
<40 A F F foit que l’effet de l’impulfion de quelque fluide- fub-
t i l , comme le foutiennent encore quelques-üns fur
le fondement que cette attraction répugne à l’idée
de diftance , & que la matière ne peut agir où elle
n’eft pas ; c’eft ce dont il feroit inutile de s’occuper
ic i, nous ne cherchons pas les caufes des cames,il
nous fuffit de bien connoître cet effet général, St
pulfqu’on eft parvenu à en déterminer les loix» d en
déduire,.fi nous le pouvons , l’explication des mou-
vemens des molécules qui s’üniffent ou fe féparent
fuivant ce qu’on appelle leur affinité, & produifenr
ainfi les combinations, les précipitations, les cryf-
tallifations, en un mot , tous les changemens qu e-
prouvent lei corps qui font le plus a notre portée.
On comprend que cette force de gravitation eft
néceffairement en raifon direfte des■ maffes , ou proportionnelle
à-la quantité de matière, indépendamment
de fon volume ou de l’efpace qu’elle occupe;
cette proportion n’eft pas fufceptible de difficultés.
Il eft une autre loi de la gravitation tout auffi
importante, & qu’il n’etoit pas auffi aile de découvrir
; c’eft la mefure de l’accroiffement de cette puif-
fance par la proximité , & de fon affoibliffement par
la diftance. Newton l’a déterminée pour les grandes
maffes, & toutes les obfervations faites depuis cette
époque n’ont forvi qu’a la confirmer. Elle confifte-
dans l’expreffion durapport de la force d'attraâion
à la diftance des corps qui l’exercent réciproquement
l’un fur l’autre ; le plus confiderable attirant
à lui le plus petit. C’eft ce que l’on traduit ordinairement
en langage mathématique par cette pro-
pofition : la matière s’attire en raifon inverfe du quarré
dé la difiance ; par laquelle on n’entend dire autre
chofe, fi ce n’eft qu’un plomb , par exemple, fuf-
pendu à dope toifes d’une montagne, en fera quatre
fois moins M iré que s’il n’en étoit éloigné que d’une
toife, parce qu’en fuppofànt que dans le dernier cas
Fattraétion foit i , elle décroîtra dans le premier dans
le rapport de 4 à 1 , 4 étant le quarré de 2.
Mais fi la jufteffe de cette loi fe démontre rigou-
reufement par fon application à tous les cas Où la
diftance peut recevoir l’expreffion d’une mefure
fenfible , il n’en eft pas de même quand les corps
fe touchent. Comment une même force d’attraétion
peut-elle fervir à expliquer tous les effets infiniment
variés que nous préfentent ies phénomènes chy-
miqiies ? Comment une loi qui n’eft faite que pour
indiquer des rapports proportionnels aux diftances,
peut-elle s’appliquer aux affinités qui fuppofent le
conta# ou la privation de diftance ? Voilà ce qu’il
fàlioit découvrir, ce qu’i l , falloit du moins rendre
compréhenfible. On jugera fans doute que 1 illuftre
Buffon a heureufement préparé la folution de cette
grande queftion dans ce paffage de fa fécondé vue
de la nature , que l’importance de la matière me détermine
à rapporter tout entier, dans fes propres
expreffions. '
« Les loix .d’affinité par lefquelles les parties, confti-
» tuantes de ces différentes fubftances {du régné rni-
» néral ) fe féparent des autres pour fe réunir entre
AF F '» elles 8c former des matières homogènes, font tes
» mêmes que la loi générale par laquelle tous les
» corps céleftes agifi'ent les uns fur les autres ; elles
>» s’exercent également & dans les- mêmes rapports
» deâ’ maffes & des diftances : un globule d’eau,
» de fable ou de métal agit fur un autre globule
» comme le globe de la terre agit fur celui de la
» lune : & fi jufqu’à ce jour l’on a regardé ces loix
» d’aftinité comme différentes de celles de la pe-
ij- fanteur, c’eft faute de les avoir bien conçues, bien
» failles , faute d’avoir embraffé cet objet dans toute
» fon étendue. La figure, qui dans les corps céleftes
» ne fait rien ou prefque rien à la loi de l’aétion
» des uns fur les autres, parce que la diftance eft
» très-grande, fait au contraire prefque tout lorf-
» que la diftance eft très-petite.ou nulle. Si .la lune
„ 8c la terre, au lieu d’une figure fphérique, avoient
» toutes deux celte d’un cylindre court, & d’un
,1 diamètre égal à celui de leurs fphères, la loi de
„ leur aâion réciproque ne feroit pas fenfiblement
» altérée par cette'différence de figure, parce que
» la diftance de toutes les parties .de la lune i celles
,, de la terre n’auroit auffi que très-peu varié ; mais
» fi ces mêmes globes devenoient des cylindres très-
» étendus & voifinsl’un de l’autre, la loi d e l’aétion
,, réciproque de ces deux corps-paroîtroit fort diffé-
» rente , parce que: la diftance de chacune de leurs
d parties entre elles, 8c relativement aux parties de
» l’autre, auroit prodigieufement changé j .ainfi , dès
j> que la figure entre comme élément dans la dif-
» tance, la loi paroît varier, quoiqu’au fond elle
» foit toujours la même.
» D ’après „ce principe , l’èfprit humain peut en-
» core faire un pasi & pénétrer plus avant dans le
» fein de la nature : nous ignorons quelle eft la fi-
„ gure-des parties conftituantes des corps-; l’eau,
„ Pair, la terre, les métaux, toutes les matières ho-
„ mogènes font certainement compofées de parties
„ élémentaires femblables entre elles, mais dont la
» forme eft inconnue; nos neveux pourront, à l’aide
» du calcul, s’ouvrir ce nouveau champ de con-
,, noiffances, 8c favoir à peu près de quelle figure
„ font les élémens des corps ; ils partiront du prin-
„ ripe que nous venons d’établir , ils le prendront
» pour bafe : toute matière s’attire • en raifon inverje
„ du quarré de la'diflance , 6* cette loi générale ne pa-
» mît varier dans les attractions particulières que par
» l’effet de la figure des parties conflituantes de chaque
n fubfiance : parce que chaque figure entre comme ck-
» ment dans la difiance. Lorfqu’ils auront donc acquis,
» par des expériences réitérées, la connoiffance de
» la loi d’attraâion d’une fubftance particulière, ils
» pourront trouver par le calcul la figure de les
i » parties conftituantes. Pour le faire mieux fenrir,
! « fuppofons, par exemple ,. qu’en mettant du vif-
! n argent fur un plan, parfaitement poli, on recon-
„ noiffe par dés expériences que ce métal fluide
5j s’attire, toujours en raifon inverfe du cube delà
[ ,j diftance , il faudra chercher , par dés règles ce
j i; Étoffe pofttion, quelle- eft la figure qui donne cette
A F F » expreffion 8c cette figure fera celle des parties <
„ conftituantes du vif-argent ; fi l’on trouvait par
„ ces expériences que ce métal s’attire en rqifon in-
„ verfe du quarré de la diftance, il feroit démontré
„ que fes. parties conftituantes, font.fphériques, puif-
» que la fphère eft la feule -figure qui donne cette
h loi 8c qu’à quelque diftance que l’on place des,
jj globes, la loi de leur attraélion eft toujours la
» même (t). ■ i: : *■ _ . -, - T'-
,J Newton a bien foupçonne .que les affinités chy-
» iniques, qui ne font autre chofe que les attrac-1.
n fions particulières dont nous venons de parler,: fe
JJ fàifoient par des loix affez femblables à celles de
» la gravitation ; mais il ne paroît pas avoir vu que
JJ toutes ces loix particulières n’étoient que de Amples
jj modifications de la loi générale, & qu’elles n’en.
>J paroiffoient différentes que parce qu’à une très-pe-
„ tite diftance la figure des atomes qui s’attirent,
jj Élit autant & plus que la maffe pour l’expreffion
» de la lo i, cette figuré entrant alçrs pour beaucoup
jj dans l’élément de la diftance. »
Les variétés des figures des parties conftituantes
peuvent donc varier les: effets de l’attraàion prochaine.,
de manière, que fa. loi étant la.même que::
celle de la pefanteur ou de la gravitation universelle,
elle préfente néanmoins des cas qui fe. refiffent à nos
calculs : c’eft l’opinion que Bergman a adoptée, qu’il
a défendue par la même raifon de l’influence de la
pofition , de la forme.des molécules'(a) ; 8c. le c.ér :
lèbre Macquer entrant dans les mêmes vues, remarque
très-bien que la gravitation étant une pro-:
priété effentielle de la matière , fon. effet ne doit,
point fe borner aux corps d’une trèsrgrande maffe
& féparés les uns des autres par des diftances im-
menfes, mais qu’il doit néceffairemënt avoir lieu
aufli entre les plus petits atomes de matière, à des
diftances infiniment petites , 8c par conféquent dans
les combinaifons & diffolutions chymiques. « Quoi-
u que nous ne puiflions. (ajoute-t-il) connoître au
jj jufte ni les volumes, ni lés.maffes , ni les formes,
». ni les diftances, des parties conftituantes des corps -,
» nous les voyons agir les- unes fur les autres, s’u-
» nir entre elles ou fe féparer, adhérer les unes.
» aux autres avec plus ou moins de force, ou re-
» fufer de fe joindre, 8c on ne peut guère fe re-
» fufer à croire que ces différens phénomènes, ne
» font que les effets d’une même force , telle, par
A F F 541 » exempîe que la gravitation réciproque de ces pe-
: tits corps les uns fur les autres , laquelle fe trouve
» modifiée de beaucoup de manières différentes par
» leur grandeur , .leur denfité , leur figure , l’éten-
» due i Fintimité de leur conta#, ou la difiance plus
» ou moins petite à laquelle ils peuvent s’appro-
» cher (3). »
Quelqu’impreffion que puiffe faire l’accord de ces
opinions, quelqu’évideiice qufc porte avec foi cette
propofition, que dans les attra#ions prochaines la
figure doit varier les effets de cette puiffance, j’avouerai
que Fon n’eft pas encore parvenu à donner
la folution rigoureufe d’aucun cas d’affinité, en lui
appliquant la loi du quarré . des diftances , fimplement
modifiée par la figure ; je ne veux pas même diffi-
muler, que plufieurs Mathématiciens célèbres, en admettant
toujours avec nous que , l’affinité n’eft qu’un
effet de l’attra#ion, foutiennent qu’elle fuit ici une
loi différente ; que la loi du quarré des diftances ne
peut fervir. à rendre raifon des phénomènes d’attraction
au conta#, de quelque manière qu’on la fup-
pofe modifiée par la figure des molécules ; en un
mot , > qu’il y a néceffairement d’autres loix dans
la nature, que fùivent les attra#ions prochaines &
qui reftent à découvrir : mais je fuis intimement convaincu
que ce foroit .s’écarter de la vraie route, que
de reconnoître & de fuppofer une autre loi, ou, pour
mieux dire, une autre force d’attra#ion ; que toutes
nos recherches doivent fe diriger au contraire vers
les moyens de concilier la gravitation univerfelle avec
l’intenfité de puiffance de nos affinités : les réflexions
fuivantes me paroiffent propres à fou tenir cette con-
vi#ion.
i° . Si l’on approche deux corps de manière qu’ils
fe.touchent au moins en quelques points , il y a une
force qui les retient collés l’un à l’autre ; cette force
a lieu, qu’ils fôient ou non de nature femblable, elle
rend; a#uellement nulle la gravitation au centre de
la terre tout dé même que l’affinité, elle varie fui—
I vant les différehs corps comme les affinités & dans
un ordre qui correfpond aux affinités connues des
fubftances qu’on emploie : ce font autant de vérités-
dont on trouvera les preuves raffemblées à l’article
A dhésion , tellement que dans tous les cas où l’ad-
.héfion peut être déterminée fans erreur fenfible
les fommes des réfiftances à la féparation doivent
(1) On verra , dans la fuite de cette . Seftion, que lés molécules fphériques donnent elles-mêmês, à toute diftance où la
figure peut influer /un.aç.croiffement de force très-fupérieur à celui qui réfulteroit, fuivant-cette loi, du rapprochement
des centres de gravité.
(2) Me verb ad umonetn nisus qui inter queevis in telluris fuperficie viclnd obfervatur , 6* attraclio propinqua vocari potejZ
(cum exigu as tantumfollidtet moLcülas , idqiie vix inirà contactum, dàtn longinquam ïmmenfo fpatio ingintes cogit moles')
aliis omnino régulis adftridta vi-ictur : videtur, inquamnam res forte eircumftantes omtUm ejjiciunt differentiam. Scilicet
refpeclu immanis difantice niametri evahefeunt, a de b ut corpora coeiejlia plerumque infar punetorum gravium confier ari p.offnt,
eorum verb qua. propinqua, (unt longe, alia efi ratio -, etenim non foliim tajtius , fed partium quoque figura & fitus attrarlionum
e-ffeclus magriopere. variant Hinc quantitàicsquit pro loginquû negligi poiïunt, legem attracUomm provikiquarum no tab i liter i&»
mutant, O'pufcùl. Diflertat. X X X ïli, §. I " . ’
(3) Diftiçn, de Chymie, arty -Pefanteur»