
on les fait reclîflbuclre dans l’eau bouillante, & on
ajoute dans la chaudière environ cinq livres der
terre blanche qui fe trouve près de merveil : cette
terre, délayée dans la liqueur, l’épailîit & lui
donne une couleur laiteufe. En filtrant & remettant
fur le feu quelques inftans , on ohtient partie
par évaporation , partie par refroidiflement, des
cryftaux de tartre très-blancs, quoique communément
petits & irréguliers à caufe de la promptitude
de la cryftallifation. Ceux qui fe forment
par évaporation produifent à la furface une croûte
faline, & d e - là vient le nom de crème'de tartre
que l’on a donné dans la fuite aux. cryftaux même
raflemblés au fond des chaudières, & gui eft très- \
impropre, comme le dit M. Defmaretz, aufli-bien
pour les uns que pour les autres. Le tartre crud
ordinaire fournit les trois cinquièmes de fon poids
ou environ de .cryftaux , mais le tartre blanc cryf-
tallin bien choifi en fournit les deux tiers.
On doit à M. Defmaretz la defcription du tra-
'yail .qui .fe fait à Venife, pour la purification du
tartre (. Joum. phyf. i j j i , page 6y ) ; on commence
par faire deffécher le tartre brut & la lie de vin
dans des chaudières de fer à un feu modéré; on
pulvérife le réfidu de la defïiccation , & on le
diftribne dans des cuviers remplis d’eau chaude ,
où on en favorife la diflfolution par le mouvement.
Il fe fait une première féparation des parties grof-
üères qui fe précipitent, & que l’on a foin d’enle
ver ; à mefureque la liqueur refroidit, leseryf-
taux de tartre fe dépofent fur les parois des cuviers.
La partie fupérieure de ces cryftaux, beaucoup
plus pure que celle du fond , eft rediftoute
dans des chaudières de cuivre, à un feu doux &
gradué avec précaution pour favorifer la dépuration;
quand la diffolution eft bien chargée , on
fait bouillir & on met dans la chaudière des blancs
d’oeufs délayés dans l’eau , puis battus avec
une portion de la liqueur * bouillante pour les
rendre mouffeux : en même - temps on jette
aufli dans la chaudière un peu de cendre neuve
tamifée. Cette proje&ion occafionne une vive ef-
fervefcence , il s’élève beaucoup d’écume rouifeâ-
«tre qui eft farfîe par la moufle du blanc dîceuf, &
qu’on fe hâte d’enlever avec une écumoire. Cette
opération répétée quatorze ou quinze fois fur la
même chaudière, laiffe à la fin une liqueur non
colorée qui dépofe des cryftaux très-blancs.
Ces deux méthodes ne diffèrent, comme l’on
v o it, que par les matières que ljon emploie pour
la purification. Pour juger laquelle eft la plus
•avantageufe, il faudrait avoir une analyfe exafte
de la terre de merveil, & on n’eft pas même
d’accord lur les caraâères extérieurs qu’elle préfente.
M. Fizes dit que c’eft une forte de craie
blanche, M. Montet, dans fon article tartre de
-l’ancienne Encyclopédie, a relevé cette expreftion
comme ne convenant pas> à l’argille de merveil;
cependant il convient que certains morceaux de
certe .terre donnent quelquefois.de légères marques
d’effervefcence avec,l’acide nitreux. D ’autre paît,'
M. Macquer la regarde comme une terre argil-
leufe, fur laquelle le tartre n’a que peu ou point
d’aflion dans cette opération ; ft cela eft, on ne
peut douter que cet intermède ne foit préférable
à la cendre, qui, portant àla-foib de l’alkali & de
la terre calcaire, fature une partie de l’acide du
tartre, & n’augmente la diflblubilité de la portion
qui refte qu’en diminuant fon acidité., pu
pour mieux dire, en féparant en état de fel info-
luble la portion véritablement acide, & biffant
l’autre , comme nous le verrons dans un inftant,
en état de fel neutre aîkalin.
Quoiqu’on ne connoiffe pas encore la vraie
raifon pour laquelle la terre argilleufe fert utilement
à la décoloration de quelques matières fàlines,
il n’eft pas moins certain qu’on l’emploie avec fuc-
cès dans plufieurs opérations analogues , & M. de
Machy dit s’être affuré par quelques effais que la
terre fchifteufe ou de l’ardoife avoit elle- même
cette propriété. Ainfi , il feroittrès-poftîble qu’une
argille pure fervît de même à cette purification %
mais la queftion eft -de favoir fi celle de merveil
eft en effet de cette qualité, & il me paroît affez
vraifemblable que c’eft tout au plus une marne
argilleufe, c’eft-à-dire , un compofé tenant beaucoup
d’argille & un peu de calcaire ; j’en juge par
ce qu’en a dit M. Montet, qui éroit bien à portée
d’en prendre une connoiffance exaâe , dont le
témoignage a été depuis confirmé par M. Defmaretz.
Cet académicien, non-feulement n’héfite pas
de la nommer terte absorbante, mais il établit
encore cette opinion fur le récit d’une épreuve
comparée dans l’ufage de la teinture, de la crème
de tartre de Montpellier & de celle d’Allemagne:
la première donna , à quantité égale , à la même
laine, & avec la même cochenille, un rouge
moins v if ; mais ayant ajouté peu - à - peu de la
diffolution acide de l’étain par l’eau régale, on
obtint la même nuance ; ce qui ne permit pas de
douter que la condition qui avoit d’abord manqué
étoit la proportion -d’acide végétal, & que la
crème de tartre de Montpellier en tenoit moins
que celle qu’on s’étoit procurée d’Allemagne.
La conféquence de ces faits fe préfente naturellement.
En employant pour la purification du
tartre brut des matières capables de neutralifer
fon acide, on perd la portioji qui devient info-
luble ; celle qui refte dans la liqueur deftinée à
fournir les cryftaux s’approche de plus en plus de
l’état de fel neutre ; l’argillo la plus pure s’approprie
encore une certaine quantité de l’acide libre,
qui refte dans la liqueur comme incryftallifable.
La meilleure méthode eft donc inconteftablement
celle qui n’emploie que des agens méchaniques,
des filtrations répétées , o u , ce qui revient au
même., des clarifications par les blancs d’oeufs.
La cryftallifation du tartre n’a pas été encore
bien déterminée ; M. de. l’Ifte, dans fa dernière
édition-, n’en parle que d’après Leuwenhcec-, qui ,•
ayant oBfervé ce fel au microfcope , le repréfente
comme un parallélipipède rhomboïdal. Il paroît
qu’il n’à pas connu ce qu’en a dit M. Montet dans
là première édition de l’Encyclopédie , & qui mérite
d’être rapporté.
« Voici ce que j’ai obfervé, tant fur la cryftalli-
» fation du tartre crud , que du cryftal de tartre.
» Le tartre , tel qu’on le retire des. tonneaux de
» vin, a de-très-petits cryftaux, dont la plupart
j> font terminés par des faces inclinées enrr’elles
*> fous un angle droit ; mais dès que ce fel eft
» blanchi & purifié par la terre de merveil , fa
» cryftallifation eft affez changée, & on n’y voit
w guère plus de parallélipipedes reélangles, Ce
» lel qui, à caufe de fon peu dé diffolubilité, exige
j> une grande quantité d’eau & même bouillante,
» fe cryftallife toujours avec précipitation lorfque
» la diffolution fe refroidit ; aufli ne donne - 1 - il 71 que de tres-petits cryftaux, même dans le tra-
» vail en grand. Ces cryftaux font compofés de
m grouppes d’une grande quantité de prifmes
» affez irréguliers, dont les faces brillantes font
n toutesParallèles & ‘ rangées dans trois plans.
« On diftingue très-bien que ce ne font ni des
w lames, ni des aiguilles. Pour obferver la forme
m la plus régulière du cryftal de tartre, il faut
v le faire difloudre dans dè l’eau bouillante : guand
” cette eau en eft bien chargée, on enverfe 7 011
8 gouttes fur une glace de miroir non étamée;
» dès qu’on s’apperçoit qu’après le refroidiffement
n il s’eft formé fur la glace un nombre fuffifant
» de cryftaux pour l’obfervation, on incline la
” glace doucement pour faire écouler l’eau, qui
» autrement auroit continué de donner dès cryf-
» taux, & le grand nombre de ces cryftaux,. qui
font difpofés a fe groupper, auroit empêché
” qu’ils euffent été ifolés ; ce qui eft néceftaire
n pour l’obfervation. Oh a par ce moyen des
| cryftaux affez régulièrement terminés, mais
” fort petits ; on fe fert d’un microfcope ou d’une
m lentille d environ une demi-ligne de foyer pour
» les bien obferver. Ce font des prifmes un peu'
» applatis, dont la plus grande face eft le plus
» fouvent hexagone , quelquefois octogone , &
» qui paroiffent avoir fix faces ; fi l’eau eft moins.
» chargée , & la cryftallifation plus prompte,
» leur applatiflemem eft un peu plus considérable».
Le tartre crud eft employé pour faire l’aliali
cxHonporoine dans là compofition des flux ré-
ouchfs, & dans quelques préparations de métallurgie
& dè teinture j mais c’eft le tartre en cryftaux
dont on fait le plus grand ufage en Chymie &
dans les arts; nous le fuppoferons déformais dans
cet état de pureté, en recherchant.fa nature &
les propriétés.
§■ n. D e la nature dit tirtren-
L e tartre e«ijlé-t~il dans lé fr u it avant la fermette
ration ? Efl • ce un fe l effehtiel acide pur? Quels font
les produits de fon analyfe ? Voilà les queftions,
que nous devons examiner pour connoi'tre la nature
de cette fubftance , avant que de confldérer
le principe qui lui donne rang parmi les diflol-
vans acides.
I. On a regardé long-temps le- tartre comme
le fel elientiel du vin qui s’en féparoit après la-
fermentation ; C ’eft ainfi- qu’en ont parlé Boer-
haave, Nenrnan Montet, & tous les Chymiftes-
avant M. Rouelle le jeune. Ce dernierayant retiré,
du tartre du jus de raifm , non - feulement' avant
qu’il eût fermenté, mais même avant qu’il eût.
acquis la douceur que lui fait prendre la maturité,-
il en conclut que ce fel exiftoit tout formé dans-
le fruit, & cette opinion a été adoptée par le plus"
grand nombre. M. Macquer affure que plufieurs
Chymiftes l’ont reconnu dans le moût des rai fins,,
des poires & autresfucs fucrés; ce qui prouve , fui-,
vant. lu i, que ce fol efrentiel n’eft point le produit
de la fermentation , mais celui de la végétation
& comme il fe retrouve aufli dans les réfldus
dè^la diftillation du vin & du vinaigre , il s’enfuit
qu’il ne fouffre point non plus d'altération dans-
les fermentations fpiritueufes & acéteufes, .& qu'il-
eft comme étranger à ces opérations.
Quelques - uns avoienr prétendu qüe le- tartre-
que fourniffoit le moût étoit mêlé de fucreymais-
dans une diflèrtation en forme de thèfe foutenue-
en 1786, par M. Corvinus, fous la préfidence-
de M. Spielman, on a combattu cette opinion-
par une expérience direfte : le tartre obtenu par
l’ébullition du moût en confiflance de miel s’eft'
trouvé abfolumént privé de matière fucrèe &
l’efprit-de-vin dans lequel on la fait digérer n’en ’
a' rien difîbus-; nouvelle preuve ( difent ces auteurs)
qu’il n’eft point produit par la fermentation,
qu’il exifte dans le fuc des raifins , &
s’en fépare à mefure qu’il eft atténué par la fer--
mentation ( analeÛa de tartarô, &c. §. I ).
Cependant' M- Scopoli trouve encore peu de'
vraifemblançe que le■ tartre exifte■ abfolumenf
avant toute fermentation ; il penfe que la méthode'
même par laquelle on le retire eft peu favorable'
a cette aflertion, 8c J avoue qne-fi je n’adopte
pas cette opinion , je fois du moins très -éloigné
de croire que la queftion foit irrévocablementdé-*
cidée. D ’abord, il eft cep-ain que le tartre n’eft pas •
plus foluble dans le vin que dans l’ean, pas plus'
foluble dans le vin récent que dans celui qui en a
déjà laifle précipiter,, pas plus foluble enfin dans-
celui qui en fournit peu , que dans celui qui en
donne abondamment. Vanhelmont dit précifément
qu’il fe diffout plus de tartre dans 2 onces d’eau,
de pluie que dans 200 onces de vin; même à
laide de l’ébullition : d’où il réfulte invinciblement
que le tartre n’eft pas Amplement diffous ■
dans la liqueur vineufe, que fa précipitation n’eft
- pas une fimple cr-yftaUifati©n par éyaporattan. - Ri