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de la fcîettcè; les bons efprits défàbufés de la méthode
contemplative, ne reconnoiffent pour vrai que
ce qui fuit néceffairement de l’expérience ; c’eft-à-
dire en Chymie, que ce qui eft démontré par ana-
lyfe & par lynthèfe , ainft que le dit l’illuftre
Bergman, dans fon difcours fur la recherche de la
.Vérité*
ACIER. On nomme Acier ( dit très-bien le célèbre
Rinman ) tout fer qui, étant chauffé au rouge
& plongé enfuite- dans l’eau froide , fe trouve plus
dur qu’il n’étoit avant que d’avoir fubi cette opération.
Il né fera point ici queftion des procédés que
Ton emploie dans les manufactures d’Acier ; ils appartiennent
à la Métallurgie, & on les , trouvera
décrits féparément à la fuite de cet article. Il me
refie une affez grande tâche, d’avoir à rendre raifon
des phénomènes que préfente la converfion du fer
en acier, d’afiigner le degré de confiance que méritent
aujourd’hui une théorie qui fut long-temps
regardée comme indubitable, & les expériences récentes
qui la modifient ou qui la renverfent, Mais
avant que d’entrer dans cet examen, il faut prendre
une idée des progrès des connoiffances fur ce fujet.
I. Des progrès des connoiffances fur la nature de
VAcier».
Arifiote nous apprend ( Météor. h I I I . c. 6.") u que
» le fer forgé , travaillé même , peut fe liquéfier
» derechef & derechef fe durcir , & que c’eft
» par la réitération de ce procédé , qu’on le cou-
jy duit à l’état d’acier. Les fcories du fer fe préci-
r> pitant, dit - i l , dans la fiifion , elles refient au
?? fond dés fourneaux , & les fers qui en font dé-
y> barraffés de cette manière , prennent le nom
yj d’àcier. Il ne faut pas pouffer trop loin cet affi-
t) nage , parce que la matière qu’on traite ainfi fe
yj détruit, & perd confidérablement de fon poids ;
» mais il n’en- eft pas moins vrai que moins il refie
» d’impuretés, plus l’acier efi parfait. jj Martin Lifier
remarque qu’il y a beaucoup à- dêfîrer dans cette
defcription ; il penfbit même qu’Ariftote avoit omis
quelque circonfiance effentielle dans le procédé,
parce qu’il y a bien des fers q u i, ainfi refondus &
purgés plufieurs fois , ne donnent jamais de l’acier..
C e que Pline en dit n’efi pas plus fatisfaifànt.
Après avoir remarqué que les mines de fer pré-
fèntent des variétés infinies, qu’il y en a qui donnent
un fer mol comme du plomb , d’autres un fer
caftant, d’autres un fer qui contraéfe plus promptement
la rouille , il: ajoute : E t fornacum maxima
differentïa efi ; nucléus que quidem ferri excoquïtur in
his ad indurandam aciem, aliquot modo ad denfandas
ïncudcs malleorumve rofira. Summa autem dijferentia in
aquâ efl cui fubindè candens immergitur. . . . . . . . ...
tenuiora ferramxnta oleo reflîngui mos efi', ne’ aquâ in
fragilïtatem dur-entur. L. 34. cap. 14. On voit par là
combien les Anciens attribuoient de yertu à cerÂcr
taines eaux pour la trempe de l’acier. Quelques-uns
croient que le nom de ekalybs, qui fut donné par
les Latins à l’acier étoit originairement celui d’une
rivière d’Efpagne au Royaume de Galice, qui fe-jette
dans le Vélézar (aujourd’hui Cabe') , & qui avoit
la réputation de donner la meilleure trempe à
l’acier.
Il n’eft encore queftion dans Agricola que de l’acier
par fiifion. Voici le procédé qu’il indique, tel qu’il
a été tiré de fes Ouvrages ( de Re metallieâ', l. IX. ) ,
par les Rédaéleurs de l’ancienne Encyclopédie. Le
P. Kircher affure que c’eft celui que l’on fiait dans
l’Ifle d’I lv a , oh. la fabrication de l’acier étoit déjà
établie du temps de Pline;
a Choififfez du fer difpofé à la fiifion , cepen-
jj dant dur & facile à travailler fous le marteau *
« car quoique le fer fait dé mine vitriolique puiffe
jj toujours fe fondre , cependant il eft doux , ou
jj caftant , ou aigre. Prenez un morceau de ce fer;
jj faites-Ie chauffer rouge ; coupez-le par parcelles ;
jj mêlez-le avec la forte de pierre qui fe fond, faci-
jj lement ; placez dans une forge de Serrurier ou
jj dans un fourneau, un creufet d’un pied & demi
jj de diamètre & d’iin pied de profondeur ; rem-
jj pMez-Ie de bon charbon ; environnez-le de bri-
jj ques, qui forment autour du creufet une cavité qui
jj puiflè contenir le mélange de pierre fufible & de
v parcelles d'e fer coupé.
jj Lorfque le charbon contenu dans: le creufet
jj fera bien allumé, & le creufet rouge, faites agir
jj les foufflets, & jetez dedans peu à peu le me-
jj lange de pierre & de parcelles de fer.
jj Lorfque ce mélange fera en fufion, jetez dans
jj le milieu trois ou quatre morceaux de fer ; pouf*
jj fez le feu pendant quelques heures ; prenez un
jj ringard ; remuez bien le mélange fondu, afin que
jj les morceaux de fer que vous avez jetés dedans,
jj s’imprègnent fortement des particules de ce mê-
jj lange : ces particules confumeront & diviferont
jj les parties grofiières des morceaux de fer aux-
jj quels elles s’attacheront; & ce fera,, s’il eft per-
jj mis de parler-ainfi, une forte de ferment qui les
jj amollira.
jj Tirez al'ors un des morceaux de fer hors du feu;
jj- portez-le fous un grand marteau ; faites-le tirer en
jj barre & tourmenter, & fans le faire chauffer, plus
jj qu’il ne l’eft, plongez-le dans l’eau froide.
jj Quand vous l’aurez trempé, caffez-le, eonfi-
jj dérez fon grain, & voyez s’il eft entiérement-
jj acier3 du s’il contient encore des parties ferru-
jj gineufes.
jj Cela fait , réduifez tous les morceaux de fer
jj en barre; fouffiez de nouveau-; réchauffez le creufet
jj & le mélange, & rafraîchiffez de cette manière
jj ce que les premiers morceaux n’ont pas bu; re-
jj mettez-y, ou de nouveaux morceaux de: fer, fi
jj vous êtes content de la transformation des pre~
jj miers , ou lès mêmes s’ils vous paroiffent ferrugi-
jj neux; & continuez comme nous ayons dit ci.-;
, w deffu?,. jj/
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- 5uivalit Beccher, dans fa Phyfique foutêrreine,
lliv . ƒ, fett- S ? chap. 3 ) la converfion du fer en _
acier eft abfoliunent l’ouvrage du feu; car tout, con- ;
fifte à expofer le fer à une chaleur violente, jufqu’à •
ce que les parties extérieures commencent à couler ;
alors, fi on le forge & qu’on le trempe, il a toutes j
les propriétés de l’acier. Il obferve qu’on , obtient la
même choie, en enfermant le fer dans un creufet
v aide, &. en lui fàifant fubir la même chaleur pendant
48 h. fans que le fer, entre en fufion, ce qui
empêcheroit la réujjite de l\opéraiion.i\ mais pour cela,:
il faut que le creufet foit parfaitement clos : s’il étoit
découvert,' tout le fer ferait calciné.
• L’illuftre Réaumur eft le premier qui ait parlé d’une-1
manière claire de la méthode de convertir le, fer-j
forgé en acier par la cémentation,; méthode déjà
pratiquée depuis long-temps .dans quelques atteliers;
d’Angleterre., d’Italie & d’Allemagne, mai^ qui fe
conférvoit myftérieufement .dans' ces fabriques -, &
dont les recettes publiées dans les livres à fe&rets , ;
étoient f i différentes & f i incomplettes, qu’il lui. fut
plus facile de trouver le vrai procédé que de le dé-,
mêler. ( A n de convertir le fer forgé en acier , &c, publié
en 1722., p. 8 .j
Réaumur diftingue en conféquence trois manières
de faire l’acier. La première & la plus commune , eft
celle qui emploie le fer crud ou fer fondu, coulé
hors du fourneau. Par la fécondé, on convertit le fer
fondu en acier fans le couler hors du fourneau; ceft |
l’acier qui doit le moins à l’a rt, s’il y , a des mines
qui puiffent être appellées mines’ d’acier,, ce font
celles qui le fourniffent; après avoir fondu la mine , |
on réduit la fonte qui en eft venue à prendre de la |
confiftance, elle donne Une mafie ou majfet qui fe j
moule fur le fond du fourneau cette mafte étant
divifée & forgée fous le marteau, une partie de chaque
barre fe trouve acier, & le refie efi fer,, c’eft-à-dire qu’on
retire ordinairement un cinquième ou un quart d’acier.
La troifiéme manière, eft de convertir en acier
des barres de fer forgé, & qui donne des. aciers
fins d’autant plus parfaits, qu’on efi en quelque forte
maître de les rendre fins & durs, au point oit l’on veut,
& d’empêcher qu’il n’y refit ni veine r ni grain de fer.
Réaumur conclut de fes effais qu’il falloit par quintal
de bon fer, un cément corapofé d’environ 7 liv.
de fuie, 3. ^ liv. de poufiiere de charbon, 3 ^ liv.
de cendres neuves-, & 2 ~ liv. de fel commun.
• Les expériences très-multipliées de ce Phyficien.
laborieux ont répandu quelques rayons de lumière
fur cette matière jufquesrdà très-obfcure, & peuvent
encore fournir aujourd’hui grand nombre d’applica?
fions & de conféquences utiles, mais il a plus fait
pour la pratique que pour la théorie ■: fes principes
etoient que le feu feul ne convertit pas le fer en acierr
qu’il n’y parvient qu’en y introduifant des parties falines
& fulf.ureuf.es , ou, comme il le dit ailleurs, des parties
huileufes & falines que le fer forgé ne- différoit de
l’acier, que parce qu’il avoit plus de foufre & de
fel;. que changer le fer forgé en acier, c’étoit lui
donner de nouveaux foufres. & de nouveaux fois
A C I 4M quê PaCier gérfeux, ou l ’acier trop acier pèchoit par
l’excès de ces matières, que le fer avoit reçues d’une
trop forte dofe de cément, ou de la durée du feu;
qu’on le ramenok au point convenable, en le cé-*.
mentant dans la chaux d’os, dans la craie, parce que
ces matières étoient avides de foufres & de fois. On
ne doit, pas omettre cependant qu’avant Réaumur,
on crpyoit affçz généralement que l’acier n’étoit qu’un
fer plus pur , & qu’il paroît l’avoir le premier con-
fidéré, comme étant dans un état moyen entre le
fer fondu & le fer forgé, de forte qu’il faut ôter
à la fonte ce qu’elle a de trop, rendre au fer forgé
ce:qu’il a perdu de trop, pour leur donner le ca-
raétère d’acier. Nous verrons dans la fuite cette
même idée former la çonclufion finale d’une ana-
lyfe bien plus recherchée.
' Gepe;idant:-.Stahl avoit dit que le fer cémenté en
vaiffeaiix clos avec les charbons de bois dur, les os y
les cornes les poils-, acquéroife du ■ phlogiftique, &
deyenoit: jen.mêmé- temps comme l’acier; (' Fundamerua
Çhemice 3 &ç. partAq y p. 451}$ & telle-a é té , jufques
dans ces derniers temps, l’opinion de fes diiciplés,,
qui n’ont confidéré l’acier que comme du fer,, dont
la -métallifatipn étoit plus parfaite; on .rétrouve cette
théorje dans- les, ouvrages de. Henxkel,. de Ne-wmany
de Cramer, Gellert, Buquet, Rinman3 & , à vrai dire,,
de tous ;.les plus-célèbres; Chymiftes-& Métallurgiftes.
L’illuftre Macqu^r donnoit. encore coirune une vérité
certaine, dans' la derniere édition de fon Diélion--
naire, que_ l’acier n’étpit que du fer contenant moins-
de parties hétérogènes, & une plus grande quantité dut
principe inflammable,
Le favant Profefteür d’Upfal, qui, dans fes notes»'
: fur Scheffer ( § 2.97) avoit lui-même enfeigné que
, le&: propriétés . de l’acier paroiffoient dépendre prin--
ç.ipalement d’une certaine quantité de phlogiftique,
publia en 178-1 fa. belle analyfe du fer', dans laquelle
il établit pour caractères diftinélifs du fer de
fonte, du fer forgé.'& de l’acier, des proportions-
différentes de phlogiftique, de calorifique, 8cfur-tout:
de plombagine ; c’èft affez- d’annoncer- ici les- réful-
tats généraux de fes nombreufes expériences, que
j,e ferai obligé de rappeller & d’examiner. D ’autre
part, l’illuftre Hiftorieii de la nature- ai penfé que
le fer, en devenant acier,.acquérait plus de matière'
qu’il, n-’en perdoit,. que c’étoit la fubflance même du
feu qui fe fixoit dans l ’intérieur du fer r & qui con--
tribuoit. encore plus que la. bonne' qualité & la pureté du
fer à i ’ejfcnce de l'acier en. quoi il a été fiiivi par M.
Grignon enfin- l’exiftence du phlogiftique de Sthal.
eft elle-même remife en queftion par quelques-uns»
des plus célèbres Chymiftes- modernes.-
Ainfi ,. l’ancien fyftême a befoin de" nouvelles-
preuves-, les.: opinions nouvelles» font encore loin»
d’obtenir, l’affentement général ; l’art refte-fans théorie-,,
la. fcience {ans. principes afliirés- fur le phénomène
important de la- converfion du fer en acier r voila-
exaClementou eneft préfentementla Qiymiefur cette;
matière, j’ài donc pu dire avec quelque fondement;
que c’étoit une affez grande tache que d’avoir, à- dé~-