
Il étoit rifervè au célébré Schéele de mettre
cette vérité dans tout fon jour , en indiquant le
procédé pour obtenir Vacide arfemcal pur 8c privé
de cettè portion de phlogiftique, qui mafquoit une
partie de fes propriétés ; il l’annonça pour la première
fois en 1774, en publiant dans les mémoires
de l’académie de Stockolm , les belles expériences
qu’il avoit faites fur la manganèfe, d’après
l’invitation de M. Bergman ; j’entrepris de le démontrer
au cours public de l’académie de Dijon
en 1779 , fur la fimple notice qu’en avoient donnée
quelques ouvrages périodiques ,:8c j’eus dès la première
opération le fuccès le plus complet. ( Joum.
phyf. tom. X I I I , pag. 4 71.) voici èn quoi elle
confifte :
Prenez une livre de manganèfe noire, folide ou
en chaux friable, il n’importe, celle qui eft dans
le commerce à l’ufage des verriers & des potiers
eft également bonne. J’ai employé fouvent celle de
Romanech en Bourgogne.
Pulvérifez - là exactement, mettez-là dans une
cornue de v erre, verfez deflùs une livre & demie
d’acide muriatique fimple ou efprit-de-fel non fumant,
placez la cornue au fourneau de réverbère,
mettez dans un ballon 4 onces d’arfenic blanc
cryftallin réduit en poudre fine , verfez de l’eau
dans le ballon jufqu-à ce que l’arfenic en foit bien
humeQé 8c même qu’il y en ait une couche au-
deffus de une ou deux lignes; ajuftez ce ballon en
forme de récipient à la cornue & diftillez à l’ordinaire
en augmentant le feu par degrés.
L’acide ne tarde pas às’élever en vapeurs qui rou-
,giflent le ballon ; lorfque ces vapeurs ceflent, il
eft temps d’arrêter la diftillation.
Les vaifleaux réfroidis , on délutte, & on retrouve
dans le ballon Farfenic blanc , à-peu-près
comme on Fy a mis, excepté que fon volume a
'diminué de la portion difloute dans la liqueur qui
fumage, de forte que tout porte à croire qu’il n’a
réellement éprouvé aucun changement ; mais la
vérité efi qu’il eft décoinpcfé, c’eft-à-dire, qu’il
a perdu1 fon phlogiftique oc qu’il n’en refte plus
que la partie acide propre à cette fubftance.
Pour s’en convaincre, on fait pafler dans une
cornue de verre tout ce qui .eft dans le ballon, &
on diftille jufqu’à ficcité au fourneau de réverbère ;
le produit de cette diftillation eft l’acide muriatique
ordinaire qui fe trouve ainfi féparé de l’ar-
fenic ; celui-ci refte dans le fond de la cornue
comme une mafle sèche 6c fixe ; ce n’eft donc plus
l’arfenic tel qu’il étoit au commencement, car il
eft bien certain qu’il fe feroit fublimé au degré de
feu que l’on lui a fait fubir ; c’eft l’acide pur de l’arfenic,
6c j’aurai bientôt occafion d’en fournir autant
de preuves qu’il montre de propriétés différentes.
Si on examine la première cornue où on avoit
mis la manganèfe avec l’acide muriatique fimple,
on ne trouve qu’un réfidu fe c , qui ne paroît pas
avoir changé de nature ; mais lorfqu’On yerfe dans
la cornue un peu d’eau chaude, la mafle fe détache
des parois, 8c on voit fe former une quantité
de petits cryftaux prifmatiques blancs qui fe groupent
en étoiles; c’eft le muriate de manganèfe.
Voye% ce mot.
Pour bien comprendre ce qui fepaffe dans cette
opération, l’une des plus belles qui aiènt jamais
été faites en Chymie , il faut reunir ici quatre
points de théorie auffi neufs qu’importans qui feront
développés aux articles Acide muriatique
6c Chaux de manganèse , 6c dont cette même
opération fournit l’une des preuves les plus
dire&es :
i ° . Pour que la chaux noire de manganèfe foit
difloute par les acides, il faut y porter des matières
capables de lui fournir du phlogiftique, ou que les
acides foient naturellement phlogiftiqués ; autrement
on n’obtient qpe des difiolutions imparfaites
6c colorées. Ici la diffolution a été faturée 6c fans
couleur , la manganèfe a donc, trouvé dans l’acide
muriatique fimple l’intermède néceffaire à cette
Combinaifon.
20. Les vapeurs rouges qui fe font condenfées dansq ul’ie afue dfuo nbt aéllleovné, esn e,
font plus de l’acide muriatique ordinaire, mais de ll’àa ceinde émtaut rdia’atitqtauqeu deér plh’olor g,i ffteiquul é 6, cq fuain ds elvei efnetc opuarrs-
d’un autre acide. Voyeç Acide muriatique
DÉPHLOGISTIQUÉ.
30. L ’acide muriatique, qui a cédé à l’affinité fupé-
rieure de la manganèfe le phlogiftique qui entroit
naturellement dans fa compofition , fe trouve à
fon tour, en vertu d’une affinité plus puiflante ,
capable de reprendre même à froid ce principe à
l’arfenic blanc, 6c l’acide de.ce dernier refte à nud.
40. L’acide muriatique déphlogiftiqué qui a repris
le phlogiftique de l’arfenie 8c qu’on en fépare
par la fécondé diftillation, fe trouve en état d’acide
muriatique ordinaire ou recompofé , qui ne peut
plus attaquer l’o r.
Telle eft la théorie lumineufe qui réfui te de cette
expérience 6c qui fe trouve confirmée par tous les
réfultats correfpondans, foit dire&s ,foitinverfes.M.
Schéele en eut la première idée,en obfervant que l’addition
de l’arfenic blanc pulvérifé dans la’ diflolution
alkaline de manganèfe, ou caméléon minerai, détrui-
foit la couleur v erte, 6c qu’en étendant la mafle
dans l’eau , il fe précipitoit une chaux de manganèfe
blanche, c’e ft-à -d ir e , phlogiftiquée. De-là
il conclut que l’arfenic blanc tenoit du phlogiftique
6c que ce principe pouvoit lui être enlevé ; il fe
rappelh que l’acide nitreux fe phlogiftiquoit en
effet, lorfqu’on le traitoit avec l’arfenic , 6c il vit
la pofftbilité de le réfoudre en fes parties confti-
tuantes.
Ce mélange de l’arfenic blanc avec le caméléon
minéral fournit, comme Fon voit, un troifième procédé
de féparer l’acide arfenical de fon phlogiftique ;
mais il fait pafler immédiatement l’acide à l’état de
fel neutre comme celui de M. Macquer, je vais en
indiquer
tm quatrième qui donne l’acide libre, & pour lequel
on n’a pas befoin de la manganèfe ; il eft
tiré de la diflertation de M. Bergman.
On fait difloudre dans l’acide muriatique concentré
, à l’aide de l’ébullition, le tiers de fon poids
d’arfenic blanc ; fi on laiffe rèfroidir la liqueur , il
fe forme un précipité abondant qui eft un vrai
mûriate arfenical, que Fon peut même obtenir en
forme de cryftaux ; mais f i , pendant que la liqueur
eft encore bouillante, on y verfe peu-à-peu^de
l’acide nitreux, environ le double du poids de Farfenic',
6c qu’on fafle enfuite évaporer toute la
liqueur , le réfidu fera de Facide arfenical libre,
que Fon purifiera aifément de tout acide étranger ,
en le faifant calciner, jufqu’à ce qu’il commence à
rougir. 100 parties d’arfenic blanc donnent de
cette manière à-peu-près 80 parties d’acide fec;
Farfeiuc étant très-divifé au moyen de fa diflolution
, l’acide nitreux s’empare avec plus de facilité
de tout fon phlogiftique.
Ainfi la converfion de l’arfenic en acide n’eft pas
l’effet d’une fubftance particulière & déterminée que
l’onpuifle regarder comme donnant un nouveau
Froduit par une fimple modification ; en général
arfenic eft décompoié par tous les procédés déphlo-
giftiqnans ; e’eft-à-dire , par tous les corps qui
attirent plus fortement le phlogiftique. M. Landriani,
dans fa diflertation fur 1a formation de i’air v ita l,
qu’il appelle déphlogiftiqué , remarque très-bien
que puifque Y acide arfenical eft complettement le
même, foit qu’on le retire par Fintermède de l’acide
nitreux, de l’acide muriatique., ou de l’acide ré-
galin , il n’eft pas poflible que les acides minéraux
entrent dans la compofition ", il ajoute à cette
réflexion deux obfervations bien décifives ; Yune
que Y acide arfenical, obtenu par Fintermède de l’acide
vitriolique,ne donne pointu’acide fulfureux lorfqu’on
le traite avec la pouflière de charbon ; Y autre que
Fon peut obtenir Yacide arfenical fans l’intermede
d’auCun acide , en faifant fublimer plufieurs fois
Farfenic blanc dans des vaifleaux fermés , pourvu
qu’on ait l’attention d’y renouveller l’a ir , 8c que
cet air fe phlogiftique à mefure que Farfenic fe
décompofe; il préfume avec raifon que l’introduction
de l’air vital dans les vaifleaux, hâteroit encore
cette décompofition.
Enfin, nous verrons qu’en traitant Farfeqicblanc
avec le nitre ammoniacal, on parvient à recueillir
féparément l’acide nitreux phlogiftiqué, l’ammoniac
6c Y acide arfenical pur. Voyeç AR SENIATE AMMONIACAL.
Il ne faudroit pourtant pas conçlure de ces faits
que ce què nous appelions acide arfenical exifte
tout formé dans Farfenic blanc & avec toutes les
parties qui le eonftituent tel ; la théorie que j’ai
établie à l’article Acide , réfifte à cette conféquence :
Xacide arfenical eft, comme tous les autres acides,
çoinpofè de l’air , principe acidifiant commun , 6c
de la fubftance effentielle de Farfenic, qui, unie au
phlogiftique en différentes proportions, produit le
Chymie. Tom. I,
régule ou la chaux blanche d’arfenic ; qui »privée
de phlogiftique 6c combinée avec Fair acidifiant,
forme un acide d’un genre particulier. -
On ne fera pas embarrafle d’indiquer queft ce
qui fournit Fair à la chaux blanche d’arfenic lorfqu’on
la traite avec le nitre , ou avec l’acide nitreux;
à la vérité, il n’étoit pas auffi bien vérifié
avant cette expérience, que l’acide muriatique contint
de même une portion d’air acidifiant, qu’il
pût céder à Farfenic en lui prenant fon phlogiftique
, en forte qu’il dût encore être placé au nombre
de ces fubftances, déjà fi nombreufes, qui
font toujours combinées avec l’un de ces principes,
8c qui ne quittent l’un que pour reprendre
l’autre. Mais puifque Y acide arfenical obtenu, bar
ces divers procédés , eft toujours identique, il s en
fuit néceflairement que les différens intermèdes
employés ont été en état de lui fournir la matière
qui lui manquoit pour fe montrer en cet état. J’ajoute
que l’exiftence de Fair dans Y acide arfenical,
eft prouvée tout à la fois par fynthèfe 6c par
analyfe : on a vu que M. Landriani avoit produit
dfet acide, en mettant Amplement la chaux d’arfenic
en contaft avec Fair commun ; le même
phyficien a retiré de Fair vital ou déphlogiftiqué
de l’arfeniate calcaire , de l’arfeniate alumineux 8t
de l’arfeniate de zinc.
U acide arfenical rougit les infufions de Tourne-
foî 8c de violettes, 8c les rétablit, comme tout autre
acide, quand elles ont été altérées par les alkalis.
Cet acide eft fixe au feu , mais s il eft en conta#
avec des matières qui puiflent lui fournir du
phlogiftique , il fe régénère de Farfenic blanc , qui
étant plus volatil ne tarde pas à fe fublimer.
Il en eft de même lorfque Fon expofe Y acide arfenical
à un feu poufle jufqu’à l’incandefcence ;
M. Bergman penfe que dans ce cas il décompofe
la matière calorifique 6c en reçoit la quantité de
phlogiftique héççffajre à cette régénération.
L'.acide arfenical donne t ainfi que la chaux blanche
, le régule d’arfeniç, lorfqu’on le traite avec des
flux réductifs ou des matières charbonneufes pour
le fatiirer complettement de phlogiftique. M. Pelletier
ayant fait pafler du gas inflammable ( tiré du
fer par l’acide vitriolique ) dans de Y acide arfenical
en liqueur, .eut un précipité noirâtre , qui fe trouva
avoir toiites les propriétés du régule. Cette expérience
ingénieufe nous donne un exemple d’une
reduâion direéte par la voie humide, 6c une preuve
nouvelle de l’identité du gas inflammable 6c du phlogiftique.
Le même Çhymifte a eflaié la décompofition
du foufre par cet acide , il a reconnu
qu’elle n’avoit pas lieu par la voie humide ; mais
ayant expofé au feu dans un métras { gros d'acide
arfenical pur ( retiré par déliquefeençe de la
décompofition de Farfeniate ammoniacal) 6c pareille
quantité de fleurs de foufre, il fe dégagea de
l’aciçle fulfureux trè s -v if, 6ç il y eut un fublimé
de trçs-beau réalgar ; d’où il réfulte que Facile arfe