dans les diflblutions filtrées , des fels neutres à
bafe d’alkali végétal rélatifs aux acides avec
lefquels la précipitation avoit été faite dans chacune
; ce qui prouve que ces deux principes entroient
dans la compofition des fels ou précipités
en queftion. ..
50. Les diflblutions vitrioliques de fer , de
cuivre & de zinc , celles d’alun & du muriate
de mercure, & .l’alkali prulïien, n’occafionnent
aucun précipité dans la diflolution du fel formé
par le concours de l’acide nitreux ; mais'le nitre
calcaire & les fels acéteux de cuivre & de plomb
donnent des précipités blancs. L’alkali prumen ne
précipite pas non plus les fels acéteux. »
Ces expériences prouvent déjà affez clairement
que ce fel contient, indépendamment delà terre
propre de la tungftène, une portion de la potafle
avec laquelle elle étoit d’abord combinée , &
même de l’acide précipitant ; les obfervations de
MM. d’Elhuyar fur la combinaifon de la même
terre avec l’alkali volatil achèvent de mettre ce
fait en évidence.
» i°. La matière jaune fe diflout aufii entièrement
dans l’alkali volatil , mais-le réfultat eft
toujours avec excès d’alkali.
20. Ayant mis à évaporer cette diflolution
dans un bain de fable , il s’en forma de petits
cryftaux figurés en aiguilles , d’un goût piquant
& amer. Iis produifoient une fenfation défagreable
à la gorge, ils fe diflolvoient dans l’eau, & rou-
gifloient alors le papier bleu. Ayant répété cette
opération avec différentes portions de ces mêmes
cryftaux diffous dans l’eau diftillée , laiffant les uns
plus long-temps au feu que les autrès,nous obtînmes
des diflblutions avec d’autant plus d’excès d’acide,
qu’elles avoient fouffert plus long-temps le feu ,
& pendant cette opération , elles renvoyoient
toutes des vapeurs d’alkali volatil. Si l’on continue
trop long-temps cette opération , ou que l’on
donne un peu trop de feu, ce fel fe decompofe,
& il fe dépofe une matière bleue , mais infoiuble
& infipide.
Ces cryftaux perdirent tout leur alkali par la
calcination, & le réfidu .étoit une poudre jaune,
entièrement femblable à ce le qui avoit été employée
pour leur formation. En faifant cette opération
dans une cornue, le réfidu eft d’un bleu
foncé , & ne devient jaune que par la calcination
à l’acide libre. La diflolution de ces cryftaux
eft précipitée par les" vitriols de fer , de cuivre
& de zinc , par l’alun, le nitre calcaire , le muriate
de mercure, & les fels acéteux de cuivre
& de plomb. L’acide vitriolique décompofe ce fel
& donne un précipité bleu. L’acide nitreux &
l’acide marin en font de même, mais le précipité
eft jaune. L’eau de chaux régénère la tungftène,
& l’alkali pruffien n’occafionne aucun précipité,
30. Ayant jetté de l’acide nitreux fur une autre
portion 4e la diflolution avec excès d’alkali, jl
fe forma un précipité blanc qui, après avoir été
édulcoré, confervoit un goût fucré d’abord, &
enfuite piquant & amer : il fe diffolvoit dans
l’eau, & rougiffoit alors le papier bleu.
Ce fel diffère de celui tiré de la diflolution par
l’alkali fixe, par les propriétés fuivantès : i° . fa
diflolution fe décompofe en la faifant bouillir ;
elle devient émulfive & de couleur bleue ; il s’en
précipite une poudre bleue qui n’a point de propriétés,
fàlines, & qui fe comporte en tout comme
la matière jaune, dont elle ne diffère que par un
peu de phlogiftique qu’elle a enlevé à l’alkali
volatil ; 2.0. par la calcination, ce fel devient
d’abord bleu oc enfuite jaune, confervè cette
couleur après le refroidiffement : ce réfidu n’eft
point fufibie, par lu i-m êm e , au chalumeau.
30. Avec l’acide vitriolique, il donne un précipité
bleu. 40. L’alkali fixe en dégage de l’alkali
volatil. 50. La liqueur filtrée , après la régénération
de la tungftène , par l’eau de chaux, contient
du nitre calcaire. 6°. Enfin, cette combinaifon
eft beaucoup plus foible que celle de l’alkali
fixe. »
III. On ne peut douter maintenant que la
poudre blanche ne foit un fel compofé qui retient
avec la terre du nouveau métal une portion
d’alkali & de l’acide précipitant. S’il n’y avoit
d’autre conféquence à en tirer que la poffibilité
d’une combinaifon faline à trois parties, je n’au-
rois pas tant infifté fur les preuves d’un fait dont
! nous avons déjà nombre d’exemples : mais il fe
; préfente ici un phénomène d’un ordre nouveau ;
il faut reconnoître une matière qui par elle même
ne marïifefte pas les cara&ères acides , & qui les
acquiert en fe combinant avec des bafes dont
l’effet ordinaire eft de les mafquer : on doit favoir
gré à MM. d’ELhuyar de n’avoir rien négligé
pour mettre cette obfervation à l’abri dç toute
contradiâion , elle ne forme pas la partie la moins
intéreflante de leur travail.
S’il étoit toujours néceffaire qu’un acide étranger
intervînt pour la décompofition des mines bfenche
& noire de tungftène, peut-êtreauroit-onpeine à
fe déprendre de l’idée que ç’eft ce même acide
qui fe retrouve affez à nud dans la poudre blanche
pour altérer les couleurs bleues végétales, & on
poûrroit étendre ce foupçon jufqu’aux opérations
où l’on n’a employé que des acides deftruaibles, &
où il ont été expofés à un feu capable de les détruire
; mais MM. d’Elhuyar fe font aflurés que
la chaux jaune de tungftène , même celle produite
par la feule calcination du régule par le feu,lorf-
qu’elle étoit rendue foluble par fon union avec
l’alkali volatil, acquéroit la propriété de rougir le
papier bleu, fi on l’expofoit à une chaleur .capable
de volatil!fer une portion de la bafe alkaline :
voilà donc cette fois une chaux de tungftène qui
montre bien fenfiblementles caractères acides| fans
que
«me l’on pulffe dire qu’il* fout dus à quelque acide
étranger. . ^. ^ : ■
A nfi en avouant avec MM. d’Elliuyar que la
poudre blanche contient bien réellement un acide
particulier, nous devons en même-temps conclure
avec ces Chy milles que la matière jaune eft la chaux
pure, le véritable acide de la tungftène.
Il eft très-probable que cette chaux n’eft infipide
que parce qu’elle eft infoiuble, puifque rendue
foluble par l’alkali volatil, qui ne peut qu’affoiblir
fes propriétés acides , elle en retient encore affez
pour les rendre très-fenfibles, pour peu qu’elle fe
trouve par excès.
Ce fait préfente encore bien des conféquences
importantes, par rapport à la théorie générale des
chaux métalliques ; il confirme ce que j’ai dit ailleurs
de la précipitation de-l’or-par l’étain, de la
combinaifon des chaux de cuivre, de fe r , &c.
avec les alkalis comme bafes. {Voyet^ A c i d e ,
A cid e m é t a l l iq u e , &c. ) 11 femble établir un
paffage entre celles de ces chaux qui font folubles
& piquantes, comme celles de l’atfenic , de la molybdène.,
& .celles qui ne manifeftent la propriété
’ acide qu’en s’unifiant à des bafes ; il nous conduit
à penfer que ces derniers n’en font pas moins, dans
tin état ailuel d’acidité parfaite ; il nous découvre
enfin de nouveaux procédés à tenter pour confirmer
ces conjectures.
Il n’eft pas difficile maintenant d’expliquer 1a
nature de ce nouvel acide; il eft formé comme
tous les autres, d’une bafe acidifiable de fon genre,
qui eft la terre métallique , & de l’air vital ou
principe acidifiant. Les preuves de l’exiftence de
ce dernier ne font pas équivoques : on n’obtient
la matière jaune que par la calcination avec le
concours de l’air ; elle ne fe trouve pas après les
diftillatiens en vaiffeaux clos & avec dqs^fubftances
phlogiftiques. MM. d’Elhuyar on fait calciner 60
grains de tungftène qui n’étoit encore qu’imparfai-
tement réduite ,,puifque ce n etoit qu une réunion
de globules métalliques qui fe féparoient fous les
doigts ; cependant elle prit dans cette operation
d’augmentation de poids;au contraire, ioo
grains de chaux jaune en perdirent 40 lorfqu’on
la traita avec les flux réduftifs : nous favons préfentément
que ces augmentations & diminutions
de poids n’ont d’autre caufe que l’air viral qui fe
fixe dans la chaux, qui s’en fépare lors de laré-
duftitm.
On poûrroit penfer que la chaux jaune infoiuble
& fans faveur n’eft encore que dans un» état moyen
entre l’acide & le régule, à-peu-près comme la
chaux blanche d’arfenic, & qu’elle n’acquiert comme
celle-ci, l’état d’acide parfait, qu’en recevant une
nouvelle portion du principe acidifiant. Cette conjecture
ne feroit pas fans vraifemblance, fi cette
chaux ne donnoit des. figoes d’acidité qn’après
„.avoir été traitée avec l’acide nitreux qui comnvu-
nique fi volontiers une portion de fon air vital
aux matières qu’il dépouille de leur phlogiftique ;
mais nous avons vu que la chaux de tungftène faite
par le feu fournit avec l’alkali volatil un fel foluble
& fufceprible de manifefter un-excès d’acide
par {impie évaporation d’une partie de la
bafe ; il ne feroit pas facile d’indiquer dans ces
•circônftances où & comment cette chaux pour-
roit prendre une nouvelle portion d’air vital ; on
doit donc la regarder comme étant- actuellement,
& avant toute combinaifon , dans l’état d’acide
parfait, malgré fon infol ubilité.
IV. Ce n’eft pas feulement la rareté des mines
de tungftène ( 1 ) , c’eft encore plus la difficulté de
préfenter fon acide aux différentes bafe, qui a
empêché jufqu’à ce jour de déterminer fes affinité
& îes propriétés de.fes combinaifons.
Quand la fubftancefur laquelle on veut éprouver
l’a&ion de cet acide peut être m.fe elle-même
eh état fluide, comme les; alkalis, la combinaifon
fe fait facilement, & je ne puis douter qu’elle
n’ait également fieu avec l’eau de chaux, puifque
M.Schéele a regénéré la mine blanche de tungftène,
en y faifant bouillir le précipité blanc qu’il avoit
obtenu en reprenant l’alkali volatil par l’acide nitreux.
Dans fiétat contraire, c’eft-à-dire, lorfque la
fubftance à difloudre ne peut être mife en état
fluide , on a la reflource de faire des combinaifons
par échange de bafes , en portant, par exemple,
dans les diflblutions terreufes & métalliques une
diflolution du fel formé par la chaux jaune & l’aï-
(1) Quelques naturalises qui ont voyagé en Allemagne m’ont alluré que 1 on y rencontroit allez communément Je
volfran , & que fi l’on n'avoic pas pris julqu’à préfént la peine de le rama>lFe-r c’eft parce qu on ne lui connoifloii aucune
valeur ; mais ce n’eft pas feulement fur ce rapport que les_ Chymiftes peuvent fonder l’efpérance d’avoir bientôt cette
mine en abondance pour multiplier les eliais. Je reçois à l’inftant le cahier des annales de M. C r e ll, pour le mois de
juin 1785 , & j’ y trouve une lettre de M. Rafpe , de la province de Cornouailles , qui annonce la découverte de deux
raines de tungftène dont on peut tirer plufieurs milliers de tonneaux, chacun du poids de 2 0 quintaux. Cette mine fe
préfente fous deux formes différentes ; l’une eft un filon très-pefant, l’autre a l ’apparence de mine de fer ochreufe ;
mais toutes les deux donnent le tiers ou même la moitié de leur poids de poudre jaune ; cette poudre devient bleue
par la digeftion avec la diffolution muriatique d’é ta in ; elle devient blanche avec l’alkali v o la til, &c. Ainfi les expériences
de M. Rafpe confirment encore, pour les faits principaux, celles de MM. Schéel.e , Bergman & d’Elhuyar. Quoique
ce favant parle de ces mines comme étant très-difficiles à fondre & à réduire , il paroît néanmoins qu’ il eft parvenu à en
retirer le régule dans la proportion de 37^3 par quintal de la première,'& de 36,5 pour la fécondé ; il ajoute que ce régule
ne tient que très-peu de f e r , qu’ il eft extrêmement fixe & réfraâraire au feu , qu’il entame le. vetre comme l’acier
l e mieux trempé, & qu’il poûrroit peut-être fervir dans quelques fabriques à durcir des ouvrages de fer & d’acier.
Chy mie. Tome ƒ. Vu