
La table des affinités de M. 'Bergman indique ,
pour Y acide muriatique dèphlogijliquè, les bafes dans
le même ordre que pour l’acide muriatique ordinaire
ou phlogiftiqué (Voye^ c i- devant, pag. 130), &
cela, tant pour les terres & les alkalis, que pour
les métaux; il préfume , avec raifon, que ces
derniers doivent s’unir d’autant plus facilement,
qu’ils retiennent plus faiblement leur phlogiftiqué;
mais il ne diflîmule pas que^cet ordre ne peut être
bien décidé que par des expériences appropriées.
La volatilité de cet acide ne permet pas de
déterminer fon aélion par la voie sèche.
Cet acide paroît agir fur les huiles d’une manière
plus marquée , 8c fur-tout plus prompte que
l ’acide muriatique phlogiftiqué , puifque fans le
feCours de la chaleur, & en état aériforme, il les
épa'iffit fur le champ, fuivant les expériences de
M. Schéeîe, & leur donne en peu de temps la
eonliftance de la térébentine ; il en eft de même des
grailles animales.
J ’ai déjà annoncé la facilité avec laquelle il dé-
truifoit toutes les couleurs végétales,
M. Hageman a obfervé qu’il diffolvoit très-facilement
le foufre ; les circonftances de cette expérience
font intéreffaôtesj voici comme on l’a trouve
décrite dans le recueil de M. Crell : ayant mis
dans un vailfeau de verre de la capacité de deux
onces d’eau de l’acide muriatique ordinaire 8c de
la manganèfe calcinée, il dirigea les vapeurs dans
un autre vafe de huit onces de capacité, par le
moyen d’un fiphon de verre courbé ;~il avoit mis.
d’avance , dans ce vaiffeau, a gros de foufre pul-
vérifé. Le foufre devint bientôt fluide, & forma à
la fin une diAblution claire, d’un brun rouge , pe-
fant jufte un gros : mais le foufre n’étoit réellement
que diflous 8c non décompofé ; puifqu’ilfut
fur !e champ 8c complettement précipité par l’addition
de l’eau.
Cet acide décompofé inftantanément le phof-
phore, en dégage,une fumée blanche, & , s’emparant
de fon phlogiftiqué, fe régénère en acide
muriatique ordinaire aériforme.
Je ne dois point terminer cet article fans faire
mention du travail de M. Fred. André Gallish, &
des vues d’expériences que nous a laiffées ce médecin
, dont la mort prématurée a été régardée en
Allemagne comme une vraie perte pour la Chymie.
( Nouvelles découvertes , &c. recueillies par M. Crell,
tom. AT, pag. 262 & 26p. )
M. Gallish a éprouvé que l’eau ne fe chargeoit
jamais que d’une très-petite quantité de cet acide,
même par l ’agitation.
Il penfoitque l’on pourroit peut-être parvenir à
le concentrer en liqueur par le froid.
11 a obfervé que l’acide diftiliéfur la manganèfe ,
emportoit avec lui un peu de cette terre métallique
qu’il laiffoit précipiter par l’addition de ;
l’alkali.
Il a eflayé la diflillation de l’ acide muriatique fur ■
les fleurs de zinc, & il a obtenu un acide déphlo-
gjjliqué qui a diffous l’or, la platine, l'argent, le
mercure & le plomb, comme celui qui a été dif-
t-illc fur la manganèfe.
11 a rempli des flacons d'acide muriatiqte déphjo-
gtjliqué, fuivant la méthode de M. Schéele, & en
ayant fait fortir l’eau avecprécaution , l’a remplacée
par de l’efprit de vin très-reniflé ; les flacons ont
été rebouchés fur le champ , & après avoir été
fortement agités, ils Ont donné, à l’ouverture ,
d’abord une odeur d’alcohol muriatique ou efprit
de fel dulcifié , 8c enfuite une odeur fraîche approchant
de celle de l’éther muriatique. Il fe pro-
pofoit d’effayer fi l’on ne pourroit pas préparer en
effet cet éther, en diftillant l’efprit de-vin tenu
long-temps en contaél avec le gas muriatique déphlogiftiqué.
Ce Chymifte concluoit encore de Tes expériences
que l’acide muriatique ordinaire, bien reétifié fur
le fel commun, exempt de toute terre martiale ,
atraquoit l’or, la platine, l’argent & le mercure,
à la faveur d’une digeftion de quelques jours : mai3
ces faits font fi contraires à ce qui a été obfervé par
les autres Chymiftes , qu’il n’eft pas poffible de
douter que M. Gallish a été trompé à cet égard par
quelque circonflance. Acide muriatique DÉPHLOGISTIQUÉ. ( phlogistiqué & Pharmacie.) La différence
que la préfenCe du phlogiftiqué, ou fon abfence
met dans les propriétés de cet acide doit engager
à le confidérer en médecine , divifé en deux efpèces
differentes, en acide muriatique phlogijliqué, 8c
acide muriatique dèphlogijliquè.
Tous deux font neutralifans & correctifs édul-
corans.des fubftances alkalines & alkalefcentes.;
tous deux, à raifon de leur énergie attraélive, font,
capables d’irriter les fibres , d’exciter leur jeu , de
forcer leurs élémens à un contaét plus immédiat,
& -même d’opérer leur décompofition par la fupé-
riorité de leur affinité avec quelques-unes des parties
conftituantes des fibres tous deux , par leur aélion
furies molécules humorales , les modifient nécef-
fairement, en coagulant les unes, en diffolvant les
autres; tous deux enfin peuvent être roborans ,
aftringens 8c vulnérans , efcarrotiques, minutifs,
atténuans , raréfians , condenfans , édulcorans , in-
férans 8c anti-feptiques.
Mais le plus ou moins d’avîdité du phlogiftiqué
relative , à la proportion de ce principe combiné
avec eux-, apporte une grande différence dans l’action
qu’ils exercent l’un & l’autre fur les folides &
fur les fluides) de nos corps.
Le phlogiftiqué eft moins irritant, moins aftrin-
gent, moins vulnérantmoins diffolvant, moins
condenfant, moins anti-feptique, moins rafraichif-
fant que le déphlogiftiqué, parce que celui-ci, en
s’emparant du principe qui lui manqae , 8c dont
nos humeurs & nos fibres font pourvues, modifie
ou décompofé plus efficacement celles-ci, atténue
ou condenle plus énergiquement les efpèces des
autres, que la privation du phlogiftiqué rend difficultés
ou concrètes. H . . .
Dès lors on voit que s'il eft des mdicanons que
les deux efpèces i ’acide mnatique peuvent remplir
, il en eft auxquels on facisfera beaucoup mieux
par l’une que par l’autre; qu’anffi Ion doit exiger
que les pharmaciens aient dans leurs boutiques de
Xacide muriatique phlogiftiqué & du déphlogiftiqué,
& que tous deux aient été egalement reéhhes lur
.du muriate de foude ou fel commun , afin que le
mélange de cet acide, avec le vitriolique ou le
nitreux , ne donne pas lieu a des effets différens de
ceux que le médecin attend de fon ufage; mais il
faut auffi que le pharmacien renouvelle fouvent fa
provifion à’acide muriatique dèphlogijliquè , parce
que cet acide, par la feule communication avec
l’air , fe phlogiftiqué en peu de temps.
On emploie rarement Y acide muriatique feul; &
plus fouvent en combinai (on avec 1 alcohol ou
l’efprit de v in, fous le nom d’efprit de fel dulcifié
de Bazîle Valentin, 8c dont il fera tait mention a
l’article Alcohol muriAtique.
L ’acide muriatique non combiné fe donne intérieurement
comme anti-feptique dans les fièvres
putrides malignes, comme neutralifant des humeurs
alkalefcentes , 8c rafraichiffant dans les fièvres
ardentes 8c bilieufes , comme un roborant
refferrant apéritif, 8c un diurétique rafraichiffant
dans les cachexies 8c dans la dyfurie. Boerhaave,
qui faifoit beaucoup de cas de la vertu anti-fepti-
que de Y acide muriatique, confeille de le joindre
aux lavemens de bouillons à la viande , lorfque des
vomiffemens continuels forcent à recourir à ce
moyen pour nourrir les malades. Il penfoit que par
cette addition ces bouillons pafferoient moins facilement
à l’état putride vers lequel ils ont beau-
c ô u d de tendance, 8c ciüe la chaleur des entrailles
Mais, d’après les réflexions que nous avons
faites ci-deffus , on fent que les différens degrés de
relâchement des folides , d’épaiffiffement, dephlo-
giftication des fluides doivent faire prefcrire, tantôt
l’acide muriatiquephlogijliqiié, tantôt le déphlogiftiqué
y 8c que l ’ufage de ce remède doit être dirigé
par un médecin éclairé par l’expérience fur
les lignes de ces états de nos fibres 8c de nos hu-
.meurs,
- On peut donner cet acide , dans des potions
appropriées , à la doze de deux à quatre gouttes du
déphlogiftiqué, de trois à fix du phlogiftiqué; 8c
celui-ci jufqua agréable accidité dans des tifannes;
mais comme il feroit à craindre d’en outrer les
dofes ; il faudra ne porter les tifannes qu’à une
acçidité très-légère. '
Le prieur de Cabrières étoit parvenu à mettre en
vogue,, dans les dernières années de la vie de
Louis XIV , un- remède contre les hernies , qui
fut fort en crédit pendant la vie de ce monarque.
m roi lui-même , auquel cet empyrique en avait •
confié le fecret, avec promeffe de ne Le révéler
qu’après fa mort, prenoit la peine de le compofer :
mais dès que la préparation en eut été rendue
publique, il fut apprécié à fa jufte valeur 8c abandonné.
L ’auteur de ce fecret avoit trouvé le véritable»
moyen d’accéditer fon remède : il ordonnoit à fe*
malades de porter jour 8c nuit fur l’endroit, par
où fortoit l’inteflin, un bandage bien ferré, 8c il
faifoit placer fous la pelotte de ce bandage un emplâtre
aftringenr. C’étoit-là le véritable remède ; i l
devoit néceffairement opérer le plus fouvent la
guérifon , &^celui que vendoit ce charlatan n’étoiu
qu’illufoire.
Il confiftoit en trois ou quatre gouttes d'acide
muriatique mêlées à deux ou trois cuillerées de vin
rouge , 8c données tous les matins à jeun pendant
vingt-un jours on augmentoit fucceffivement la
dofe & fuivant la force-, ou l’état des malades,
8c on la portoit quelquefois jufqu a vingt 8c vingt-
cinq, avec augmentation proportionnelle du véhicule.
Tout homme inftruit voit le peu de rapport
qu’il y a entre la vertu du remède , & l’effet qu’on
en promettoit.
On débite à Paris, fous le nom d*eau de Bel-
lofte, .un autre remède qui mérite encore moins
de confiance, 8c. dont le charlatanifme & l’ignorance
ont pu feuls propofer & accréditer Image.
Nous en parlerons à l’article Eau de Belloste.
L'acide muriatique eft employé à l’extérieur
comme déterfif ; tantôt mélangé à la dofe de demi
gros dans une once de miel rofat, tantôt jufqu'k
agréable accidité dans des gargarifines déterfifs. On
trempe dans le premier de ces mélanges des pinceaux
de linge effilé , dont on touche les ulcères
gangreneux de la gorge &. de la bouche; quelquefois
on porte dans cette mixture la dofe de Y acide muriatique
à.un gros 8c plus ; quelquefois même on
fe fe r t , pour déterger ces ulcères de cet acide pur
8c fans mélange.
Les gargarifmes , où entre cet acide , font employés
dans les maux de gorge gangréneux , 8c
contre l’altération putride des gencives dans le
fcorbut : mais comme cet acide peut attaquer l’émail
des dents, il faut avoir foin de fe laver la
bouche avec de l ’eau tiède après s’en être fervi.
On fait encore ufage de cet acide , comme
anti-feptique , 8c vulnérant efcarrotique , dans les
cas de gangrène humide ; on en touche les efca-
ries , pour achever la deftruéiion des lames offeufes
altérées par la carie , & en favorifer l’éxfoliation.
Dans joutes les circonftances où l’on emploie a
l’extérieur Y acide muriatique , il faut toujours préférer
le déphlogiftiqué au phlogiftiqué.
Acide nitreux. Lorfque la vérité a enfin
remplacé l’erreur dans l’opinion générale, la fciencé
qui enfeigne cette vérité dédaigné Panalyfe qui y
a conduit ; elle préfente avec confiance des prin-v
eipes qne l’on n’ofe pas contredire, & lès preuves