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» c eft deus qui eft foufentendu : Coelum habe-
» batur antiquijjimus ( deus ) deorum. En effet,
» comme je i ’ai remarqué dans ma Grammaire ,
» quand nous difons, Le Luxembourg n* eft pas
» la moins belle des promenades de P a r is , c’eft
» comme s’il y avoit, Le Luxembourg 11 eftpas
» la moins belle ( promenade ) des promenades
» de Paris : & n’eft-ce pas à caufe de ce fubftantif
» foufentendu que le Superlatif relatif eft fuivi
» en françois de la .prépofition de, 8c en latin d’un
» génitif ?
M. de Wailly pourrait bien s’être trompé lui-
même en plus d’une manière. i° . 11 s’eft trompé
en prenant occaiion de fes remarques fur une règle
qui concerne les Superlatifs françois, pour critiquer
un principe qui concerne la fyntaxe des
Superlatifs latins, & qui n’a aucune analogie avec
la règle en queftion : Non erat his locus. z°. Il s’eft
trompé, je crois , dans fa critique; & voici les rai-
ions que j’ai de l ’avancer.
I l eft vrai que, dans la phrafe latine duP.Jôii-
venci, interprétée par du Marfais , deus eft foufentendu
; & cela eft même indiqué par deux endroits
du texte : l ’adjedif antiquijjimus fuppofe
néceflairement un nom mafculin au nominatif fin-
gulier ; & d’autre parc deorum, qui eft ici le terme
de la comparaifon énoncée par l ’enfemble de la
phrafe, démontre que ce nom doit être deus, parce
que , dans toute comparaifon, les termes comparés
doivent être homogènes. Mais il ne-s’enfuit point
que ce foit à caufe du nom foufentendu deus ,
que l ’adjedif antiquijjimus eft fuivi du génitif
deorum : ou Jbien la propofition n’eft point comparative
, & dans ce cas, Coelum habebatur antiquijjimus
deus deorum ( en regardant deorum
*' comme complément de deus ) fignifie littéralement’,
le Ciel e'toit réputé le très-ancien dieu des
dieux , c’eft à dire ; le très-ancien ^««créateur
& maître des autres dieux ; de même que Deus
deorum dominas loquutus eft ( P f xlix , i )
lignifie Dieu le feigneur des dieux a parlé. Car
le génitif deorum , appartenant au nom Deus , ne
peut lui apartenir. que dans ce fens ; & alors il ne
refte rien pour énoncer le fecqnd terme de la comparaifon
j puifqn’il eft prouvé qu antiquijjimus par
lui-même n’a que le fens ampliatif, & nullement
le fens fupe rlatif ou de comparaifon.
Quand la phrafe oû eft employé un adjedif
ampliatif Z. le fens fuperlatif, la comparaifon y
eft toujours rendue fennble par quelque autre mot
que xet ad jedif, & c’eft communément par une
prépofition : AN TE aliospulcherrimus omnes (très-
beau au deffus de tous les autres, c’eft à dire, le
plus beau de tous ,* & afin qu’on ne penfe pas que
ce plus beau de tous n’eft que le moins laid, •
l ’auteur ne dit pas Amplement ante aliospulcher, ;
mais pulcherrimus , très-beau ^réellement beau ) ;
de même famojiffima s u P E R coeteras coena ;
jN TER omnes maximus ; EX omnibus docîijft-
mus. Quelquefois aufîi l ’idée de la comparaifon
eft feulement indiquée par le génitif qui eft une
partie du fécond terme de la comparaifon; mais il
n’en eft pas moins néceffaire de retrouver , par
l ’analyfe , la prépofition qui feule exprime la comparaifon
: dans ce cas, i l faut fuppléer aufli le complément
de la prépofition, qui eft le nom fur lequel
tombe le génitif exprimé.
Il réfulte de là qu’il faut fuppléer l’une des pré-
polirions ufitées dans les exemples que l’on vient
de voir, & lui donner pour complément immédiat
un nom appellatif, dont le génitif exprimé dans
le texte puifle être lé complément déterminatif :
8c comme le fens préfente toujours dans ce cas l’idée
d’une fupériorité univerfelle , le nom appellatif le
plus naturel me femble être celui qui énoncera la
totalité , comme univerfa turba, numerus integer,
&c ; de même que , pour la phrafe françoife , j’ai
prouvé qu’i l falioit fuppléer la totalité avant la
prépofition de,
Ainfî , deorum antiqitijjimus habebatur Coelum ,
ne peut pas mieux être interprété qu’en difant :
Coelum habebatur ( de us ) antiquijjimus ( ante
uuiverfam turbam) deorum, ou [fuper univer-
fam turbam ) deorum , ou ( inter univerfam tur-
bamjdeorum, ou enfin ( ex integro numéro ) deorum.
Si du Marfais s’eft trompé, ce n’eft qu’en
omettant deus 8c ¥zA)t&\î integro, qui eft néceffaire
pour indiquer la fupériorité univerfelle ou le fens
fuperlatif.
Il en eft de même de la phrafe françoife de M. de
Wailly , Le Luxembourg n e jl pas la moins belle
des promenades de Paris : félon l ’analyfe que
j’ai indiquée plus haut 8c qui fe raproche beaucoup
de, celle qu’exige le génie de la langue latine ,
elle fe réduit à celle-ci ; Le Luxembourg n eft
pas la (promenade ) moins belle ( que les autres
promenades de la totalité ) des promenades de
Pa r is. Si ce grammairien trouvoît dans mes fup-
pléments trop de prolixité ou trop peu d’harmonie ,
je le prieroisde revoir plus haut ce que j’ai .déjà
répondu à une pareille objection ; & j’ajoute ici
que cette prolixité analytique ne doit être con^
dannée , qu’autant que l ’on détruiroit les principes
raifonnés qui en font le fondement & que je crois
établis folidement. ( M. B e a u z é e . )
SUPIN , f. m. Terme% de Grammaire. Le mot
latin Supinits fignifie proprement couché fu r le
dos ,* c’eft l ’état d’une perfonne qui ne fait rien ,
qui ne fe mêle de rien, Sur quel fondement a-t-on
donné ce nom à certaines formes des verbes latins,
comme àmatum , monitum , _ rectum , auditum,
&c ? Sans entrer dans une difcuffïon inutile des
différentes opinions des grammairiens anciens &
modernes fur cette queftion , je vas propofer la
mienne, qui n’aura peut-être pas plus de folidité ,
mais qui me paroît du moins plus vraifemblable.
Les verbes appelés neutres ; par le commun des
grammairiens , comme fum., exijio , fib , f t o } &c^
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Diomède d it, au raport de Voftius [Anal. I I I . z ),
que le nom de Supins leur fut donné par les anciens
, quod tiempe velut otiofa refupinaque dor-
miant, nec acîionem , nec pdfjionem fignifican-
tia. Si les anciens ont adopté dans ce fens le
terme de Supirt comme pouvant devenir propre au
langage g r am m a t ic a lc ’eft affurémeut dans le
même fens qu’il a été donné à la partie des verbes
qui l’a retenue jufqu’à préfent ; & c’eft avec beaucoup
de juftice qu’il en eft aujourdhui la déno mi4
nation excluiïve. Qu’i l me foit permis , pour le
prouver, de fair.e ici une petite obfervation métâphy-
fique.
• Quand une puiffance agit , il faut diftinguer
¥ aûion, Vacte ,, & la pajjion. Uacle eft l ’effet
qui réfulte de l’opération de la puiffance , res acla,
mais confidéré en foi 8c fans aucun raport à la
puiffance qui l’a produit, ni au fujet fur qui eft
tombée l ’opération ; c’eft l ’effet vu dans l ’abftrac-
tion la plus edmplète. L'action, c’eft l ’opération
même de la puiffance ; c’eft le mouvement, phyfi-
que ou moral, qu’elle fe donne pour produirai effet,
mais fans aucun raport au fujet fur qui peut tomber
l ’opération. La pajjion: enfin , c’eft i ’impreflion
produite par Yaête dans le fujet fur qui eft tombée
l ’opération. Ainfi, Ÿacïe tienc en queique^manière
le milieu entre ¥ action 8c la p ajjion; il eft l’effet
immédiat de ¥ action , & la caufe immédiate de la
pafjion ; i l n’eû ni ¥action ni la pajjion. Qui
dit a&ion, fuppofe une puiffance qui opère ; qui
dit pajjion, fuppofe un fujet qui reçoit une impref-
fion ; mais qui dit aèle, fait abftraélion, & de la
puiffance a&iye, & du fujet paffif.
Or, voilà juftement ce qui diftingue le Supin des
verbes : amare (aimer) exprime l ’aélion; ( amari
(être aimé) exprime la paffion ; amatum (aimé)
exprime l ’a&e.
De là vient i°. que le Supin amatum peut être
mis à la place du prétérit de l ’infinitif, & qu’il a
effenciellement le fens prétérit dès qu’on le met
à la place de l’a&ion. Dicîum ejl ( i ’aéte de dire
eft, & par conféquent l’a&ion de dire a été), parce
que l’aftion eft nécèffairement antérieure à l ’aéte,
comme la caufe à l’effet; ainfi, dicîum ejl a le'même
fens que dicere fu i t ou dixijfe ejl pourroient avoir ,
fi l ’ufage les avoit autorités.
D e là vient a°. que le prétéiit du participe paffif
en françois, en italien , en efpagnol, & en allemand
, ne diffère du Supin, qu’en ce que le participe
eft déclinable , & que le Supin ne l ’eft pas :
Supin indéclinable ; loué, françois, lodaio , italien
, alabaio, efpagnol, gelobet , allemand :
prétérit du participe paffif déclinable ; loué, ée,
françois , l 'dato., ta , italien, alabado , da , cf-
pagnol, gelobter, te , tes , allemand. Et il y à
encore à remarquer que le Supin 8c le participe ,
dans la langue allemande , ont tous deux la particule
prepontive ge , qui eft lè figne de l ’antériorité,
& qui ne fe trduve que dans ces deux parties du
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verbe- loben (louer)#; ce qui confirme grandement
mes obfervations précédentes.
De là vient ;° . que le Supin , n’exprimant ni
aétion ni paffion, a pu fervir, en latin , à produire
des formes aétives & paffives , comme il a plu à
■ l ’ufage ; parce que la diverfilé des terminaifons fert ’
à marquer celle des idées acceffoires qui font ajoutées
à l ’idée fondamentale de i ’aéte énoncé par le ’
Supin: ainfi, le futur du participe à£fci£ amatu-
rus, a , um , 8c le prétérit du participe paffif
amatus , a ,\um, font également dérivés du Su-
pin.
Je ne m’étendrai pas davantage ici fur la nature
du Supin , ni fur la réalité de fbn exiftence dans
notre langue , & dans celles qui ont des procédés
pareils à la nôtre ( voye\ Participe, arc. I I ) :
mais j’ajouterai feulement quelques remarques, qui
font des fuites néceflaires de la nature même de la chofe.
i°. Le Supin eft véritablement verbe , & fait
une partie effencielle de la conjugaifon, puifqu’il
conferve l ’idée différencielle de la nature du verbe,
celle de l’exiftence fous un attribut , qui e,ft marquée
dans le Supin par le raport d’antériorité qui le met
dans la clafle des prétérits. V^oyer^^ Verbe, Prétérit
, & T emps.
2°. Le Supin eft véritablement nom, puifqu’i l
peut , comme les noms, être fujet d’un autre verbe
ou complément objeftif d’un verbe relatif, ou complément
d’une prépofition. Itum e(l, itum erat, itum
erit ; le Supin eft ici le fujet du verbe fubftantif, &:
confequemment au nominatif: c’eft la même chofe
dans cette phrafe de Tite-Live ( vij , 8 ) Diu non
perlitatum tenuerat diclaiorem , littéralement
n avoit p as fa i t pendant long temps de fic r ific e s
agréables aux dieux avoit. retenu le dictateur,
car perlitare fignifie faire des facrifices agréables
aux dieux , des facrifices heureux & de bon
augure ; c ’eft à dire , ce qui avoit retenu le dictateur,
c* eft que depuis long temps on n* avoit point
fa i t de facrifices favo rab.s. Dans Varron, Me in
Àrcadiâ fcio fpeclatum fuem ; le Supin eft com-,
plément objectif de fcio , & littéralement fc io
fpeclatum veut dire j é fa is avoir vu. Enfin dans
Sallufte , Nec ego vos ultum injurias hortor ;
le Supin eft complément de la prépofition à^fouf-
entendue iç i, & communément exprimée après le
verbe hortor.
3°. Le Supin , à proprement parler, n’eft ni de
la voix aétivê ni de la voix paffive, puifqu’il
n’exprime ni l ’adion ni la paffion , mais l ’a de :
, cependant comme il fe conftruit plus fouvent comme
la Voix adive que comme la voix paffive , parce
qu’on le raporte plus fréquemment au fujet ob-
je d if qu’à la puiffance. qui produit l ’ade ; il convient
plus tôt de le mettre dans le paradigme de
la conjugaifon adive. En effet, on le trouve fou-
vent employé avec l ’aceufatif pour régime , _&
jamais la prépofition à ou ab avec i ’ablatfif ne
lui fert de complément dans le fens paffif • car
impetratum eft à conjuetudiné ( Cic. ) , fe dit
M m m a