
terre bitumineufe noire, & du gravier dans le voi-
finage du karabé, & que l’on y rencontre aufli du
vitriol & du foufre ; d’où il conclud que c’eft un
bois foflile & bitumineux , qui eft la fource
du karabé tiré du fein de la terre. Il eft bien
certain que le karabé que l’on trouve dans la
mer, n’a pas une origine différente : il y eft entraîné
par les eaux, qui pouffées par les vents,
ont miné le terrein des côtes; & ce qui le prouve,
c’eft que le karabé ne fe trouve en abondance dans
la mer, qu’à la fuite des tempêtes qui ont porté
les flots avec yiolençe contre les couches de terre
qui recéloient cette fubffance.
Le karabé fe trouve aufli fur les bords de la
mer, près de Birkioe en S u è d e e n Sibérie, &
dans des montagnes de Provence ; M. Georgi indique
encore dans fes notes fur la minéralogie de
Brunnich, les côtes de la mer glaciale , Kamenf-
koi & Jenifey.
L’obfervation la plus détaillée.à ce fujet, eft celle
qui a été publiée par extrait à la fuite de la tra-
du&ion françoife de la pyritologie d’Henckel, &
qui eft tirée du recueil des curieux de la nature :
elle nous apprend qu’en 1731 on découvrit une
mine de karabé en Saxe , dans le voiftnage de
Pretfch ; le terrein où l’on fit cette découverte étoit
allez uni, quoiqu’il s’y rencontrât quelques inégalités
, il ètoit çompofe d’un fable rougeâtre, mêlé
de cailloux & de galets. Le fable avoit environ
deux toifes d’épaifîeur, & couvroit une couche de
terre noire qui étoit elle-même compofée dé deux
bancs ; le premier étoit un limon mêlé de fable &
de. parties talqueufes, il avoit un goût de v itriol,
il donnoit fur le feu une fumée épaifle & une
odeur de bitume ; le fécond banc étoit une glaife
grife, dans laquelle on appercevoit des morceaux
de bois & des racines ; elle étoit aufli vitriolique ,
mais moins que le banc précédent. Le karabé fe
trouvoit à la partie fupérieure du banc noir qui ren-
fermoit aufli une fubftance femblable à du ja y e t,
différentes efpêces de bois bitumineux.
J’ajouterai à ces deferiptions une obfervation encore
plus décifive, & qui m’a été certifiée par un
minéralogiftè Allemand très-inftruit, c’eft que l’on
a vu dans le cabinet de M. Veltheim, confeiller
des mines de Prufle, un morceau de karabé dans
sine hématite qui venoit dé Siléfie.
Il eft donc démontré par tous les faits, que le
jkarabé lé trouve dans le régné minéral ; cela ne
fuffit pas fans doute pour décider fa clafle, s’il
n’eft reçu -dans l’intérieur de la terre, que comme
fruit qui eft tombé de l’arbre, & qui a été recouvert
par le fable ; que le karabé vienne originairement
d’un végétal , .c’eft ce dont il n’eft pas
poflible non plus de dopter, lorfqu’on voit dans
les cabinets des amateurs ces morceaux qui renferment
des mouches, des araignées 8c autres infectes
, lorfqu’on remarque que toutes leurs parties
s’y trouvent développées, prefque comme dans
l’animal vivant f & qu’ainji ils p’ont pu être furpris
que par une fubftance afluellement fluide ;
comme il arrive tous les jours aux infeftes qui s’attachent
aux arbres, d’ouil découle des gommes ou
des réfutes. Mais l’origine végétale' ne décide encore
rien ; autrement tous les bitumes devroient
aufti par la même raifon être retranchés du iyftê-
me minéral ; le corps végétal a-t il reçu dans la
terre quelque altération ? cft-il minéralifé ? Voilà
le feul point a confidérer ; & j’avoue que les ob-
fervations ne font pas fufttfantes pour lever ici tous
les doutes.
D ’un côté, il paraît difficile de concevoir que le
karabé ait éprouvé une forte de minéralifation,
fans avoir été ni ramolli , ni même comminué,
au point que les infectes qui y ont été pris pendant
l’exudation végétale, aient été aufli bien con-
ferves. Quel ferait donc le principe minéralifant
qui en pénétrant la ma (Te fans la déformer , aurait
encore refpefté ces parties animales ?
D autre p a r t, il n’eft pas plus aifé d’imaginer
que le karabé ait pu relier fi long-temps dans le
fein de la terre, environné de matières pyriteufes
& alumineufes, fans être altéré par .ces fubftance*
lur lefquelles l'eau, l’air, les gas & les émanation*
phlogiftiques travaillent fans cefle , & qui dans
leurs différens paffages travaillent à leur tour fur
tout ce qui les touche, avec une force que la durée
rend prefque infinie comme elle. Quelle ferait
donc la nature de cette réfine qui réfifteroit
fi long-temps à de tels agens, qui fe maintiendrait
fi conftamment au milieu d’eux avec fa forme 8c
même fa couleur primitives?.
Telles font les raifons qui peuvent appuyer le s .
deux fentimens oppofés, mais dans la néceflité de
dio ilir, je n hefite pas de dire que le karabé appartient
au régné minéral : cette conclufion eft
fondée, i Q. fur ce que les produits de fon analyfe
le rapprochent très-certainement de tous les bitumes
; 2?. fur ce qu’on n’a pu trouver encore aucune
gomme , aucune réfineçf aucun baume qui
préfentât les mêmes caraûères : c’eft-là probablement
ce qui a aufli déterminé les plus célèbres mi-
néralogiftes, & en dernier lieu M. Bergman, dans
fa fciagraphie„ à placer le karabé parmi les minéraux
, au moins jufqu’à ce que l’on eût acquis de
nouvelles lumières. Pour expliquer l’état des in-
feftes enfermés dans le karabé, je ne ferais pas
éloigné d’admettre avec Frédéric Hoffman l’exu-,
dation de cette matière, fous forme fluide, pofté-
rieurement à l’époque où les bois enfouis auraient
commencé de palier à l’état de bitume ; alors la
nature particulière <je l ’arbre qui l’auroit originairement
produit, fuffiroit pour rendre raifon des
caraftères qui diffinguent le^ karabé des autres bitumes
, foit que l’efpèce de ces arbres n’exifte plus,
foit que 1 alteration minérale ne nous permette
plus de la reconnoître par la reffeniblance de fes
produits. En un mot, ces exudations n’ayant pu fe
faire que dans des cavités fouterraines , il ne ferait
pas étonnant que des iplèâès, qui foatfiunit.
Verfellement répandus, qui peuplent tous les ef-
paces où l’air peut pénétrer, euflent ete quelque
fois furpris & enveloppés dans çe fluide. L obfervation
que j’ai donnée dans mes digreffions académiques
d’un guhr* bitumineux , que j’avoi# moi-
même recueilli en état de pâte d’un gris blanc , &
très-molle dans des mines de charbon , & qui eft
devenue dans mon cabinet un bitume fec d’un
noir jaunâtre demï-tranfparent, me paroît très-propre
à confirmer ces probabilités.
II. Quelle eft là nature de l’acide karabique ? Les
opinions que l’on en a prifes en différens temps ,
n’ont pas été exemptes de l’influence du fyftême
d’un acide univerfel. Hoffman a cru que ce n’étoit
qu’une huile condenfée en mafle réfineufe par
l’acide vitriolique. Bourdelin a publié dans le recueil
de l’Académie de 1.742, plufieurs expériences
, d’après lefquelles on a tenu aflez long-temps
pour démontré que c’étoit l’acide muriatique ;
cette conclufion ètoit fondée fur ce que le karabé
fe trouvoit près de là mer, fur ce qu’après avoir
été complettement privé de fon huile, par fa détonation
avec le nitre , il formoit avec fa bafe un
f e l , dont la criftallifation étoit prefque cubique,
qui décrépitoit fur les charbons qui donnoit des va-.
peurs grifes par l’addition de l’acide vitriolique concentré
, & qui précipitoit en blanc l’argent & le
mercure de leur cfiflolution nitreufe. C ’en étoit
aflez fans doute pour en impofer au temps de cet
auteur, mais il n’eft perfonne aujourd’hui qui ne
juge ces preuves infuffifantes pour établir une
identité parfaite ; fi au lieu de s’en tenir à des apparences
trompeufes, à de fimples expériences par
les réaâifs, encore mal ordonnées , Bourdelin fe
fut appliqué à purifier d’abord fes matières de tout
mélange accidentel , & à en déterminer enfuite la
nature par les vrais procédés ; il auroit bientôt reconnu
que cet acide ,• même uni à la potafle pendant
la détonation du nitre, ne formoit point d’eau
régale avec l’acide nitreux, que cet acide ne dé-
compofoit pas le nitre d’argent par lui - même ,
mais feulement lorfqu il étoit porté dans fa diflo-
lution en l’état de fel neutre, & à raifon d’une
double affinité ; qu’il précipitoit feul le plomb de
l ’acide acéteux, mais que le précipité n’étoit pas
du muriate de plomb ; il eût découvert bien d’autres
différences aufli décifives, s’il eût examiné avec
un peu de foin les fois réfùltans de l’union de cet
acide avec les principales bafes.
Suivant M. Bergman dans fes notes fur la
Chymie de Scheffer, M. Schéele a obfervé que la
Hqueür qui s’élevoit pendant la diftillation du
karabé, fe comportoit abfolument comme le vinai-
gre, ce qui le porte à penfer, que fon origine eft
végétale. La méthode exa&e de ce célèbre Chy-
mifte , ne permet pas de foupçonner, qu’il ait annoncé
cette reflemblance, avant que de s’en être
bien aflùré, par toutes les épreuves convenables ;
je n ai nulle connoiflance de ce qu’il a pû écrire à
ce lujet ; mais fi le fait eft prouvé H il faut que là
liqueur qui pafle dans la diftillation du kârabé, ne
foit plus Amplement , comme on l’a c ru, un
flegme chargé d’une portion de fon fel acide concret
, il faut ou que le Karabé fournifle denx
acides différentes , ou fon acide puifle être réduit
par décompofltion à un état qui. produife cette
identité avec le vinaigre , car f l n’y a peut-être
pas deux acides plus différens entre eu x , crue l’acide
acéteux, & celui dont il a été jufqu’àpré-
fent queftion dans cet article ; le premier fe détruit
au feu plutôt que de prendre la. forme sèche, &
le fécond eft naturellement concret ; le premier
ne fupporte pas même le feu de diftillation, quand
il eft fixé par un alkali , le fécond réfifte à l’action
du nitre, il ne lui cède que la portion, de
phlogiftique qui ne lui eft pas- eflentielle, & neutralité
fa bafe au feu de déformation remarquons
en paflant que cette fixité feroit. bien étonnante;
dans un végétal , qui n’auroitpas fubi l’altération
minérale ; Enfin-, M. Bergman afllire- lui-même
que l’acide du karabé , précipite la diflblution
acéteufe de plomb ; or , il eft impoflible qu'un©
diffolution foit dèeompofée par fon propre acide ,
& ce feroit méconnoître les principes du favant
profeffeur d’Upfal , que de lui prêter une femblable
opinion. Il faut donc tenir pour confiant ,
que le fel concrèt volatil du karabé , tel que nous
le connoiflons & avant qu’il foit réduit à un
état plus fimple, fuppofé que cela foit poflible ,
eft un acide propre de fon genre ; cette conclufion
fera confirmée par l’examen de fes . com-
binaifons , & elle ne peut plus étonner ceux qui
auront adopté les principes que j’ai établis au mot Acide , ils comprendront aifement que lé principe,
acidifiant commun peut trouver une fubftance
hüileufo de la nature du pétrole , & peut-être;
qu’une analyfe plus exaéle de tous les bitumes,,
nous y découvriroit une partie compofante, finoix
abfolument identique , du moins fort analogue.
L’exiftence de l’a ir , principe acidifiant eft vérifiée
ici par l’obfervation de Pott, que cet acide faturé
de potafle , fe détruit pendant la diftillation , 8c
laifle un alkali effervescent.
Le célèbre Chymifte de Ferlin, a traité ce t
acide concrèt à la diftillation avec les acides vitriolique
, nitreux & muriatique ;• le fécond a bien produit
quelques vapeurs rouges, mais il s’eft encore
fublimé un peu de fel non altéré, & les deux:
autres n’ont fait que retenir fon huile furabon-
dante fans lé décompofer ; ce qui annonce que le
phlogiftique huileux y eft aflez. fortement combiné.
L'acide karabique a un goût piquant, fans être
corrofif, & quelque chofe d’huileux lors même
qu’il eft le plus' rectifié & le plus blanc. Il n’altère
que foiblement le fyrop violât, mais il rougit le
Tournefol, & reftitue les. nuances altérés par les-
alkalis.
II eft v o la t il 'm a is ce n’eft qu’à un degré
de chaleur aflez confidérable ; il ne s’élève pas;
à la chaleur du bain - marie,. ce qui donne , comme