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troifième exerce fur l’une d’elles une aCtion qui déplace
l’autre. Cette dernière confidératiôn ajouterait,
s’il en étoit befoin , aux preuves que j’ai raffemblées ,
que l’affinité ne peut dépendre d’une loi particulière
pour le contad : c a r , dans cette fuppofition , il'fo-
roit tout aüffi impoffible qu’un élément pût être fé-
paré d’un autre par l’affinité d’un troifieme, qu’il
èft impoffible que le même point foit actuellement
en contaCt avec deux points, ou , ce qui eft la
même chofe, que la même place foit occupée par
deux corps.
On ne doit donc plus héfiter de dire avec le célèbre
Macquer, que la doCtrine des attrapions'eil
la véritable clef des phénomènes les plus occultes de la
Chymie. Quand fon application aux affinités ne ferait
pas auffi direCte , on devroit toujours fe garder
de confidérer ces recherches comme plus curieufes
qu’utiles ; s’il faut des fiècles pour mûrir les fruits
des vérités que nous connoiflons, il y a fans doute
de la témérité à juger d’avance les fruits de celles
qui ne font pas encore en notre poffeffion.
” 0. I I I . Des différentes manières de confidérer les
affinités,
' Il y a en général deux manières de confidérer les
affinités ; car, ou l’on s’applique à trouver les rapports
d’affinités de plufieurs corps, ou on cherche feulement
à reconnoître & à diftinguer les produits des
affinités pour claffer, en quelque forte , les effets qui
en réfultent. I l paraîtrait dès-lors affez naturel de
les envifager d’abord fous le premier point de v u e ,
puifqué ce n’eft que par ces rapports que l’on peut
rendre raifon des phénomènes } mais cette partie de
la Chymie n’eft point encore affez avancée pour la
faire fervir d’introduCtion à l’expofition des faits ’y
ceux-ci doivent au contraire préparer à l’intelligence
des difcuffions dans lefquelles je ferai forcé d’entrer,
pour" apprécier les divers fyftêmes fur cette matière
importante & difficile. Commençons donc par indiquer.
les divifions méthodiques auxquelles a donné
Beu la confideration des divers produits des affinités.
P r e m i è r e S e c t i o n .
Divifiott des affinités relativement à leurs effets,
Les Chymiftes diftinguent communément Faffinitê
d’aggrégation, l’affinité de compofition, l’affinité de
diffolution, l’affinité de décompofition, l’affinité de
précipitation, l’affinrté fimple, l’affinité double, Faf-
ffnité compliquée , l’affinité par intermède, Faffinitê
difpofêe & Faffinitê réciproque : plufieurs de ces divifions
font oifeufes, nous n’en retiendrons que quatre,
dans lefquelles on fera rentrer facilement toutes les
autres,.& qui embraffent par conféqnent tout le
fyftême.
I. La première eft Vaffinitédéagrégation; elle n’a Eeu
qu’eiure des molécules de même nature ; elle ne fok
qu’augmenter la maffe fans produire de combinaîfbn
nouvelle. Ainfi, quand on mêle de l’eau à l’eau, de
l’huile à l’huile , du mercure au mercure, c’eft l’affinité
d’aggrégation qui fait que de ces portions additionnelles
il réfulte un tout homogène, qui jouit
abfôlument des mêmes propriétés que chacune de
ces portions féparées, & qui oppofe enfin à la di-
vifion de l’aggrégat la même réfiftance qu’auroit
oppofé chacune des parties intégrantes qui ont contribué
à le former, fi on eût voulu diminuer la
maffe au lieu de l’augmenter. On pourrait donc
dire n<3n-feulefhent qu’il n’y a dans ce cas qu’une
attraction de cohéfion , mais encore qu’il n’y a
pas proprement affinité , puifque cette dénomination
eft réfervée à l’attraCtion des molécules de nature
différente ; cependant je ne vois point d’inconvénient
à fe conformer fur ce point a l’ufoge , d’autant
plus qu’à parler ftriâement, l’aggrégation qui
procède bien de la même caufe que la cohéfion, qui
eft un effet très-analogue à la cohéfion, n’eft pourtant
pas la cohéfion elle-même, puifque celle-ci fup-
pofe une union confommée , tandis que la première
exprime une tendance à l’union. D’ailleurs, 1 aggre-
gation proprement dite n’auroit lieu , fans affinité,
que pour les fubftances actuellement fluides , qui n’ont
à recevoir aucune autre matière pour les difpofer a
un plein contaCt. Il eft bien certain que, pour former
un feul aggrégat de deux petites mafles de métal
ou de fe l, il faut commencer par relâcher la force
de cohéfion de leurs molécules, par rendre ces molécules
équipondérables avec quelque fluide , tel
que le fou , l’eau, &c. en un mot, par les diffoudre,
ce qui ne peut fe faire qu’en vertu de l’affinité d’un
diffolvant avec les matières à diffoudre , ou même
de l’affinité de l’une des maffes diffoute avec celle
qui eft encore folide. L’habitude fouvent inconfi-
dérée, mais auffi quelquefois indifférente, de faire
abftraCtion des matières, qui, comme le feu & l’eau,,
déterminent les eombinaifons par la condition de
la fluidité, nous ramène donc également à confidérer
la plupart des aggrégations comme les produits,
de l’affinité. Je ne voudrais pas néanmoins qu’à
l’exemple du célèbre Macquer on en f it une efpèce
de Y affinité fimple ; car , s’il eft convenu que 1 affinité
double fuppofe le concours de quatre fubftances différentes
, il faut fans doute mettre un peu plus d’intervalle
entre elle & l’affinité d’un feul corps avec
lui-même ; & ce forait fàvorifer une confùfion déjà
trop frequente , que de la défigner fous, le nom-
d’affinité fimple*
II. Lyaffinité de compofition eft celle qui,unifiant dès.
fubftances de nature différente, fimples ou compo-
fées, donne F.être à un compofé ou. fur-compofé
nouveau, qui en forme un toiit homogène, un af-
fomblàge fur lequel les forces méchaniques ne peuvent
rien , que l’affinité foule pourra détruire, & dont
les propriétés, toujours caraCtériftiques font fouvent
étrangères, quelquefois même contraires à celles des
parties comp ©fontes,
’ Que Fon mette de l’or dans le mercure, il perdra
bientôt fa forme, fa couleur, fa folidité, fa pefan-
teur fpécifique $ on ne trouvera plus qu’un amalgame,
t ’eft-à-dire, un compofé qui n’eft plus ni or , ni
mercure ; qui a moins de denfitè que le premier,
& plus que le fécond ; qui n’a plus ni-la folidité
d e fu n , ni la fluidité de l’autre. On obforvera -les
mêmes changemens en mettant de la potafle dans
l’eau, de la réfine dans l’alcohol. En faifant fondre
enfemble du fouffe & de l’argent, on obtient un'
compofé qui né s’allume pas comme le foufre, qui
n’eft point duCtile comme l’argent , qui n’a plus rien
de l’inflammabilité du foufre , de la duCtilité ni
même de la diffolubilité de l’argent. A la vérité on
eft obligé, dans ce dernier cas,, de foire intervenir
la matière de la chaleur, pour fàvorifer l’union &
mettre en jeu les ^affinités qui la produifent ; mais
j’ai déjà averti que la fluidité étant une condition
effentielle, il devenoit le plus fouvent néceffaire de
foire abftr4aCtion de la matière qui la procure : en
effet, la chaleur que l’on applique dans la fufion de
l’argent, n’opère autre chofo que de le mettre dans
le même état où fe trouvent le mercure & l’eau à
la température ordinaire de notre athmofphère. Il n’y
a donc, dans les divers exemples que j’ai indiqués,
aucune différence effentielle relativement à l’objet
dont il s’agit ; c’eft un principe que j’aurai encore
plus, d’une fois occafion de rappeller , ou plutôt que
l’on ne doit jamais perdre de vue dans la recherche
des affinités.
L’affinité de compofition eft le grand infiniment
de toutes les opérations de la nature & de l’a rt, &
non pas feulement un inftrument de fynthèfe, comme
on pourrait être tenté de le croire par cette expref-
fion , mais encore l’inftrument & l’inftrument unique
de toute analyfe } car la nature n’a pas de force
pour féparer, pour éloigner, elle n’en a que pour
approcher & unir. Cette vérité^ qui foit la bafe de
tout le fyftême que j’ai cherché à établir dans le
commencement de cet article, reçoit ici une foule
d’applications bien propres à la mettre dans un nouveau
jour. U fera bon d’en rapporter quelques
exemples pris dans la dafle des faits les plus fimples
& à portée de l’intelligence de ceux mêmes qui
ne font pas initiés dans la fcience des eombinaifons.
Le cinabre eft un compofé naturel de foufre &
de mercure ; pour avoir un de ces corps féparé,
on ne cherche pas une fubftance qui repouffe l’autre,
on n’en trouverait point, fi elle devoit en même
temps remplir la Condition de les laiffer tous les
deux ifolés; & fans cette condition on travaillerait
contre fon objet. On choifit donc au contraire une
matière qui puiffe s’emparer de l’un de ces corps,
qui ait, par exemple, plus d’affinité avec le foufre
que le mercure : le fer eft dans ce cas la matière
que l’oq cherche. On mêle donc le plus exactement
qu’il eft poffible le cinabre & la limaille de fer ; &
ce mélange étant expofé à une chaleur convenable ,
le foufre s’attache au fe r , tandis que le mercure
fendu libre s’élève en vertu de la -volatilité qui lui
eft propre, & qu’il recouvre à Finftant qu’il ceffe
d’être combiné. Cette opération, qui fe pratique journellement
dans les Laboratoires pour purifier le mercure
, eft une véritable analyfe ; elle le fut bien certainement
pour le premier qui tenta cette féparationtj.
des principes du cinabre, & tous les procédés de
l’art ne font que des réfultats d’analyfe appliqués
à nos befoins.
Il en eft de même quand on -emploie le fer pour
précipiter le cuivre de fes difîblutions acides, ou
le cuivre pour précipiter l’argent ; ce n’eft point une
antipathie des deux métaux qui foit que l’un déplace
l’autre ; c’eft tout Amplement l’affinité du fer avec
le diffolvant plus grande que celle du cuivre , l’affinité
du cuivre plus grande que celle de l’argent, qui
opère tout ; c ’eft une union plus intime qui fuccède
à une union plus foible, le métal précipité ne fe fé-
pare lui-même de la diffolution qu’en obéiffant à
une autre attraction vers le centre des graves, que
parce que fon affinité avec le nouveau compofé n’eft
pas affez puiffante pour faire équilibre à cette force
de la gravitation univerfelle.
Jufques^dans ces mélanges où les matières ne font
que diftribuées par accident & fans proportion déterminée
, c’eft encore l’affinité de compofition qui
fort à en faire le triage d’une manière exaCte &
bien plus expéditive que par tous les moyens méchaniques.
A in fi, les fols difperfés dans les terres
font recueillis par l’affinité de l’eau ; ainfi, le mercure
va retrouver For égaré & perdu dans les cendres
des atteliers où on travaille ce précieux métal : il n’y
a toujours d’autre caufe de féparation que l’affinité
moindre de la fubftance qui eft laiflee, ou même
le défaut d’affinité.
On voit par ce qui précède, que ce ferait fur-
charger la foience de dift in étions inutiles , que de
foire des claffes à part des affinités de décompofition &
de précipitation. L’affinité- de diffolution n’eft également
que l’affinité de„compofition de deux fubftances: le
diffolvant & le corps à diffoudre ; d’où il réfulte évidemment
un compofé nouveau. La diffolution par le
feu prend le nom de fufion ; fi la néceffité d’un langage
approprié aux diverfes opérations n’autorifoit
pas à s’écarter quelquefois de l’expreffion rigoureufe ,
il faudrait dire que toute diffolution eft fufion , pu ifo
qu’il eft certain que les folides ne deviennent fluides
qu’autant que la matière de la chaleur entre dans
leur compofition : mais quand il ne s’agit que de
préfenter une fois pour toutes des idées claires &.
exaCtes par des divifions méthodiques , on doit bien
fe garder de donner des idées habituelles pour des
vérités. Il n’eft perfonne qui ne fente que ce n’eft
ni l’intention de l’Artifte, ni le plus ou le moins
Tant que l’affinité ne produit que l’union de deux
corps , il ne peut y avoir de difficulté de la nommer
abfôlument affinité de compofition, & même iï
n’y a pas lieu de diftinguer fi ce font des corps
fimples, ou des corps déjà compofés, parce quB,