
MM. de Laffone & Cornette font mention d’un
phénomène bien furprenant au fujet de cette concentration,
& qu’ils affurent avoir vérifié plufieurs
fois ; c’eft que fi l’on continue la diftillation après
avoir concentré l’acide, ou , ce qui eft la même
chofe, fi on diftille de l’acide.déjà concentré, les
dernières portions qui paffent dans le récipient fe
trouvent plus foibles. Ces favans académiciens ont
traité à la diftillation, dans une cornue bien fèche,
une livre d’acide vitriolique. d’Angleterre qui don-
noit 67 degrés au pèfe - liqueur de M. Baume; ils
a voient préparé quatre rècipiens pour recevoir tout
l’acide en quatre parties égales; ces quatre portions
examinées au pèfe-liqueur ont donné les réfultats
fuivans : « la première portion étoit plus foible, elle
3) ne donnoit plus que 66 degrés; la fécondé en don-
» noit 6 7 , la troifiïme 677 ; enfin la quatrième, de-
» venue plus légère, ne donnoit plus au pefe-li-
» queur que 66 degrés forts; la différence étoit fi
» fenfible, que 2 gros d’acide de la fécondé frac-
3> tion ont exigé 3 gros 5 2 grains d’alkali fixe pour
»> leur faturation complette , tandis qu’il n’en a
v fallu que trois gros 34 grains pour la faturation
3? d’une pareille quantité d’acide du dernier pro-
v duit ». {fiém. de V Acad, ann. 1781 , p. 650. )
MM. de Laffone & Cornette concluent de là
qufil eft un terme pour la concentration de l’acide
vitriolique; quêtant qu’il eft foible, il fuit la loi
générale de la concentration des acides, mais que
lorfqu’il eft parvenu à un certain degré de force,
il ne peut paffer outre, & devient enfuite plus léger :
& ils demandent fi on ne pourroit pas attribuer
cette légéreté à la préfence du feu dont il fe trouve pénètre.
Avant que d’admettre cette conclufion, il me
femble que le fait doit être de nouveau examiné,
& qu’en répétant l’expérience, il faut prendre avec
foin le poids abfolu des quatre produits féparés de
la diftillation ; f i, comme je le préfume, la fomme
de ces poids excède le poids de l’acide mis dans
la cornue, il fera aifé de juger que ce n’eft point
le feu ou la chaleur qui a pu produire une augmentation
fenfible de pefanteur; il fera démontré
que l’acide a réellement repris de l’humidité de l’air
athmofphérique ; on concevra facilement que cet
air a pu rentrer dans la cornue lors de la fubfti-
tution des rècipiens ; on concluera feulement de
la denfité décroiffante du dernier produit, que c’eft
fur là fin de l’opération que l’air humide eft attiré
plus puiffamment par l’acide, ou que le même volume
d’air rentrant produit un plus grand effet fur
une moindre quantité d’acide. Il n’y aura donc plus
ici d’autre phénomène que celui qu’avoit déjà ob-
fervé M. Baumé, que l’acide vitriolique, même
pendant l’évaporation fur le feu, perd de fa pefanteur
fpécifique, s’il eft en conta# arec l’air.
Comme il pourroit arriver que la perte de l’acide
en vapeurs fulfureufes fe trouvât affez confidérable
pour faire compenfation avec la portion d’eau ac-
quife, j’indiquerai dans ce cas un autre moyen
encore plus fur pour décider la queftion ; ce fero’t
de recevoir tous les produits dans un même récipient
portant une tubulure à robinet de verre, par
laquelle on feroit couler l’acide diftillé en autant
de portions féparées que l’on jugeroit à propos ,
fans être obligé de laiffer rentrer de nouvel air
dans l’appareil.
Je crois d’autant plus devoir infifter fur la nécef*
fité de ces expériences, que ce n’eft pas feulement
l’acide vitriolique , mais encore les deux autres
acides minéraux que MM. de Laffone '& Cornette
ont reconnu fujets à cette décroiffance de denfité
fur la fin de leur diftillation , lorfqu’on les prend à
un certain degré de force ou de concentration.
Avant que de finir fur cet article , je préfenterai
encore une réflexion qui peut fervir à eftimer
le degré de probabilité de l’hypotèfe propofée par
les deux favans académiciens pour l’explication de
ce phénomène. Si les derniers produits de la diftillation
de ces acides ne devenoient moins denfes
qu’à raifon du feu qu’ils contiennent, il ne feroit
que changer leur volume fans changer le rapport
de leur maffe ou poids abfolu avec la quantité d’acide
réel contenu dans an poids donné, puifqu’il
h’y a encore aucune obfervation de la pefanteur
fenfible du feu : 2 gros de là portion d’acide
vitriolique , ainfi raréfié par le feu, auroient donc
dû, par exemple, prendre pour leur faturation tout
autant d’alkali que 2 gros de la portion la plusdé-
flegmée ; or, nous avons vu que le contraire étoit
arrivé , qu'il avoit fallu pour les 2 gros du troi-
fième produit à-peu-près i l f t e d’aikali que
p«ur 2 gros du quatrième ; dès-lors il eft: évident
que celui-ci contenoit autre chofe que de l’acide
réel & du feu, & ce ne peut-être que l’eau qu’il
avoit reprife.
On trouve aujourd’hui dans le commerce, &
même à un affez bon prix, de l’acide vitriolique très-
concentré ; celui que j’ai tiré de la manufaélure de
Javel, pour mes expériences aéroftatiques, donnoit
66 degrés au pèfe-liqueur des fels de M.Baumé, ce
qui revient à peu-près à 1,848 de pefanteur fpé-
cifique.
Suivant Meyer, l ’acide vitriolique de Nordhau-
fen, quoique fumant, contient moins d’acide que
l’acide des fabriques angloifes, qui n’eft pas fumant;
mais tous les Chymiftes allemands ne font pas d’accord
fur ce point : M. Weigel donne au premier
une pefanteur fpécifique de 1,898, & au fécond de
1,8 51. ( Obfetv. chem. &c. part. 1 ,p. 5 6. ) M. Weber
a trouvé une différence encore plus confidérable,
puifqu’il lui a fallu 13 onces 7 d’alkali pour faturer
10 onces d’acide vitriolique allemand ,* tandis que
12 onces 7 du même alkali ont fuffi pour la faturation
complette de 10 onces d’acide vitriolique an-
glois.{Phyficalifch. chemifch. magasin.") Ce Chymifte
ne nié pas que l’acide vitriolique anglois ne puiffc
être porté au même degré de force & de concentration
que celui de Nordhaufen, mais il affine
qu’il ne peut jamais être mis en état A'acide vitriolique
glacial ou fumant. J’examinerai dans la fuite
d’où peut venir cette propriété particulière à l’acide
qu’on fabrique en Allemagne par la diftillation du
vitriol martial. M. Dollfufz, dont les expériences
me ferviront à répandre quelques lumières fur la
caufe de ce phénomène, dit avoir employé un acide
vitriolique de Saxe , dont la pefanteur fpécifique
©toit 1,95. Voye{ A C ID E VITRIOLIQUE FUMANT.
Enfin MM. Baumé & Bergman affurent que la
concentration de cet acide peut être portée au point
de pefer 17 gros dans une bouteille qui contient feulement
une once d’eau, c’eft-à-dire à 2,125 de pefanteur
fpécifique.
Mais ce 11’eft pas affez pour les Chymiftes de
favoir aujourd’hui jufqu’à quel degré cet acide peut
être déflegmé, ni de comparer d’une manière vague
& indéterminée les différens états de fa concentration
; on a commencé à fentir la néceflité de dofer
les principes dans les compofitions, & les avantages
que l’on pouvoit en retirer dans les analyfes &
dans le calcul des affinités; il faut donc indiquer
ici les moyens d’atteindre à cette précifion.
§ . IV. De la maniéré d’eflimer Vacide réel contenu
dans une quantité donnée d’acide vitriolique.
C ’eft au célèbre Kirwan que la Chymie doit la
méthode que je vais faire connoître ; & les confé-
quences qu’il en a tirées pour l’explication des phénomènes
des attrapions élePives font fi multipliées
& fi intéreffantes, que l’on ne peut donner trop d’attention
aux principes qui leur fervent de bafe. La
table que cet académicien a dreffée ne laiffe prefque
rien à faire pour jouir du fruit de fon travail, mais
elle fuppofe que l’on a déterminé d?abord avec précifion
le degré de concentration de l’acide; elle eft
fondée fur des expériences & des calculs qu’iljaut
apprécier : je vais m’occuper fuccelfivement de ces
deux point préliminaires.
I. Il feroit très-commode fans doute de pouvoir
prendre la pefanteur fpécifique d’un acide par la
feule immerfion d’un inftrument ; c’eft ce que
M. Baumé a cherché dans la conftruPion de fon
pèfe-liqueur des fels , & je ne veux .pas nier qu’il
ne puiffe être utile dans bien des occafions ; mais
il ne faut pas fe dilfimuler qu’il eft aufii très-éloigné
de l’exaPitude néceffaire à notre objet. Les degrés
de fon échelle font des divifions égales entre deux
points extrêmes, quoique le volume de l’inftru-
ment,& par conféquent du fluide déplacé, décrôiffe
à mefure que la denfité augmente. Je n’ai pas be-
foin d’en dire davantage pour mettre dans le cas d’apprécier
le principe de fa conftruftion.
L’aréomètre ou pèfe-liqueur propofé par
M. Briflon eft bien plus jufte, puifqu’il eft gradué
par l’obfervation même des poids ; mais l’auteur
convient que l’exécution en eft fi délicate, qu’elle ne
peut etre confiée à des ouvriers,
Chymie. Tome J,
Le pèfe-liqueur d’Homberg eft d’un ufage très-
incommode, quand les tubes deftinés à introduire
les liqueurs & à laiffer fortir l’air font très-capillaires
; il devient équivoque quand on prend une
fiole dont le col foit un peu large ; dans tous les
cas il exige l’appareil d’une balancé très-fenfible &
des poids exads.
II n’y a donc • réellement que le pèfe - liqueur
de Farenheit qui puiffe être approprié ^ ces expériences;
le volume du liquide qu’il déplace étant
conftammentle même, les poids que l’on ajoute
dans le baflin fupérieur pour faire defcendre l’instrument
au même point, donnent néceffairement
des rapports exads de denfité ; la feule perfection
que l’on put y defirer étoit que cet inftrument
devint comparable fans calcul, en lui donnant
toujours un volume & une pefanteur tels
que les poids additionnels fourniffent eux-mêmes
l’expreflion numérique des rapports de denfité ;
tels font les pèfe-liqueurs dont je me fers maintenant,
& dont je ne puis trop recommander l’u-
fage. Les unspèfent & déplacent 1000 grains d’eau
diftillée à la température de 10 degrés du thermomètre
, les autres mille demis, d’autres mille
quarts de grain , pour pouvoir opérer fur de petites
quantités ; ceux qui font deftinés pour les
acides ont d’avance lin poids additionnel connu ,
réuni à leur left. Les premiers m’ont été donnés
par M. de Gouvenain, qui s’occupe depuis longtemps
de cette matière , & qui rendra un vrai
fervice aux phyfîciens s’il achève les tables qu’il
a commencées pour rapporter à l’ufage de cet
inftrument les obfervations de la différente dilatabilité
des liqueurs dans les diverfes températures,
A in fi, lorfque je veux prendre la denfité d’un
acide vitriolique concentré , j’y plonge un de ces
pèfe-liqueurs, qui déplace , par exemple, mille
grains d’eau diftillée f & dans lequel j’ai déjà fait
entrer 500 grains de mercure, comme poids additionnel
, pour le maintenir dans une fituation
perpendiculaire; je charge pour lors le baffm d’autant
de grains & de fraélions de grain qu’il eft
néceffaire pour le faire defcendre au point marqué
fur la tige; & s’il faut pour cela 212 grains
je vois tout defuite que la denfité de cet acide
eft à celle de l’eau :: 1712 { : 1000, ou bien::
1 ,7 12 3 7 5 :1 .
On objeftera peut-être la difficulté de donner
en même-temps à ces aréomètres un volume &
un poids déterminés, & il eft bien certain que
les ouvriers n’y réufliffent pas du premier coup ;
mais j’ai l’expérience qu’avec un peu d’intelligence
& d’attention, ils en acquièrent bientôt la pratique
; c’eft au furplus tout ce que l’on peut chercher
dans la perfe&ion d’un inftrument, qu’en
prenant un peu plup &e temps à celui qui le façonne,
il en épargne beavcopp à celui qui s’en
lertv
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