
45 6 A C I fon anneau, & de manière à bien contenir dans leur
pofition tous les petits barreaux; l’on porte ce paquet
dans une chaufferie femblable à celle oh l’on
chauffe les maffes dont nous avons parlé, mais qui
eft beaucoup plus petite, l’on fait agir les foufflets
lorfque le paquet eft rouge, l’on jette lur les charbons
des laitiers provenaris du même travail, éteints dans
l’eau & pülvérifés : ce laitier en fondant tombe fur
la troufle, en augmente la chaleur, & garantit fa
furface de la grande ardeur du feu qui détérioreroit
cet acier. Lorfque la trou/fe a acquis un degré de
chaleur fuffifant pour en fouder toutes les parties,
on la porte fous le marteau ; mais comme elle eft
pelante & difficile à manier, il y a une chaîne fuf-
pendue à l’extrémité de laquelle eft un crochet
fervant à recevoir les branches de la tenaille, par
ce moyen un homme porte aifément le paquet fur
l’enclume ; l’on fait agir le marteau qui pèfe 4 quintaux
, ces coups répétés en rapprochant les. différentes
parties du paquet, les foudent ; lorfque le
bout qui a été chauffé le premier eft bien foudé &
un peu étiré, on en fait autant pour l’autre bout,
& enfin on le chauffe & on le forge jufqu’à ce
qu’on foit parvenu à en faire des barreaux d’environ
6 lignes en quarré & de plufieurs pieds de long ;
il faut, pour y parvenir, porter chaque troufle au,
moins 5 à 6 fois au feu. L’on ne trempe point cet
acier, on le vend en cet_éfat,& il eft très-bon pour
les' taillans & la coutellerie. C ’eft pourquoi on le
nomme fcharf-flahl, acier à tranchant. On le perfectionne
fi l’on v e u t, mais ce n’eft que de commande;
pour cet effet , l’on coupe en bouts les barreaux
d’acier forgés , comme on vient de le dire, l’on en
forme aufli des trouffes, on le chauffe & on le forge
de la même manière, mais cet acier qu’on nomme
muniyflahl coûte beaucoup à caufe du déchet & des
manipulations répétées. L’on fait de l’acier inférieur
aux deux qualités précédentes, en mêlant dans les
trouffes, de celui que nous avons nommé acier tendre, j
l’on en fait encore d’inférieur à celui-ci, en ne prenant
que du tendre ; enfin , l’on en fabrique du
tout commun, en n’y mettant que de l’acier mêlé
de beaucoup de fer. L’on voit par le détail ci-deflùs
que l’on fabrique cinq qualités différentes d’acier en
Styrie. Chaque ouvrier eft obligé de mettre fa marque
fur les barreaux d’acier qu’il fabrique.
L’on paffe aux forgerons qui travaillent à raffiner
les flojf, ou la fonte de gueufe , 11 livres de déchet
par quintal, & à ceux qui travaillent les maffes,
feulement7 livres Nous obferverons, à l’occafion
de la fonte, que ce déchet eft bien modique, d’autant
plus que celle dont on fait l’acier eft blanche,
& qu’il eft reçu par tous les auteurs qui ont traité
des forges, que cette fonte étant regardée comme
la plus chargée de parties hétérogènes, devroit perdre
beaucoup plus de 12 pour cent à l’affinage, puif-
que nos fontes grifes diminuent communément d’un
tiers pour en faire le fer ; cela prouve que le minerai
de fer de la Styrie eft . très-riche en métal &
très-propre à faire de l’acier.
A c 1
_ Il n’eft pas étonnant que les maffes par coagula-
tion ne perdent que 7 f pour cent, étant déjà, pour
ainfi dire, de l’acier tout pur, malléable, & qui
pourroit être employé fans autre préparation.
Il fe fabrique aufli beaucoup d’acier en Carinthie
l’on y fond pareillement les minerais qui font fpa-
thiques, des deux manières en ufage en Styrie ; les
fourneaux font plus hauts, ils ont 18 à 20 pieds.
' Les foyers ou creufets fervant à faire l’acier font
conftruits avec des plaques d’acier forgé, celle du
chiot eft trouée pour l’écoulement du laitier à
différentes hauteurs, ces foyers ont des dimenfions
qui varient un peu fuivant la manière de travailler
des ouvriers qui ont chacun leur routine ; voici les
proportions d’un creufet : 26 pouces de largeur du
côté de la tuyère, 29 du côté du contrevent , &
21 pouces de diftance de l’un à l’autre ; la profondeur
eft de 18 pouces, le fond eft une pierre réfractaire
& propre à réfifter au feu , la tuyère entre de
4 pouces dans le creufet, on met fur le fond 8 à
9 pouces d’épaiffeur de pouflîère de cjiarbon hu-
me&ée & bien battue, de manière que cette pouf-
fière forme un baflin circulaire.
La fonte en gueufe qui eft prefque toujours
blanche dans fa caffure, eft refondue en fonte claire
dans ce creufet, l’on emploie trois heures à fondre
une petite gueufe d’environ 5 quintaux ; lorfqu’elle
eft toute fondue , l’on arrête le v en t, & on laiffe
la matière repofer pendant un quart d’heure , puis
on fait couler paf le trou fupèrieur du chiot les
fcories qui furnagent la fonte ; on ôte les charbons,
l’on jette de l’eau fur cette fonte, & on l’enlève
par plaques minces comme le cuivre-rofette ; mais
il refte au fond du creufet une maffe coagulée plus
purifiée que les plaques qui caffent comme du verre,
c’eft avec l’une Jk: l’autre de ces matières que l’on
fait l’acier ; à cet effet l’on fe fert d’un autre foyer
à peu de chofe près femblable, mais plus petit?, &
l’on donne plus d’inclinaifon à la tuyère, l’on y met
auflî une couche de pouflîère de charbon battue &
difpofée de même, l’on remplit le creufet de charbon
, l’on fait aller les foufflets ; lorfoue le foyer eft
échauffé, l’on y porte l’une des maffes qui refte au
fond du creufet dans l’opération précédente, elle fe
fond peu à peu, l’on y ajoute de moment en moment
quelques morceaux de plaques de fonte ; l’on
m’a dit fur les lieux qu’il faut de l’une & de l’autre
pour faire de bon acier ; afin de faciliter la fufion de
la fonte & empêcher qu’elle ne fe fcorifie, jl’on y
ajoute des laitiers pülvérifés ; fi elles font trop pâ-
teufes, l’on y jette un peu de quartz blanc ; lorf-
qu’il. y a au fond du creufet une petite loupe de
20 à 30 livres bien formée, on la fort & on la
porte au marteau, qui,‘ en la frappant tout autour,
en refferre les parties ; on la coupe en plufieurs
morceaux que l’on fait chauffer au même feu’ pour
les réduire en barreaux d’un pouce en quarré , &
d’environ 9 pouces de long ; durant ce temps on
fait une autre loupe. Cet acier, qui eft encore bien
brut, eft porté à la platinerie ; on lui donne les
chaudes
A C I
çhaudes- néceffaires pour l’étirer dans les dimenfions
convenables à fon commerce, on le trempe, & un
ouvrier le frotte fur de la battiture d’acier mêlée
de pouflîère de charbon, le tout humefté ; ceci n’eft
que pour donner plus de blancheur à l’acier.
L’on fabrique aufli de bon acier à Kleinbden en
Tyrôl, avec du fer de gueufe, provenant de la fonte
de mines fpathiques que l’on ne rôtit pas avant de
les fondre. Les gueufes dont on veut foire de l’acier
font refondues en fonte claire , ainfi que cela fe
pratique en Carinthie ; l’on y lève aufli la fonte en
gâteaux ou rofettes, qui font blanches & très-caf-
iantes ; lès plus minces font deftinées à faire de l’acier,
les autres font pour le fer. .
L’on fond les premières dans un creiifet préparé,
comme ceux de la Carinthie, mais on ne les foit
fondre que très-lentement, ce qui eft eflentiel pour
avoir de bon acier. Lorfqu’il y a affez de matière
dans le creufet, l’on arrête les foufflets, l’on ôte les
charbons de la furfoce du bain, on le couvre de gros
pouflîer de charbon, on laiffe le tout en cet état
pendant une heure, on retire enfuite , en une feule
maffe coagulée, la loupe d’acier ; on la porte fous le
marteau pour la divifer en morceaux, que l’on
chauffe & forge tout de fuite en barres quarrées que
l’on envoie aux martinets, où l’on perfectionne cet
acier de la même manière qu’en Carinthie : tout ce
que j’ai dit fur la fabrication de l’acier fait par la fufion,
prouve que, pour y parvenir, l’on fuit diffé-
rens procédés; que chaque pays, même chaque ouvrier
a les fiens, fur-tout .quant à la conftruCtion
des fourneaux, foyers- & creufets, mais qu’ils fe rap- i
prochent tous des vrais principes, en procurant beaucoup
de phlogiftique au fer, qui, par-là, devient
acier ; ils lui en donnent dans tous les procédés, foit
de la fontë des minerais , foit dans la refonte du fer
de gueufe, foit en le laiffant macérer dans le creufet
;. car par-tout la fonte ou gueufe, les maffes
d’acier par coagulation & en rofettes, repofent fur
la pouflîère de charbon, qui fournit incefîàmment
de ce phlogiftique, & même en font environnées.
Il y a des circonftances- où l’acier fe charge d’une
trop grande quantité de phlogiftique, ce qui le rend
intraitable au marteau ; l’on eft obligé, en pareil cas ,>
de lui en ôter, en ajoutant de vieilles ferrailles, qui,
en faififfant cet excédant, fe convertiffent aufli en
acier , & font partie , de la loupe.
. L’on peut :donc conclure que, pour parvenir à
foire de bon acier par la fufion,: il faut non-feulement
des minerais qui y foient propres; mais que, dans
tous les procédés, des fontes & affinages,, à commencer
pat la fonte des minerais, jufqu’à l’entière per-
feftion de l’acier, il fout, en lui enlevant les lùb-
ftances hétérogènes, lui communiquer du phlogif-
ttque, ou au moins lui conferver celui dont il s’eft
chargé dans les premières opérations. Nous remarquerons
encore que, pour foire de l’acier, les Allemands
ne le travaillent que très-peu dans les creu-
fets avec le ringard, & que , quand. ils veulent foire
du fer doux, ils fe fervent.de cet outil, Ils en pê-
Cliymie. Tome. /,
A C I 457
triffent & forment la loupe ou renard, ils en pré-
fentent fucceflivement toutes les parties au courant
du vent & de la flamme, ce qui lui a bientôt enlevé
la furabondaîice du phlogiftique qui le confti-
tuoit acier; car fi le fer le faifit avec avidité, il le
perd avec autant de facilité., principalement lorfqu’il
eft encore brut, comme dans la loupe, où il s’échappe
par toutes les voies, qui y font d’autant plus
grandes, que les parties n’en ont pas été rappro-^
chées par la percuflion du marteau.
L’acier foit par la cémentation , procédé que nous
allons décrire, démontre d’une manière fen Cible ,
qu’il fout, dans tous les cas, fi l’on veut foire de
l’acier, donner au fer le phlogiftique qui lui manque
pour le conftituer tel.
De Vacier par cémentation.
Si les Anglois ne font pas les auteurs du procédé
de la converfion du fer forgé en acier, ils font les
premiers qui en ont foit en grand. La trempe en paquets
des différens outils 'de fer & d’acier, auxquels
l’on, veut donner une grande dureté , a fans doute
conduit à la découverte du procédé de cémenter le
fer poiir le convertir en acier; M. de Reaumur a ,
plus que perfonne , travaillé a la découverte des procédés
qui pouvoient lui procurer le meilleur acier.
Ge célèbre Académicien auroit infiniment mieux réuflî,
fi, au lieu d’employer pour cément les matières ordinaires
de la trempe en paquet, il n’eût pris que du.
charbon de bois pulvérifé, qui donne le phlogiftique
le plus convenable dans cette circonftance; l’on verra
qùê les Anglois n’y emploient pas d’autres matières ,
parce qu’ils fe font rapprochés, autant qu’ils l’ont
pu, de la manière de foire l’acier par la fufion des
gueufes ou fonte de fer, qui ne s’opère qu’avec le
charbon de bois. Quant aux fourneaux de réverbère
dont ils fe fervent pour convertir le fer en acier, ils
ne les chauffent qu’au charbon de terre qu’ils ont
en abondance chez eüx ; en conféquence, ils leur
donnent les formes convenables, ainfi qu’aux chauffes
& cendriers, afin que la flamme de ce combuftible
puiffe chauffer également toutes les parties du fourneau,
& circuler libremen$autour des creufets ou
caiffes qui contiennent le cément & le fer que l’on
veut convertir en acier. Voyçz un de leurs fourneaux,
Métallurgie, planche I , fig. , 3 ,4 & 5, & l’explication
à la fin de cet article.
Comme l’on ne peut pas toujours fe procurer à
bon mâché du charbon de terre, & qu’il en eft qui
ne donne pas affez de flamme, que d’ailleurs le bois
peut être abondant dans les endroits où l’on vou-
droit établir des manufaâures d’acier par cémentation
, l’on pourra fe fervir avec fucces du feu de
bois, en faifant ufage du fourneau de réverbère à
deux chauffes de la planche I I , fig. 1 , 2 ,3 ,4 . Voye^
aufli leur explication.
J’en ai fait conftruire plufieurs dans le Royaume,
qui chauffent parfaitement, & qui ne confomment
pas beaucoup de bois, relativement à la quantité du
M m ni