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chaud , ne donnoit aucune marque d’ inflammation :
M. Prouft eft revenu fur cette expérience ; il a
Verfé de Yacide nitreux concentré iur le charbon
de la matière extraélive de l’urine, calciné Sc refroidi
, fur un charbon d’extrait de Carthame , fur
un charbon d’huile de corne de cerf, fur le réfidu
de la diftillation de cette fubftance animale, fur le
charbon de terre , fur du noir de fumée, fur du
charbon de bois ordinaire -, & l’inflammation réuffit
conftamment lorfque ces matières charbonneufes
avoient été calcinées & pulvérifées. L ’expérience
fur le charbon devenait capitale , parce qu on avoit
penfé jufques-Ià que Yacide nitreux non combiné
»’étoit pas inflammable par le contaél des madères
phlogiftiques ; ce fut ce qui engagea les commiffaires
de l’Académie de Dijon à la répéter le z i avril
1 779 , à la féance du cours de chymie r nous ob-
fervâmes , commele recommande M.Prouft, d’employer
le charbon avant qu’il eût eu le temps de
reprendre de l’humidité; on l’avoit mis en poudre
dans le creufet où il devoit fécher, & on avoit
retiré le creufet du fourneau trois heures auparavant,
pour qu’il fût abfolument refroidi à la température
de l ’athmofphère ; en verfa deffus Y acide nitreux
, & au lieu de le porter dans le milieu , on
le laiffa couler fur le bord de la capfule où étoit
la poudre de charbon ; l’inflammation fut fubite Sc
totale, accompagnée d’une gerbe d’étincelles.
On ne fera pas furpris que M. Prouft ait réuffi à
enflammer de même les réfidus charbonneux des
diftillations de l’acète de cuivre ou verdet, de l’acète
de plomb ou fucre de Saturne , les pyrophores imparfaits
ou qui ont perdu leur vertu , le foufre ,
Je réalgar fondus , l’hépar de foufre au moment où
il vient d’être coulé, Sc l’hépar ammoniacal ou liqueur
de Boyle : mais ce qui me paroît mériter
«ne attention particulière, c’eft l’inflammation que
cet acide occafionne lorfqu’il eft verfé fur le bif-
muth, l’étain & le zinc en fufion , fur les avan-
turines de cuivre rouge pouffées feulement au bleu ,
fur la limaille d’acier 8c le fafran de Mars légèrement
échauffés.
M. Cornette a confirmé, par de nouvelles expériences,
la plu part des obfervations de M. Prouft
( Mém, de T Acad. roy. des Sc. i j8 o , pag. ). 11
y a trouvé de nouvelles preuves de la différence
qu’il avoit précédemment établie entre les huiles
graffes Sc les huiles ficcatives, ces dernières s’enflamment
très-facilement , au lieu qu’il n’eft pas
poflible d’obtenir cette inflammation avec les huiles
graffes. M. Cornette a effayé de verfer l’acide fumant
fur de l’huile d’olive échauffée à 55 degrés,
d’employer l’acide à un égal degré de chaleur, de
faire bouillir l’huile fur la potaffe fèche , de prendre
l ’huile féparée du favon aécompofé par l’alun,de
la diftiller fur la craie Sc fur la potaffe fèche f de
]a faire altérer par le feu jufqu’à devenir noire, de
la tenir d’abord en digeftion avec l’acide, de la
diftiller tout de fuite avec i'acide nitreux ; toutes
s*»s manipulations ont été inutiles, quelques-unes
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ont produit une effervefcence plus vive, un bouillonnement
plus confidérable, mais jamais d’inflammation
; lors même qu’à l’exemple d’Hoffman, M.
Cornette a mêlé l’huile d’olive à l’huile de tbéré-
bentine, cette dernière feule s’eft enflammée, une
partie de l’huile graffe a été lancée hors du vaif-
feau , Sc ce qui en refta avoit acquis une confiflance
épaiffe.
Quelques Chymifles ont penfé que c’étoit le
mucilage de ces huiles qui les mettoit en état de
réfîfter à l’aétion de Y acide nitreux; M. Cornette
eft plus difpofé à croire que cette différence vient
de ce qu’elles contiennent moins de phlogiftique.
L ’obfervation fuivante me parok prouver en effet
que ce n’eft point l'abondance de la partie muci-
lagineufe qui s’oppofe à l’inflammation.
Je faifois évaporer , il y a quelques années, fur
le feu de fable , dans une cafferole de porcelaine, ua
mélange d’acide nitreux Sc de bouillon fait avec les
os dans le digefteur de Papin ; lorfque la liqueur
fut réduite au point de couvrir à peine le fond plat
de la cafferole, elle s’enflamma fubitement , &
laiffa un charbon aufli léger Sc prefque aufli volumineux
que celui que l’on trouve apres 1 inflammation
de l’huile de gayac.
Puifqne le phénomène a ïïeu avec des fubftancet
métalliques dans lesquelles le phlogiftique eft pur,
& ne peut être foupçonné dans l’état huileux, il
ne peut plus refter de doute fur fa véritable caufe,
elle eft uniforme dans toutes les circonffances : ce
n’eft pas l’huile qui s’enflamme , c’eft bien moins
encore l’huile épaiffie en confiftanee réfuiiforme,
mais le charbon formé de ces fùbftances ; aufli,
comme le remarque M. Prouft, les Chymifles qui
fe font occupés de ces expériences favent-ils depuis
long-temps que même avec l’huile effentiell*
il faut opérer en deux temps ; qu’il faut commencer
par en noircir une portion par Y acide mtreux,
qu’alors on eft arrivé au terme le plus voffin de.
l’inflammation , & que pour l’obtenir,il fuffit de
verfer quelques gouttes fur cette même portion
noire. Ce Chymifle a ajouté aux preuves de cette
vérité , en efîayant d’enlever à chaque fois l’efpèce
de champignon produit par le premier jet de l’acide
; de cette manière, il eft parvenu à convertir
fucceHivernent toute une quantité donnée d’huile
de gayac en pareils charbons fpongieux , fans qu’il
y ait eu inflammation ; & ayant ver^ de Yacide
nitreux fur ces charbons raffemblés, ils ont été
i fur-le-champ embrafés fans flamme ni fumee. Ainfi
les huiles effentielles ne s’enflamment plus facilement,
que parce qu’elles réliftent moins à la première
aélion de l’acide, que parce quelles.fe laiffent
pénétrer plus intimement, Sc font par-là plus dif-
pofées à paffer à l’état charbonneux ; ainh. l’acide
vitriolique ne favorife très - certainement l’inflammation
des huiles graffes, qu’en augmentant l’action
qui doit brifer leur tiffu plus folide , Sc les
porter aufli à l’état charbonneux ; mais comme cette
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adtîoft peut être augmentée par la préfence de
l’acide vitriolique, indépendamment du degré de
concentration qu’il donne à Yacide nitreux en lui
prenant fon eau furabondante , je ne penfe pas que
l’on puiffe affirmer qu’il fe borne à ce dernier effet,
même en admettant pour condition^ eflèntielîe de
l’inflammation qu’il foit mele avec 1 acide nitreux,
& ne précède pas fon aétion fur l’huile.
Le phénomène réduit à fes vraies circonftances ,
fon explication ultérieure découle des principes que
nous avons établis jufqu’à préfent ; il fuffit de pré-
fenter à Yacide nitreux concentré une matière qui
tienne beaucoup de phlogiftique , où ce phlogiftique
foit à nud ,-où il le rencontre en même temps
en une infinité de points , telle que le charbon fec
en poudre, un métal très-djvifé, &c. Cet acide eft
aulii-tôt décompofé, parce qu’il ne peut s’unir au
phlogiftique , ainfi que l’air vital dont il eft formé ,
fans mettre en liberté la matière de là chaleur;
& cette matière accumulée inftantanément en certaine
quantité, eft précifément ce que nous appelions
inflammation.
Quelques Chymifles expliquent ce phénomène
par la formation fubite d’un foufre particulier qui
a la propriété de s’enfhmmer ; mais nous ne con-
noiffons point d’autre foufre nitreux que celui que
nous appelions gas nitreux, qui eft abfolument analogue
aux foufres vitriolique & phofphorique, qui,
comme eux, ne contient que le radical de l’acide,
qui peut brûler plus ou moins lentement,& produire
de la chaleur, en mettant en liberté celle
de 1’ a irqu ifert'i fa combuftion , mais dont il n’eft |
pas plus poflible de concevoir l’inflammation fpon-
tanée fans accumulation de ce principe de la chaleur
( VoyeiC a lo rif iqu e ). S’il y a quelque différence
entre ces foufres, elle me paroît venir uniquement
de la propriété du radical nitreux de fe
décompofer à un certain degré de chaleur, Sc de
ce que ne fe retrouvant plus , comme les radicaux
vitriolique & phofphorique , pour enchaîner le
principe acidifiant, l’état de liberté qu’il recouvre
augmente les effets ordinaires de la combuftion.
II. L 'acide nitreux eft, de même que les autres
acides , fufceptible de former , avec les huiles, des
combinaifons plus tranquilles , qu’il convient encore
d’examiner , & qui ont donné lieu à un grand
nombre de recherches Sc d’obferva rions de MM.
Achard, Cornette & Haffe.
M. Achard a traité d’abord, avec Yacide mtreux ,
les huiles graffes, dans la vue de les porter, s’il
étoit poflible , à l’état de favons acides. {Joum. phyf
tom. X V I I , page 107.)
11 a fait digérer deux onces d ''huile de lin avec
quatre onces d'acide nitreux fumant , affoibli avec
autant d’eau qu’il en falloit pour lui ôter la propriété
de s’exhaler en vapeurs rouges ; au bout de
quelques jours , l’huile s-étoit épaiflie Sc changée
en une maffe blanche de la confiftanee du beurre ,
qui fe fondoit par la chaleur, qui redevenoit fe-
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lîde par le refroidiffement ; mais qui n'avoit aucun
caraétère favonneux.
11 en a été de même de Yhuile dolive Sc de
Y huile d amandes douces.
Le mélange de Yhuile de lin bouillante avee
Yacide nitreux fumant a donné, par une longue
trituration , une maffe jaunâtre, épaiffe , également!
indiffoluble dans l’eau, Sc çonfervant tous les ca-
raélères de l’huile.
L ’altération de Yhuile d’olive n’a pas été plus
confidérable, lorfqu’elle a de même été mêlée
bouillante & triturée dans un mortier de verre avec .
Yacide nitreux fumant ; ce n’étoit encore que de
l’huile figée.
Cette huile figée , traitée à la diflillation dans
une cornue de verre , il paffa d’abord quelques
gouttes d’acide , qui n’écoit que Yacide nitreux
chargé de quelques parties huileufes qui s’en fépa-
rèrenc en floccons blancs par l’addition de l’alkali ;
aune chaleur plus forte, il vint une huile jaune
qui ne fe congéla pas , il refta dans la cornue
une matière réfineule noire.
L ’huile d’amandes douces, épaiffie par la digestion
avec Yacide nitreux , donna les mêmes produits
à la diftillation ; en changeant de récipient
pour recueillir féparément l’huile fluide , M. Achard
remarqua une odeur très-forte , Sc qui reffembloit
tellement à celle qui s’exhale pendant la diftillation
des graiffes animales , qu’il fut tenté de foup-
çonner que Yacide nitreux avoit donné ce caractère
à l’huile d’amandes douces.
lYhuile de karabé s’eft Amplement épaiflie par
la digeftion avec Yacide nitreux ; mais le mélange
ayant été chauffé jufqu’à l’ébullition , l’huile a pris
la confiflance de la thérébentine, Sc avoit alors
tous les caractères d’une véritable réfine. L ’acide
avoit pris une couleur jaune, l’addition de l’alkali
en précipita une matière blanche en floccons; en
ajoutant de l’alkali par excès , cette matière difpa-
roiffoit 8c paffoit à l ’état de favon.
M. Achard a obfervé les mêmes phénomènes
avec les huiles effentielles de ùhérêbentine, de camo-
' mille , de fajfafras , d angélique, à’aneth Sc de
fenouil.
L ’ huile ejjentielle d’unis a été aufli convertie en
réfine, mais avec des circonftances qui méritent
de trouver place ici : Yacide nitreux ayant bouilli,
fur cette huile près de quatre heures, avoit pris
une couleur jaune, & il laiffa dépofer ,~ en refroi-
diffant,une matière blanche, cryftallifée comme des
floccons de neige, ce qui n’arrive pas avec les autres
acides. M. Achard ayant féparé ce dépôt, verfa
l’acide fur l’huile d’anis avec laquelle il avoit déjà
bouilli, Sc le fit bouillir une fécondé fois ; il s’y
forma encore, parle refroidiffement, une matière
blanche cryflalline ; en répétant plufieurs fois cette
opération , l ’huile fut entièrement diffoute, Sc s’en
fépara en partie par le refroidiffement.
Cette matière cryflalline édulcorée Sc traitée à
la diftillation dans une curcubite de verre garnie