
ment d’après cette prévention ; pour la difliper, il me fuffira de rappeller
en peu de mots ce qui s’eft palië avant que j’aie penfé à la ' mettre en
ufage dans cette colledtion.
Dès que j’eus pris l’engagement de traiter la Chymié dans toutes fes
parties, j’eus l’émulation d’augmenter l’utilité de mon travail en perfectionnant
fa langue; mais je fentis en même-temps qu’il n’y avoit que la
convention qui pût fixer la valeur des termes. Je raffemblai donc les principes
qui me paroiffoient devoir guider dans cette réforme , déjà appellée
par les voeux des plus célèbres Chymiftes, exprimés dans leurs ouvrages ;
ce fut l’objet d’un mémoire qui parut dans le. journal phyfique du mois de
mai 1782 ; j’y joignis un tableau de nomenclature méthodique qui pouvoir
faire juger, d’un coup-d’oeil, le fyftëme de dénomination de plus de cinq
cents fubftances, & je follicitai, non les fuffrages, mais les objections &
les critiques de tous ceux qui aimoient la fcience & qui s’ intérejfoient à fes
progrès, pour recueillir leurs voix & profiter de leurs lumières. J’adreflai
en particulier un de ces tableaux à M. Macquer, qui avoit bien voulu m’avouer
pour fon correfpondant à l’académie royale des fciences , qui plu-
fieurs fois avoit déjà donné l’exemple de faire céder l’ufage à la raifon
ôc à l’utilité, qui avoit enfin tant de droits d’opiner fur cette matière :
voici ce qu’il m’en écrivit le 24 juillet 1782. «Votre nouvelle nomen-
» clature chymique eft excellente, & en mon particulier je fuis tout prêt
» à l’adopter ; mais je ne puis vous répondre de tout le monde, car vous
» favez combien les hommes, même éclairés, font des animaux d’habi-
» tude. Ce ne fera qu’avec le temps qu’on fe familiarifera avec des noms
» dont la plupart paraîtront d’abord fort étranges & fort fauvages ».
Peu de temps après, l’illuftre comte de BufFon , dont les confeils m’a-
voient enhardi à tenter cette grande entreprife , me donna; un témoignage
public & bien flatteur de fon approbation, en inférant en entier ce tableau
de nomenclature dans le Tome II de fon hiftoire des minéraux ( article des
fels.) .
Le favant profefleur d’Upfal n’a pas feulement approuvé mon projet ,,
il m’a recommandé de l’exécuter avec courage : Ne faites grâce à aucune
dénomination impropre , ceux qui fayent déjà entendront toujours, ceux
qui ne favent pas encore entendront plutôt, ce font fes termes pleins de
vérité & d’énergie. Il m’a autorifé à introduire cette langue dans la traduction
de fes oeuvres ; il a fait plus encore : dans une differtation fur le fyf-
tême naturel des fofliles, il a développé les mêmes principes de nomenclature
, il a adopté mes dénominations, il a invité enfin tous ceux qui avoient
fincérement à coeur les progrès de la Chymie, de favorifer l’exécution de
mon projet (1).
C O Q.ulvls cordatus chemicus propojîto D. Morveau in nova Encyclopédie tentando felices optare debet
fucceffus . . . . nomma abfurda omnino tollenda puto. . . . falfa fimiliter eradicanda ; talia fu,nt s AL GlauW
PERI , SAL GLASERI , ARCANUM DUPL1CATUM , &C. O L E U M V I T R I O U , OLEUM TARTARI , SAL TAR• TARI, BVTTRUM AN timon U, &c, &c, Nova alla R. acadf Upfal, Tom, IV . ■
Dans le nombre des favans étrangers qui ont applaudi à cette réforme,
je puis citer les Fontana, les Kirwan, les Landriani, &c» En Allemagne,
M. Léonhardi s’eft hautement déclaré contre l’impropriété des anciennes
dénominations, & pour leur fubftituer, à l’exemple de Bergman, des noms
qui indiquent les parties conftituantes des fels( 1 ). Le célèbre Crell annonce
les mêmes principes dans tous fes écrits (2).
Indépendamment des OEuvres de Bergman, on a déjà publié en françois
plufieurs ouvrages, dans lefquels on a fuivi cette nomenclature ; tels font
le Manuel du minéralogijle de M. l’abbé Mongez, la colleâion des Mémoires
de Chymie de M. Schéele, les cahiers fémefires de l’Académie de
Dijon, & les traductions d’un grand nombre de mémoires importans de
MM. JVilcke, Fontana, Kirwan, Landriani, Crell, Riuman, Wiegleh,
MoroTyo, Klaproth, &c. &c. Non - feulement cette innovation n’a point
paru déplaire aux Chymiftes , mais même on a pu remarquer que "quelques-
uns croyoîent déjà pouvoir laifler dans l’oubli le nom-ancien que j’ai toujours
l’attention de rappeller, afin de prévenir jufques à la réclamation de
ceux qui, ayant logé, par exemple, dans leur mémoire le nom de felde Glau-
ber, fans y attacher aucune idée de fes parties conftituantes, feraient em-
barraffés de les reconnoître dans l’expreflion de vitriol de foude.
Enfin M. de Fourcroy, ce digne fucceffeur de M. Macquer au jardin
du Roi, m’a annoncé qu’il adoptoit cette nomenclature dans la nouvelle
édition qu’il préparoit de fes leçons élémentaires d’HiJloire Naturelle & de
%<Chymie, pour fervir de réfumé à fes cours.
Ainfi, ce n’eft plus mon voeu particulier , c’eft le voeu général qui appelle
cette utile réforme dans la langue de Chymie ; elle s’établit, comme
je l’ai efpéré, par le concert des premiers écrivains de toutes les nations ;
je n’ai pas à craindre maintenant que l’on me reproche d’avoir trop ofé ,
je n’ai plus qu'à fouhaiter que cet ouvrage contribue encore à l’affermir,
en rempliffant d’ailleurs les vues du public éclairé, en l’invitant, par le
mérite des chofes, à fe familiarifer avec quelques termes nouveaux. L e
jefiteur, qui voit déjà que cette nomenclature décide par elle - même le
rapprochement d’une infinité d’articles difperfés précédemment fous des
dénominations difparates, conviendra du moins que ce nouvel ordre eft
infiniment plus commode & plus favorable à l’inftruâien, & que c’étoit
peut-être la feule manière de faire entrer la Chymie dans le plan de l’Encyclopédie
méthodique..
[ ( 1 ) Notes fur le di&ionnaire de Macquer, T om e I I , page 209.
(2 ) Voyez ci-après, page 330,