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ftyle noble & Ample des écrivains du liècle d’Au-
gufte, on goûta le ftyle liériffé de Pointes des
écrits de Seneque. C'/eft ainfi que , parmi nous,
nous voyons la decadence des fciences fortir de ce
nouvel efprit de Pointes & de frivolités, qui
caufa celle dont on commençoit à fe plaindre à
Rome immédiatement après le liècle d’Augufte.
^ Je ne prétends pas cependant qu’il foit toujours
détendu , dans quelques petits ouvrages , de donner
place a des penfees qui fuppléent, par leur vivacité
, a ce qui leur manque du côté de la jufteffe*
Il }en de ccs traies comme des faux brillants,
qu on a quelquefois ingénieufement mis en oeuvre
& qu on ofe porter fans déshonneur avec de vrais
diamants. {Le chevalier d e Jau c o u r t . )
( ^ Dans les ouvrages férieux, cet abus des
termes elt de mauvais goût; mais dans un ouvrage
badin, ou dans la converfation familière, il peut trouver
fa place.
M. Orri, contrôleur général, difoit à quelqu’un :
Save^ - vous bien que f a i quatre - vingts mille
hommes fous mes ordres? A h \ Monfeur, lui
répondit on, vous ave^ là un beau camp volant.
Voila comme il faut faire des P o in te s, ou ne
pas s’en mêler.
Les jeux de mots , fans avoir cette finefle piquante
font quelquefois plaifants par la furprife qui naît dû
détour de 1 expreflion. 1
Un cheval étant tombé dans une cave, le" peuple
s’étoit affeinblé , & on fe demandoit : Comment
le tirer de là? Rien de p lus aifé , dit quelqu’un ,
i l njr a q u a le tirer en bouteilles:.
: Un prédicateur , relié court en chaire, avouoit
à fes audrteurs qu’il avoit perdu la mémoire : Qu’on
■ ferme les portes, s’écria un mauvais plaifant. i l n'y
at uiA uef honnêtes g en s , i l fa u t que la mémoire
de Monjieur fe retrouve.
JL homme de goût le plus févère auroit bien de
la peine à ne pas rire d un pareil jeu de mots 1.
(M, M ARMONT EL.) '*
Pointe de l’Épigramme , P a i fie. C’eil ainfi
qu’on nomme la penfée de YÈpigramme qui'
prque le lefteur & qui l’intérelïc. Toute É pi-
gramme a deux parties, l’expofition du fujet & la
penfée ou la Pointe qui en réfulte.
Ci gît ma femme ! voilà l ’expofition du fujet :
A h ! qu’ elle e tl b ie h p o ü r fo n repos & pour le mien.’
Voilà la Pointe. Cette Pointe doit être préfentée
heureufement & en peu de mots ; elle doit être
intéreffante, foit par le fond foit par le tour : elle
xntérelle encore par la finelfe de l’idée, comme dans
1 t.pigramme de l’Anthologie renfermée en un feul
pets :
J e chatitois , Homère cc rivo ît.
Quelquefois la plaifanterie fa« la Pointe de
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YÈpigramme, comme dans celle du chevalier de
Cailly :
D is - je q uelque chofe allez b elle ï
L A n t iq u ité tou t en cervelle
M e d it ; J e l’ a i d it a v an t to i,
' C e ft une plaifante d o n z e lle j ' •
Q u e n e v en o it -elle après mo i ï
J ’aurois dit la ch o fe avant elle.
Dans quelques occafions, c’eft le jeu de mots :
H u iflîe rs , qu’ on fa flè lile n c e ,
D i t , en tenant l ’au d ien c e ,
U n préfident de B au gé ;
C ’eft un brun; à tête fendre ï
N ous a v o n s ' déjà jugé
D ix caufes fans les entendre.
D autres fois, c’eft la malignité ; i l eft inutile
d en rapporter des exemples. Quelquefois c’eft une
ablurqité qui n étoit pas attendue ; tel eft ce boa
mot du Caton , raporté par S. Auguftin :
A u tre fo is un R om a in s’ en v in t fort affligé
^Raconter a C a to n que la nuit précédente
S o n fou liè r des fouris a v o it été rongé j
C h o fe q u i lu i femb lo it tour à fa it effrayante.
M o n am i, d it C a to n , reprenez v o s efprits j
C e t a c c id e n t , en f o i , n’a rien d ’épouvantable :
Mais fi vo tre fou lie r eût rongé les fo u r is ,
Ç ’ auroit été fans doute un prodig e effroyable.
Mais de toutes les efpèces de Pointes épigram-
matiques , i l n’y en a guère qui frapent plus que les
retours inattendus :*
U n gros ferpent mo rd it A u r è le ,
Q u e c ro y e z -v o u s qu’ i l a r r iv a i
Qu*Aurèle mo urut?'ba ga te lle :
C e fut le ferpent q u i creva.
( Le chevalier d e Jaucourt. )
( N . ) P O L I , POLIC É . Synonymes.
Ces deux termes , également relatifs aux devoirs
réciproques des individus dans la fociété, font fyno-
nymes par cette idée commune : mais les idées
acceffoires mettent entre eux une grande diffé-
rence.
Poli ne fuppofe que des lignes extérieurs de
bienveillance; lignes toujours équivoques, & par
malheur fouvent contradictoires avec les aCtions î
P o lic é fuppofe des lois qui cônftatent les devoirs
réciproques de la bienveillance commune , & une
‘Puilfance autorifee a maintenir l ’exécution des lois»
[M . B e a u z é e . )
Les peuples les plus polis ne font pas aufli les
plus, vertueux : les moeurs /impies & févère*
ne fe trouvent que parmi ceux que la raifon *
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l ’équité ont policés, & qui n ont pas encore abufé
de l ’êlprit pour fe corrompre.
Les peuples policés valent mieux que les peuples
polis.
Chez les barbares , les lois doivent former les
moeurs : chez les peuples policés , les moeurs perfectionnent
les lois & quelquefois y fuppléent ;
une fauffepoliteffe les fait oublier. V'oye\ C i v i l ,
P oli. Syn. & Honnête , Ci v i l , Pol i, G racieux,
 efable. Syn. ( D u CLOS. )
( N. ) POLYGRAPHIE , f. f. Art d’écrire
de différentes manières fecrètes, q u i, pour être
lues , fuppofe ut une clef ou la connoiffance du
chiffre. Poye^ C ryptôg aphie, C hiffre, D é chiffrer.
( M . B e a u z é e . )
( N. ) PO L Y P T O T E , f. m. Figure de Diction
'par confonnance rationnelle, qui confifte à employer
un même mot, dans’ la même période ,
lous plufieurs des formes grammaticales dont i l
eft fufceptiBle, comme les cas , les genres, les
nombres , les perfonnes , les temps, les. modes ,
les degrés de Jignification. Voyez ces mots.
Cette figure donne quelquefois au dilcours une
élégance qui femble en augmenter l ’énergie : Tout
ce que vous ave% pu & du faire pour prévenir
ou pour pacifier les troubles , vous Vave-[ fait-
dès le commencement, vous le faites encore tous
les jo u r s , & Von ne doute pas que vous ne le
fafliez conjlamment jufq u’à la fin.
Voici trois vers latins qui ne font pas fans agrément
, quoiqu’on y fente l ’affeCtation de décliner
par ordre le même nom ; je ne les traduirai point,
parce que le Polyptote difparoitrôit en françois y
ce qui montre affez communément la futilité ae la
figure
Quum V~a.nitas fit vanitatis f i l i a ,
E t vanitati vanitatem pcocreet ;
O Vanitas ! quid vanitate v anius!
Quelquefois aufli le Polyptote , placé à propos,
donne au dilcours une énergie & une force extraordinaire.
On va le voir dans un exemple de C icéron
( Pro Archia vj. 14 )> où les variations
de l’adjeCtif plenus femblent augmenter l ’abondance
des témoignages que l ’orateur invoque. Sed
pleni omnes funt libri, plenæ fapientium voces,
plena exemplorum vetuftas , quæ jacerent in
tehebris omnia , nifi litterarum lumen accederet.
L e mot Polyptote eft le mot grec francifé
IIoÀv?rf©Tov , qui veut dire Multiplication de
chutes ou de terminaifons : RR. woàvs , multus ;
& le verbe fictif «flo«, qui fournit le prétérit
ws’-TToxa au verbe ufité •®/'5r'1w cado. Cette figure
a quelque raport à la Dérivation ; mais elles ont
des caraétères qui les différencient. Vqye^ Dériv
a tio n . ( M . B e a u z é e . )
( N. ) POLYSYLLABE , adj. Compofé dç
P O N i<?7
plufîeurs fyllabes. Les mots vertu, charité, délibéré,
interprétatif, incontejlablement, indijfo-
lubilité, font des mots polyjyllabes. On dit aufli
fubftantivement , que ce font des Polyfyllabes -,
( M. B e au zé e . )
(N .) P O L Y S Y N D É T O N , f. m. Figure
d’Éloculion par union, dans laquelle on emploie
la conjonction copulativë a chacun des membres
réunis fous un même point de vue, au lieu de
ne la. mettre , félon l ’ufage, qu’avant le dernier
membre.
Raciney dans la tragédie SEflher ( acl. \yf c . v ),
fait parler ainfi une jeune ifraéiite :
Quel carnage de toutes ■ parts !
O n égorge à la fois les enfants, les vieillards5
jEt la foeur, & le frère,
Ht la fi lle , & la mère.
Cette figure donne de la gravité à l’Élocution;
elle appuie fur les objets de détail , qu’elle fembie
multiplier en multipliant les conjonctions : mais
elle ne convient qu’aux pallions douces & capables
de réfléchir.
Le mot Pglyfyndéton eft purement grec , &
lignifie Pluralité de liaifons. RR. 'sroÀth , mul~
tus, o-vv, curti, & Tiôfyui, fono. {.M. B e au zé e . )
P O N C T U A T IO N , f. f. Gram. Littér. C’eft
l ’art d’indiquer dans l ’écriture , par les lignes reçus.,
la proportion des paufes que l ’on doitfaire en parlant.
Il exifte un grand nombre de manulcrits anciens
, où ni les fens ni les propofitions ne font
diltin gués en aucune manière ; ce qui porteroit a
croire que l ’art de la Ponctuation étoit ignoré
dans les premiers temps. Les principes en font
même aujourdhui li incertains, fi peu fixés par
l ’ulàge uniforme & confiant des bons auteurs,
qu’au premier alpeCt on eft porté à croire que
c’eft une invention moderne ; le P. Buflier ( Gramm.
franç. n°. 5175), & Reftaut ( chap. xvj), difent ex-
preflément que c’eft une pratique introduite en ces
derniers fiècles dans la Grammaire.
On trouve néanmoins, dans les écrits des anciens,
une fuite de témoignages qui démontrent
que la néceflité de cette diftin&ion raifonnée s’étoit
fait fentir de bonne heure , qu’on avoit inftitué
des caraClères pour cette fin, & que la tradition
s’en confervoit d’âge en âge ; ce qui , apparemment,
auroit porté l art de ponctuer à fa perfection,
fi l ’Imprimerie, qui eft fi propre â éternifer les inventions
de i’efprit humain, eut.exifté dès ces premiers
temps.
Dans le feptième liecle de l’ère chrétienne,
Ilîdore de Séville parle’ ainfi des caractères de la
Ponctuation connue de fon temps : Q u i dam fen-
tentiarum notez apud celebertimos auctons fue -
runt 3 quasque antiqui ad dijlinclionem feriptu