M. Schéele obtînt de cette manière l’acide ma*
lufien très-pur; mais il a reconnu depuis qu’on
abrégeoit beaucoup l’opération , en prenant des
pommes au lieu de grofeilles ; ainfi l’on doit, à
ion exemple , préférer le procédé fui vaut pour fe
procurer cet acide facilement 6» en grande quantité.
On fature le jus de pommes avec l’atkali ; on y
verfe enfuite de la diflolntion âcéteufe de plomb
jufqu’à ce qu’elle n’occafionne plus de. précipite ;
on édulcore ce précipité ; on verfe deffus de l’acide
vitriolique affoibli en quantité fuffifante pour que
la liqueur prenne une faveur acide franche fans
mélange de doux; enfin, on jette le tout fur un
filtre pour féparer l’acide du vitriol de plomb.
Tant qu’il n’y a pas affez d’acide vitriolique , la
liqueur conferve un goût douceâtre,qui vient d’une
portion de chaux de plomb unie à l’acide inalufien
& tenue en diflolution par la portion de cet acide
qui eft déjà rendue libre.
Le jus de toutes les efpèces de pommes acides,
mûres ou non mûres , ne contient point d’acide ci-
tronien ,& ne donne aucun précipité îorfqu’on le fait
bouillir après l’avoir faturé de craie ; -d’autre part,
il tient fi peu de matière gommeufe, que lorfqu’onle
mêle avec l’efprit-de-vin il n’éprouve aucun changement,
& celui qu’on y ajoute, après Favoir faturé de
craie , y occafionne un coagulé abondant, ou plutôt
un précipité qui a toutes les propriétés du fel cryf-
tallifable dont nous avons parlé précédemment. Cet
état de pureté de l’acide malufien dans les pommes
eft ce qui nous a déterminés , à l’exemple de M.
Schéele, à en tirer fa dénomination , & qui en
rend la féparation moins pénible. Prefque tous les
autres fruits aigres donneroient de même cet acide,
mais le plus fouvent mêlé avec l’acide citronien,
comme on le verra dans la table des différéns fruits
analyfés par M. Schéele, que je donnerai après
avoir indiqué les caractères & les propriétés du
nouvel acide.
L’acide malufien eft toujours en liqueur & ne
peut être mis en état cOncret.
Il s’unit aux trois aïhalis, & forme avec èux des
fels neutres déliquefcens.
Saturé de calce, il donne de petits cryftaux irréguliers
qui ne font folubles que dans l’eau bouillante.
Ils fe diflolvent facilemement dans l’eau
froide quand il y a excès d’acide. De là il arrive j
f dit M. Schéele ) que le jus exprimé de quelques
fruits aigres eft quelquefois précipité par l’eau de
chaux, quoiqu’il ne tienne point d’acide citronien ;
mais l’on reconnoit aifément le malufite calcaire,
en ce quHl fe rediflout par l’excès de fon 'acide
ou par le vinaigre, ce que ne fait pas l’oxalte calcaire.
L’acide malufienfe comporte avec le barotecomme
avec lé calce.
Il forme avec la terre alumineùfe un fel neutre
«fcfficjlement foluble dans l’eau,, \
Avec la magnèfe un fel neutre déliquescent."'
Il attaque le fer, & donne une diftblution brune
ïncryftallifable.
Il diflout le fine, & produit un fel qui donne de
beaux cryftaux.
Il ne manifefte pas une aâion feïifible fur les autres
métaux.
Cet acide a bien quelque reffemblance avee
l’acide citronien, mais les phénomènes fuivans
préfentent des caractères différentiels affez mar*
qués..
i ° . L’acide citronien forme de beaux cryftaux
l’acide malufien eft incryftallifable.
a°. L’acide malufien traité ayec l’acide nitreux
donne de l’acide façcharin, o u , comme nous le
nommons déformais, oxalin artificiel ; M. Schéele
affurè avoir fait tous fes efforts pour en obtenir de
l’acide citronien & n’avoir pu réuflir, même en employant
l’acide nitreux fumant.
3 ®. Le citrate calcaire eft prefque infoluble dans
l’eau bouillante ; le malufite calcaire eft bien plus
foluble.
4^. L’acide malufien précipite les diffolutions
nitreufes de mercure, de plomb & d’argent; il précipite
l’or en état de métal dans fa diffolution étendue
avec de l’eau diftiîlée ; l’acide citronien n’occafionne
aucun changement dans ces diffolutions.
5°. Enfin , fi on fait bouillir enfemble , une minute
, les diffolutions de citrate ammoniacal & de
malufite calcaire , ce dernier fel eft décompofé, &
il fe précipite du citrate calcaire. Ce qui prouve
que -l’affinité de l’acide malufien avec le calce eft
plus foible que celle de l’acide citronien. Ce font
donc réellement deux acides différéns.
L ’acide malufien a bien plus d’analogie avec
l’acide faclaâique; mais nous venons de voir que
le malufite calcaire étoit précipité par l’efprit-de-
vin ; au contraire le fel formé de l’union de la même
bafe avec l’acide faclaâique eft foluble dans ce
menftrue. M. Schéele préfume que cette différence
peut venir de l’altération que l’acide faclaâique a
éprouvée par la fermentation du petit lait. J’avoue
que je ne conçois pas comment la fermentation
produiront cet effet, & même qu’il me paroît peu
vraifemblable, quand je confidère combien peu de
fubftances donnent l’acide faclaâique, & que ce font
précifément celles dont la fermentation eft le moins
fenfible.
Je ne m’arrêterai pas long-temps fur la nature S i'
la compofition de l’acide malufien : on le retire de$
fruits par la feule expreffion, on le met fur-le-
champ à l’état de fel neutre , en lui préfentant une
bafe, il y exifte donc tout formé. Cet acide fe détruit
au feu, s’y réfout en fes élémens aériformes;
s’il eft uni au calce, IL le régénère en méphite calcaire
par le principe acidifiant qu’il lui abandonne,
& qui fe trouvé convertie!! acide méphitique : de la
Hion's devons conclure qu’il ne participe en aucune
manière’ de la nature des acides minéraux, & qinl
eft au furplus formé comme tous les autres acides
d’une bafe acidifiable propre, de fon genre, & d an-
vital principe acidifiant commun. En un mot,lorf-
qu’on le traite à diftillation avec 1 acide nitreux, il
donne de l’acide faccharin ; fa bafe acidifiable eft
donc moins fimple que celle de ce dernier , elle
n.rfirina dnrc de la nature huiieufe : ces -con-
On peut déjà juger combien la connoiffance de
ce' nouvel acide va devenir importante, combien
d’applications on en pourra faire dans les analyfés ;
mais pour en prendre une plus iufte idée, il faut
fuivre encore M. Schéele dans les expériences qu il
a entreprifes pour déterminer les fubftances dans
lefquelles cet acide exifte, celles où il eft mêlé a
d’autres acides, & celles qui n’en fourniffent qu en
petite quantité, ou même point du tout.
Les jus' exprimés des fruits ,
De l’épine-vinette ( beibens vulg.j J
Du. fur eau (fambucus nigra. ) Ê Fourmflent
Du prunier. épineux ( prunus fpi-\ beaucoup d a*-
nofa.j ' \cide malufien,
Du forbier des oifeleurs ( forbus/& Pe^ ou
aucup. ) ; I point d acide
Du prunier des jardins (prunus do- \ citronien.
mejl.j J
Les jus exprimés dès fruits ;
Du grofelier à fruits velus ( ribes
grojfularia, )
Du grofelier rouge ( ribesrubrum.')
De l’airelle myrtille ( vacciniumw
myrtillus. )
De l’alifier commun ( cratoegusK
aria. )
Du cerifier (prunuscerafus.')
Du fraifier ( fragaria vefca. )
De la ronce fans épine ( rubus
chamcemorus
Du framboifier (-rubus idoeus,')
Paroiflent
contenir à-
peu - près
moitié de
l’un & de
l’autre acide.
Le ju s de citron donne lui-même un peu d’acide
malufien.
Les jus exprimés des fruits 9
De l’airelle canneberge ( vacci-
mum oxycoccos. )
De l’airelle à fruits rouges vacch-
nium vitis idcea. ^
Du mérifier à grappe (prunus pa
dus.y
De la douce-amère (folanum du»
camara. }
De l’églantier ( cynosbatos, )
Suivant le même Chymifte , le jus dej raifins
verds , ainfi que celui du tamarin ne contient abfo-
1 ument d’autre acide que le citronien. Cette obfer-
vation femble confirmer ce que j’ai dit précédemment
, que l’acide tartareux pouvoit bien ne pas
exifter tout formé dans ces végétaux avant leur
altération par la fermentation ou par l’ébullition, car
il n’eft pas poffible de regarder ces deux acides
comme identiques. Entr’autres différences qu’ils
préfentent , je n’en rappellerai ici qu’une qui eft
caraâériftique : l’acide tartareux fournit de l’acide
faccharin ou oxalin lorfqu’on le traite avec l’acide
nitreux, 8c nous venons de voir que M. Schéele
n’avoit pu en obtenir de l’acide citronien.
M. Schéele a trouvé l’acide malufien dans le
fucre même : fi on ne l’a pas encore apperçu en
préparant l’acide facch;rin, c’eft que l’on n’a pas
fait affez d’attention à l’acide qui fe manifefte avant
l’acide faccharin : que l’on verfe fur du fucre de l’acide
nitreux affoibli , jufqu’à ce que le mélange
commence à tourner au brun , ce qui indique que
tout l’acide nitreux s’eft difïipé, on trouvera que
cette efpèce de firop a un goût acide affez marqué.
En y verfant de l’eau de chaux, tout l’acide faccharin
fera d’abord précipité en état d’oxalte calcaire
; mais il reftera un antre acide qui ne montrera
aucun des caraâères de l’acide nitreux-, & qui
ne -fera plus précipité par l’eau de chaux. Pour obtenir
cet acide pur, on fature d’abord la liqueur
par la craie , on la filtre , on y ajoute de l’efprit-de-
vin qui y occafionne le même coagulé dont il a été
ci-devant queftion ; ce coagulé lavé plufieurs fois
dans l’efprit-de-vin eft rediffous dans l’eau diftiîlée ‘9
on décompofé le malufite calcaire par l’acète de
plomb , & on dégage enfin l’acide malufien en reprenant
la chaux de plomb, par l’acide vitriolique,'
de la même manière que j’ai indiquée pour retirer
cet acide des pommes. L’efprit-de-vin qui a fervi à
laver le coagulé étant évaporé, laiffe une fubftance
qui eft plutôt amère que douce, qui eft très-défi»
quefeente, & qui reffemble entièrement à la matière
favonneufe du jus de citroiü Si on diftille
deffus un peu d’acide nitreux, on en,obtient encore
de l’acide malufien & de l’acide faccharin.
De ces expériences , M. Schéele conclut avee
raifon quedanS cette opération fur le fucre on obtient
déjà deux acides différéns du règne végétal ; on
verra à l’article acide faccharin que le fucre peut
fournir encore des principes à la compofition de
quatre autres acides , puifqu’il peut paffer à l’état
•de vinaigre, qu’il fe réfout en gas acide méphitique,
& qu’il donne à la diftillation l’acide firupeux.
Ce dernier ne feroit-il pas Pacide malufien de
M. Schéele ? Cette idée m’eft venue aufli-bien qu’à
ceux qui, fur le fondement de cette poffibilité :
voudroient me reprocher d’avoir multiplié les êtres
fans néceffité ; mais les réflexions fuivantes m’ont
bientôt forcé de l’abandonner. î °. L acide firupeux,
en l’état où je le confidère, eft abfolument.différent
de l’acide malufien : le premier forme avec les