tous les corps,appartenais aux règnes organifés, &
que nous ne parviendrons à''réfoudre que quand
nous connoîtrons mieux le principe-calorifique qui
joue probablement dans ces circonftances un rôle important
& à peine foupçonné.
III. La graiffe étant, comme je l’ai d it, de la
nature des huiles, on n’eft pas étonné qu’elle foit ;
fujette à la rancidité;l’altération qu’elle en reçoit ,
qui la rend foluble dans l’efprit-de-vin , précisément
comme fi elle eut fubi 1 aâion du fe u ,
confirme bien ce que je viens de dire, à la vérité
fans nous donner pius de lumières fur la vraie caufe
de cette altération-,
. M .de Machy a obfervé que l’on pouvoir enlever
toute la ranciclité de la graiffe en la traitant avec
l ’efprit-de-vin ; ceft - à - dire , que l’efprit- de - vin
.diffout toute la portion dont l’acide s’eft développé,
& ne touche pas à celle qui 11’a point ete altérée.
M. P cerner a même penfé que l’eau pure produiroit
le même effet s & M. Macquer. propofe de mêler
avec l’eau un peu de terre calcaire ou d alkali
pour mieux abforber l’acide de la rancidité, & de
laver enfuite avec beaucoup d’eau pure pour emporter
tout le mixte falin ou favonneux quiauroit
pu fe former.
Ces- obfervations ne permettent pas de douter
qué l’acide développé ne mette à l’état favonneux
l’huile qui n’eft plus dans la condition d’une graiffe
parfaite, car autrement elle ne pourroit être enlevée
par l’eau feule , & changeroit.à un certain point les
propriétés de la graiffe non altérée. Suivant M. de
Fourcrôf , ce n’eft pas a la partie huileufe de la
graiffe qu’eft dû ce changement, mais à la propriété
fermentefcible d’un mucilage animal particulier ,
dont la graiffe retient toujours une certaine portion
qui lui eft intimément combinée : je ne fuis point
éloigné d’admettre ici une fo’rte de fermentation ,
c’eft-à-dire , un mouvement plus ou moins fenfible,
déterminé par les affinités de l’air •& de la.chaleùr ,
& qui produit de nouvelles combinaifons ; en effet,
il eft très-probable que les huiles s’altèrent à l’air
comme par les acides , & qu’il s’y fixe de même
une nouvelle portion du principe acidifiant; j’en
ai donné les preuves ailleurs d’après les expériences
de M. Hajfe ( Voyei A c id e n it r e u x , g.
V U .) & M. Schéele dit précifément que l’air eff diminué
par les huiles qui deviennent réfineufes. Mais
il s’en faut beaucoup que cette théorie fe concilie
avec tous les phénomène»: i ° . elle fuppofe dans la
graiffe une animalifâtion que nous avons vu démentie
par d’autres faits. z° . Lorfqu’on diftille;/la
graiffe récente en vaiffeaux clos, elle éprouve une
altération tout-à-fait analogue ; il fe trouve de même
de l’acide développé : il faut donc reconnoître que
le principe acidifiant préexiftoit dans la graiffe ,
quaj y étoit en quantité fuffifante pour produire inf-
tantanément l’altération permanente que l’accefiion
de l’air peut produire fucceffivement ; ou bien il
faut dire avec lè célèbre Schéele > que l’air vital
peut venir ici de la décompofition de la matière
de la chaleur. 30. M. Siefleit a indiqué comme.un
procédé fur de rétablir les huiles rances , de leur
reftituer du gas de la fermentation ; MM. Royer
ScÆtinger ont confirmé cette obfervation ; & même
on affure avoir corrigé & amélioré la graiffe , &
rendu le fain-doux plus ferme , en mettant des
pommes ou autres fruits dans la bafline où on
les fondoit, ( note de M, IVeigel fur les Elèmens de
Chymie de Dijon). 40. Les huiles végétales, fufeep-
tibles de fe rancir en vieilliffant, contiendront donc
aufli un muqueux effentiel; car le même effet indique
une même caufe. C ’eft affez d’annoncer ici
ces difficultés; je m’en occuperai plus particulièrement
aux articles Huile & Rancidité.
La graiffe a donné à M. Schéele des cryftaux
d’acide faccharin , ce qui ne prouve pas qu’elle
tienne du fucre , mais feulement une fubffance
identique dans toutes les huiles, q u i, lorfqu’elle
1 eft amenée au degré convenable de ténuité, par
j l’aftion de l’acide nitreux, fournit à l’air vital une
bafe acidifiable d’un genre particulier. K A cide
Sa c ch a r in & A cide v é g é t a l .
La graiffe diffout , comme les huiles , le Souffre
. & le phofphore ; elle a la même a&ion fur les
chaux métalliques ; cette a&ion eft plus fenfible fur
celles de plomb & de fer ; elle s’unit à l’arfenic
en régule par l’ébullition ; eUe attaque le mercure
à l’aide de la trituration, Voye^ O nguent Na politain
; elle, entre dans la composition des
emplâtres, ( Voye{ ce mot.)', elle rouille promptement
le cuivre ; & il eft bon d’en être prévenu
pour connoître le danger qu’il y auroit à laiffer
féjourner de la graiffe dans des vaiffeaux de cuivre :
M. de Fourcroy penfe même quelle peut agir fur le
verre de plomb des couvertes de poterie.
Les extraits & les mucilages rendent la graiffe
foluble dans l’eau.
Elle s’unit aux huiles en toutes proportions &
en augmente la confiftance.
Après avoir fait connoître la nature de cette
fubftance,fon analyfe & fes propriétés chymiques,
nous allons nous occuper plus particuliérement
de fon acide, & d’abord de la manière de l’obtenir
en quantité. & de le reâifier.
g. II. De la préparation & de la rectification de F acide
fébacé.
M. Crell a fait un grand nombre d’expériences
pour parvenir à féparer de toute huile l’acide obtenu
par la diftillation de la graiffe , & pour
l’obtenir en même temps dans un degré de concentration
favorable à l’examen de fes propriétés ;
la plupart n’ont fervi qu’à le convaincre de la difficulté
de cette opération.
Il imagina d’abord de concentrer cet acide , en
faifaqt paffer le flegme feul à la diftillation , cela ne
réuflit pas ; la liqueur du récipient fe trouva aufli
acide que celle de la cornue.
Il prit le parti de faturer de potaffe ou alkali
végétal, le flegme acide recueilli de neuf difiillàtions
fucceflives, & féparé de l’huile par l’entonnoir,
de même que les eaux dans lefquelles il a voit lave
l’huile. Ayant fait évaporer la liqueur , il eut un
fel brunâtre, qu’il fit fondre dans un creufet à un
feu doux, jufqu’à ce qu’il ne s’élevât plus de fumée
d’huile brûlée , ou qü’une portion tirée du
creufet & jettes dans l’eau, put te difioudré fans
la colorer, en laiffant précipiter le charbon. Alors
il fit rediffoudre toute là maffe , & obtint par
l’évaporation un fel feuilleté.
Sur 10 onces de ce fe l, il verfa 4 onces d’acide
vitriolique , & diftilla a un feu très-doux ; Yacide
fébacé paffa fous la forme d’une vapeur grifâtre ;
il le tranfvafa qu’il fumoit encore , & le trouva
affez blanc & extrêmement âcre ; il pefoit une
demi-once. Mais, pour le fuccès de cette opération
, il faut que le fébate de potaffe ait ete tenu
très-iong-temps en fufion : M. Cre//ayant une fois
négligé cette précaution, eut un acide, a la vérité,
fort concentré , mais encore beaucoup d’huile de
couleur d’on Cette huile féparée par l’entonnoir ,
avoit une faveur très-âcre ; il eflàya d’en retirer
l’acide , en employant, au lieu de l’eau,
de l’efprit-de-vin très-reélifié, mais dans linftant
l’huile fut diffoute.
En diftillant le fuif dans un alembic de cuivre,
M. Crell étoit bien parvenu , dès la première opération
, à le décompofer au point qu’il ne fe trouvoit
plus d’huile figée dans le récipient ; ce qqi rendoit
le procédé bien plus fimple ;■ mais il aVoit fallu
pouffer le feu jufqu’à faire couler l ’étamage du
chapiteau ; l’alembic avoit lui-même confidérâ-
blement Souffert, & l’acide étoit chargé de cuivre.
Bien perfuadé que Xacide fébacé étoit Amplement
dégagé & non produit dans ces diftillations , M.
Crell conçut l’efpérance de le fixer tout de fuite par
une bafe alkaline , qui mettroit en même temps
la partie huileufe à l’état de favon, de forte qu’il
n’auroit plus qu’à féparer le fel neutre des parties
huileufes du favon ; l’expérience a pleinement jufti-
fié la théorie de ce procédé ; je vais laiffer parler
ce Chymifte lui-même pour en faire l’expofition.
» Rien ne me paroiffoit plus facile que la féparation
» du fel fébacé & de l’huile, parce que le favon fe
n décompofe par tous les acides & même par les
j) fels neutres. Je me propofai donc de féparer le
3» fuif diffous , en y ajoutant du fe l, de féparer
a> encore l’huile figée d’avec le fluide par la filtra-
» tion , de faire évaporer & de dégager enfin
5» Xacide fébacé par l’acide vitriolique.
- » Mais je ne fus pas long-temps à m’appercevoir
» que le favon commun (1) ne convenoit pas à moh
^'(i) Ced doit s'entendre d’un favon fait avec des grailles ,
i ’AUera.agHe;Ss
II objet, foit parce qu’il eft fait avec de tavédaffe
» ou alkali impur & chargé de beaucoup de fels
» étrangers , foit aufli parce qu’on emploie le fel
» commun dans les fabriques pour feparer 1 eau du
» favon , & qu’il doit en retenir une portion con-
i, fldérable. le me déterminai donc à compofer moi-
» même le favon dont je voulois me fervir.
,, Je couvris exaâement 8 onces de chaux vive
i> récente , & encore en pierre, avec une livre de
» potaffe, & je laiflai ces deux fubftancesdans un
„ pot de terre vernifle jufqu’à ce que la chauxcom-
„ mençât à s’éteindre; j’y verfai alors trois pintes
» d’eau; je fis réduire au quart par l'ébullition &
» je filtrai. Cette lefiive étoit aufli forte que ce qu’on
n appelle leflive des favonniers, & portoit de même
» un oeuf frais. Je pris un quart de cette diflolution,
n j’y ajoutai un peu d’eau , & je la fis bouillir avec
» une livre de fuif de boeuf, jufqu’à ce que l’humi-
n dite fût prefque entièrement évaporée, & que
» le tout fut bien combiné. Je verfai enfuite tout le
» refte de la leflive, & je continuai de faire bouillir,
il en remuant de temps en temps, jufqu’à ce que le
» mélange devint tranfparent & comme mucilagi-
u neux, & qu’il prit,en réfroidiffant, une confiflance
il gélatineufe ; il avoit alors toute l’apparence du
u favon ordinaire, avant qu’on y ait ajouté le fel
m commun, n
Il s’agifloit maintenant de décompofer ce favon ;
& de féparer ainfi l’huile du fel neutre qui s’étoit
formé. M. Crell préféra pour cela l’alun comme
la fubftance la moins chère, & parce qu’il n’y avoit
pas à craindre qu’elle décompofàt par la voie humida
le'fébate de potaffe.
Il fit diffoudre dans l’eau bouillante le favon préparé
avec la graiffe . & y mit un peu d’alun légèrement
concaffé. A peine fut - il dans l’eau , que
l’huile figée s’éleva très-rapidement à la furface;
il l’enleva avec une écumoire, il y ajouta de l’alun,
il fèpara la graiffe, & continua ainfi jufqu’à ce
qu’il ne s’élevât plus rien à ta furface par une
nouvelle addition d’alun. Alors il filtra la lefiivè
qui étoit jaune , & qui avoit un goût amer, pour
féparer entièrementl’alun précipite , ainfi que quelques
parties de graiffe figée , qui flottoient encore
deffiis, & il .fit évaporer à ficcité.
Le fébate de potaffe ainfi forme , M. ^ Crell
effaya d’en dégager l’acide par le moyen de l’alun ,
pour être fur qu’il pafferoit fans être mêle avec
l’acide vitriolique ; mais il reconnut que le contact
de la matière inflammable avoit favorife ta décompofition
d’une partie de lalun une odeur
fenfible d’acide vitriolique phlogiftiqué , qui fe fit
fentir à l’ouverture des vaiffeaux , lui annonça que
le produit ne feroit pas moins chargé de cet acide
étranger, & il revint à l’acide vitriolique , comme
& qui eft fans doute eu ufage dans quelques contrées de
Pp