier dans Scevole. )
Donc yous vous figurez qu’une bête afforamée
Tienne votre fortune en fon ventre enfermée.
Et que des animaux les fales inteftins
Soient un temple adorable où parlent les dedans ?
Ces fuperftitions 8c tout ce grand myftère
Sont propres feulement à tromper le vulgaire.
(Voltaire dans OEdipe. )
Cet organe des dieux eft—il donc in faillible ?
Un nûnxftère faint les attache aux autels,
Ils aprochent des dieux ». mais ils font des mortels»
Penfez-vous qu’en e ffe t, au gré de leur demande,
Du yoI d'e leurs oifeaux la vérité dépende?
‘ Que fous un fer facré des taureaux gemiflants
Dévoilent l’avenir à leurs regards perçants ?
Et que-de leurs feftons ces-vi&imes ornées
Des humains dans leurs flancs portent les deftinées ?
N o n , non , chercher ainfi l’obfcure vérité,
C’ eft ufurper les droits de la Divinité.
Nos prêtres ne font pas ce qu’un vain peuple penfc ,
Notre crédulité fait toute leur fcience.
( Théophile. )
P y r a m e a T h i s b é .
Mais je me fens jaloux de tout ce qui te touche >
De l’air qui fi fouverit entre 8c fort par ta bouche ; _
Je crois qu’ à ton fujet le fûleil fait le jour '
Avecques des flambeaux Sc d’envie 5c d’amour ;
Les fleurs que fous tes pas tous les chemins produifenc*
Dans l’honneur qu’eKes ont de te plaire, me nuifent j
Si je pou vois complaire à mon jaloux deffein,
J’emÇêtherois tes ieux de regarder ton fein ;
T on ombre fuit ton corps de trop près, ce me femble ,
Car nous deux feulement devons aller enfemble :
B re f, un fi rare objet m’eft fi doux Sc fi cher.
Que ma main feulement me nuit de te toucher.
( Corneille. )
P s y c h é a l’ A m o u r .
Des tendreffes du fang peut-on être jaloux i
L ’ A M O U R.
Je le fuis, ma Pfyché, de toute la nature.
Les rayons du foleil vous baifent trop fouvent,
Vo s cheveux fouffrent trop les careffès du vent;
Dès qu’ il les flatte, j’en murmure.
L’air même que vous refpirez,
Avec trop de plaifir pafle par votre bouché ,
Votre habit de trop près vous touche.
Ce droit de refondre les idées d’autrui lorfqu’clleS
font informes ,
E t maü tornatos incudi reddere verfus,