
A C I
fidement donnée pour de l'huile, n’avoît rien de
graiffeux & étoit bien plus corrofive que l’eau-
forte.
L’acide vitriolique eft le premier des trois grands
acides minéraux. On l’a regardé long-temps comme
l’acide primitif effentiel & le principe de "tous les
autres ; on lui a attribué une fupériorité d’affinité
indéfinie pour fe combiner avec toutes les bafes :
1 obfervatiori exa&e a depuis apporté de grandes
reftriétions à ces affermons fyftématiques, mais il
n’en eft pas moins encore l’un des plus fixes, des
plus pefans, des plus aftifs, peut-être le plus fimple,
Jurement le plus univerfellement répandu dans la
nature, minéralifant la plupart des métaux, donnant
un caraâère falin aux maffes fchifteufes & gyp-
pfeufes,contiftuant les foufres & les pyrites, accompagnant
les bitumes, & fe retrouvant prefque dans
tous'les points de la furfacedu globe,porté parles eaux
plus ou moins chargées de fes fels. Cet acide eft en
même-temps l’un des plus grands inftrumens de
l’art qui multiplie les rrchefles de la nature en appliquant
à des objets nouveaux les forces qu’elle
montre dans fes opérations habituelles. On peut
dire enfin que c’eft le fpe&acle des phénomènes
infiniment variés qu’il a reproduit à la volonté du
Chymifte qui lui a donné les premières notions
des diffolutions & des affinités, c’eft-à-dire du fyf-
tême qui embraffe & réunit toutes les parties de la
fcience ; & que celui qui veut ÿ être initié doit encore
apprendre à lire, dans les effets fenfibles qu’il
préfente, les caufes de bien d’autres effets qui ne
tombent pas de même fous les fens.
C ’en eft affez, fans doute , pour faire fentir
toute l’importance de cet article ; je donnerai donc
d’abord une notice des matières premières dont on
retire cet acide, je ferai eonnoître enfuite les procédés
pour l’obtenir & pour le re&ifier , j’examinerai
après cela fa nature, j’expoferai enfin fes
propriétés & fes affinités; mais avant tout, il eft
néceffaire de préfenter en peu de mots ce qui eft
connu de l’hiftoire de fa découverte;
§• L Du temps oit Von a connu l ’acide vitriolique.
Les anciens ont appliqué à divers ufages l’alun
& les vitriols naturels de fer & de cuivre, dont il
eft parlé dans Pline (£ . 3 4 .) fous les noms de
mufy , fory, calchantum &c. ; ils avoient obfervé
leur vertu ftyptique ou aftringente ; ils s’en fervoient
dans les collires, pour arrêter le fang, cieatrifer les
plaies, ronger les chairs, pour teindre les cuirs; dans
la vue d’en augmenter l’aâion , ils les trituroient
ou les faifoient digérer, foit avec l’urine,fôit avec le
vinaigre , & y ajoutaient quelquefois du fel ; ils en
frottaient la gueule des ours & des lions, & Pline
dit à ce fujet ; tantaque eji vis in aflringendo ut non
queant mordere ; mais il ne paroît pas qu’ils en aient
retiré .l’acide libre, ni délayé, ni concentré. Le
A G I
même naturalifte décrit dans le livre fuivant tnt
alun liquide qui avoit la propriété de durcir & de
corroder,mais qui pouvoient bien n’être encore, pour
la plus grande partie, que du vitriol de mars, puif-
qu’il noirciffoit avec les aftringens ; enfin il rapporte
que le foufre étoit déjà employé à parfumer
les laines pour les blanchir, qu’on en brûloit dans
les maifons par forme d’expiation religieufe (nous
verrons ailleurs que c’étoit une très-bonne purification
chymique de l’air chargé de miafmes putrides) ;
mais on ne voit toujours pas qu’ils aient fongé à recueillir
ni à eondenfer la vapeur que donne la com-
buftion, & qui, du moins à un certain point, les
auroit mis en poffeffion de l’acide vitriolique libre.
C ’eft dans les ouvrages de Bâfile Valentin, qui
écrivent fur la fin du 15e. fiècle, que l’on trouve la
première mention de l’huile de vitriol rétirée du
vitriol de mars, & de l’efprit-de-foufre per cam-
panam, ou brûlé fous la cloche. M. Spielman a
raifbn de dire que le procédé y eft encore affe&
mal énoncé , mais il ne faut pas croire ce qu’il
ajoute , ainfi que d’autres auteurs, qu’il faille venir
après cela jufqu’à Gerhard Dornoeus, c’eft-à-dire franchir
un intervalle de près de 90 ans, pour en retrouver
quelques traces; cet adepte n’a que l’avantage
d’avoir décrit un peu plus clairement ces opérations
dans fon livre intitulé Lapis philofqphicus ,.
imprimé à Bafle en 1570 , & s’il eft difficile de
reconnoître l’acide vitriolique dans les diffolvans
acides ( aquee valent es ) indiqués par Agricola, on
ne peut du moins révoquer en doute que Para-
celfe, qui écrivoit plus de 40 ans avant Dornoeus,;
n’ait entendu parler de cet acide, en expofant les vertus
d’un efprit très-noble que quelques-uns avoient
pris pour du flegme, & que l’on préparoit en diC-
tillant à un feu très-fort le vitriol de colcotar.
•’ Il eft fans doute étonnant que la découverte dè-
l’acide vitriolique fe foit faite auffi. tard', mais il
ne faudroit pas affurer pour cela que les anciens
n ont jamais tiré aucun parti dé fa force diffolvante ;
car, comme le remarque très-bien le célèbre Pott*
l’eau-mère du vitriol de mars eft un vrai acide vi-
triolique nu ; &puifqu’ils traitoient ces différentes
matières avec addition de divers fluides en
digeftion fur le feu, il fe peut très-bien que dans
quelques-unes de ces opérations ils aient obtenu
des effets que l’acide vitriolique pouvoit produire,
fans imaginer qu’ils avoient, au moins en partie
décompofé le vitrioL
Depuis que cet*acide a été découvert, il a été
l’objet ou l’inftrument d’un très-grand nombre
d’expériences, & il n’eft guère de Chymiftes qui
ne fe foient appliqués à étendre ou à perfeélionner
le fyftême de fes propriétés : je tâcherai de recueillir
ce que leurs observations préfentent de plus
intéreffant, & je ne négligerai pas de leur en faire
honneur à mefure que la marche didactique en fera
naître loccafion ; mais c’eft fur-tout au génie de
Stahl que l’on doit à cet égard les faits les plus pré-
A C î
deux ; fes opinions fur fa combinalfon avec le
principe qu’il a nommé phlogiftique ont produit
une révolution qui fait une des plus brillantes époques
de l’hiftoire de la Chymie,, comme je le ferai
voir en examinant la nature de cet acide, & apres
avoir expofé les diverfes manières de fe le procurer.
II. Des procédés pour obtenir t acide vitriolique,
La nature ne nous donnant pas l’acide vitriolique
libre, on^eft obligé ,pour l’obtenir, de décompofer
les minéraux qui en contiennent.
Quand je dis que l’on ne trouve pas l’acide vitriolique
libre, .je ne prétends pas révoquer en doute
l’obfervation de Vandelli, fur la vapeur fulfureufe
qui, après s’être condenfée, ou plutôt diffoute dans
l’eau, coule entre les pierres dans quelques endroits
aux environs de Sienne & de Viterbe ; c’eft le produit
accidentel d’un feu volcanique, & , comme le
remarque l’illufire Bergman, l’énergie de cet acide
eft telle, qu’il ne refte pas long-temps fans avoir pris
une bafe. ( Opu/cules &c. Dijfertation XXXII. § .8.)
M. Baldaffari affure également avoir trou,vé de
l’acide vitriolique libre dans une grotte du mont
Saint-Amiato, près des bains de Saint-Philippe, à
Saint- Albino, & aux lacs de Travalle. ( Journ.
Phyf. Tom. VII. pag. 396 & 400.) Jufques-là fon
observation ne préfente rien que de très-vraifem-
blable, puifque ces endroits portent des traces non
équivoques de feu volcanique, & même de vapeur
fulfureufe qui s’exhale encore actuellement: mais cet
auteur ajoute que cet acide fe dépofe aux parois delà
grotte en forme d’efllorefcence ou de filets déliés
& folides, & nous verrons que l’acide vitriolique
pur ne peut être mis en état concret que lorfqu’il
eft ou fumant, ou très - concentré & expofé à
une température froide : o r , fuivant le témoignage
même de M. Baldaffari , ces circonftances ne fe
rencontrent point ; il éprouva dans la grotte de
Saint-Amiato une fenfation chaude, & il vit fon
thermomètre monter à 20 degrés de l’échelle de
Réaumur, tandis qu’il fe tenoit à 12 degrés à l’air
libre ; d’autre part , il rapporte que les feuilles,
les bois & autres corps étrangers, dont le fol étoit
jonché, éioient tous trempés d’humidité. Ce feroit
donc un phénomène bien remarquable que la concrétion
de l’acide vitriolique pur dans ces circonftances
; mais la manière dont l’auteur explique cette
cryftallifàtion , en fuppofant , q^e l’acide s’élève
avec l’eau , & la laiffe aller p'our s’unir au phlogiftique
& former en partie du foufre , eft peu
propre à infpirer la . confiance. De tous les faits
qu’il donne en preuve de fon ôbfervàtion , deux
feulement paroiffent mériter attention : le premier
eft que cet acide concret n’a qu’une faveur acide
fans mélange d’auftère ; le fécond , que l’alkali en
liqueur n’occafionne aucun précipite dans fa dif-
■ folutiôn ; ■ il en réfultej à la vérité, que ce n’eft
A c I m
m de l’alun , ni même du vitriol martial avec
excès d’acide; mais, comme le foufre fe diffout
dans l’excès dans fon acide, on peut préfumer
que cette efflorefcence n’étoit que du foufre qui fe
dépofoit en petits cryftaux, à mefure que la vapeur
acide avec laquelle .il s’étoit fublimé attiroit
l’eau au lieu de la perdre,. & qui, retenant encore
une portion de cet acide, devoit en manifefter
les propriétés.
C ’en eft affez fur cette formation d’un acide vitriolique
natif, qui eft bien loin de fournir aux befoins
de la Chymie & des arts , il eft temps de s’occuper
des procédés en ufage pour l’obtenir à volonté &
en abondance.
Ces procédés confiftent à brûler le foufre ou à
décompofer les vitriols. Ce n’eft pas ici, mais dans
le diâionnaire des arts & métiers , que l’on doit
chercher la defeription des atteliers où ces opérations
fe font en grand pour le commerce, ainfi
que le détail des manipulations qui y font en ufage ;
je n’en parlerai que pour recueillir les conféquences
théoriques, & expofer ce qui s’exécute dans les laboratoires.
On peut rapporter à quatre méthodes la préparation
de l’acide vitriolique, i ° . par la combuflion
du foufre fous la cloche, 20. par la difiliation des
vitriols , 3 $ .par la combuflion du foufre avec le nitre ,
4°. par la combuflion du foufre feul dans un fourneau
à double courant d’air. Je vais les parcourir
fucceffi ventent.
I. La méthode de brûler le foufre fous la cldche
e ft, finon la plus ancienne , du moins celle qui a
été le plus en ufage dans les commencemens, parce
qu’elle fournit à peu de frais, même avec peu de
travail, une petite quantité, qui fuffifoit alors à une
confommation peu étendue.
On met dans un creufet p lat, ou dans une cap-
fule de terre , du foufre pulyérifé ; on l’expofé ail
feu jufqu’à ce qu’il foit fondu ; on porte alors le
vaiffeau dans une terrine de grès, au fond de
laquelle on a mis un peu d’eau chaude, on le pofe
fur une hauffe de terre pour l’empêcher de toucher
à l’eau , & on allume le foufre ; tant qu’il continue
de brûler , on fufpend au-defiùs une très grande
cloche de v erre, la vapeur fulfureufe fe con-
denfe fur les parois, & coule à la fin dans la
terrine.
Il faut, pour le fuccès de cette opération , que
la cloche ne defeende pas affez pour intercepter
l’air qui doit entretenir la combuflion. On recommande
auffi dechoifir un temps humide; mais cette
circonftance devient indifférente quand le vaiffeau
où brûle le foufre eft environné d’eau chaude, qui
fournit fans ceffe le véhicula aqueux qui eft néceffaire.
Lefebvre fe contentait d’humeéfer les parois
de la cloche ; il affure que fans cela une livre de
foufre donne à peine un gros d’efprit acide. Au lieu