
par la potaffe méphitifée, laiffoit de la terre calcaire
libre , & qu’ainfi il étoit compofé effentielle-
' ment d’un acide particulier & de calce, tenant accidentellement
un peu d’alumine & de fer.
Il faut préfentement faire connoître le procédé
par lequel on retire cet acide ; j’expoferai enfuite
les objeétions que l’on a faites contre les qualités
fpéeifiques qui en font une fubftance propre, de
fon genre ; les différons fyffêmes que l’on a pro-
pofés fur la nature de là terre qui-le produit dans
cette opération , & les expériences qui me pàroif-
• fent devoir trancher aujourd’hui toutes ces difficultés.
Pour obtenir Y acide fluorique , on commence par
réduire en poudre très-fine du fpat fluor le plus
pur que l’on peut fe procurer ; le fluor verd , qui
n’eft coloré que par un peu de fe r , eft aufli bon
& plus commun que celui qui eft fans couleur; je
le préférerois fur-tout au fluor violet foncé , qui
étant coloré par la manganèfe, pourroit agir lur
la cornue & hâter fa’deftruéfion.
On pulvérife plus aifément le fluor après l’avoir
calciné : cette opération fe fait en un creufet couvert
, parce qu’autrement il s’en perdroit beaucoup
par la décrépitation. M. Buccholz a remarqué que
douze onces de fluor minéral blanc , feulement taché
de verd , avoient perdu i once §; de leur poids
pendant .cette calcination. M. Schéele dit au contraire
que trois onces de fluor mifes ainfi à décrépiter
, n’avoient pas éprouvé une perte fenfible ;
mais ces deux obfervations fe concilient très-bien,
en ee que M. Schéele avertit que le fluor qu’il employa
à cette expérience avoir été précédemment
chauffe, au point de n’être plus phofphorefcent.
Le fluo'f calciné a perdu à plus forte raifon toute
fa phofphorefcence,& ne peut plus la recouvrer* lors
même qu’il eft ftratifié avec la poiifîière de charbon,
& expofé au foleil ; le fluor non coloré refte blanc,
le verd devient rougeâtre.
On met dans une cornue de verre un peu épaiffe
huit onces de ce fluor bien pulvérifé, On y introduit
, par le moyen d’un tuyau de verre, pareille
quantité d’acide vitriolique concentré ; on place la
cornue fur un bain de fable , on y ajoute auffitôt
un récipient dans lequel on a mis auparavant huit
onces d’eau diftillée ; on lutte le plus exactement
qu’il eft poflible, & même on recouvre le lut de
chaux ou de plâtre délayé dans le blanc d’oeuf, avec
une bande de toile, comme pour la diftillation de
l’acide muriatique.
Onobferve , à l ’inftant même du mélange, une
chaleur fenfible, les vapeurs rie tardent pas à fe
dégager ; ' elles obfcurçiffent la cornue , ayant
qu’elle foit placée fur le feu; on fent une odeur,
qui reffemble à celle de l’acide muriatique.
Le feu doit être conduit très - doucement dans
çette opération, non-feulement pour donner le
temps aux vapeurs très-élaftiques de fe condenfer ;
mais auffi parce qu’en s’élevant trop rapidement,
ces vapeurs pourroiem emporter avec elles, même
jufques dans le récipient, une portion de fluof lion
décompofé.
Ces vapeiirs forment un gas acide dont nous
examinerons ailleurs les propriétés. Voyeç G a s
ACIDE FLUORIQUE.
A mefure que la diftillation avance,' la cornue
fe couvre intérieurement d’une matière Manche,
& il fe forme une croûte pareille à la furface de
l’eau du récipient. On augmente le feu par degrés
jufqu’à faire rougir obfcurément le fond de la
cornue.
Les vaifleaux réfroidis, on trouve dans le récipient
une croûte terreufe blanche, on la fépare
de la liqueur, par le filtre , & cette liqueur eft
Y acide fluorique condenfé & délayé dans l’eau que
l’on y a mife.
On trouve au fond de la cornue une mafle
pierreufe, & les parois intérieures de ce vaiffeau
font corrodées dans toute fa capacité.
Vai füivi dans ce procédé les proportions de fluor
& d’acide vitriolique qu’indiquent MM. Schéele &
Buccholz ; il eft vrai que M. Bergman n’emploie que
moitié d’acide vitriolique, & qu’il avertit qu’à quantités
égales, il peut arriver qu’il fe volatilife une
portion de fluor non décompofé, que la cornue
foit percée fi elle eft mince, & qu’il pafle dans le
récipient un peu d’acide vitriolique ; mais M. Bergman
fuppofe : i que l’on traite le fluor fans l’avoir
précédemment calciné ; 2°. que l’acide vitriolique
eft très-concentré, ce que {je ne crois pas né-*
ceflàire ; l’acide au degfé de concentration ordinaire
étant tout aufli bon pour l’objet qu’on le
propofe dans cette opération , pourvu qu’il foit
blanc & non phlogiftiqué : au refte, on ne rifque
rien de diminuer la dofe de l’acide vitriolique lorf-
qu’il ne s’agit que d’obtenir Y acide fluorique pur, &
non de décompofer entièrement le fluor.
Les auteurs varient encore fur la quantité d’eau
à mettte dans le récipient. M. Buccholz n’en met
que 2. onces, pour 3 onces de fluor , M. Bergman
recommande d’y mettre autant d’eau , que
l’on a mis de fluor dans la cornue ; on ne doit
pas héfiter d’adopter le piocédé deM. Bergman,
parce qu’il vaut mieux avoir Y acide fluorique un
peu plus délayé &plus pur; nous verrons d’ailleurs
que l’eau n’eft pas moins néceffaire , pour fervir
d’excipient à l’acide gafeux , que pour précipiter
la terre.
Cette obfervation a donné lieu à deux queftions
très - importantes , qu’il faut réfoudre pour avoir
une entière connoiflance de ce qui fe pafle dans
cette opération, & pour pouvoir déterminer la
vraie nature de fes produits.
i ° . La première queflion eft de favoir, f l la. liqueur
du récipient ejî véritablement un acide nouveau
, d'un genre particulier. M. Schéele n’avoit pas
héfité de l’affirmer, lorfqu’il eut vu qu’en le combinant
avec les diverfes bafes terreufes, alkalines
& métalliques , il eu réfultoit des fels très - différent
rens âs tou3 les fcîs connus, Cependant cela n’a
pas empêché deux Chynuftes de foutenir , lun
que cet acide n’étoit autre chofe que l’acide muriatique
intimement uni à quelque fubftance terreufe;
l’autre que.c’étoit de l’acide vitriolique volatilifé,
par 1e moyen d’une combinaifon particulière avec
le fpat fluor.
La première de ces opinions fut annoncée dans
lin ouvrage publié en 1773 » & us Ie nom M-
Boullanger. Elle étoit fondée principalement fur
ce que Y acide fluorique précipitoit l’argent & le
mercure de leurs diffolutions , qu’il formoit du rnu-
riate d’argent & que fi on traitoit à la fublimation
le précipité de la diflolution de mercure, on obte-
noit un vrai muriate mercuriel doux. M. Schéele
a donné la folution de toutes, ces objections, dans
les aétes de l’académie de Stockolm, pour 1780.
Ce célèbre Chymifte ne nie pas que Y acide fluorique
ne précipite l’argent & le mercure ; il l’avoit
lui - même annoncé dans fon premier mémoire ;
mais il foiitient que cette précipitation, toujours
très - peu confidérable , n’eft due qu’à une portion
d’acide muriatique qui s’y trouve accidentellement,
parce que le fluor, ainli que les autres minéraux
formés de calce, récèle communément un peu de
fel commun ; il le prouve de la manière fuivante :
il précipite l’argent de fa diflolution nitreufe par
la potaffe; ce précipité bien édulcoré ; il le fait
digérer dans Y'acide fluorique ; il filtre la liqueur, qui
eft une diflolution fluorique d’argent & fe fert de
cette même diflolution, pour purifier Y acide fluorique
de tout acide muriatique étranger, de la même manière
que l’on fe fert delà diflolution nitreufe d’argent
pour obtenir l’eau forte précipitée. Cela fait, il filtre
la liqueur, il la diftille dans une cornue jufqu’à ficcité,
l’acide qui pafle dans le récipient ne donne plus
les moindres traces d’acide muriatique. Il eft donc
bien démontré que cet acide eft d’une nature toute
différente, puifqu’il ne faut qu’une ftmple reâifi-
cation, pour lui faire perdre tous les cara&ères
qui pouvoient établir quelque reffemblance.
Je ne veux pas omettre que M. Abilgaard,
avoit de même annoncé dans les aétes de Coppen-
hague de 17 77, que Y acide fluorique, mêlé à l’acide
nitreux pur, diffolvbit l’or ; mais cet auteur
ne dit pas qu’il ait employé un acide fluorique rectifié
, dés - lors fon obfervation n’eft pas plus concluante
que la précipitation de l’argent ou du mercure
; i l a même la bonne-foi d’avertir^ qu’il n’y
eut diflolution que d’une petite quantité ', il ne faut
pas chercher d’autre preuve que la plus grande partie
de l’acide obtenu par la diftillation du fly o r ,
n’eft pas de l ’acide muriatique.
La fécondé opinion a été défendue par MM.
Prieftley, Achard, &c. Mais M. Monnet eft le premier
qui l’ait propofée, & celui qui l’a le plus
fortement appuyée ; il ne fe borne pas à nier
l’exiftence d’un .acide particulier dans le fluor ;
il révoqué en doute, jufqu’à la préfence de la
terre calcaire dans ce minéral j cependant il fuffit
Chymie» Tom. /.
de lire le compte qu’il a lui-même rendu de fes
expériences pour fe convaincre non - feulement,
qu’il n’a rien prouvé, mais même qu’il n’a pas pris
les moyens que l’art lui indïquoit pour réfoudre
les-queftions qu’il élevoit, ainfi que M. Macquer.
le lui a déjà très - juftement reproché. Je me gar-’
derai bien d’entrer dans aucune difeuflion à ce fu-
j e t , mais je dois completter les preuves de l’exactitude
de l’analyfe du fluor ; celles que m’offre M.
Schéele dans fa réponfe à M. Monnet,ne laiflent rien
à défirer. Pour n’avoir pas à revenir fur le même
fujet, j’y réunirai quelques obfervations relatives,
publiées par d’autres Chymiftes.
U acide fluorique peut être dégagé de fa bafe par
les acides nitreux & muriatique ; il jouit alors des
mêmes propriétés que celui qui a été dégagé par
l’acide vitriolique, ce dernier n’eft donc pas eflen-
tiel à fa compofition. L'acide fluorique eft à la vérité
mêlé dans cette opération d’une portion d’acide
nitreux ou muriatique qui a pafle avec lui ;
mais on ne peut les confondre avec l’acide vitriolique.
M. Schéele avertit que ces acides doivent-
être délayés, afin que l’affinité de l’eau avec Vacide
du fluor décide fadécompofition. M. Bergman recommande
d’employer quatre fois autant de ces acides
que de fluor. Le fluor donne le même acide lorf-
qu’on le décompofé par l’acide arfenical, & par
l’acide phofphorique.
Enfin, M. Abilgaard affure avoir retiré de la
diftillation du fluor avec l’acide boracin , un. acide
abfolument femblable à celui qu’on en obtient par
l’acide vitriolique.
M. Schéele a diftillé fur une once de fluor pulvérifé
3 onces d’acide vitriolique & a pouffé le feu
jufqu’à ce qu’il ne paflàt plus rien; il a fait bouillir
le réfidu avec la quantité de potaffe, exactement
déterminée, que 3 onces du même d’àcide vitriolique
avoient exigé pour leur faturation précife ,
la-liqueur filtrée fe trouva parfaitement neutralifée,
c’étoit une diflolution de vitriol de potaffe ; l’acide
vitriolique n’avoit donc pasfervi à former l’acide
qui avoit pafle dans le récipient.
L'acide fluorique ne regénère pas le fpat pefant
dans les diffolutions barotiques, il ne trouble pas la
diflolution nitreufe de plomb; il ne don ne point d’hé-
par, lorfqu’on le traite avec le charbon, après l’avoir
laturé de potaffe ; ce n’eft donc pas de l’acide vitriolique.
La nature calcaire de la bafe du fluor eft prouvée
par la félénite que l’on trouve dans la cornue
quand on l’a décompofé par l’acide vitriolique ;
parce que le fluor diflous dans l’acide nitreux donne
un précipité féléniteux par l’addition de l’acide
vitriolique, un précipité calcaire par l’addition de
l’akali fixe cryftallifé ; & par ce qu’en faturant
Yacide fluorique de terre calcaire, on obtient un
vrai fluor minéral régénéré. Il eft même facile
d’en féparer dire&ement cette terre ; il fuffit de le
faire fondre dans un creufet , avec 4 parties de
potaffe méphitifée; la maffe fondue dans l’eau laiffe.
M