
alors il fentira fi fon exorde doit être véhément
ou timide j fi fon expofition ou la narration exige
la fimplicité , la modeftie, ou la magnificence ; ifi,
dans la preuve , i l lui faut infifter fur le principe
ou fur les conférences} f i , dans la réfutation,
i l doit agir de vive force , ou ruiner infenfiblement
les moyens de fon adverfaire, employer l'artifice
de l ’infinuation, ou le tranchant du fyllooifme, ou
les entraves du dilemme, ou le piège de l'induction
j fi le caractère de fa péroraifon doit être..la
véhémence & l'énergie, ou la douceur de la féduc-
\ UI) Palhécique violent & brillant , ou cette
fenfibilité modérée qui fait couler de douces larmes
, ou cette douleur déchirante qui pénètre dans
tous les coeurs.
a Enfin la conclufion de ce long cours d'étude fera
d’avertir les élèves les mieux ihftruits , que ce n'eft
encore^ rien que ce qu ils ont apris : car fans compter
pour l'avocat cette immenfe étude des lo is , fans
compter pour l ’homme d’État la connoiffance de
la chofe publique dans fes détails & dans tous fes
raports, fans compter pour l'orateur chrétien la
lecture & la méditation des livres facrés dont il
doit être plein comme de fa propre fubftance •
leur grande étude à tous, l ’étude de toute leur
\ûe, lera celle des hommes qu’ils auront à per-
fuader , à dominer par la parole ; & pour cette
étude , la véritable, la feule école , c'eft le monde :
nulle fpéculation ne peut y fuppléer , nulle hypo-
thèfe n’y peut fuffire. L'homme eft un être fi nro^
bile , ^ fi changeant, fi divers , qu'il eft impoflïble
d'enfeigner quels feront les hommes de tel lieu
de tel temps , de telle conjoncture ; quel fera tel
j'our, a telle heure, l'efprit dominant de la nation, I
de la cité , des tribunaux , de l'auditoire. C'eft là
cependant ce que l ’orateur doit favoir ; & i l ne le
faura bien que fur le lie u , fur le temps , en
fubodorant , comme Cicéron , les fentiments &
les penfées , en mettant le doigt fur les coeurs.
Sans cela l ’Eloquence eft vague, & manque des
deux propriétés qui en font toute la force , la
convenance & l’apropos.
a Que les jeunes gens fâchent donc que l'école
n’a été pour eux qu’une lice obfcure & paifible ,
dont les combats étoient des jeux ; & que maintenant
i l s’agit de fe porter fur le champ de bataille. Edu-
çenda deiride diclio eft ex hac domefticâ exer-
citatione & umbratili, medium in -agmen , in
pulverem, in clamorem, in caftra\ atque aciem
forenfem... periclitandæ vires ingenii, & ilia com-
7nen.ia.t10 inclufain veritatis lucem proferenda efl.
( De Orat. L . 2.) J
Selon la méthode que j’e viens de tracer , d’après
Jés plus grands maîtres de l ’a r t, on voit que les
études de la Rhétorique ont trois degrés : que
celles de la première claffe font communes à tous
les hommes dont on veut former la raifon, cultiver
l ’efprit, & polir le langage -, & que jufque
14 1 homme du monde & l ’orateur ont befoindes
mêmes leçons ; que celles de la fécondé claffe
deviennent plus propres à l'Éloquence, mais conviennent
égalemens à l ’orateur , au philofophe ,
a lhiftorien, & au poète ; enfin que les études
de la troifième claffe, où l’on enfeigne expreffé-
ment les procédés de l ’Éloquence , femblent ne
convenir qu’aux jeunes gens qui fe deftinent ou à
la Chaire , ou au Barreau, ou à quelque fonûion
publique qui demande un homme éloquent. Mais
comme, pour dèveloper le corps & lui donner plus
de force & plus de foupleffe, on exerçoit les jeunes
romains au combat de la lutte , fans vouloir en
faire des athlètes; de même, fi l ’on veut m’en croire
on exercera l ’efprit de la Jeuneffe deftinée aux"
fondions qui demandent le don de la parole, on
l ’exercera long temps dans la lice du plaidoyer :
car i l n’eft point de genre d’Éloquence qui ne fe
réduife aux règles de la Plaidoirie ; inftruire, prouver
, réfuter, émouvoir, &j>erfuader , c’eft, dans
toutes les fituations de la vie , l ’art de dominer les
eiprits.
On peut me demander quel temps je veux que
l’on donne à ces études. Le temps qu elles exigeront.
Dans les beaux jours de l ’Éloquence, les anciens
ne le comptoient pas , & le croyoient bien em-.
jiloyé : aufli le fénateur, le conful , le cenièur,
l ’homme de Lois, l’homme d’État, s’y formoient-
ils en même temps ; & chaque citoyen, deftiné
aux fondions publiques , en for toit propre à les
remplir ». C’eft un beau rêve, me dira-t-on ; &s’il
a quelque realite , ce n’eft plus nous qu’elle inté-
reffe. Au milieu d'un peuple, à la fois légifiateur
^ juge, devant qui l’on plaidoit, non feulement,
pour la fortune & la vie du citoyen , mais pour
l ’utilité , 1a gloire , & le falut de la République ;•
dans un État ou chacun afpiroit à dominer par la
parole; que des hommes, fans ceffe en guerre
dans la lice de l ’Éloquence, pour leurs amis ou
pour eux-mêmes, & qui venoient y décider , comme
des gladiateurs , de leur perte ou de leur falut ,
ayent attaché à ce grand art tout l ’intérêt de leur
sûreté, de leur fortune , & de leur gloire ; rien
de pluS> naturel. Mais quel feroit pour nous le
fruit, l ’emploi de ces longues études ! od ferait
la place de ces talents cultivés avec tant de foin!.
Sommes-nous dans Rome ou dans Athènes ? & avons-
nous une tribune od l'orateur, homme d’É ta t, puiffe
parler en liberté ? »
Faffe le Ciel qu’il s’en élève & en grand nombre,
de ces citoyens éloquents ! On demande où feroit
leur place ? Partout od la voix-de la fageffe , de.
la vérité, de la vertu, de l ’intérêt public , de>
l ’amour de l ’humanité, a le droit de fe faire entendre;
& fous ce règne od ne l ’a - t - e l l e pas a
L ’Éloquence n’a plus de tribune ! Mais la Chaire
en. eft une encore , pour cette Morale fublime, que.
rend plus pure encore & plus touchante la faintet*
de fes motifs. Mais les Académies font des tribunes ,
od , la palme à la main , on demande aujourdhui ,
|. comme, autrefois dans la place d’Athènes, Çug
veut parler pour le bien public ? Dans Athènes,
ce n'étoit qu'au moment où la République étoit
menacée, dans les jours decrife & de danger , que la
voix du héraut fe fèfoit entendre : ici , dans le fein
de la paix , 6c lorfque l ’indolence de la fécurité,
de la tranquilité publique ,. fembleroit pouvoir
refroidir l'intérêt général ; ic i, tous les jours, &
du centre 6c des extrémités du royaume , la voix
s'élève , & dit aux orateurs : » T e l abus règne ,
» tel' préjugé domine ; pour le combattre & le
» détruire , qui veut parler 1 qui veut parler contre
3> la fervitude , contre la rigueur inutile de nos
» anciennes lois pénales /contre l'iniquité des peines
» infamantes ,j> iùr les moyens de conferver cette
» multitude innombrable d'enfants qui vont périr
» dans les ailles de l ’indigence , ou fur les moyens
w de détruire ce vieux fléau de la mendicité , fans
» manquer au réfpeét que l ’on doit au malheur ; qui
» veut parler ?
» L'exemple des hautes vertus , des fublimes
» talents , des travaux héroïques, s'efface dans
» l ’éloignement, & ne jette plus qu’une pâle 6c
» froide lumière ; pour en ranimer l’émulation avec
» le fouvenir, qui veut parler ? Le génie & l ’am-
» bition des fouverains fe tourne vers la folide
» gloire , vers celle qui ne coûtera ni larmes ni
» fang à leurs peuples, & qui fera le prix du bien
»> qu’on aura tait 5 les peuples eux-mêmes com-
» mencent à fentir qu'une Politique funefte les a
» trompés, en les rendant jaloux 6c rivaux l'un de
» l ’autre, & que la nature les avoit faits pour
» être amis ; qui veut parler, pour aplaudir à cette
» grande révolution , 6c pour y encourager & les
» rois & les peuples ?
» Un jeune prince ( de Brunfwick ) fe dévoue
» pour fecourir des malheureux qui vont périr ; &
» à l'inftant une voix touchante , une voix chère
» à la nation , s'élève & demande: Qui veut'parler
» avec l'enthoufiafme d’une Poéfie éloquente, pour
» rendre, à la mémoire de ce héros de l ’humanité,
» l’hommage , les voeux, les regrets de la recon-
» noiffance univerfelle ? qu’il aquitte le genre hu-
» main de ce devoir j & la , couronne d’o r , qu’on
» refufoit à Démofthène, l ’attend & lui eft a£-
» sùrée ».
Qu’on ne dife donc plus que les grands objets
manquent à l'Éloquence 5 mais bien plus tôt que
l ’Éloquence manque le plus fouvent aux grands
objets qui la demandent, qui l'appellent, qui l’invoquent
de toutes parts. Son domaine aura fes
limites ; elle ne fera plus féditieufe & turbulente $
elle ne fera plus délatrice & calomnieufe ; mais
fi elle n’a pas toute la liberté de l'Éloquence républicaine
, aufli n'en aura-1-elle pas la licence &
les vices. Elle fera moins de bien peut-être ; mais
elle ne fera que du bien , & fera de grands biens
encore. Je ne parle point du Barreau, où la juftice
& l ’innocence auront toujours befoin de fon organe ;
inais partout où le bien moral ou politique ? l ’utile ?
l’honnête, 8c le jufte font mis en délibération, dans
les confeils, dans les tribunaux, dans les députa-
• lions, & dans les affemblées , elle aura lieu de fe
montrer : elle aura lieu de parler aux peuples au
nom du fouverain, au fouverain au nom des peuples;
confolante & fenfïble en émanant du trône, ref-
peôtueufe & läge en y portant les voeux > les
gémiffements des fujets. Elle ne fera point de révolution
violente; mais elle amènera des réformes
utiles , des changements inefpérés : elle rendra du
moins l ’autorité plus douce , l ’cbéiflance plus facile
, le fouverain plus cher encore, les peuples plus
intéreffants.
Mais il eft pour elle un empire plus étendu &
plus durable. Cet art précieux , que les anciens ne
poffédoient pas , l ’art de l ’Imprimerie , donne des
aîles & cent voix à l ’Éloquence , comme à la
Renommée ; les livres font pour elle des miniftres
rapides, qui, d'une extrémité du monde à l ’autre ,
vont porter la lumière & la perfuafion ; & n’eùt-
elle que ces ’ organes, de quel prix ne feroient
pas encore le talent, le génie , & lame d’un homme
vertueux & fage, à q u i, pour rendre fa fageffe 6c
fa vertu féconde , le Ciel auroit donné le don
d’écrire, éloquemment ! Un livre où les principes
d'une (aine Philofophie , d’une Politique morale ,
d’une fage Légiflation , d’une Adminiftration falu-
taire, feront dèvelopés avec une Éloquence lurni-
neufe & fenfible , fera lui feul pour le monde un
bienfait qu’on ne fauroit apprécier. La raifon fans
doute auroit droit de perfuader par elle-même;
mais combien de vérités utiles, froidement & négligemment
énoncées dans des écrits judicieux, y
(eroient reftées enfevelies , fi l ’Éloquence n’étoit
venue les retirer comme du tombeau, & les rendre
à la v ie , en leur communiquant tout fon charme 6c
tout fon pouvoir ? ( Al. M a r m o n t e l . )•
R H O P A L I Q U E , adj. Belles-Lettres. On
donnoit ce nom, chez les anciens , à une forte de
vers qui commençoient par un monofyllabe, 6c
qui continuoient par des mots tous plus longs les
uns que les autres ; en forte que le fécond étoit
plus long que le premier, le troifième plus long
que le fécond, & ainfi de fuite jufqu’au dernier.
Ils étoient ainfi nommés du grec p^raAov , maß-
f u e , parce que ces vers étoient en quelque façon
femblables à une maffue , qui commence par un bout
fort mince & finit par une ^roffe tête.
T e l eft ce vers d’Homere,
£1 fxa.y.cLp Arpï/JS) oAßioS'ciltu.U'i ,*
ou celui-ci d’Aufone,
Spes, D e u s , ceternce f la t io n is conciliator.
( A n o n y m e . )
R H Y T H M E , f. m. Belles-Lettres.
chez les grecs, c’eft à dire, Cadence y & alors il fe