
A i S P R O
tivement du reflort de la Profodie« Cette queftion
n eft pas fans fondement. J’ai prouvé (.article H )
ne l ’afpiration n’eft qu’une manière particulière
e prononcer les fons avec explofion; qu’en con-
fequence elle eft une véritable articulation, comme
toutes les autres qui s’opèrent par le mouvement
lu bit & inftantané des lèvres ou de la langue ; &
quenfin la lettre H , qui eft le figne de fafpira-
tion , doit être mife au rang des confonnes, comme
les lettres . qui repréfentent les articulations labiales
& les articulations linguales. I l doit donc
y avoir une raifon égale, ou pour loumettre au
domaine de la Profodie toutes les autres articulations
auftî bien que l ’afpiration, ou pour en fouf-
traire 1 articulation afpirante auftî bien que les linguales
& les labiales.
« Chaque fyllabe, dit l ’abbé d’Olivet ( ibid.y,
» eft prononcée avec douceur ou avec rudefle, fans
» que cette douceur ou cette rudefle ait raport à
» 1 élévation ni à l ’abaiflement' de la voix ». Il
regarde cette douceur & cette rudefle comme des variétés
profodiques, propres à nous garantir de l ’ennuyeux
fléau de la monotonie , & conféquemment
comme apartenant autant à la Profodie que les
accents & la quantité , qui font deftinés à la même
fin. .
Que toute fyllabe foit prononcée avec douceur
ou avec rudefle , c’eft un fait ; mais que veut - on
dire par là ? c’eft à dire , que tout fon eft produit
ou avec l ’explofton attirante ou fans cette explofion.
Mais ne peut-on pas dire de même que tout fon
eft produit avec telle ou telle explofion labiale
.ou linguale , -ou fans cette explofion ? N’eft - il
pas également vrai que les différentes articulations
font autant de variétés propres à no.us épargner le
dégoût inféparable de la monotonie ? & ira-t-on
conclure pour cela que l ’ufage, le choix, & la prononciation
des confonnes eft une affaire de P ro-
fodie ?
A quoi fé réduit après tout ce que Fon charge
la Profodie de nous aprendre au fujet de l’afm-
ratïonrr • à nous faire connoître les mots où la lettre
H , qui en eft le figne , doit être prononcée
ou muette. Eh î n’avons - nous pas plufieurs autres
confonnes qui font quelquefois prononcées & quelquefois
muettes ? Voye"{ Muet.
I l me femble que je puis croire que Duclos eft
à peu près de même avis, & qu’il ne regarde pas
l ’afpiration comme fêlant partie de l ’objet de là
Profodie. Dans là Remarqué que j’ai raportéede
lui fur la définition de ce mot par l’abbé d’O live t,
i l donne pour raifon de la correétion qu’il y fait,
que chaque fy lla b e , prife à p a n , n-a ni accent
ni quantité ; & i l ne fait aucune mention de l ’afpiration
: d’ajlleurs i l admet la lettre f f , quj la
repréfente, au rang des confonnes , comme on peut
le voir dans fes Remarques fur le ij. çhap. de la
I. part, de la Grammaire générale.
/ a i ouvert bien des livres qui traitent de la
p r o
Profodie des,grecs & des latins; Profodie, quel-,
que.étendue que l ’on donne à ce mot, beaucoup
plus marquée que la notre : & j’ai vu que les uns
ne font point entrer dans leur fyftême profodique
ce qui concerne l ’accent; que les autres ajoutent
à la quantité de chaque fyllabe des mots , les
notions des différents pieds qui peuvent en réfulter ,
& la théorie du mécnanifme des -vers métriques
ou déterminés par le nombre & le choix des pieds.
J’ai compris par là que ce n’étoit peut-être que
faute de s’en être avifé, que quelque autre auteur
n’avoit pas étendu les fonctions de la Profodie
jufqu’à fixer les principes méchaniques de ce que
l ’on appelle Nombre ou Rythme dans le ftyle
oratoire. J’en ai conclu que la véritable notion
de ce que l ’on doit entendre par le terme dejPro-
fodie n’eft pas encore trop décidé, & qu’il eft
encore temps de donner à ce mot une lignification
qui s’accorde avec l’étymologie.
Ce mot eft purement grec ; «poa-®<f/a , dont les
racines font «po*, a d , & aéi , cantus : «sfos a/'n» , ad
cantum ,* & de l à , -o-pooW/a , iüjlitutio ad cantum.
L e mot Accent y en latin Accentus , a une origine
toute femblable , ad & cantum ,* le d final
de ad y eft changé en c par une forte d’attra&ion.
Mais je ferois différemment la conftruétiori des racines
élémentaires dans ces deux mots composes;
je dirois que <tsf®V , ad cantum, eft la conftruéàion
des racines, du mot compofé trpoo-vS'la., à caufè
dumotlbufentendu 'era.iJ'tia. Ou (lïtutioy mais
que cantus ad eft la conftruétion des racines du
mot accentus, que l ’on doit expliquer par cantus
ad vocem ( chant ajouté à la voix ). Cette première
obfervation indique qua l ’accent eft du ref-
fort de la Profodie, puifque c’eft une efpèce de
chant ajouté aux fons, & que la Profodie eft l ’art
de régler ce chant de la voix.
Au refte, les mots jJ , cantus, chant, font employés
par eatachrèfe ou extenfiori; parce qu’il ne
s’agit pas ici des modifications dè la voix qui constituent^
proprement le chant, mais feulement des
agréments de prononciation qui raprochent la voix:
parlante de la voix chantante, en lui donnant une
forte de mélodie par des tons variés, des tenues pré-
cifes , & des repos mefurés.
L ’origine du mot, ainfî dèvelopée , femble borner
les vues de la Profodie fur les accents & la quantité
des fyllabes & Voffius la définit dans fa petite
Grammaire, à l ’ufage des écoles de Hollande &
de Weftfrife ( page r 81 ) : Par s Grammaticæ.
quæ accentus & quançitatem fyllabarum doçet.
Mais fous le titre de Projodie, jl enfeignp liii-
même l ’art métrique, qui confîfte dans la connojf-
fance des différents pieds & des diverfes fortes de
vers qui en font compofés; -& je crois qu’il ajjai-
fon. La Mufique, qui, félon l’abbé d’Olivet ip.q ) ,
n’eft, $ proprement parler, qu’une extenfioja de
la Profodie , n’eft pas bornée à enfeigner les différents
tons & leur quantité cara&érifée par les
rondes , les blanches, le? noires, les croches, les
doubles^
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doubles - cloches, &c ; e lle enfeigné encore les
diverfes mefiires qui peuvent rég ler le c h a n t, les
propriétés des différentes pièces de Mufique qui
peuvent en réfu lter, &£ ; & voilà le m odèle qui doit
achever de fixer l ’objet de la Profodie.
D ifons donc q u e 1 c’eft P Art £adopter la modulation
propre de la langue que Von parle auxt
différents fens qu on y exprime. A infi , e lle comprend
, non feulem ent to u t ce qui concerne le m até
rie l des accents & de la q u a n tité , mais encore
celui des pieds & de leurs différents m élanges ,
celui des mefures que les repos de la voix doivent
m a rq u e r, & , ce qui eft bien plus précieu x , l’ufagp
qu’il faut en faire félon l’occurrence, pour établir
une jufte harm onie entre les fignes' & les chofes
lignifiées. P a r là on réunira des théories eparfes ,
q ui ont po urtan t un lien com m un , & que la réunion
rendra plus utiles : p ar là ceux qui écriront
fur la Profodie auront la liberté d’écrire en mêm e
tem ps fur l ’art m étrique , quand il s’agira des lan gues
dont le génie s’eft p rété à cette forte de m élo
d ie ; ils pourront s’étendre auftî fur le rhythine
de la profe , & en détailler les m o tifs, les m oyens,
les rè g le s, les écarts, les ufàges, ainfi que l ’a fait
C icéron pour le latin dans fon Orateur , & comme
l ’abbé, d’O liv et l ’a lui-m êm e entrepris p ar rap o rt à
notre langue.
O n ne doit pas s’attendre que j’entre ici dans
les détails de cet art féduéleur, qui eft effectivem
ent l ’art de verfe.r le plaifir dans l ’âme de ceux
qui é c o u te n t, pour en faciliter l’entrée à la vérité
m êm e , dont la p arole e f t, pour ainfi dire , le
m iniftre. C e t art exifte fans doute par raport à
notre la n g u e , puifque nous en admirons les effets
dans un nombre de grands écrivains, dont la leéture
nous fait toujours un nouveau plaifir : mais les
principes n’en font pas encore rédigés en fyftême ;
il n’y en a que quelques - uns épars çà & là ; &
c’eft peut- être une affaire de génie de les m ettte
en corps. C e qu’en a écrit l ’abbé d’O liv e t , to u t
excellent qu’il eft en foi & q u 'il p aro ît aux ieux'
de tous les connoifleurs, n’eft à ceux de l’auteur
qu’un foibie eflai. « P o ur l ’achever, dit - il à la
fin de fon Traité , » il faut un gram m airien , un
» o ra te u r, un p o è te , un m uficien, & j’ajoûte un
» géom ètre ; car to u t ce qui demande arrangem ent
» & . combinaifon de principes , a befoin de fa m é-
» thode ». Voye\ A ccent , Quantité * Pied , V ers , Mesure, N ombre, Rhythme , • &c.
( M. B e au zê e . )
P rosodie, (A. Littérature. Poéfie. O u les fons
élém entaires de la langue françoife ont une valeur
appréciable & confiante , & alors fa Profodie eft
décidée ; ou ils n’ont aucune durée preferite , &
alors ils font dociles à recevoir la valeur qu’il nous
p la ît de leu r donner , ce qui fait de la langue
françoife la plus fouple de toutes les langues ; & ce
n’eft pas ce que l’on p ré te n d , lorfqu’on luidifoute fa
Profodie.
G r a m m , e t L i t t tR a t . Tome I I I .
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Q u e m ’oppofera donc le préjugé que j’attaq u e ?
D ire que les fyllabes françoifes font en m em e
temps indéeffes dans leu r valeur & décidées à n’en
avoir aucune , c’eft dire une chofe abfurde en
elle-m êm e : car il n ’y a p o in t de fon pur ou a rticulé
qui ne fo it n atu rellem en t difpofe à la le n teur
ou à la v ite fle , ou ég alem en t fufoeptible de
l ’une & de l’a u tre ; & fon caraélère ne p eu t l ’é lo igner
de celle-ci , fans l’incliner vers celle-là.
L es langues modernes , d it-o n , n’o nt p o in t de
fyllabes qui foient longues ou brèves p ar e lle s -
m êmes. L ’o reille la moins délicate dém entira ce
préjugé ; mais je fuppofe que cela foit , les la n gues
anciennes en on t - elles davantage ? E ft - ce
par e lle - mêm e qu’une fyllabe eft tantôt brève &
tantôt longue dans les déclinaifons latines? V eut-
on dire, feulem ent que dans . les langues m odernes
la valeur profodique des fyllabes manque de p ré -
cifion ? Mais qu’eft-ce q ui em pêche de lu i en donner
? L ’auteur de l ’excellent Traité de là Profodie
françoife , après avoir obfervé qu’il y a des brèves
p lu s brèves , ' des longues plus lo n g u e s, & une
infinité de douteufes , finit p ar décider que to u t
fe réduit, à la brève & à la longue : en effet to u t
ce que l ’o reille exige , c’eft la précifibri de ces
deux m efu res; & fi, dans le lan g ag e fa m ilie r,
leu r quantité relative n’eft pas c o m p lè te , c’eft à -
l ’aëteur., c’eft au leéteur d’y fuppléer en récitant.
L es latins avoient , com m e n o u s, des lo ngués
p lu s longues , des brèves p lu s brèves, au rap o rt de
Q u in tilien ; & les poètes ne laiflo ien t pas de le u r
attribuer une valeur égaie.
Q uant aux d o uteufes, ou elles changent de valeu
r en changeant de place ; a lo rs, félon la p lace
qu’e lles occupent , elles font décidées brèves on
longues : ou réellem en t indécifes , elles reçoivent
le degré de len teu r ou de vitefle qu’il p la ît au
p o ète de leu r donner ; a lo rs, loin de m ettre obff-
ta'cle au nom b re, elles le favorifent ; & p lus il y
a dans une langue de ces fyllabes dociles aux m ouvements
qu’on leu r imprime , plus la lan g u e
e lle - m êm e obéit aifém ent à,: l ’o re ille qu i la
conduit. Je fuppofe donc , avec l’abbé d’O liv e t,
tous nos tem ps fyllabiques réduits à la valeur de '
la longue ôc de la brève : nous voilà en état de
donner à nos vers une mefure exacte & des nom bres
réguliers.
« Mais où tro u v er, m e dira-t-on , le ty p e des
» quantités de notre lan g u e? L ’ufage en eft l ’ar-
» b itre , mais l’ufage varie ; & fur un p o int auflï
» délicat que l’eft la durée relative- des fons , il
» eft m al aifé de faifir la vraiedécifion de l ’ufage ».
Il eft certain que , tant que les vers n’ ont point
de mètre précis & régulier dans une langue , fa
Profodie n’eft jamais fiable : c’eft dans les vers
qu’elle doit être comme en dépôt, femblable aux
mefures que l ’on trace fur le marbre pour re&ifier
celles que l ’ufàge altère ; & fans cela , comment
s’accorder ? L a volubilité, la mollefle, les négli