fte viennent que dans l’ordre des eonféquences.
Ainfi, quand la Chymie aura achevé la révolution
qu’elle a fi heureufemerit commencée, que fa lumière
aura pénétré avec le temps jufque dans ces
laboratoires , (où l’on ne connoît. encore que les
formules des anciens , la marche de celui qui voudra
expliquer la ihature , & développer les propriétés
de Y acide nitreux fera moins timide & moips
incertaine.
Il fixera d’abord l’attention fur le principe le plus
fimple , quoique déjà d’un ordre de. compofition
très-avancé ; c’eft la bafe aeidifiable , ou pont mieux
dire le principe radical de Y acide nimux, & il le
fuivra dans toutes fes furcompofitionT
Il confidérera fucceffivement fes combinaifons
les plus effentielles , 8c en formera le tableau fuivant
;
Le radical nitreux o nï au pfrlogifticjue forme légat nitreux.
. ■ {
ll’’aeiaru v. ital. "1 , . ; .J^ l ’acide nitreux.
1
ll’’aeiaru v.ital, le phlogiftique.
L Vacide nitreux
f fblogiftiqué.
l’àîr vital,
la potafïe ƒ* le nitre.
B
■ l’air vital. 1 l’eau,
la porafle,
le phlogiftique. ,
f U nitre phlOr
f g i f im i .
Et de cette fimple expofition naîtra l’explication
de tous les phénomènes que préfente ce principe
modifié par fes diverfes comportions.
Mais cette fynthèfe pourroit être prife par quelques
uns pour un dé ces romans phyfiques , qui
dans ce fiècle philôfophe ne peuvent fervir .qu’à
amufer ceux pour qui croire en autant que favoir,
& qui apportent plus de foi que de jugement à
l’école de celui qu’ils ont pris pour guide. Laif-
fons donc au leéleur la liberté de revenir de lui-
même à ce tableau, après qu’il aura faifi la liaifon
des: faits qui en forment la bafe , & reprenons la
méthode analytique,
§. J. Du temps ou cet acide a été connu,
U acide nitreux, que l’on nomme auffi eau forte,
efprit de nitre, a été placé parmi les acides minéraux
, après l’acide vitriolique ; c’eft-à^dire le fécond
dans l’ordre de puiffançe : on le tire du nitré ou
Salpêtre.
On n’a pas toujours été' d’accord fur la queftion
de favoir fi le nitre à été connu dès anciens :
plufieurs ont foutenu que le nitrum de Pline étoit
le même fel que notre .falpêtre ; mais M. Michæli
a fait voir que ce n’étoit qu’un al k ali minéral plus
ou moins groffier , & en effet il fuffit de jetter un
coup-d’oeil fur la defeription qu’en fait ce naturalifte
ppur juger qu’elle ne peut convenir au nitre
des modernes ; il n’en faut pas d’autre preuve que
les deux paffages fuivans : Uritur in teflâ opertum ne
' exfultet , alias igni non exjüit nitrum. . . . Cal ni-
trum.fulphuri concoflum in lapidem vertitur {Pline,
; liv. ai.') Ce qui a pu fonder la première opinion,
c’eft que Pline parle auffi d’un nitre travaillé, qui
venait des niyières d’Egypte : Niiriarict Egypti
circa naucratim & Memphim, & qu’il eft très-certain
que le nitre fe trouve en plufie.urs endroits de
l’Egypte, tant dans les lieux fecs ou le Nil riarrive
pas, (dit M. Galland1, journ. des favans, 1685 »
pag. 177. ) que dans ceux oit il arrive par fes inondations
; de forte que non-feulement il ne fer oit
pas étonnant que le fel transporté des' niirières
d’Egypte eût été du vrai nitre, comme celui dont
on fait aujourd’hui la poudre à canon -, mais même
que l’on doit être furpris que ce fel, qui fe formoit
alprs comme aujourd’h u i, qui blancliiffoit la terre
par fon efflorefcence, à la faveur des fécherefies
continues de ce climat, ne fe foit pas fait diftin-
guer par quelques-unes de fes propriétés caraélé-
riftiques. Cependant comme Pline ajoute en parlant
du fel même de ces ci tri ères : Faciunt ex his
vaja, nec non fréquenter liquatum cum fulphure co-
queutes in carbonïbus, tout Ce que l’on peut juger
de ce récit, c’eft qu’il n’a pas connu le vrai nitre,
& qu’il n’a parle de ces fels venant de l’Egypte
que d’après^ des rapports auffi peu exâéls que Ceux
: que nos livres de Chymie ont long-temps copié fur
le borax venant des Indes.
Ce qu’en dit Agricola n’eft pas plus clair ; il copie
les paffages de Pline dans fon livre de la nature
| des foffiles• dans fon traité des métaux, il trace
! d’imagination lesnitrières du Nil à-peu-près comme
| nos marais falans, taies ejfe conjicio ; & en parlant
S dès fels employés pour la vitrification, il le met
J fur le même rang que le fel blanc fûffile tranfpa-
■ rent & le fel des cendres ; ce qui femble indiquer
plutôt le natron que le falpêtre. On ne peut voir
fans étonnement la confufion de ces fels dans un
auteur qui écrivait au commencement du feizièmé
-fiècle, puifqu’on affure que PtixiholàeSchwan^ avoit
enfeigné aux Vénitiens , en 138a, la compofition
de la poudre à canon ; puifque dans les regiftres de
la chambre des comptes de Paris en 1338, il eft
fait mention de fommes paffées dans le compte de
Barthélémy Drafih^ tréforier des guerres pour les
poudrés nècejfaires aux canons ( Ducang'e , du mot
bombarde ) , & même que dès l’an 1621 Roger Bacon
avoit écrit que l’on pouvoir imiter le tonnerre par
un mélange de nitre , de foufre & de charbon. C’eft
ainfi qu’avant l’invention de l’imprimerie, il falloît
des fiècles pour répandre la. connoiffance des faits
les plus propres à produire fur les fens une impref-
fion ineffaçable.
On fait honneur à Bafyle Valentin de la première
diftillation de Y acide nitreux, auquel cependant
il ne donna que le nom d’eau du nitre, quoiqu’il
l’eût retiré , en mettant dans la cornue ,wi
mélange de ce fe l, avec trois parties de terre a
potier. Cependant Raymond Lulle avoit fait , longtemps
auparavant, cette opération. Glauber eft le
premier qui ait employé l’acide vitriolique pour
obtenir cet acide plus concentré.
Toutes lès fois que k Chymie eft parvenue à
recueillir féparément un des principes de quelque
Cômpofé , on n’a pas manqué de dire que c’étoit
un produit de l’art; Schelhamer foutenoit encore
en 1709 ( de nitro cum veterum tiim noflro commen- ,
tatio ) que Y acide nitreux n’exiftoit pas dans le nitre,
que l ’analyfe chymique par laquelle on le rétiroit
de ce fel, le produifoit par l’aétion de la violence
du feu. Plufieurs difent la même chofe aujourd’hui
des acides faccharin , febacé, & c . , & quand on
n’ofera plus le dire de ceux-ci, parce que l’identité
du principe prééxiftant aura enfin été rendue
trop palpable par la variété des procèdes appliqués
pour le rendre libre, on tiendra le même langage
à propos de quelque découverte plus récente. 11
femble que ceux qui ne peuvent fuivre les autres
dans la carrière , jettent des doutes pour rallentir
leur marche ; s’il eft quelquefois raifonnablè de
douter, le doute n’eft ai*ffi le plus fou vent qu’une
manière de parôître favant, qui concilie les intérêts
de l’amour-propre' & ceux de la pareffe.
Après avoir jette un coup-d’oeil fur l’hiftoire de
la découverte de Y acide nitreux, je paffe a l’expo-
fidon des procédés que l’on emploie aujourd’hui
pour l’obtenir.
Le nitre fe trouvant abondamment dans le commerce,
ce fel eft la matière première de l’opération ;
mais il convient d’indiquer ici la manière dont on le
prépare pour mettre fur la voie de juger de fon
«rigine &. de fa qualité,
II. Des lieux oit fe trouve le nitre.
Le nitré que l’on tire encore aujourd’hui des
Indes en fi grande quantité, fe trouve probablement
raffemblé par la nature en plus grande maffe ,
&. exige moins d’art & de travail que celui qu’on
fabrique en Europe. Schelhamer affure qu’en 1706
la flotte de la compagnie des Indes en apporta ,
en Hollande , 2175870 livres. Si on en croit quelques
voyàgeurs, les Indiens n’emploient jamais
de cendres dans leur fabrication ; ce qui annonce
tm nitre tout formé à bafe alkaline, pareil à Celui
que nous trouvons auffi, mais moins abondamment,
fous la forme d’une- efflorefcence cryftalline, &
que l ’on nomme nitre de houjfage. On l’apperçoit
à la fürfâce des terres en friches comme du givre
ou une neige légère. Les naturels du pays détrempent
ces terres dans dès foffes où ils attirent l’eau ;
quand ils la jugent affez chargée, ils la tranfpor-
tent dans une autre foffe où ils la laiffent fe concentrer;
ils la font enfuite bouillir dans des chaudières,
& la mettent dans des pots de terre où
fe forment les cryftaux.
Il n’y a pas long-temps que M. Dombey a ob-
fervé ,. fur les côtes de la mer pacifique près de
Lima, fur les terres qui fervent de pâturage, 8c
qui ne produifent que des graminées, une grande
quantité de falpêtre que l'on auroit pu ramajfer aves
la pelle, Ce naturalifte remarque à ce fujet qu’il ne
pleut jamais à Lima. {Journ, phyf tom. X V 3 p.
212).
M. Talbot Drllon rapporte dans fon voyage
d’Efpagne que le tiers de toutes les terres, & dans
les provinces méridionales, toute la pouffière des
chemins contiennent du falpêtre tout formé ; que
pour -l’obtenir, les habitans labourent la'terre près
des villages, deux ou trois fois pendant Fhyver 8c
dans le printemps ; qu’au mois d’août ils la mettent
en tas de vingt ou trente pieds de haut, qu’ils en
rempliffent enfuite une, rangée de vaiffeaux de
forme conique & percés au fond, dont ils couvrent
l’ouverture avec de^ l ’herbe, afin que l’eau qu’ils
y verfent filtre plus lentement; qu’ils font évaporer
ces îeffives dans des chaudières, 8c les placent
dans des baquets pour la cryftallifation , après
qu’ils en ont féparé environ^ de fel commun
précipité pendant lebulllition ; quelquefois ils couvrent
leurs vafes coniques d’un peu de cendres,
mais le plus fouvent ils n’en emploient point; ce
qui fait dire à ce voyageur, ainfi qu’à M. Bowlés ,
que TEfpagne feule pourroit fournir le falpêtre à
l ’univers fans le fecours d’aucun alkali.
L e nitre une fois- formé., étant en état de refiff
ter à la décompefition tout auffi bien que le fel
commun , il femble qu’il devroit s’en trouver plus
fréquemment, & même affez abondamment, dans
les eaux qui ont lavé & traverfé des terres falpê-
trées ; la vérité eft cependant que jufqu’à préfent
ce fel ne s’y eft rencontré qu’en très-petite quantité.
M. Scopoli , dans fés notes fur le diélionnaire
deM.Macquer , (article nitre') cite une fontaine,
lituée au pied de la montagne fur laquelle eft bâti
le château de Bude en Hongrie , qui jette par heure
cent livres de nitre tout formé. Quand ce fait,
qui n’eft encore connu que par l’analyfë que l’on
a publié de ces eaux, feroit parfaitement vérifié;
ce phénomène unique ne fuffiroit pas pour démentir
l’obfervation générale.
Le nitre que l’on fabrique en France, fe tire
des terres que l’on cherche dans les lieux couverts
un peu humides , voifins de l’habitation des
hommes & des animaux,; où l ’on juge que le nitre
a pu fe former, & fur-tout qu’il n’a pu être redif-
fous & entraîné par les eaux. Quand il eft un peu
abondant, il s’annonce toujours par une légèré
efflorefcence. On reconnoît auffi les terres falpê-
trées à la faveur falée fraîche qu’elles font fur là
langue.
Les maffes calcaires poreufes & peu compares
fe chargent volontiers de ce fel ; M. le duc dè la
Rochefoucault l’a trouvé dans les montagnes de
craie de la Rocheguyon entre Mantes & Vernon,
mais feulement dans les cavités ou à la furface ;