
des éléments de la parole, Combinée avec l ’ufage
ordinaire, qu’il eft indifpenfable de diftinguer en
effet les Syllabes phyfiques des Syllabes artificielles
, & de prendre des unes & des autres les
idées qu’en donne , fous un autre nom, l ’habile
fecrétaire de l ’Académie françoife : par là fon iyÇ-
têmè fe trouve juftifié & folidement établi indépendamment
de toutes les définitions imaginables»
Celle de l ’abbé Girard va même fe trouver fauffe,
d’après ce fyftême, loin de pouvoir fervir à le
combattre, C’eft , dit - il ( Vrais princip. tom. l ,
difc. j , pag. n ) , un fo n , fimple ou compofé,
prononcé avec toutes fe s articulations par une
feule impuljion de voix. I l fuppofe donc que le
même fon , ou la même voix , peut recevoir plusieurs
articulations ; & i l dit pofitivement (p . 11 ) ,
que la voyelle a quelquefois plufieurs confonnes
attachées à fon fervice, & qu’elle peut les avoir
a f a tête ou à Ja fuite : c’eft précifément ce qui
eft démontré faux à ceux qui examinent les choies
en rigueur ; cela ne peut le dire que des- Syllabes
ufuelies tout au plus, & encore ne paroît-il pas
trop raifonnable de partager, comme on fa it, les
Syllabes d’un mot, lorfqu’i l renferme deux confonnes
de fuite entre deux voyelles. Dans le mot
armé, par exemple, on^attache r à la première
Syllabe , & ma la fécondé ; & l’on ne fait guère
d’exception à cette règle, fi ce n’eft lorfque la fécondé
confonne eft l’une des deux liquides / ou r , comme
dans a cre, aigle.
» Pour moi , dit M. Harduin , fectétaire perpé-
» tuel de l ’Académie d’Arras ( Rem. div. fu r la
prononc. pag. 56)» je ne crois pas que cette dif-
» tinélion foit appuyée fur une railon valablé ;
» & il me paroitroit beaucoupplus régulier que
» le mot armé s’èpelât a - rmé . . . . Il n’y a
» aucun partage fenfible dans la prononciation de
» rmé; & au contraire, on ne fauroit prononcer ar,
» fans qu’i l y ait un partage affez marqué : Ve
» féminin, qu’on eft obligé de fuppléer pour pro-
1» noncer IV , fe fait bien moins fentir & dure bien
» moins dans rmé que dans ar. En un mot, *cha-
» que fon fur lequel on s’arrête d’une manière un
» peu fenfible , me paroît ‘'former & terminer
» uue Syllabe; d’ou je conclus qu’on fait diftinc-
» tement trois Syllabes en épelant ar-mé, au lieu
» qu’on n’en fait pas diftinârement plus de deux
» en épelant a-rmé. Ce qui fe pratique dans le
» Chant, peut fervir à éclaircir ma penfée. Sup-
» pofons une tenue de plufieurs mefures fur la
». première Syllabe du mot charme ; n’eft-il pas
» certain qu’elle fe fixe uniquement fur Va, fans
» toucher en aucune manière à IV , quoique , dans
» les paroles mifes en mufîque , il foit d’ufage
» d’écrire cette r immédiatement après Va , &
» qu’elle fe trouve ainfi féparée de Vm par un
» efpaçe confidérable ? N’eft-iL pas évident, nonobf-
» tant cette féparation dans l ’écriture, que i’affem-
» blage des lettres rmé fe prononce entièrement fous
9 la note qui fuit la tenue ?
» Une chofe femble encore prouver que la
■ » première confonne eft plus liée avec la confonne
» fuivante qu’avec la voyelle précédente , à laquelle
» par confequent on ne devroit pas l ’unir dans la
» compofition des Syllabes : c’eft que cette voyelle
» & cette première confonne n’ont l ’une fur l ’autre
» aucune influence direéle, tandis que le voifinage des
» deux, confonnes altère quelquefois l ’articulation
» ordinaire de la première ou de la fécondé. Dans
» le mot obtus , quoiqu'on y prononce foiblement
» un e féminin après le b , il arrive que le b ,
» contraint par la proximité du t , fe change in-
» difpenfablement en p , St on prononce efteCtive-
» mènt optus . . . Âinfi, l ’antipathie même qu’il
» y a entre les confonnes b , t ( parce que 1 une
» eft foible & l ’autre forte), fert à faire voir que,
» dans obtus, elles font plus unies l’Ane à l ’autre ,
»■ que la première ne l ’eft avec l’o qui la pré-
» cède.
» J’ajoute que la méthode commune me fournit
» elle-même des armes qui favorifent mon opinion,
» Car i° . j’ai déjà fait remarquer que, félon cette
» méthode, on épelle â-cre St Ê-glé : on penfe
. » donc du moins qu’il y a des cas ou , 'de deux con-
» fonnes- placées entre deux voyelles , la première
» a une li^ifon plus étroite avec la fécondé qu’avec
» la voyelle dont elle eft précédée. z°. La même
» méthode enfeigne affûrément que les lettres f t
» apartiennent à une même Syllabe dans f ty le ,
» ftatue ; pourquoi en feroit-il autrement dans
» vafte, pofte, myflère » ? [ On peut tirer la même
conféquence de pfeaume , pour rapfodie; àe fpé-
cieux , pour ajpecl, refpeâ\ Stc’yàtftrophe , pour
aftronorAie ; de Ptolomée, pour aptitude , optatif,
&c. C’eft le fyftême même de Port-Roy a l , dont
i l va être parlé ]. » 3°. Voici quelque chofe de
» plus fort. Qu’on examine la manière dont s’épelle
» le mot a x e , on conviendra que Partout entier
» eft de la fécondé Syllabe, quoiqu’il tienne lieu
» des deux confonnes c , s , & qu’il repréfente eon»
» féquemment deux articulations. Or fi ces deux
» articulations font partie d’une même Syllabe
» dans le mot axe , qu’on pourroit écrire açfe,
» elles ne font pas moins unies dans accès , qu’on
» pourroit écrire acsês ; St dès qu’on avoue que Va
» fait feul une Syllabe dans accès, ne doit - on pas
» teconnoître qu’i l en eft de même dans armé & dans
» tous les cas femblables ?
» Dom Lancelot, dans fa Méthode pour q.prendre
» la langue latine , connue fous le nom de Port-
» royal ( Traité des lettres , chap. xiv , §. iij ) ,
» établit, fur la compofition dps Syllabes, un
» fyftême fort fingulier, q u i, tout différent qu’il
» eft du mien , peut néanmoins contribuer a le
» faire valoir. Les confonnes, dit-il , qui ne fe
» peuvent joindre enfemble au commencement
» d'un mot, ne s ’y joignent pas au milieu ; mais
» les confonnes qui Je peuvent joindre enfemble
» au commencement d’un mot > f e doivent aujji
» joindre.au milieu 3 6* Ramus prétend que faire
v Autrement?
i> autrement, c'eft commettre un barbarifme, Il
» ’ eft bien sur que r fi la ‘jonction de telle St telle
,, confonne eft réellement impoflible dans une po-
» fition , elle ne l ’eft pas moins dans une autre. D.
» Lancelot fait dépendre la poflïbilité de cette jonc-
» tiond’un feul point défait, qui eft de favoir;s’il en
»» exifte des exemples à la tête de quelques mots
» latins. Ainfi, luivant cet auteur , paftor doit
» s’èpeler pa-ftor, parce qu’il y a des mots latins
» qui commencent par y?,- tels que fta r e , ftimu-
»» lus : au contraire , arduus doit s’èpeler ar-duus,
» parce qu’il n’y a aucun mot latin qui commence
» par rd. La règle feroit e-mbaraffante, puifqu’on
» ne pourroit la pratiquer sûrement., à moins que
» de connoître & d’avoir préfents à l ’efprit tous
» les- mots de la langue qu’pu voudroit épeler.
» Mais d’ailleurs, s’il n’y âpoint eu chez les latins
» de mots commençant par rd, eft - ce donc une
» preuve qu’il ne pût y en avoir? Un motconftruit
» de la forte feroit-il plus étrange que bdellium ,
»> Tmolus, Ctefiphon, Ptolômoeus ? ».
A ces excellentes remarques de M. Harduin ,
j’en ajoiîterài une, dont il me préfente lui-même
le germe. C’eft que, pour établir la'poflïbilité de
joindre enfemble plufieurs confonnes dans une même Syllabe, il ne fuffiroit pas de confulter les ufages
particuliers d’une feule langue; i l faudroit confulter
tous les ufages de toutes les langues anciennes
& modernes.; & cela même feroit encore
infuffifant pour établir une conclufion univeifelle,
qui ne peut jamais être fondée folidement que fur
les principes naturels. Or il n’y a que le mécha-
nifme de la parole qui puifle nous faire .connoître
d’une manière sûre les principes de fo.ciabilité ou
d’incompatibilité des articulations; & c’eft confé-
quemmenc le feul moyen qui puifle les établir. Voici,
je crois, ce qui en eft.
i°. Les quatre confonnes confiantes m, n , l , r
peuvent précéder ou fuivre toute confonne variable ,
foible ou forte, v , f , b , p ,■ d , t , g > q s ,
j WM
z°. Ces quatre confonnes confiantes peuvent également
s’aflôcier entre elles , ml, Im , mn , nm ,
mr, rm, n i , In , nr , rn, lr$ rl.
30. Toutes les confonnes variables foibles peuvent
fe joindre enfemble^, & toutes les fortes font éo-aie-
ment fociables entre elles.
Ces trois règles de la fociabilité des confonnés
font fondées principalement fur la compatibilité
naturelle des mouvements' organiques qui ont à
fe fuccéder pour produire les articulations qu’elles '
repréfentent : mais il y a. p e u t ê t r e peu de cefc
combinaifons que notre manière de prononcer 1\?
muet écrit ne puifle fervir à juftifier. Par exemple,
dg fe fait entendre diltin&emenc dans notre manière
de prononcer, rapidement, en cas de guerre ,
comme s’il y avoit en- c a - dguer-re ; nous marquons
jv dans les cheveux, que nous prononçons
negligemmen ; comme s’il y avoit lé-jveu, <kc. C’eft
G R AM M . E T L i t T É R .A T , Tome I I I .
ici le cas où l’oreille doit diflïper les préjugés qui
peuvent- entrer par les ieux & éclairer l ’efprit fur les
véritables procédés de la nature.
4°. Les confonnes variables foibles font incompatibles
avec les fortes. Ceci doit s’entendre de la
prononciation , & non pas de l ’écriture , qui devroit
toujours être à la vérité, mais qui n’eft pas toujours
une image fidèle de la prononciation. Ainfi,
nous écrivons véritablement obtus, où l ’on voit
de fuite le s ' confonnes b , t , dont la première eft
foible & la fécondé forte ; mais , comme on ' l ’a
remarqué ci-deffus-, noüs prononçons optus , ■ en
fortifiant la première à caufe de la fécondé. Cette
pratique eft commune à-toutes les langues, parce
que c’eft une fuite néccffaire du méchanifme de la
parole.
I l paroît donc démontré que l’ on fe trompe en
effet dans l ’épellation ordinaire, lorfque de deux
confonnes placées entre deux voyelles on raporte
la première à la voyelle précédente , & la fécondé
à la voyelle fuivante. S i , pour fe conformer à la
formation ufuelle des Syllabes, on Veut ne point
imaginer de fehéva entre les deux confonnes &
regarder les deux articulations comme deux caufes
qui concourent à l ’explofion du même fon ; il faut
les raporter toutes deux à la voyelle fuivante, par
la raifon qu’on a déjà alléguée pour une feule
articulation , qu’il n’ eft plus' temps de modifier lfox-
plofion d’un fon quand il eft déjà échapé.
Quant à ce qui concerne les confonnes finales »
qui ne font fuivies , dans l ’écriture, d’aucune voyelle •
ni dans la prononciation , d’aucun autre fon que de
celui de Ve muet prefque infenfible ; l’ufage de les
raporter à la voyelle précédente eft abfblument en
contradiction avec la nature des chofes : & i l femble
que les chinois en ayent aperçu & évité de propos
délibéré l ’inconvénient. Dans leur langue tous les
mots font monôfyllabes ; ils commencent tous
par une confonne , jamais par une v o y e lle , & ne
nniffent jamais par une confonne : ils parlent d’après
la nature, & l ’art ne l ’a ni enrichie ni défigurée.
Ofons les imiter , .du moins dans notre manière
d’èpeler : & de même qu’i l eft prouvé qu’i l faut
épeler charme par cha-rme , accès par a-ccès ,
cïrconfpeclion par ci - rcon- fpe - éli -,on ■ ;
féparons de même la confonne finale de la voyelle
antécédente , & prononçons à la fuite le fehéva
prefque infenfible , pour rendre fenfible la confonne
elle-même : ainfi, acteur s’ épellera a-cleu-r, Jacob
fera Ja-co-b , cheval fera che-va-l, &c.
On font bien que celte manière d’èpeler doit
avoir beaucoup plus de vérité que la manière ordinaire
, qu’elle eft plus fimple & par confequent
plus facile pour les enfants à qui on aprend à
lire. I l n’y auroit à craindre pour eux que le danger
de rendre trop fenfible le fehéva des confonnes
qui ne font fuivies d’aucune voyelle écrite; mai’s
outre la précaution de ne pas imprimer le fehéva
propre.à la confonne finale, un maître intelligent
O o o