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en ufage : car quoiqu’ordinairement ils ne remuent les
PaJJions qu’a la fin de leurs difcours ; cependant
quand ils trouvent leur auditoire déjà ému , ils fe
rendraient. ridicules en le préparant* de nouveau
J5ar une tranquilité déplacée, Ainfi , la dernière
lois que Catilina vint au Sénat, les fénateurs
étoient fi choqués de fa préfence, que -, fe trouvant
proche de. l ’endroit où il étoit alfis , ils fe levèrent
, fe retirèrent , & le laifsèrent feul. A cette
ocçafîon , Cicéron eut trop de bon fens pour commencer
fon difcours avec la tranquilité & le ça.lme
qili eft ordinaire dans les exordes : par cette conduite
, il auroit diminué & anéanti l ’indignation
que les fénateurs fentoient contre Catilina, • au
lieu que fon but étoit de l ’augmenter & de l ’en^
fiammer ; & il auroit décharge le parricide de la
confternation que la conduite des fénateurs lui
avoit caufée , au lieu que le deffein de Cicéron
étoit de l’augmenter. C ’eft pourquoi, omettant la
première partie de fa harangue , i l prend fes auditeurs
dans l ’état où il les trouve , & continue •
d’augmenter leurs PaJJions : Quo ufque tandem
abattre , Catilina , patientiâ noflrâ ? quandiu
nos etiam furor ifie tuas eludet 1 quem ad finem
fej'e effroenata jaclabit audciçia ? Nihilne te
noclurnum pjcejidiumpalatii, nihil urbis vjgiliesy
nfhil timor popiili, n ihil, &c.
Les portes font remplis de paffages de cette
forte j dans lefquels la Pafjion eft préparée &
amenée par des actions. Didorç , dans Virgile ,
commence un difcours comme Ajax : Proh Jur
piterl ïbit h ic , a i t , &c > mais alors les mouvements
y étoient bien difpofés. Didon eft repré-
fentée auparavant avec des appréhenfions terribles
qu’Énèe ne la quitte, &c.
La conduite de Sénèque à la vérité eft tout 4
fait oppofée à cette règle. A - t - il une PaJJion
à exciter? il a grand loin d’abord d’éloigner de
fes auditeurs toutes les difpofttions dont' ils dévoient
être affe&és : ' s’ils font dans la douleur ,
la crainte ou l ’attente de quelque chofe d’horrible,
&ç ; il commence par quelque belle defçription
de Pendrait, &ç. Dans la Troade , Hécube & An-
dromaque étant préparés à aprendre la mort vio*
lente & barbare de leur fils Aftyàpax ? quelles
grecs ont précipité du haut d’une tour , qu’étoit-il
befoin de leur dire que les fpe&ateurs qui étoient
âeçourus d.e tous les quartiers pour voir çette exécution
, étoient les uns placés fur des pierres accumulées
par les débris des murailles, que d’autres
fe cafsèrent les jambes pour , être tombés des lieux
trop élevés où ils s?étoient placés? &c. A l t a rupes ,
fu ju ï è cacumine er.efta fummos turba libravit
vedes y &c.
L a fécondé, chofe requife dans le maniement
de§ PaJJions ? eft quelles foient pures & débar-
râffées de tout ce qui pourroit empêcher lepj:
S g p • ' . . .
ï # Çolymythie, c’eft à multiplicité
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de fi&îons, de faits, & d’hiftoires, eft donc unft
chofe qu’on doit éviter. Toutes aventures embrouillées
& difficiles a retenir & toutes intrigues entortillées
& obfcures , doivent être écartées d’abord j
elles embarraflent l ’efprit & demandent tellement
d’attention, qu’il ne refte plus rien pour les P a f -
Jions. L ’âme doit être libre & fans embarras
pour fentir ; & nous fefons nous- mêmes diverfion
à nos chagrins, en nous appliquant à d’autres
chofes.
Mais les plus grands ennemis que les PaJJions
ont à combattre, ce font vles PaJJions elles -*
mêmes : elles font oppofées & fe détruifent les
unes les autres; & fi deux PaJJions oppofées ,
comme la joie & le chagrin , fe trouvent dans le
même fujet, elles n’y réfteront ni l ’une ni l ’autre,
C ’eft la nature de ces habitudes qui a impofé cette.
lo i : le fang & les efprits ne peuvent 'pas fe mouvoir
avec modération & égalité comme dans un
état de tranquilité , & en même temps être élevés ■!
& fufpendus avec quelque violence occafionnée
par l ’admiration. Ils ne peuvent pas refter dans
l ’une ni l ’autre de ces fituations , fi la crainte les
rappelle des parties extérieures du corps pour les
réunir autour du coeur , ou fi la rage les renvoi®
dans les mufcles & les y fait agir avec une violence
bien oppofée aux opérations de la crainte.
IL faut donc étudier les caufes & les effets des
PaJJions dans le coeur, pour être en état de les
manier avec toute la force néçeffaire. Virgile
fournit deux exemples de ce que nous avons dit
de la {implicite de la préparation de chaque PaJJion
dans la mort de Camille 8c dans celle de Palias.
| H H Énéide.
Dans le Poème dramatique , le jeu des PaJJions
eft une des plu? grandes reffources des poètes. Ce
n’eft plus un problème que de favoir fi Ion doit
les exciter fiff le théâtre,. L^ nature du fpeCtacle >
foit comique foit tragique, ia fin , fes fucces ,
démontrent affez que les PaJJions font une des
parties les plus effencielles du Drame , & que fans
elles tout devient froid & languiffanf dans un
ouvrage ôù tout doit être, autant qu’il fe peut,
mis eh aCtion. Pour en juger dans les ouvrages de
ce genre, il fuffit de ie?conn®ître & de favoir diluera ex
le ton qui leur convient 4 chacune ; car , comme dit .
Defpreaux,
Chaque PaJJion parle un différent langage î
Le colère eft fuperbe & veut des mots altiers ,
L ’abattement s’exprime en des termes moins fiers*
Art poét. chant iij.
Ce n’eft pas ici le lieu d’expofer la nature dé
chaque Pafjion en particulier., fes effets , les ref*
forts qu’il faut employer, les routes qu’on doit
fuivre.pour les ëxciter. On en a déjà touché quel*
que chofe au commencement de cet article & dans
lç précédent, C ’eft dans ce qu’en a écrit Annote*
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fécond‘livre de fa Rhétorique, qu’il faut en
puifer la théorie. L ’homme a des PaJJions qui
influent for fes jugements & fur fes aélioris $ rien
n’eft plus •■ confiant. Toutes n’ont pas le même
principe j les fins auxquelles elles tendent font
auifi différentes entre elles, que les moyens qu’elles
emploient pour y arriver fe reffemblent peu. Elles
affe&ent le coeur chacune de la manière qui lui
eft propre ; elles infpirent 4 l ’efprit des penfées
relatives à ces imprefîions ; & comme pour l’ordinaire
ces mouvements intérieurs font trop violents
& trop impétueux pour n’éclater pas au
dehors, ils n’y paroiffent qu’avec des Tons qui les
çaraâ:érifent ôc qui les diftinguent. Ainfi , Tex-
preffion , qui eft la peinture de la penfée , eft aufli
convenable & proportionnée 4 la Pafjion , dont la
penfée elle-même n’eft que l ’interprete. .
Quoiqu’eu général chaque PaJJion s’exprime
différemment aune autre PaJJion , il eft cependant
bon de remarquer qu’i l en eft quelques-unes
qui ont entre elles beaucoup d’affinité, & qui
empruntent, pour ainfi dire, le même ton ; telles
que Jont, par exemple, la haine , la colère ,
l ’indignation. Or pour en difcerner les diverfes
nuances, il faut avoir recours au fonds des caractères,,
remonter au principe de la PaJJion, examiner
.les motifs & l ’intérêt qui font agir les per-
fonnages. introduits fur la Scène. Mais la plus
grande utilité qu’on puiffe retirer de cette étude ,
c ’eft de connoître le coeur humain , fes replis,
les refforts qui le font mouvoir , par quels motifs
on ‘ peut l ’intérefTer en faveur d’un objet ou le
prévenir contre, enfin comment il faut mettre a
profit les foibleffes même des hommes pour les
éclairer & les rendre meilleurs : car fi l ’image des
PaJJions violentes ne fervoit qu’a en allumer de
Temblables dans le coeur des fpeélateurs, le Poème
dramatique deviendroit auffi pernicieux qu’il peut
être utile pour former les moeurs. ( Principes pour
la lecture des poètes.) { A n o n ym e » )
( N . ) PASSIVEMENT, adv. D’une manière
pajjive , Dans un fens pajjif.
II y a des mots qui font employés quelquefois
.activement & quelquefois pajjivement. Quand on
d it, par exemple , L'amour de Dieu pour les
hommes , le nom amour eft pris activement , parce
que Dieu eft le fujet de cet amour\ c’eft Dieu
qui aime : mais quand on L ’ amour de Dieu
ejl nécejfaire au fa lu t , le nom amour eft pris
pajjivement, parce, que Dieu, eft l ’objet de cet
amour; c’eft Dieu, quj ejl aimé, qui doit être •
aimé.
Nos verbes jnoyens (.yoyeç Moyen ) font pris
tantôt activement & tantôt pajjivement. Par exemple
, Changes eft pris activement quand on d it,
Le temps change infenjiblement les ufages ; &
i l eft mis pajjivement quand on di t , L e s ufages
changent infenjiblement avec le temps.
^M J B e a u z é e .) v . • • •
g-ramm, et d it j é r a t , Dm
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(N.) PASTICHE . f. m. Belles-Lettres. Ce mot
s’emploie auffi par tranflation , pour exprimer en
Littérature une imitation affeCtée de la marj.ere 8c
duftyle d’un écrivain ; comme on l ’emploie au propre
, pour défigner un tableau peint dans la maniéré
d’un grand artifte & expofé fous fon nom. _
Plus un écrivain a de manière , c’eft 4 dire ,
de fingularité dans le tour & dans l’expreffion,
plus il eft aifé de le contrefaire. Mais fi fon originalité
tient au caraCtère de fon efprit & de fon
âme ; fi la manière qui le diftingue , eft celle
de penfer , de fentir , de concevoir, d’imaginer
de voir la nature. & de la peindre.; le- Pajiiche
qu’on en fera , ne fera jamais reffemblant. Il aura
des imitateurs dans des hommes d’un caraCtère & d’un
génie analogue au fien ; mais il n’aura point de eopiftèo.
Rouffeau, avec le talent de l ’Êpigramine , a
pris le tour, le ftyle de Marot. ; L a Fontaine en
a imité, en a furpaffé la naïveté. Mais qui contrefera
jamais, qui même imitera de loin l ’heureux
& riche naturel de La Fontaine?
Voltaire racontoit que dans fa jeuneffe i l s ’étoit
moqué des connoiffeurs du Temple , en leur fefanfc
croire qu’une fable de La Motte étoit de La Fon^>
taine. Ces connoiffeurs l ’étoient bien peu 1
-C e qui eft plus étonnant encore , ç’efl que ,
dans la nouveauté de la tragédie des Machabées,
tout Paris-crut d’abord , fur la foi des comédiens ,
que cette pièce étoit un ouvrage pofthume de Racine.
Il falloit pour cela que le fard de la déclar
mation théâtrale fît une grande illufion.
La Bruyère s-’eft amufe à écrire une page dans le
ftyle de Montagne ; & i l l ’a très-bjen imité. « Je
» n’aime pas , dit-il , un homme que je ne puiç
» aborder le premier ni faluer avant qu’il me
» falue , fans m’avilir 4 fes ieux & fans trempec.
» dans la bonne opinion qu’il a de lui - même,
» Montagne diroit : Je veux avoir mes coudées
» francités, & être courtois & affable à mom
» p o in t, fa n s remords ne conféquence. Je ne p u is
» dp. tout ejlriver çontre mon penchant & aller
» au rebours démon naturel, qui mlemmène vers
» celui que j e trouve à ma rencontre. Quand,
» i l m eft égal & qu’ i l ne. m’ejl peint ennemi *
p j’anticipe fur fon bon accueil, je le quejîionne
» fu r fa bonne difpofition & J'anté, je lui offre
» de mes bons ojfices , fa n s marchandes
» fu r le plus ou fu r le moins , ne être , comme
» difent aucuns, fur le Qui-vive. Celui - là me
» déplaît y qui y par la çdnnotffance que j ’ai de
is-fes coutumes & façons d’ a g ir , me tire de
» çette liberté 6* franchife : comment me rejfou~
p venir y tout à propos 6 du plus loin queje vois
» cet homme y d’empriaiter une contenance grave &
» impofante, & qui l ’avertijfe que j e crois le
» valoir & bien au delai pour cela y de me ramente*
p voir de mes bonnes qualités & conditions, & des
»> fiennes mauvaifes, puis en faire la compas
» raifon 1 C’éjl trop de travail, & ne fu is dis
a (Oût capable de f i , roide & f i fubite* attention î
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