
données avant lu i , i l s’eft arrêté à l ’idée à*affirmation*
I l fentoit que la nature du Verbe, devoit le
rendre néceflaire a la propofi;ion} il n’a pas vu
allez nettement l ’idée de Yexijlence intellectuelle ,
parce qu’il n’eft pas remonté jufqu’à la nature du
jugement intérieur j il s’en eft tenu à l ’affirmation, ,
parce qu’il n’a pris garde qu’à la propofition même.
Je ferai li-deflus quelques obfervations allez naturelles.
i°. U affirmation eft un aôe_ propre à celui qui
parle} & l ’auteur de la Grammaire générale en
convient lui-même (P a r t. I I , chap. x i i j , édit.
1 7 $6 ) : » Et l ’on peut, dit-il', remarquer en paf-
» font , que Yaffirmation, en tant que conçue ,
» pouvant être aulfi l ’ attribut du Verbe,. comme
» dans affirmo ., ce Verbe lignifie deux affirma-
» tions , dont l ’une regarde la perfonne qui parle
« & l ’autre la perfonne de qui on parle , foit
» que ce foit de foi-même , foit que ce foit d’un
» autre. Car quand je dis , Petrus affirmât ,
» affirmât eft la même chofe que ejl affirmons ; 8c
» alors ejl marque MON AFFIRMATION , ou le
» jugement que je fais touchant Pierre ,* & affir-
» mans , Yaffirmation que je conçois & que j’at-
» tribue à Pierre ». Or le Verbe, étant un mot
déclinable indéterminatif, eft fujet aux lois de la
concordance par raifon d’identité , patce qu’il dé-
figne un fujet quelconque fous une idée; générale
applicable à tout fujet déterminé qui en eft fufcep-
tible. Cette idée 11e peut donc pas être celle de
Yaffirmation, qui eft reconnue propre à celui qui
parle , & qui ne peut jamais convenir au fu jet dont
on parle , qu’autant qu’il exifte dans l ’elprit avec
la relation de convenance à cette manière d’ être ,
comme quand on dit Petrus affirmât.
i ° . L affirmation eft certainement oppofée à la
négation : l ’une eft la marque que le fujet exifte
fous la relation de convenance à la manière d'être
dont il s’agit j l ’autre, que le fujet exifte avec la
relation de difconvenance à cette manière d’être.
C ’eft à peu près l’idée que l’on en prendroit dans
Y A r t de penfer ( Part. I l , chap. iij) . Je l ’é tendrais
encore davantage dans le grammatical, &
je dirais que Y affirmation eft la (impie pofition"
de la lignification de chaque mot , & que la négation
en eft en quelque manière la deftru&ion.
Auffi Yaffirmation fe manifefte a fiez par l ’aébe
même de la parole, fans avoir befoin d’un mot
particulier pour devenir fenfible, fi ce n’eft quand
elle eft l’objet fpécial de la penfée & de l ’expref-
fion}. il n’y a que la négation qui doive être exprimée.
C ’eft pour cela même que , dans aucune
langue, il n’y a aucun mot deftiné à donner aux
autres mots un fens affirmatif, parce qu’ils le font
tous eflenciellement } i l y en a au contraire qui
les rendent négatifs , parce que la négation eft
contraire à Vaéte (impie de la parole , & qu’on
ne la fuppléeroit jamais fi elle n’étoit exprimée :
malè, non malè ; doclus , non doclus ,* audio ,
non audio. O r fi tout mot eft affirmatif par nature
comment Yaffirmation peut- elle être le cara&ère
diftinétif du Verbe ?
30. X)n doit regarder comme incomplète, 8c
conféquemment comme vicieufe , toute définition
du Verbe qui n’affigne pour objet de fa lignification
qu’une fimple modification qui peut être com-
prife dans la lignification de plufieurs autres, ef-
pèces de mots : or l ’idée de 1 affirmation eft dans
ce cas, puifque les mots affirmation, affirmatif,
affirmativement, oui expriment Yaffirmation fans
être Verbes.
*Je fais que l’auteur a prévu cette objection, &
qu’il croit la réfoudre en diftinguant Y affirmation
conçue de Y affirmation produite , 8c prenant celle-
ci pour caraétérifer le Verbe. Mais j’ôfe dire que
c’eft proprement fe payer de mots, & laiffer fub-
fifter un vice qu’on avoue. Quand , on fuppoferoit
cette diftinéüon bien claire, bien précise,. & bien
fondée} le befoin d’y recourir pour juftifiet la
définition générale du Verbe, eft une preuve que
cette définition eft au moins louche, qu’il falloit
la rectifier par cette diftinétion, & que peut-être
■ l’eût-on fait, fi l’on n'avoit craint de la rendre d ailleurs
trop obfcure.
4®. L ’auteur fentoit très-bien lui-même l ’infuf-
fifance de fa définition pour rendre raifon de tout
ce qui apartient.au Verbe. C’eft, félon lu i , Un
mot dont le PRINCIPAL USAGE ejl de dé/igner
Vaffirmation . . . . Von s’en fert encore pour
Jignifier d*autres mouvements de notre âme . . .
mais ce n ejl quen changeant dd inflexion & de
mode; & ainfi , nous ne confidéronsle VERBE,
dans tout ce chapitre (ch x iij, Part. Il, édit» x 7 5 6),.
que félon fa principale fignification , qui ejl
celle q u i l a à Vindicatif. I l fa u t remarquer,
dit.il ailleurs (chap. x v ij ) „ que quelquefois l ’inf
in it if retient /’affirmation, comme quand je
dis , Scio malum effe fugiendum} <-** que fouvent
i l la perd & devient nom., principalement en grec
& dans les langues vulgaires , comme quand oit
dit * . . . Je veux boire ( volo bibere). L ’infinitif
alors cefle d’ être Verbe , félon cet autèur} & par
confisquent i l faut qu’il avoue que le même mot,
avec la même fignification , eft quelquefois Verbe
8c cefle quelquefois de l’être. Le participe, dans
fon fyftême , eft un fimple adjeétif ', parce qu’il ne
eonferve pas l ’idée de Y affirmation.
Je remarquerai à ce fujet que tous les modes,
fans exception , ont été dans, tous les temps réputés
apartenir au Verbe, & en être des parties
nécefîaires } que tous les grammairiens les ont dit-
pofés fyftématiq.uement dans la conjugaifon }•, qu’ils
y ont été forcés par l ’unanimité des ufages. de
tous les idiomes, qui en ont toujours formé les
diverfes inflexions par des générations régulières
entées fur un radical commun} que cette unanimité
, ne pouvant être le réfultat d’une convention
formelle & réfléchie, ne fauroit venir que des
fuggeftions fecrètes de la nature , qui valeur
V E R
beaucoup mieux que toutes nos réflexions ; & ■
qu’une définition qui ne peut concilier des parties
que la nature elle-même femble avoir liées, doit
être bien fufpe&e à quiconque connoît les véritables
fondements de la railon.
II. L ’idée de l ’exiftence intelle&uelle fous'une
relation à une modification , eft encore ce qui
fert de fondement aux différents modes du Verbe, qui
eonferve dans tous fa nature, eflenciellement indeftruélible.
• A
Si par abftratfion l’on envifage comme un etre
déterminé cette exiftence d’un 'fujet quelconque
fous une relation à une modification } le Verbe
devient nom, 8c c’ en eft le mode infinitif. Voye\
Infinitif, a
Si par une autre abftraÊtion on envifage un etre
indéterminé , défigné feulement par cette idée de
l ’exiftence intelle&uelle " fous une relation à une
modification, comme l ’idée d’une qualité fefant
partie accidentelle delà nature quelconque du fujet}
le Verbe devient adje&if, & c’en eft le mode participe.
Voyei Participe.
Ni l’un ni l ’autre de ces modes n’eft. perfonnel,
c’eft à dire qu’ils n’admettent point d’inflexions
relatives aux perfonnes , parce que l’un 8c 1 autre
expriment de (impies idées} l ’un, un être déterminé
par fa nature } l’autre , un être indéterminé
défigné feulement par line partie accidentelle de
fa nature : mais ni l ’un ni l ’autre n’exprime l ’objet
d’un jugement aéluel, en quoi confifte principalement
Ielfence de la propofition & du difeours.
C’eft pourquoi les perfonnes ne font marquées ni
dans l’un ni dans l ’autre -, parce que les perfonnes
font, dans le Verbe, des terminaifons qui cara&érifent
la relation du fujet à l ’afte de la parole. Voye^
P e r s o n n e .
Mais fi l ’on emploie en effet le Verbe pour
énoncer actuellement l ’exiftence intellectuelle d un
fujet déterminé fous une relation à une modification
, c’eft à dire , s’il fert à faire une propofition}
le Verbe eft alors uniquement Verbe , & c’en eft
un mode perfonnel.
Ce mode perfonnel eft direCt, quand i l conftitue
l ’expreffion immédiate de la penlée que l ’on veut
manifefter } tels font Vindicatif*, l’impératif, 8c le
fuppofitif ( Voye\ ces mots ). Le mode perfonnel
eft indireCt ou oblique , quand il ne peut fervir
qu’àconfîituer une propofition incidente fubordonnée
à un antécédent} 'tels font l ’optatif & le fubjonCtif.
Voye\ ces mots.
Il eft évident que cette multiplication des afpeCts
fous lesquels on peut envifager l ’idée fpécifique
de la nature du Verbe , fert infiniment à en multiplier
les-ufages dans, le difeours , 8c juftific-de
plus en plus le nom que lui ont donné par excellence
les grecs & les romains, & quenous lui avons confervé
nous-mêmes.
III. Les temps,dont le Verbe feul paroît fuf-
ceptible , fuppofent apparemment, dans cette partie
d’oraifon, une idée qui puifle fervir de fondement
V E R 62 3
à ces métamorphofes qui en rende le Verbe fuf-
ceptible. Or il eft évident que nulle autre idée
n’eft plus propre que celle de l ’exiftence à fervif
de fondement aux temps, puifque ce font des for me s-
deftinées à marquer les diverfes relations de 1 exiftence
à une époque. Voye\ T emps.
De là vient que , dans les langues qui ont admis
la déclinaifon -effective , il n’y a aucun mode du
Verbe qui ne fe conjugue par temps} les modes
imperfônnels comme les perfonneis, les modes
obliques comme les direCts , les modes mixtes
comme les purs : parce que les temps tiennent a la
. nature immuable du Verbe, à l ’idée générale de
l’exiftence.
Jules-Céfar Scaliger les croyoit fi efîenciels à
cette partie d’oraifon ,• qu’il les a pris pour le caractère
fpécifique qui la diftingue de toutes les autres :
Tempus autem non videtur effe affeclus VERBI,
fe d differentia formalis propier quam VERBUM
.ipfum V e r b üm eft ( De cauf. L . L . lib. v ,
cap. exxj ). Cette confédération, dont il eft aifé
maintenant d’apprécier la jufte valeur , avoir donc
porté ce favant Critique à définir ainfi celte partie
d’oraifon : Ve r b um ejl nota rei fub tempore. ( Ib.
cap. ex. ) r
i l s’eft trompé en ce qu’i l a pris une propriété
accidentelle du Verbe pour l ’eflence même. Ce
ne font point les temps qui conftituent la nature
fpécifique du Verbe j autrement, il faudrait dire que
la langue franque , la langue chinoife, 8c apparemment
bien d’autres , font deftituées de Verbes ,
puifqu’il n’y a dans ces idiomes aucune efpèce de
mot qui y prenne des formes temporelles : mais
puifque les Verbes font abfolument néceflaires pour
exprimer les objets de nos jugements, qui font
nos principales & peut-être nos feules penfées} i l
n’eft pas poflible d’admettre des langues fans Verbes,
• à moins de dire que ce font des langues avec Jef-
quelles on ne fauroit parler. La vérité eft , qu’il
y a des Verbes dans tous les idiomes} que, dans
tous , ils font cara&érifés par l’idée générale de
l ’exiftence intelle&uelle d’un fujet indéterminé fou
une relation à une .manière d’être} que, dans tous,
en, conféquence, la déclinabilité par temps en eft
une propriété efîencielle ; mais quelle n’eft qu’en
puiflance dans les uns , tandis quelle eft en ade dans
les autres. t ^
Si l ’on veut admettre une métonymie dans le
nom que les grammairiens allemands ont donné
au Verbe en leur langue} il y aura aflez de juf-
tefle : ils l’appellent das \eit--wort ; le mot \eit-
wort eft compofé de qeir (temps ) & de wort
(mot ), comme fi nous difions le mot du temps. I l
y a apparence que ceux qui introduifirent les premiers
cette dénomination , penfoient fur le Verbe
comme Scaliger} mais on peut la reftifïer , en
fuppofant, comme je l ’ai dit, une métonymie de la
mefure pour la chofe mefurée , du temps pour l’exiftence.
t
IV . La définition que j’ai donnée du Verbe fe
K k k k t