
6 6 6 A I R .
qu’il y plaçoit la lune (i); il femble donner à l’air
une couleur bleue lorfqu’il fe fert de cette compa-
raifon pour indiquer la nuance du diamant de M e
de Chypre (2) ; il recueille à fon ordinaire quelques
traditions fabuleufes telles que celle de.la qualité vé-
néneufe de l’air en automne, qui détermine la chûte
des feuilles } celle qui attribuoit à l’air la production
du miel (3 ), &c. La feule obfervation qui mérite
quelque attention, eft celle de la méthode déjà
connue des Ouvriers employés à creufer les puits,
d’y defcendre une chandelle allumée pour s’affurer
s’il n’y avoit point de danger pour leur vie (4) ; mais
il étoit bien éloigné d’en foupçonner la véritable caufe,
il ne voyoit dans ce méphitifme de l’air que l’effet
des vapeurs fulfureufesou alumineufes § ou même de
fa pefanteur augmentée à raifon de la profondeur de
l’excavation.
Pour fuivre le progrès des connoiffances fur le
fluide athmofphérique, il eft inutile de s’arrêter aux
quinze premiers fié clés de l’ere chrétienne , il faut fe
tranfporter tout d’un coup à la fin du feizième ; c’eft-
à-dire, à cette époque où le grand Bacon créa une
nouvelle méthode d’étudier la Phyfique. Le génie de
Defcartes effaie bien encore quelques hypothèfes fur
la figure de fes parties , fur fa raréfaâion par la
chaleur, fur fa réaâion quand il eft comprimé (5) ;
mais on voit en même temps Galilée & Torricelli
ïoumettre l’air à des expériences ftatiques, calculer
fa pefanteur par l’élévation de l’eau dans les pompes,
par la fufpenfion du mercure dans un tube de verre,
& difliper fans retour la chimère de l’horreur du
vuide que l’école péripatéticienne fàifoit fervir à l’explication
de ces phénomènes. Pafcal enfeigne à me-
iiirer la hauteur de la colonne de l’air par fon ac-
courciffement fur les montagnes , à mefurer les
montagnes par la diminution de la colongie d’un fluide
plus denfe qui lui fait équilibre. La pompe pneumatique
eft inventée par Otto-Guericke, elle dévient
la machine de Boyle par l’heureux ufage qu’il en fait
dans les expériences les plus ingénieufes. Au moyen
d’un récipient rendu vuide d’air, le Phyficien an-
glois & les Académiciens de Florence démontrent fa
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compréflion, fon élafticité, éprouvent fes propriétés
pour la tranfiniflion de la lumière , du fon, de l’électricité,
pour l’entretien du feu & de la vie des animaux.
Mariotte examine fa dilatabilité & effaie' de
déterminer fa couleur. Enfin Newton comparant la
denfité de l’air permanent avec celle des vapeurs, ob-
ferve que l’athinofphère humide eft plus légère que
l’athmofphère sèche (6) ; Lowtorp & Hauxbée déterminent
la réfraétion que l’air plus ou moins condenfé
ou raréfié fait fubir à la lumière.
Telle a été la marche de l’efprit humain dans la
recherche des qualités phyfiques de l’air , s’il eft
encore permis de fe conformer à l’ufage qui reftreint
cette expreflion aux phénomènes qui dévoilent plu.
tôt fes effets méchaniques que fa nature intime; mais
il' y a une autre manière de confidérer l’air & les
fluides qui en prennent la forme, pour comparer leur
compofition refpettive ; cet objet a été long 7 temps
abandonné aux feuls Chymiftes, & à ce titre l’hif-
toire de leurs travaux nous appartient plus fpécia-
lement.
Ici les premiers traits de lumière datent d’un peu
plus haut, non que je croie devoir remonter jufqu’à
Paracelfe qui ne débite à ce fujet que des fiétions
abfurdes (7 ) ; mais on ne peut refufer à Van-Helmont,
qui commença d’écrire fur la fin du feizième fiècle,
la gloire d’avoir cherché à diftinguer l’air Sf. les fluides
aériformes, auxquels il donna le nom de gas ou ef-
prit fauvage (fpiritus fiylvefiris') \ c’eft-à-dire, incoercible
; il paroît avoir obfervé le gas des charbons
ardens, le gas des fruits, celui du foufre, celui de
la fermentation vineufe, celui qui fe dégage du mélange
de l’acide nitrique avec le muriate ammoniacal;
celui que produit la détonnation du nitre avec les
métaux ; celui qui s’élève pendant les diffolutions des
yeux d’écreviffes dans le vinaigre, de l’argent dans
l’acide nitrique ; en général il regarda le gas comme
une vapeur aqueufe, comme participant néanmoins
des fubftances concrètes qui le fourniffoient (8) 5 celui
que donne fi abondamment l’huile empyreuma-
tique du tartre lui parut néanmoins compofé de
(1) Hifior. natur. lib. I l , cap. 10 & 88.
( A Ib id . lib. XXXVII, cap. 4.
(3) Coeli fu d o r , f iv e fideram fa liv a , fiv e purgantis f e aéris fu c eu s . Lib. X I , cap. ta.
(4) Ibid. lib. X X X I, cap. 3. Vitruve rapporte à peu près la même chofe , liv. .8, chap. 7.
(?) Aèrem nihil aliud ejfe quàm congeriem particularym tertii elementi , tam tenuium & à Je mutuo disjunctarum, ut quïbufi
Tibet motïbus globulorum coeleftium objequàntur. . . . . rarefit colore cùm ejus particula fare omnes fin t fle x ile s infiàr mollium
plumularum. Frincip. philofoph. part. 4 , n. 45, 46 & 47. Agitatione materia J u b tilis , qua, cingüntur , fa c ile moved &
feparari pojfunt. Meteor, cap. 1.
(6) Optiq. liv. III , quelle 31. .
(7) fi paroît même que cet Auteur n’a confidéré les divers fluides diadiques que comme les odeurs. Voici fes termes.
( D e Morbis metallic, cap. 2). Quilibet ignis habet fuum aèrem q u iip f i & eft congenitus & ex fu lfu r e oritur . . . .' ficu t liliüm
■ emittit odorem qui ejt naturalis imprejjio infeparabilis à corpore ; ita fim ilis etiam odor eft. in fulfure qui quidam vocatur
* e r ..........Ita intelligite quod ex fu ljureâ minera peculiare elementuin aéris gignatur , & quamvis ifte aèr f i t folummodo in igné
& non extra , tamen quando ignis calorem à f e fpargit , etiam aéris ïlliu s proprietatem em ittit, ficu t lilium fuum odorem.
• (8) ln priftinam aquam gas redit. Complexiorïum , &c. n. 29. Liquet n ullâ artis aut naturel ope aquam fieri aèrem dut
vicijfim. Ibid. n. 35. Gas omne aliquam fu i càncreti conditionem retinet. n. 34. Cette opinion de la converlion de l’eau
€I\§a s».!ui parut une conséquence néceffaire de. l’obfervation qu’il rapporte dans le même Traité , n. 30, que la terre,
qui avoit fourni pendant cinq ans à l’accroiffement d’un faule , n’avoit perdu que 12 onces , tandis-que le faille avoit
pris une augmentation de 164 livres,- —
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l’acide caché du vin & d’alkali volatil ( i ) ; il plaça
enfin parmi les gas les miafines peftilentiels & la
vapeur méphitique de la grotte du chien en Si-
Boyle confirma la plupart des obfervations de
Van-Helmont ; il les multiplia à la faveur de fa machine
à faire le vuide ; i l prouva , comme je 1 ai
déjà d it, que tous les fluides élaftiques ne fervoient
pas également à entretenir le feu & la vie des animaux
: il appella air artificiel (3) ce que Van-Helmont
avoit nommé gas ; il fit enfin un pas bien important
en découvrant & démontrant l’abforption de l’air pendant
la combuftion du foufre & de plufieurs autres
fubftances.
Cela n’empêcha pas Jean Bernoulli d’écrire encore
en 1690 qu’il n’y avoit point d’autre fluide élaftique que l’air : il avoit pratiqué d’une manière affez ingé-
nieufe l’opération que les Chymiftes ont appellée
ÇhyJJus, pour recueillir & déterminer la quantité de
gas produite par la détonnation de la poudre à canon,
ü. crut feulement avoir mis en liberté de l’air précédemment
combiné (4).
Ce ne fut que plus de trente ans après que Haies
jeta véritablement les fondemens de la phyfique de
l’air & des gas, en établiffant par une fuite d’expériences
fur un grand nombre de fubftances des trois
règnes, que l’élafticité n’eft pas une propriété in-
commutable dé l’a ir, qu’il exifte fouvent dans les
corps dans un état de fixité , qu’il contribue à l’union
de leurs parties conftituantes , qu’il eft alternativement
dégagé oij fixé dans les combuftions, les diffolutions;
en un mot que l’on doit le compter parmi
le principes .chymiques , en lui donnant le rang que les !
Chymifies lui avoient jufqu’alors refufé d'un principe
très-aélif (5). - v. 1
Il ne reftoit donc en quelque forte, pour atteindre
le but de ces recherches , qu’à mettre en oeuvre les
appareils imaginés par le Phyficien anglois, à fuivre
fes vues & fur-tout à foumettre à de nouvelles expériences
les gas qu’il avoit appris à recueillir & à
mefurer, pour en déterminer exaâement les propriétés
; mais ce n’eft pas l’ouvrage d’un moment, de
retirer les hommes les plus fages des fentiers | de
l’habitude & de les ramener dans une route plus sûre.
Il faut, pour ainfi dire, que leurs yeux s’accoutument
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infenfibleillent à fouffrir l’éclat de la fioiîVeUe lumière
qui leur eft offerte, avant qu’ils le déterminent à la
prendre pour guide. Le grand Boerhaave fe rendit auj£
preuves que Haies avoit fournies de la fixation de
l’air , mais il crut toujours que dans fes différens
paffages, fa première nature demeuroit immuable (6):
Stahl n’avoit pas été éloigné dans les premiers
temps d’admettre plufieurs efpèces d’air ; mais ni la
détonnation dû nitre, ni lé fluide élafiique permanent
reftitué dans le vuide par les diffolutions métalliques
, ne purent le convaincre que l’air perdît
réellement fa propriété expanfible, & qu’il entrât
dans la compofition des corps des élémens capables
de prendre cette forme (7). On verra ailleurs comment
Vend imita les eaux gafeufes naturelles, comment
le: célèbre BUck établit les propriétés & les
affinités de cet air acide, tandis qu’on le confondoit
encore avec l’air de l’athmofphêre. Son travail marqué
au coin du génie rappella l’attention des Phy-
ficiens vers les phénomènes que Haies avoit décrits,
il fembla apprendre à lire des chofes nouvelles dans
ce recueil inépuifable, & devint en quelque forte
le fignal de ralliement pour rentrer dans cette carrière
fi féconde en merveilles , & qu’un intervalle
de trente ans avoit prefque laiffé tomber en oubli.
Vers le même temps, Meyer, Chymifte d’Ofna-
bruck, publia auflï un ouvrage plein de vues & d’ob-
fervations fur les phénomènes qui appârtenoient à
cette branche de la Chymie phyfique; s’il fervit peu
à avancer la théorie, il contribua beaucoup à défiller
les yeux fur les vices de celle qui règnoit univer-,
fellement. , _
Enfin l’illuftre Priejlley nous apprit à diftinguer de
l’air commun ou athmofphérique, nombre d’airs factices
; c’eft-à-dire, indépendamment de Vair fixe, un
air phbgifiiqui, un air nitreux, un air inflammable, des
airs acides, un air alkalin, & bientôt après un air
déphlogifliqué : alors une impreffion générale de cu-
riofité tourna tous les yeux vers les prodiges qui
s’opéroient dans les appareils pneumatiques; les Chymiftes.
& les Phyficiens fe portèrent à l’envi dans
cette nouvelle carrière & femblèrent fe diijmter
l’avantage de prendre poffeffion les premiers de ce
qui reftoit à découvrir. Les uns s’emprefsèrent de
répéter, de varier les expériences, donnèrent crédit
CO D e m a ,U n s , n. 6 l , 67, 68. C’eft dans ce Traité, L dit nettement que Paracelfe a atMument méconnu la
lature des gas , n. 8; & il ajoute au nombre .64 : Mirum fa n e q u a i S c k o lx de h u hacUnus n d fen fe rm t. n ,l fcn p fe
Tint, fed cunctà coloris imperio per manus tradiderint. _ , . „ „ . ç •
(1) Com plex iom m, 8cc. n. 43. Ce qu’il dit de la manière dont les gas nous affeiftent , eft remarquable . S p in tu r m x
noftrce, cùm vas l i t , potentiflîmè atque celerrimè à quovis alio gas ajficitur. ^ . . . . , . ,. . c T
(3) Voyez , pour l’hiftoire particulière de la découverte du gas acide carbonique ,
(4) Anne datur aliud corpus fluidum & v i elafiicâ praditum , prater aerem ? V ix puto. Differtat. de Effervetcentia &
Fermentatione.
(î) Statique : des végétaux , chap. VI.
, . —, . • _
(6) lmmutabilis
nlis igitur . . . . . pofi feparationem redeuns qualis ante adunationem fuerat. De Artis theona, Part’ a:
(7) N on -i
i fp e c ie s abfiluta a ïr ii ipfius necefiarib f ip p o n e n ia ......... Cert'e f i alla laça aerts m m.xtnm a h q u a i ,mpl ca
argumentum o ccurrit.ccurrit, viaeretur vidercmr lu i l lu i in •_ o. u a - m j______ nuro nitre fe ie/je e Il e j__*w w i~v ,v „„,,>irio “ rejette Am " • r flnwl“ * ,— bientôt cette opinion, fur le fondement que t
mélange de nitre 6c de i . r.foufre -r...ne donne pas dans le vuide de fluide » plnRinne ""V. ........ ' : ,, > ■■
élaftique nermanent permanent ;; dou d ou il il conclut conclut
en ce.
termes : adeoque potiùs expectore aèrem quàm parturire videatur. Specim. Beccherian. part, i , e . , • • I ?
ciençes & obfervations qu’il publia en 1731, prouvent qu’il périma dans les mêmes principes^ ^ ^ ^ ..