
4 4 4 A C I l’état de fonte dans la manganèfe, la pouffière de
charbon, la plombagine. (N os. 12, 13 , 14,1$ & 16.)
Mais d’où ferons-nous dépendre cet état moyen?
Voilà le point de la queftion, & d’autant plus difficile,
qu’étant obligés de mettre d’avance à l’écart & les
degrés de métallifation plus ou moins parfaite, &
tous les mélanges de matière grofîière, nous ne pouvons
établir une hypothèfe vraifemblable que fur
l’aélion de quelques-uns de ces fluides fiibtils qui-
échappent à nos fens, qui fe font refufés fi long- •
temps à toute analyfe, dont, malgré tant de d é - ;
couvertes fublîmes, les propriétés font encore à peine
entrevues ; nous ne pouvons avoir recours qu’à leur
acceffion infenfible, aux différentes proportions dans >
lefquelles ils refient- fixés dans la compofition aéluelle, '
ou du moins aux fubflances nouvelles qu’ils pro-
duifent par leurs combinaifons ; car nous tenons pour
indubitable qu’aucun corps ne peut être modifié
chymiquement que par addition ou fouftraétion d’une
matière quelconque.
I. Dirons-nous que l’acier eft abfolument l’ouvrage
du feu , que c’eft uniquement la matière du feu ou
de la chaleur, le principe calorifique qui, fe fixant en
différentes proportions dans la fubftance du fer ,
confiitue efîèntieliemeiit l’acier ? - Je ne diffinmlerai
pas que ce fyftême peut être appuyé de quelques
obfervations. Le peu de cônnoiffances que nous avons
acquifes depuis quelques années fur ce principe *
noüs montre les métaux dans un ordre de fufibilité
prefque exaélement inverfe de ce que* nous appelions
chaleur fpécifique. ( Voyeç C a l o r i f i q u e .)
Or l’acier étant certainement plus fufible que le fer,
moins fufible que la fonte, on peut, ce femble ,
conclure par analogie , qu’il doit avoir moins de
chaleur fpécifique que le fer & plus -de matière de
la chaleur fixée dans fa compofitioii ; peut-être même
qu’on viendroit à vérifier la première de ces con-
jeéfures, en obfervant les quantités de glace que
des maffes pareilles de fonte, de fer & d’acier ,
chauffées au même degré de chaleur apparente, pourraient
fondre dans l’appareil que MM. Lavoifier &
de Laplace ont imaginé pour rendre les plus petites
différences fenfibles.
Il faut rapporter ici les expériences par lefquelles
M. Bergman a conftaté que l’acier tenoit en plus
grande quantité que la fonte, ce qu’il appelle matière
de la chaleur fixée ; celle où il a-fait paffer la
fonte à l’état d’acier, en la traitant fans addition au
creufet ; celles que nous avons indiquées après Rin-
man , où cette converfion s’eft opérée dans des
cémens qu’on peut réputer inaèfifs, tels que le quartz,
l ’argille, &c. celles où la converfion a paru fuivre
les progrès de la chaleur de la furface au centre des
barres ; celles enfin qui ont manifefté la différence
d’un feu v if de fiifion, au feu long-temps continué
de. la cémentation , qui ont fait dire au célèbre
Rinman, que l’on pouvoir mettre le fe r , ou fans
addition dans un creufet, ou entouré de tel cément
que l’on jugerait à propos, dans la caiffe du fourneau
de cémentation, & qu’il y deviendrait acier. (g. 7 3 A
Cependant c<* fyftême eft loin de préfenter une
explication fatisfaifante de tous les phénomènes ; &
d’abord, quand il ferait bien prouvé que l’acier tient
plus de matière de chaleur fixe que le fe r , il ne
s ’enfuivroit nullement qu’elle fut la caufe effentielle
de la converfion , mais plutôt que ce ferait une
propriété dé j à nouvelle compofition, qui confiitue
l ’acier, de fixer une quantité .plus- confidérable de
cette matière; car fans cette nouvelle compofition,
il ferait impoffible de concevoir pourquoi le même
fer fe fature inégalement de ce principe, pourquoi
l’affinité direéte n’exerce pas toujours la même
puiffancé.
En fécond lieu , les mêmes expériences! ont indiqué
à M. Bergman une plus grande quantité de
cette matière dans le fer duélile que dans l’acier,
une plus grande dans l’acier que dans la fonte : voilà
donc toute l’analogie fondée fur l’ordre de fufibilité,
détruite, voilà l’effet, de la cémentation du fer changé
du tout au tout ; Je feu des fourneaux ne doit plus
fervir qu’à diminuer les. proportions de calorifique,
au lieu de l’accumulër. Ainfi pn fe trouve bientôt
forcé de convenir , où que les procédés. d’analyfe
qui ont fourni ces réfultats àl’illuftre Suédois, neuiéri-
tent pas une pleine confiance, ou qu’il faut appeller
une autre caufe plus' direéle, pour en concilier les
conféquences.
En troifième lieu, fi l’augmentation de matière de
la chaleur fixée, étoit la caufe déterminante de la
production de l’acier, on devrait l’obtenir toutes les.
-fois que l’on applique au fer une chaleur plus vive
ou plus continuée; o r , il s’en faut bien que les
réfultats foient affez univoques pour fonder cet
argument, même .par rapport au .fer crud. A la.,
vérité cette expérience. a .réuffi à M. Bergman
( voye^ ci-devant, expér. fur la fonte, n°. / ) ; mais je
l’ai répétée fur des quantités au moins égales , &
il n’y a pas eu de converfion (n°. »/)_. Deux autres
expériences de-M. Rinman 16 ) , prouvent encore
que ce réfultat n’eft nullement confiant, même
avec la fonte grife; & quoique, dans un de mes effais,
la fonte blanche refondue feule & refroidie au fouiv
neau, ait donné avec l’acide nitreux une tache fen-
fiblement plus noire, on n’en peut rien conclure,
puifque ce n’eft là qù’une des propriétés de l’acier,
que l’on fait appartenir également à prefque toutes
les fontes, & que les autres caractères manqüoient.-
Pour ce qui eft du fer, je vois- encore moins de
preuves qu’il puiffe être porté à l’état d’acier par la
feule chaleur ; la dureté qu’on lui fait prendre dans
l’eau, après l’avoir chauffé jufqu’à l’incandefcence
( expér. fur le fe r , n°. 30 ) , n’eft autre que celle du
canon de fufil qui a fervi à l’analyfe de l’eau; l’acier
fait à la forge avec des clous rouilles ( n°. 2,9. ) , eft
le produit d’une manipulation particulière, qui commence
probablement par détruire la métallifation ,
pour la reprendre par degrés, comme dans l’acier
de fufion. Le fer converti dans un creufet fans addition
x ou environné foit d’argille fèclie, foit de
feld-foat calciné p ^ f g ® fcL '4 )> fournirait une
obfervation d’un tout autre poids, fi cette converfion
avoit lieu dans toutes les circonftances ou le creufet
ferait expofé à une égale chaleur ; mais elle ne
réuffit que lorfque le creufet eft placé dans la caiffe
de cémentation, & environne de pouffiere de charbon
; elle ne réuffit ni au feu de forge, ni au fourne.ui
à vent ; elle ne réuffit pas même dans la caiffe du
fourneau de cémentation, lorfque le fer eft enfermé
dans un étui de verre ( n°. 7 ). Auffi le célèbre Rinman
n’héfite-t-il pas de conclure que la chaleur feule
ne peut changer le fer en acier. ( Hiftor. Jaern. g. 27/. )
Une derniere objection contre ce fyftême, qui
n’eft pas la moins confidérable, eft l’impoffibilité de
concevoir & de concilier avec les faits connus une
augmentation de poids abfolu produite par la feule
matière de chaleur, & dans une proportion auffi
énorme que l’annoncent quelques obfervations. Je
ne parle pas de celles où l’opération fe faifant fur
de très-petites quantités, on peut croire avec quelque
fondement que faccroiffement de poids peut venir
de la réunion des parcelles de fer que recele le
charbon, fur-tout quand^il y a fufion; .& quoique
M. Bergman ait trouvé une fois un dechet de près
de (expér. fur le fer, n°. 2 ) , il a reconnu lui-
même0 que cet exeinple unique pouvoit être attribué
à quelque, caufe accidentelle. L’illuftre Réaumur dit
précifément dans fon fixième mémoire, qu’ayant pefé,
avec toute la prècifion pojfible, des morceaux de fer
de Suède & du Nivernois, du poids de trois livres,
ils s’étoient trouvés peler 12,8 grains de plus, apres
la cémentation, quoique bien effuyés , c’e ft-à -
dire, près de Le célèbre Ch. Meyer a également
obfervé une augmentation de poids, lofqu’il a
refondu l’acier de Styrie dans la pouffière de charbon
( Exper. fur l'acier, n°. 13 ). M. Rinman a trouvé
de même une augmentation de poids d’à peu près
Q,oi dans un morceau de fer duCtile converti en
acier dans un creufet Amplement environné de pouffière
de charbon au fourneau de cémentation ( Hïfi.
Jaern. %. 73 , n°. 18). Mais l’expérience la plus importante
à ce fujet eft celle que M. Grignon a décrite
dans un Mémoire lu à l’Acad. R. des Sc. le
8 Juin 1782 ( J o u r n . phyf t o m . X X , pag. 197 ) , &
que M. le Comte de Buffon a rapportée dans le IIe.
volume de fon Hiftoire des minéraux. M. Grignon
fournit exprès à la cémentation 500 livres de fer en
barres, bien décapé, il fit écurer de même les barres
au fortir de la cémentation, pour enlever toute la
matière charbonneufe, elles fe trouvèrent alors pefer
506 | livres, ce qui donne un accroiffement de
poids abfolu de 0,013 , ou de 1 livre 4 onces 6 gros
28 grains par quintal. Eft—il permis d’admettre une
accumulation de la madère du feu jufqu’à produire
un poids auffi étonnant, tandis qu’il n’y a jufqu’à
préfent aucun fait qui démontre que ce fluide fubtil
puiffe faire imprefiion fur nos balances, tandis qu’il
y a au contraire des obfervations' qui tendent à faire
foupçonner que le corps chaud gravite moins que le
corps froid ? V o y e ^ Calorifique.
j II. S’il étoit vrai que l’on ne pût faire pa/Ter le
fer à l’état d’acier qu’en l’environnant de matières
charbonncufes, ou d’une nature analogue, ce ferait
fans doute un puiffant motif de croire que l’accumu-
‘ lation du phlogifiique eft , fin on la caufe unique de
la converfion, du moins un des plus notables chan-
gemens qu’éprouve là compofition du métal dans
cette opération : mais quand on examine attentivement
les faits que j’ai précédemment raffemblés, on
eft bientôt convaincu que l’hypothèfe, qui plaçoit
la fonte au premier degré de métallifation , le fèr
au deffus de la fonte, & l’acier au deffus du fe r ,
comme contenant une plus grande quantité de principe
métallifant, n’avoit réellement d’autre bafe que
quelques inclusions tirées affez légèrement de la pratique
habituelle, peut-être de la progreffion dir
travail reconnu néceffaire pour amener le fer à cet
état, & q u i, fe faifant toujours au feu , avoit pu
perfuader que par-là on y fixoit toujours de nouvelles
quantités de principe inflammable. Mais nous
avons vu le fer duétile converti en acier par la cémentation
dans la craie (exper. fur le fe r , n°. 9 ) ,
dans la chaux (n°. 10) , dans l’argille (n°. 12) , dans
le feld-fpat (n°. 14 ) ; nous avoùs vu le fer devenir
acier environné de chaux noire de manganèfe û&i /y) ,
que le célèbre Schéele nous a fait connoître comme
une des fubftances les plus avides 3e phlogifiique,
que nous fiivons préfentement ne pouvoir fournir,
au lieu de phlogiftique, que l’air vital acidifiant,
l’oxigine de M. Lavoifier, qui devoir dès-lors faire
plutôt rétrograder la métallifation dans les principes
de Sthaal, de même que, fuivant la do&rine de ceux
qui n’admettent pas le phlogiftique. Il eft bon de fe
rappeller ici que c’eft pourtant cette même chaux
de manganèfe, dont la préfence difpofe tellement le
fer à l’état d’acier, qu’il eft très-difficile de retirer,
des mines qui en contiemient, un fer doux fins
mélange d’acier.
Cette échelle hypothétique de métallifàtiorr plus
ou moins avancée, eft encore renverfée par les faits
décififs'rapportés fous les nos. 32 ,33 &. 34; car f i ,
de la combinaifon de la fonte avec le fer , il en
réfultè précifément la compofition qui confiitue l’acier
,. ce ne peut être que parce que l’un avoit de
trop ce qui manquoit à l’autre, & la dofe moyenne
fe trouve* ainfi le caractère propre de l’acier.
Après cela on ne doit pas être étonné que la craie,
la chaux vive , la cendre d’os & autres cémens de
même nature portent la fonte à l’état d’acier, qu’ils
faffent repaffer l’acier à l’état de fer ; que la pouffière
de charbon & la plombagine employées de même
comme cémens, ne rendent pas la fonte plus traitable,
qu’elles ne fervent qu’à rendre l’acier caffànt,
ou même à le faire retourner à l’état de fonte ; la
correfpondance de ces effets me paraît très-propre
à en affurer les conféquences.
On aurait donc bien plus de raifbn de dire avec
le célèbre Ch. Meyer, que la fonte que l’on forge
pour la changer en fer , perd, dans cette opération ,
de fon phlogiftique ; de croire avec M. Rinman, que