
cher par une évaporation douce ; je l’ai mis pour
lors dans un creufet de Heffe au fourneau de fu-
fion , ayant eu la précaution de renverfer deffus un
autre creufet, pour qu’il ne pût s’y introduire aucune
matière étrangère , j’ai obtenu un beau verre
tranfparent. Ce verre, abandonné plufieurs mois
à l’air , ne s’eft pas réfous en liqueur, n’a pas meme
attiré fenlîbleme.nt l’humidité. Ayant fait bouillir
deffus de l’eau diftillée, elle a rougi très-foibiement ■
le papier bleu ; cette première eau décantée, celle
;que j’ai remife deffus le même verre acide n’a plus
altéré le tourne fol, & il n’y a eu aucune diflolu-
tion , quoique j ’aie fait bouillir plufieurs heures de
fuite ce verre en grande eam ^
Voilà donc un acide phofphorique vitriforme , dont
les propriétés acides ont prefque totalement dif-
: paru , fins que l’on puifle dire qu’elles font ici
mafquées par la fubftauce découverte par M. Prouft,
fans qu’on puiffe fuppofer aucune facuration.Ceverre
peut cependant revenir à l’état d’acide. Il fuiHc ,
pour cela , de le faire paffer par l’état de phof-
' phore op de foufre phofphorique , en le combinant
avee le phlogiftique , & de laiffer enfuite brûler ce
phofphore ; le réfidu de la combuflion fera l’acide
' ^régénéré. Que l’on demande maintenant aux Chy-
miites quel efl le principe qui s’y réunit dans l’aéte
de çette pombufticfi vive ou lente ; iis répondront
faas doute que c’eft l’air vital : n’eft-çe pas avouer
• qu’il n’eft acide que quand il eft uni à ce principe?.
E t pourquoi ne conclurions nous pas ici recipro-
‘ quement que c’eft l’abfence de ce principe qui laiffe
je verre phofphorique dans un état d’inertie’ qui
femble exclure la qualité acide !
Jufqu’apréfent nous avons vu les radicaux des
^cides paffer fucceffivement &. à notre volonté de
la combinaifon phlogiftique à la combinaifon acidi-,
fiée & réciproquement ; mais nous n avons vu ces
radicaux què des yeux de l’efprit ; il ne nous a pas
été donné de les tenir purs 8c ifolés , il nous étoit
plus facile de les détruire, que de les ffifir dans ce
paffage ; de là s’efi formé un préjugé qui nous a empêché
de reconnaître ceux qui s’offrpient a nous
dans cette fimpbcite, Telle eft, fi je ne me trompe,
îa yraie explication des différens eara<$tçres que
préfente l 'acide phofphorique dans fa diffolution
' âqueufe «St. dans l’état de verre. Il y .a des bafes
acjdifiables que h moindre chaleur déeompofe ; il
y en a qui réfiftent au feu- le plus violent, ou qui
ne cèdent a fon a&ion que pour s evaporer en état
d’acides complets-, Y acide phofphorique nous donne
un exertiple d’une efpècè nouvelle qui, ioit à caufe
de fon étonnante fixité , foit a raifon d une moindre
adhérence à l’air vital, le laiffë aller & n’éprouve
d’autre changement de la plus grande interifité du
feu , fi ce n’eft peut-être de demeurer unie à une
Certaine quantité de matière de là chaleur.
Cela pôfé, l’infolubilité de l’acide retiré du fel
ffurine . lorfqu’il a été pouffé à l’état de verre ? n’eft
pas par elle-même une preuve de l’impureté de
fe t âçjçjs t pi qu’il fQÎç upi à quelqu’autre {Ubftance ;
&. d’après les ohfervations univoques des fyflêmes
de cryfiallifation différens qu’affedlent l’ourète de
foude & le phofphate ammoniacal , on. peut admettre
la poflibilité de féparer affez complettement
ces fels ; mais j'ai déjà annoncé que le procédé du
phofphore étoit encore plus avantageux pour ob-
teniC notre acide, il eft temps de le décrire,
§. III. Procédé pour retirer le phofphore de turinel
C’eft à M. Margraff que l*on a l’obligation aa-<
voir affuré la réuffite de cette opération laboneufe■ ;
quoiqu’elle eût été faite en France avec fucces des
l’année 1737 , & que M. Hello’t en eut décrit ,
dans le plus grand détail, toute la préparation , M.
Macquer nous apprend qu’elle manqua encore, par
le défaut de la cornue , la première fois que M.
Rouelle l’aîné voulut la répéter dans fes cours. M.
Rouelle fut plus heureux dans la fuite; mais M.
Margraff ayant publié en '1743 une méthode nouvelle
& plus facile, tous lès Chymiftes l’ont adoptée
& fuivie , jufqu’à ce qu’on ait penfé à tirer le
phofphore d’autres madères : voici fon procédé. ^
On commence par réduire l’Urine en extrait qui
ait la confiftance du miel. M. Baume a obferve
qu’il étoit indifférent qu’elle fût putréfiée ou récente;
il en faut près de trois muids pour une once
de phofphore. On jette quelques onces de fuif dans
la ehauaière pour arrêter le gonflement que la chaleur
occafionne pendant l’évaporation,
On prépare enfuite dù muriate de plomb ou
plomb corné, en traitant à la diftillation un mélange
de quatre livres de minium avec deux livres de fel
ammoniac pulvérifé; il paffe dans le récipient de
l’âlkali volatil cauftique , l’acide muriatique s unie
au plomb 8c refle avec lui dans la cornue , fous la
forme d’une maffe brunâtre peu foluble.
On mélange peu-à-peu, dans une chaudière fur le
feu , ce muriate de plomb avec neuf ou dix livre#
d’extrait d’urine. o ,
On ajoute à ce mélange une demi - livr.e de
pouflière de charbon , & on remue, jufqu?àce.que
je tout foit réduit en une poudre noire ; les vaif-
feaux doivent être placés fous une grande hotte de
cheminée & fort élevés j pour éviter, autant qu il
eft-poffibley l’odeur abominable qu’exhale cette
préparation. ■ , ,
On met cette poudre ainfi deffechee dans une
cornue, pour en tirer, par une chaleur graduée &
médiocre, tous les produits volatils de, 1 urine , c et*
à-dire l’alkali volatil,T.huile fétide & unq matière
ammoniacale qui s’attache au col de la cornue ; il
refle une maffe noire très-friable, qui contient le
phofphore ou plutôt les matières néceffairçs pour
le produire. On peut en faire l ’effai , en en jettant
un peu fur les Gbarbons ardens ; elle répand une
odeur d’ail, 8c donne une flamme bleue avec on-
' dula rions. ■ - ' ■ : ,
Il faut une chaleur beaucoup plus forte pour la
diftillation de cç yéfidu : on en remplit en confequene
®
qtïence jufqu’aux trois quarts une cornue de grais
capable de réfifler au plus grand feuj^on fe fert
d’un fourneau de réverbère à chape, c eft-a-dire,
qui a une ouverture dans la partie du dôme pour
pouvoir jetter les charbons par le haut; on lutte
exaélement à la cornue, ou à 1 allonge , fi lé col
n’eft pas affez long , un ballon à moitié rempli
d’eau & percé d’un trou dans ledeffus, & on élève,
entre le récipient & le fourneau, un mur de briques,
pour empêcher que la chaleur ne fe communique
; une planche couverte de terre graffe détrempée
du côte du fourneau remplit le même objèt
avec moins d’embarras.
Tout étant ainfi difpofé, on échauftè la cornue
par degrés, on la pouffe au rouge, le phofphore
Commence à paffer en vapeurs lumineufes, elles
rempliffent le ballon , & s’élancent par le trou que
l ’on y a pratiqué , 6c que l’on eft obligé de déboucher
d’inftant en inftant. Ces dards de flamme, quoique
très-lumineux dans l’obfcurité, nebrûlent point ;
ils enveloppent la main qui leur donne iffue, ians
occafionner la moindre douleur , à moins que le feu
n’ait été pouffé avec trop de violence. On peut
s’épargner la peine de déboucher & reboucher fans
ceffe le trou du ballon, en y introduifant le bout
d’un fiphon recourbé, bien lutté tout autour, 8c
dont l’autre extrémité plonge dans une cuvette
pleine d’eau : cette pratique a cela d’avantageux ,
que non-feulement le fluide gafeux n’eft jamais affez
comprimé pour refouler dans la cornue , ce qui eft
capable de brifer les vaiffeaux, ou du moins de
forcer les luts; mais encore qu’on n’a pas à craindre
que l’air extérieur entre dans le ballon , ce qui déterminerait
la combuflion d’une portion du phofphore
à la furface de l’eau.
En fou tenant le feu par des charbons allumés
d’ avance à la forge ou dans un autre fourneau, &
que l’on introduit par la chape , on voit le phofphore
coulèr en gouttes , qui fe figent dans l’eau
du ballon; on continu^l’opération jufqua ce qu’il
r.e diftille plus rien ; elle dure fept à huit heures.
Deux chofes méritent fur-tout ici une attention
particulière , la qualité de la cornue , & la folidité
des luts qui forment les jointures. Il eft rare que
les cornues de terre cuite qui fe trouvent dans le
commerce réfiftent au grand feu qu’exige cette opération
; elles contiennent fouvent des grains pierreux,
il n’en faut pas davantage pour lës faire éclater
ou même couler en verre , fi ces pierres font
calcaires : d’ailleurs elles ont été faites furie tour',
8c ne peuvent entrer en comparaifon avec celles
que l’on fait faire fous fes yeux dans des moules ,
avec de la'bonne terre bien préparée , 8c qui
foiît plus compares. J ’ai éprouvé plufieurs fois
que ces dernières pouvoient fervir jufqu a deux 8c
trois fois à l’opération du phofphore.
On emploie le lut gras affujetti avec des bandes
de linge couvertes de chaux détrempée dans du blanc
jd’céuf.
iSi la cornue vient à fe fendre, ou les luts à fe
Çfiymie, Tom, /.
défunir, on s’en apperçoit bientôt à l’odeur d’ail,
8c même à la couleur des petits dards de flamme
qui s’échappent. Il n’y a pas d’autre remède que’
d’arrêter le feu le plus vite qu’il eft poffible pour'
ne pas perdre la matière.
Nous verrons dans la fuite la manière de purifier
le phofphore qui fe trouve dans le récipient après
cette diftillation.
Le procédé qui vient d’être décrit eflf celui qui
a été'généralement adopté tant qu’on a été réduit
à chercher la matière du phofphore dans l’urine :
les Académiciens de Dijon l’ont pratiqué avec fuc-
cès dans leur premier cours public de Chymie en
1776 ; mais l ’odeur infeéle qui fe répandit lors du
mélange du muriate de plomb avec l’extrait d’urine,
excita tant de plaintes dans le voifinage, qu’ils au-
roient été forcés de renoncer à cette expérience ,
fi on n’eût publié la même année la découverte de
Y acide phofphorique dans d’autrès matières.
Avant que d’expofer la nouvelle méthode , je
dois prëfenter encore quelques réflexions fur l’ancienne.
■
M. Margraff vouloit qu’on divisât la matière dans
plufieurs cornues, pour qu’il y eût moins de rif-
ques de la perdre toute par un feul accident ; on
a regardé cette précaution comme inutile , 8c même
embarraffante par la difpofition particulière qu elle'
exigeoit dans les fourneaux.
C ’eft le même Chymifte qui a imaginé de pari
tager en deux temps la diftillation qui le faifoit auparavant
en une feule fois , 8c par-là l’opération
eft devenue plus fimple 8c moins laborieufe.
C ’eft encore à fon imitation que l’on a ajouté au
mélange du muriate de plomb , 8c l’ufage s’en eft
continué-, comme le dit M. Macquer, fans qu-il
fût bien décidé que l'addition de ce fel étoit avan-
• tàgeufe, mais feulement parce qu’il paroiffoit plus
fûr de fuivre de point en point un procédé qui
avoir réufli. Il eft préfentement bien démontré que
ce fel n’eft nullement néceffaire à la compofition
du phofphore , on l’obtient directement, & avec
une égale facilité , en traitant tout Amplement à la
cornue deux parties de phofphate natif pouffé à
l’état de verre , avec une partie de charbon , 8c
en moins de demi-heure, on voit monter le phofphore
; ce qui a fait dire à quelques Chymiftes que
cette méthode étoit la plus avantageufe; ils ont
raifon , s’il ne s’agit que de faire une démonftra-
tîon ; mais s’ils la recommandent férieufement pour
obtenir le phofphore en certaine quantité , ils prouvent
feulement qu’ils n’ont jamais jugé par éux-
mêmes du travail long, pénible 8c rebutant qu’exige
la féparation du phofphate natif de l’urine.
Lë muriate de plomb, s’il èft utile, nepeut donc
fervir qu’à difpofer les matières, qui préexiftent dans
le mélange, à former la combinaifon phofphorique,
en les mettant plus à nu , prévenant leur diffipâti
on , favorifant le conraCi par une plus grande fluidité
, & contribuant ainfi à augmenter réellement
le produit de l’opération, Qn conçoit, par exemple,