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faut donc fuppofer que le vin qui avoit précédemment
la propriété de difloudre ce fel, perde
cette propriété. C ’eft ce dontM. Bucquet lui-même
étoit bien cenvaincu tout en adoptant Thypothèfe
de M. Rouelle, lorfqu’il a dit que le tartre fe dé-
pofoit lorfque la liqueur ceffoit d'avoir la confif
tance muqueufe , c’ejl- à - dire, lorfque l'efprit ardent
étoit formé. En effet, nous ne concevons pas que
les propriétés d’un corps quelconque puiffent changer
fans qu’il y ait en même - temps quelque
changement dans fa çompofition. Mais puifque
ce.changement, quel qu’il fo it , eft aufli*bien produit
par l’art qui force la liqueur du verjus à abandonner
fon tartre, que par la fermentation lente
fpontanée, il eft évident que le premier cas ne
réfifte pas plus que le fécond à l’ancienne hypo-
thèfe , que la réunion des,parties confirmantes du
tartre s’opère en même-temps 8c parles mêmes
caufes qui produifent dans le vin une altération
-aufii fenfible', alors qu’il dépofe ce fel.
S’il étoit bien prouvé, comme l’illuftre Boer-
fiâa.ve l’a cru , que le tartre fût lui-même un ferment
, que le vin dont on a arrêté fubitement la
t ermentation, & quÜl appelle vinum fujfocatum ,
ne donnât que peu de tartre, on pourroit réunir
ces faits à ceux qui établiflent la nécefiité de la
fermentation ; il n’eft du moins perfonne qui n’ait
pbfervé avec quelle égalité le tartre fe diftribue
fur les parois au tonneau, comme s’il étoit porté
du centre de la liqueur à la circonférence, & cette
circonfiançe me femble encore montrer plutôt les
progrès d’une çompofition que d’une fimple précipitation
( proceff. 42).
Je ne diflim ulerai pas cependant qu’il y a d’autres
phénomènes qui fe concilient beaucoup mieux
avec l’idée de la préexiftence du tartre dans lê
raifin.
i pt Si ce fel fe compofbit réellement des matières
que le vin abandonne, toute liqueur qui a
fubi la fermentation vineufe devroit, comme le
moût de raifin , fournir plus ou moins de tartre ,
8c le même Boerhaave avoue qu’on n’en obtient
ni de l’hydromel, ni de la meilleure bière , ni de
quelques efpèces de vins.
i ° . Le fel eflentiel acide que l’on retire de
quelques végétaux par décoélion paroît être du
vrai tartre. Tel eft le fel qu’on obtient de la pulpe
des tamarins, que M. Bi: * uet regardoit comme
tout-à-fait analogue à la cteme de tartre , dont M.
Vaflou a formé du vrai tartre de potafle ou fel
végétal, reconnu pour tel par MM. Bercher &
Bucquet ( rég. végétal, 3 » chap. 1 , art. 4 ) .
Les expériences publiées par M. Retzius, dans lés
mémoires de l’académie de Stockolm , de 1775,
ont fourni de nouvelles preuves de cette identité.
C e célèbre Chymifte a fait bouillir dans l’eau le
tamarin , & cette décoâion mife au frais lui a
donné des cryftaux en écailles, aufli peu folubles
auç fe tartre ; la liqueur qui a refufé de cryfialli-
A c 1
fer a formé avéc l’alkali un fel neutre qui avolà
la faveur de la terre foliée ou oxytartarum de la
pharmacopée Suédoife ; la diflolution de ce fel
s’eft troublée fur-le-champ par l’addition d'une»
portion de la même liqueur, 8c a donné un pré-;
cipité pareil à la crème de tartre, comme il arrrive
quand on met de l’acide du tamarin dans une
diflolution de tartre de potaflë ; enfin, cette liqueur
a formé avec la craie un tartre calcaire infoluble.
dont l’acide vitriolique a dégagé l’acide tartareux:
d’où ce Chymifte conclut que le fel acide concret
du tamarin efi le même que celui du tartre, 3c
u’il n’en diffère que- parce qu’il, eft glus chargé
e matière extraâive. Le précipité qu’il occafionne
dans la diflolution de tartre de potafle ou fel végétal
pourroit faire croire que cet acide eft plus
puifîant, & faire naître une obje&ion contre
cette Conclufion , fondée fur le principe qu’un fei
ne peut être décompofé par fon propre acide;;
mais il y a long-temps que MM. Bàumé , Car-j
theufer & Bucquet ont indiqué la vraie caufe
de jcé phénomène , qui eft que le tartre de potafle
plus difîbluble s’empare de l’eau qui tenoit le fel
acide concret en diflolution.
50. M. Trommfdorf a donné, dans les aôes de
Mayence, de 1778, une analyfe du fumach ( r/2«^
coriaria , L. ) ; il a pris deux livres de la graine de
cet arbrifleau, & les ayant mis fur un filtre, il
les a arrofées d’eau bouillante, jufqu’à ce qu’elle
en fortit infipide ; • il a trouvé que par ce procédé
la diflolution étoit beaucoup moins chargée de
parties extraâives; ces eaux évaporées jufqu’à former
pellicule ont été mifes en un lieu frais, &
il s’y eft formé un fel brun ; mais à force de ré?
péter les diflfolutions & cryftallifations , il eft parvenu
à le rendre blanc & tranfparent ; il pefoit
environ 6 gros; fes cryftaux n’étoient pas uniformes
; les uns étoient des paràllélipipèdes reâan»
gulaires, les autres avoient les deux côtés oppo-
fés plus larges, plufieurs étoient grouppés irrégulièrement
; fa faveur étoit acide 5 il étoit peu
foluble dans l’eau froide, il exigea 31 parties d’eau
bouillante pour fa diflolution,- 8c fe cryftallifa
très-promptement par le refroidiflement. Sa diflo*
lution rougît les couleurs bleues végétales, s’unît
aux alkalis avec effervefcence, & forma des fels
neutres. Il coula au feu comme de l’alun , il brûla
enfuite avec flamme, & laifîa | de fon poids d’une
terre grife qui avoit le goût alkalin , & qui fut
prefque entièrement difloute par les acides avec
effervefcence; l’efprit-de-yin chaud ne p utle dif
foudre complètement, mais il parut s’y fondre,8c
fe dépofa ' fous forme folide aufli-tôt qu’il devint
froid. Ce Chymifte conclut que le fel de fumaçh
a beaucoup d’analogie avec le fel d’ofeille 8c la
crème de tartre; mais M. Green a annoncé depuis
qu’il avoit reconnu le fel eflentiel de fumach pour
un vrai fe l tartareux compofé $ acide tartareux 8c
d’alkali végétal ( Crell Neuejl. Entdeck, part. V I ?
page ifQ ||
Cet
t e s obfervations ne permettent guère* de dou* ;
fer que l’on ne puiffe retirer un vrai tartre de
fmelques-uns des végétaux même qui paroiffent le
moins difpofés à la fermentation fpirimeufè, 8c
avant qu’on les ait difpofés à fubir cette altération
fpontanée qui produit les liqueurs vineufes; 8c
C’eft fans doute le plus fort argument en faveur
de l’hypothèfe de la préexiftence du tartre tout
formé; mais, je le répète, il faut toujours une
décomposition du végétal pour le féparer de fes
autres parties conftituantes, & nous n’avons point
de preuves que les moyens employés à cette fé-
paration ne portent leur aéfion que fur la fubf-
tance qui fer voit de diffolvant au tartre tout formé,
au lieu de procurer en même-temps, comme
il arrive en tant d’occafiofts,. la combinaifon immédiate
8c plus intime de quelques - uns des principes
du corps furcompofé.
En un mot, il n’eft pas décidé que ces végétaux
ne foierit pas fufceptibles de quelque mouvement
de fermentation; M. Baume a obfervé que la dé-
coâion des tamarins, lorfqu’elle étoit évaporée ù
un certain point, fe réduifoiten une gelée qui con-
fervoit tonte l’acidité du fruit, mais qu’elle fe liqué-
fioit un peu, quelque temps après, qu’elle pre-
noit la forme d’un extrait ordinaire , en perdant
prefque toute fa faveur acide , vraifemblablement
parce qu’elle fubiffoit un très- léger mouvement
de fermentation. ( Elém. de pharm. )
I I . Le tartre ejl-il un pur feleffendel acide ? On
n’a jamais 'douté que l’acide n’y fut combine avec
le principe huileux, 8c c’eft-là ce qui leconftitue
fel eflentiel, fuivânt la véritable acception- dé ce
terme ; mais il laifle, après fa combuftion, un fel
fixe alkalin, les Chymiftes ont été long - temps
partagés, fur la queftion de favoir s’il étoit produit
ou fimplement féparé ; il convient donc ,
pour prendre une jufte idée de la nature du tartre ,
dé rappèller d’àbord en peu de mots les princi-.
paux argumeijs xkrnt s’appuyoient les deux partis,
8c d’expofer enfuite les raifons 8c les expériences
qui doivent enfin terminer cette controverfe. ^
Avant Paracelfe, tous les Chymiftes regardoient
l’alkali du tartre comme un de fes principes, 8c
il foutint lui-même cette opinion , • autant qu’on
en peut juger par les rêveries qu’il a écrites fur le
tartre. Fernel 8c Riolan font les premiers qui aient
avancé que l’alkali étoit un produit de l’art 8c du
feu , 8c M. Rofenftiel remarque très-bien que ce
fyftême tenoit aux prétentions des adeptes, de
transformer la plupart des fubftances dans leurs
opérations. Parmi ceux qui ont foutenu le même
principe, quoique fondé fur des argumens fou-
vent très-différens, on peut compter Vanhelrnont,
Boyle, Kunckel, Tachenius, le grand Boerhaave,
J. M. Hojfman, Stahl, Homberg , Geoffroy-,. Neu-
man, Fréd. Hojfman 8c plufieurs autres dont les
roms font moins connus. La preuve qu’en don-
noit Vanhelrnont étoit faite pour convaincre fi
Çhymie. Tome I.
elle eût été confirmée par l’expériencë ; il affir-
moit que 16 onces de tartre , qui donnoient environ
1 onces 8c demie d’alkali lorfqu’on les brû-
loit en vaifleaux clos, en donnoient plus de quatre
fi on cohoboit fur le réfidu charbonneux la liqueur
qui avoit pafle dans le récipient. Suivant
Stahl, les plantes qui fourniffent abondamment
de l’alkali n’en donnent plus à l’incinération , lorf-
qu’on leur a enlevé la partie réfineufe par l’efprit-
de-vin, parce que ce fel fixe ne peut être produit
que par la combinaifon de l’acide avec ,1a matière
huileufe ; 8c ce Chymifte , dans fes derniers ouvrages
, adnaè?dans le tartre une partie faline ni-
treufe qui produit l’alkali pendant la combuftion
de fon htnle groflière.
La doctrine contraire a eu dans tous les temps
d’illuftres défenfeurs : Béguin place le fel fixe parmi
les principes des fels efientiels ; Angélus Sala dit
précifément que le tartre eft compofé d’acide ,
d’huile 8c de fe l, 8c que le feu ne fait que dégager
les deux premiers : Libaviûs s’éleva avec force
contre Riolan, Zwelfercontre Tachenius; Lefevrer
Glafer, Hierne foutinrent la préexiftence de l’al-
kali ; Bourdelin 8c Lemery s’efforcèrent de l’établir:
Duhamel 8c Groffe avoient obfervé qu’en ajoutant
une terre foluble dans la diflolution du tartre , il
fe formoit des cryftaux de tartre , femblables à
ceux que l’on obtenoit en y ajoutant de l’alkali,
8c que l’acide nitreux verfé dans cette diflolution
régenéroit du nitre ( mém. de l'acad. ann. 1732 ).
Cette expérience étoit fans doute aflez décifive ,
mais ces académiciens , plus occupés de la recherche
d’ùn procédé pour rendre le tartre foluble ,
négligèrent d’en faire l’application à la queftion de
la préexiftence de l’alkali avant la combuftion, &
c’eft pour cela que M. Rofenftiel 8c quelques C hy miftes
allemands reportent à Margjraff l’honneur
de la découverte de l’alkali dans le tartre par la
voie humide 8c fans incinération. A la vérité, le
célèbre académicien de Berlin ne fe borna pas à
extraire l’alkali du tartre en le faturant d’abord
de craie, précifément comme avoient opéré les
deux académiciens de Paris, il voulut encore détruire
le foupçon qui pouvoit rsfter que cette
; terre eût quelque part à la produéfion du fel fixe,
; à l’aide de la chaleur de l’ébullition ; 8c il parvint
à combiner directement, fans aucun intermède -,
les acides nitreux, muriatique 8c acéteux avetf
cette bafe alkaline qui exifte naturellement dans
le tartre, & à démontrer l’identité abfolue des
fels qui en étoient formés avec les fels neutres
réfultant de l’union de la potafle ou alkali végé<*
tal avec les mêmes acides.
Ces expériences ont été depuis confirmées par
le célèbre Rouelle , qui ne céda à Margraff que
l’avantage de la date pour cette découverte ( journ„
phyf tome I , page 14 ) ; elles ont été répétées,
toujours avec le même fuccès, par plufieurs C hy miftes,
8c en particulier par MM. Wïegleb, Ro-
fenjhel 8c iVcAe/t,qui en ont rendu un compte très