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le foufre & le gas nitreux, & les preuves que
j’ ai données que l’acide nitreux ne reçoit le
phlogiftique qu’en état de gas nitreux, rendent
cette conjecture très-probable; mais nous n’avons
pas encore d’expériences affez directes pour l’admettre
fans réferve. Le mélange de deux onces
d'acide nitreux très-concentré avec pareille quantité
d’eau, a produit, fuivant 1’obfervation de M. Bauçié,
une chaleur de quarante degrés.
L ’acide nitreux n’a aucune aélion fur la terre
quart^eufe, à la faveur d’une longue digeftioq,
fiiivie de l ’ébullition., il attaque les gemmes d)e
même quelles acides vitriolique & muriatique ;
mais, comme le remarque M. Bergman, à quion
doit cette obfervation, il n’en extrait qu’un peu
de fer & de terre calcaire; la propriété qu’il a
de déphlogiftiquer le fe r , fur-tout à l’aide de la
chaleur, le rend moins propre à cette opération
que l’acide muriatique, qui en retient davantage
en diffoluÈion.
Cet acide forme , avec les' alkalis & les terres,
des fels qui ont leurs caractères diftinCtifs & des
propriétés très-importantes. Voyeç N lTRÉ, NlTRE
BAROTIQUE ,*NlTRE CALCAIRE , &C. M. Dijon-
val a fait voir qu’il donnoit avec la magnéfie un
fel cryftallifable, non déliquefcent.
M. Bergman avoue que la place de l’alumine
ou terre argïlleufe pure n’eft pas encore fuffifam-
ment déterminée.
L 'acide nitreux diffout très-bien l ’or précipité
de l’eau régale par un âlkali. Voye^ N i t r E
D’OR.
Il y a peu d’années que les Chymiftes étoient
d’accord que Xacide nitreux feul n’aVoit aucune
aCtion fur l’or en état de métal complet : en 1748
M. Brandt faifant le départ d’un alliage de trente
marcs , dans la proportion de feize parties d’argent
• & trois d’or, s’apperçut que Xacide nitreux concentré
qu’il avoit employé fur la fin, & qu’il avoit fait
bouillir fur l’or précédemment dépouillé d’argent
par une eau forte plus foible, avoit pris une
couleur jaune; que lorfqu’on lui préfentoit de
l ’argent, il s’y formoit. un précipité en floccons ,
qui édulcoré & rougi, étoit de l’or; il crut pouvoir
en conclure que Xacide nitreux diffolvoit l’or.
Cette expérience fut répétée le 5 mars de cette
année, en préfence du roi de Suède & de l’académie
de Stockholm. >
Un procès-verbal aufli authentique paroiffoit ne
devoir laiffer aucun doute fur la vérité du fa it ,.
. MM. Scheffer & Bergman le confignèrent dans
leurs écrits , & la publicité que M. Sage lui
donna en France excita l’attention du Gouvernement,
qui chargea l’Académie d’examiner j uf-
qu*â quel point il pbuvoit influer fur la fureté de
l’opération du départ nous verrons à cet article
que les circonftances néceffaires à la production
a c 1
de ce phénomène font abfolument étrangères'à
l’opération des eflais, ainfi que les fix Commiflaires
le conclurent après les expériences les plus fcru-
puleufes. Je ne m’en occupe ici que pour déterminer
les diflolutions qui peuvent s’opérer par
Xacide nitreux.
M. Tillet s’étoit déjà occupé à répéter l’expérience
de M. Brandt, & le mémoire qu’il avoit
rédigé fur cette matière le mettoit en état-de
répondre aux queftions propofées par l’Adminif-
tration , fi fon importance n’eût engagé ce Savant
à demander lui-même que l’Académie fut con-
fultée; c’eft de ce mémoire, qui fait partie du
recueil de l ’Académie pour 1780, que je tirerai
la folution de ce prtjpême, devenu très - inté-
reffaat pour la théorie chymique , indépendamment
d^fes rapports avec l ’art de l’Effayeur.
Ce favant Académicien rapporte qu’ayant fait un
départ aux affinages de la monnoie ., dont les
matières étoient trois cents quatre-vingt-dix-huit
marcs d’argent, & quarante-fix marcs d’or, lorfqu’on
eut décanté l’eau-forte chargée d’argent, on
veifa fur les quarante-fix marcs de chaux tfor [ c’eft
ainfi que l’on nomme, en termes de l’art, l’or qui
fie précipite dans ces opérations, quoiqu’il ne l'oit
pas calciné) feize livres d’acidenitreux, concentré
à quarante-cinq degrés de l’aréomètre de M. Baumé
^à-peu-près 1,4525 de pefanteur Spécifique ). Gn
fit bouillir cet acide pendant feize a dix-huit heures j
il fe trouva alors réduit à quatre livres cinq onces
deux gros; après l’avoir laiffé quatre jours en
repos, on prit une livre de cet acide, on y fit
dilfoudre quatre gros d’argent, en plaçant le matras
fur des charbons un peu éteints : l’or ne tarda
pas à fe raffemhler, il fe forma un floccon qui
fe précipita au fond du matras lorfque l’ébullition
eut ceifé..
Après avoir décanté Xacide nitreux ainfi dépouillé
de l’or qu’il receloit, on verfa de nouvel acide
très-concentré fur le floccon d’or ; malgré la grande
ébullition , il refla intaCl, eonferva fa forme &
aucune partie ne s’en fépara.
Ce floccon d’or étoit d’un volume très-confidéra-
ble relativeinent à fon poids ; lorfqu’il eut été recuit
il pefa envirobj cinq grains ; de forte qu’en fuppofant
que le furplu^de Xacide nitreux en recelât dans
la même proportion, il en réfulteroit que la
totalité de l'acide n’auroit pris que la 9216e partie
des quarante-fix marcs d’or fur lefquels il avoit
bopilli.
Une circonflance que M. Tillet a remarquée ,
c’eft qu’après un fimple recuit qui n’avoit pu que
rapprocher les parties juxta-pofees fans les réunir
par la fufion , ce floccon étoit duCtjle & s etendoit
fous le marteau fans éprouver de gerçures , tandis
que les cornets d’effai & la mafle de chaux d’or
des affinages font très-friables, fe réduifent en
poudre, & ne reprennent leur duClilité que lorf-
qu’ils ont été fondus». Il a fait la môme obfervation
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fur tous les floccons d’or précipités de 1 eau-forte
de ,1a même manière.
Si l’on fe contente de deffecher ces floccons d or
dans un creufèt, & qu’on les examine au microfcope,
ils* paroiffent compofés de feuillets comme 1 ar-
doife.
Une autre expérience de M. Tillet préfente des
faits qui ne méritent pas moins d’attention.
Ayant mis dans un flacon une certaine quantité
d'acide nitreux concentré, qui, quoique très-clair
& très - tranfparent, contenoit certainement de
l’o r , il divifa en partie^ égales la liqueur de ce
flacon, il verfa l’une dan^ un matras, y fit dif-
foudre un peii d’argent fin & obtint un floçjeon
d’or. Avant que de faire Ma même opération fur
l ’autre partie, il la filtra fans l ’étendre dans l’eau,
à travers un papier gris plié en quatre,- & propre
par-là à rendre la filtration plus lente. Lorfqu’elle
.fut achevée , il remarqua que la première feuille
du filtre étoit teinte d'une belle couleur de pourpre,
que les trois autres feuilles tenoient de la même
couleur, mais un peu moins que la première,
& proportionnellement au rang qu’elles avoient
occupé. Il fit difîoudre de l’argent dans l’acide
nitreux ainfi filtré; lorfque l’ébullition eut'^ceffé'y
il njpperçut point de floccon d’o r, la liqueür\
étoitP'feulement un peu trouble, & avoit une
teinte noirâtre , occafionnée par un peu de cuivre .
•tiès-divifé, qui fe dépofa après le refroidiffement.
L e papier du filtre fut réduit en cendres, la
cendre cougellée avec le plomb, le bouton de la
coupelle fournis à l’opération du départ pour en
féparer l’argent qui-s’étoit arrêté fur le filtre
en état de fe l , & il fe retrouva à la fin la même
quantité d’or en poids que le floccon précipité
dans l’autre portion d’acide.
M. Tillet a encore effayé de faire évaporer
lentement Xacide nitreux tenant or ; il a vu les
particules, d’or recouvrir de petits filets ifolés de
nitre d’argtnt; il a apperçu diftinCtement quelques-
unes de ces particules ayant tout Xéclat métallique,
& reffemblant à des parcelles de feuilles d’or
battu, voltiger long - temps dans la liqueur , fe
rapprocher les unes des autres, contracter une
certaine adhérence, former un floccon, & fe
dépofer enfin au fond du matras fans fe divifer.
En laiffant repofer pendant quelque temps dans
■ un flacon de Xacide nitreux qui a bouilli & s’efi
beaucoup réduit fur la chaux d’or des affinages,
une partie de l’orque contient cet aciae fe précipite
au fond du vafe , & une autre plus légère fumage
la liqueur; cet or eft dans fon état métallique,
& il a la couleur du tabac d’Efpagne , comme la
chaux d’ or des affinages.
En mettant fur le porte-objet de glace une
goutte de cette liqueur f on voit diftinCtementà
l’aide du microfcope, des particules d’or qui ont
l ’éclat métallique.
~J>i on fait bouillir de Xacide nitreux concentré
dans une cornue, fur un ou plufieurs cornets d’or
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fin 9 jufqu’à ce qu’il ne refte qu’une petite portion
de liqueur, & qu’on la verfe dans un flacon ,
quoiqu’il foit bien bouché & en repos, les particules
d’or dont il peut être chargé fe précipitent
en partie, & s’élèvent en partie à la furface,* ces
dernièrés ont le plus grand éclat & reffcmblent
exactement à des parcelles de feuilles d’or battu ,
au lieu que celles qui flottent au-deffus de l'acide
nitreux bouilli fur la chaux d’or font rarement aufli
brillantes.
Si on pouffe cette diftillation de Xacide nitreux
fur des cornets d’or à ficcité, l'or qui en eft détaché
refte/adhérent en forme de pellicule , & fouvent
en petites perdons féparées au fond de la cornue,
quelques-unes même font adhérentes aux cornets,
&. toutes confervent après l’opération leur éclat
métallique. '
Toutes les particules enlevées à ces cornets d’or,
foit celles dépofées dans les flacons , foit celles
trouvées dans la cornue après la diftillaflon à ficcité ,
font enfuite inattaquables par Xacide nitreux le
plus concentré & avec la plus forte ébullition,
tout de même que les floccons d’or précipités
par l’argent dans Xacide nitreux bouilli fur la chaux
d’or; de forte qu’il faut employer l’eau régale pour
enlever les pellicules qui adhérent aux flacons.
Tels font les faits obfervés par M. Tillet, dont
le rapprochement m’a paru néceffaire pour cir-
confcrire & déterminer les conditions de ce phénomène
important : ce favant Académicien en
tire cette conclufion va II eft certain que l ’or pur
n en lame & duCtile peut être attaqué jufqu’à un
» certain point par Xacide nitreux concentré , dans
» une opération forcée' & très-ïong-temps fou-
» tenue, mais qu’il n’eft jamais diflous véritable-
v ment, ni en tout, ni en partie par ce même
» acide feul, quelque concentré qu’on le fuppofe ».
Ainfi, le favant Académicien établit une diftinCtion
neuve entre attaquéSc dijfous, & il diftingue encore ,
pour le premier effet, deux cas différens', l’un
qu’il nommé fufpenfion , qui n’exige pas à beaucoup
près une ébullition fi forte, quand les particules
détachées de la chaux d’or dans l’Opération
du départ demeurent fufpendues dans le fluide à caufe
de leur extrême ténuité & de la réflftance qu’éprouve
leur précipitation, comme il arrive quelquefois
dans les lavages des chaux d’or dont on voit
des parcelles furnager même l’eau de rivière ; l’autre
qu’il nomme érofion, & qui a lieu quand l’or eft
expofé encornets ou en lames à l’ébullition violente
& long-temps continuée de Xacide nitreux.
N ’y a-t-il réellement ici quyune aêlion mécanique ?
tous les faits fe prêtent-ils à cette fuppofition ? n y
a*t-il pas de moyen de les concilier? Voilà des quef-
tiçns qui intéreffent trop effentiellement la théorie
chymique pour ne pas chercher à les approfondir ;
je m’engagerai d’autant plus volontiers dans cet
examen, que loin de rien diminuer de leflime
due au célèbre auteur du mémoire dont on vient
de lire l’extrait, on verra que j,e ne marcherai