Les éprouvettes étant placées1, l’ouvrier, qui eft
dans le^fourneau, arrange une couche de barres de
fer fur le premier lit de cément, de manière qu’elles
ne fe touchent en aucun point, car elles pourroient
s’y fouder ; lorfque les barres font bien dreffées en
les fabriquant, on peut ne laifîer entr’elles qu’en-
viron 2 lignes de diftance, en obfervant que celles
des côtés de la caiffe doivent en être éloignées de
6 lignes au moins, ainfi que des extrémités de la
caiffe, afin que dans tout ce contour l’on puiffey
faire entrer du cément que l’on y.preffe avec une
petite fpatule ; fans cette précaution , il arrive que
la violence de la chaleur fait des petites fentes à la
caiffe, foit par le retrait des briques, fbit par celui
de la terre argilleufe qui les unit, & alors l’air s’in-
finuant par ces petites ouvertures , permet à la'
flamme de s’y introduire & brûle. la matière du cément
qui fe trouve dans cette direction, & les 'barres
de fer voifines ne fe convertiffent pas en acier dans
ces endroits ; ce que l’on reconnoît en les fortant dii '
fourneau , car au lieu d’être de couleur ardoifée,
qui eft celle que doit avoir l’acier cémenté-, elles
font 'rougeâtres. C ’eft pour éviter cet inconvénient
que l’on recommande de mettre 6 lignes d’épaiffeur 1
de cément entre le fer & le tour de la caiffe, & de ;
de l’y preffer ; en s’y prenant de cette manière,
quand même il y auroit des fentes, à la caiffe, le
fer ne recevra pas le çontaâ de la flamme ; car des ;
6 lignes d’épaiffeur de cément, il ne s’en brûlera
tout au plus que quelques lignes dont les cendres
garantiront le refie ; à moins qu’il ne fe faffe des
crevaffes- plus confidérables à la caiffe, le cément ne
fe confommera jamais au point de faire tort à la
qualité de l’acier.
La première couche de fer étant bien rangée, l’on
y étend deffus, bien uniment, un lit de cément j
de 6 lignés d’épaiffeur feulement, ce qui eft très-
fùffifant ; quand il n’y en auroit que 3 à 4 lignes, le
fer n’en feroit pas moins bien converti en acier.
L’on met une autre couche de fer pardeffus, l’on
continue ainfi de couche en couche à remplir la
caillé, en obfervant que la dernière couche de fer
fbit à trois fions pouces plus bas que la partie fu-
périeure de la caillé , & de recouvrir celle-ci
du dernier lit de cément qui doit avoir un bon
pouce & demi, & même deux pouces d’épailîéur.
Enfin , fur la dernière couche de cément on
met une forte coiiche de fable de rivière ou autre;
ce fable doit être un peu humeéïé avant de le porter
-dans la caiffe ou creufét, & non terreux, car il s'encroûterait
par un commencement de vitrification, &
on auroit beaucoup de peine à le brifer ; d’ailleurs,
il s’attacheroit aux parois intérieures, du creufet, &
on courroit le rifque de l’endommager en le détachant
avec effort. Ce fable, qui n’a d’autre utilité
que de concentrer la chaleur dans le creufet &
d’empêcher la dernière couche de cément de fe
confommer , & de preffer par fon poids également
dans toutes les parties de la furface, ne remplirait
pas bien fon objet s’il s’agglutinoit, car il ne baifferait
pas par-tout proportionnellement à l’affaiffe-i
ment des matières contenues dans la caiffe-, il s’y
feroit des crevaffes qui permettraient au cément de
fe confommer. Le fable qui fert de couvercle à la
matière ne doit point être trop gros, l’on en met
en quantité fuffifanté pour qu’après avoir été rangé en
dos-d’âne, le point le plus élevé, ou l’arrête qui
doit fuivre le milieu de la caiffe, le foit d’environ
10 pouces au deffus de fes bords fupérieurs.
Il eft à. propos, autant qu’on- le peut, i°. de
donner aux barres de fer que l’on veut cémenter, la
longueur de la caille à deux pouces près , afin de
laifîer. l’efpace du cément aux deux bouts ; 20. de
bien, faire dreffer & dégauchir ces barres : de cette
manière elles s’arrangent mieux & le creufet en contient,
plus que fi elles étoient courbes ; l’on peut cependant
employer des bouts; mais il-faut, fi l’on
ne veut pas perdre de terreiii, qu’ils foient coupés
de manière que deux ou trois mis à la*fuite l’un
de l’autre faffpnt la longueur du creufét.
La largeur des barres eft, indifférente, mais il ne
doit pas y avoir une grande différence clans l ’épaif-
féur de celles qui compofent une fournée ; car , .par
exemple , fi on y en mettoit d’un pouce d’épaiffeur
tandis que les autres n’auraient que 6 lignes, celles-
ci feraient tout-à-fait converties en acier , lorfquli
refieroit encore 6 lignes de ferau centre des autres,
ce qui doit être entendu. Le plus communément on
donne 6 à 7 lignes d’épaiffeur aux barrés de fer, enfin
plus ou moins, fuivant les dimenfions que l’on
veut qu’elles aient après leur cémentation & après
avoir été étirées au. martinet ; l’on ne confeille. pas
npn plus de leur donner une grande largeur-, relativement
à lèur épaiffeur, car en paffant au martinet,
elles'font plus fujettes à recevpir des gerfures & des
filamens, fuivant la longueur des barreaux d’acier.
Des barres de fer de 7 lignes d’épaiffeur, peuvent
pourtant avoir de 15 à 18 lignes de largeur. L’on peut
aufïi mettre dans la caiffe des barres de fer quarrées.
Deux hommes font en état, dans leur journée, de
préparer la matière du cément & de l’arranger avec
le fer dans le creufet du fourneau ; ils peuvent mèmè
le faire dans le’fpurneau anglois à deux caiffes.
Après avoir fini d’arranger les matières dans les
creufets, l’on maçonne en briques & terre les-ouvertures
des bouts du fourneau qui fervent à y introduire
les. matières.(voye^ les deffins . & explicar
tions clés deux différens. fourneaux) ; l’on a foin d’y
laifîer un petit trou d’envifon 2 pouces pour voir
ce qui fe pafié dans le fourneau , & que l’on bouche
avec une brique & un morceau de terre cuite ; l’on
bouche pareillement les deux ouvertures qui fervent
à fortir les éprouvettes.
Toutes ces difpofitions étant faites, l’on allume
le feu dans -les chauffes du fourneau, on l’y entretient
très-vif jufqu’à ce que le fer foit converti en
acier ( entièrement ) ,- ce qui a lieu le cinquième, ou
au plus le fixième jour , mais le plus communément
après cinq fois vingt-quatre heures d’un feu foutenu,
fur-tout fi le bois ou le charbon de terre qu’on y.
emploie, font de bonne qualité ; en conféquence l’on
confeille de fortir l’une des éprouvettes le cinquième
jour , de la faire forger & tremper ; fi elle caffe net
& qu’elle ne préfente aucune partie de fe r , l’on
ceflé le feu au fourneau. Mais'fi elle en contient
encore, l’on continue le feu pendant 12 ou 24 heures,
fuivant que l’on aura trouvé plus ou moins de nerf
au fer dans la première éprouvette : alors l’on fort la
fécondé que l’on,fait aufïi forger, tremper & caffer;
fi l’on n’y apperçoit plus le fe r , l’on fait ceffer le
feu; s’il y en a encore un peu., l’on continue le
temps néceffaire à l’entière converfion, & même un
peu au-delà , car il n’y a pas d’inconvénient à chauffer
plus que ne l’exige le fer pour fon entière converfion
, &JL1 y en a beaucoup à y biffer du fe r ,
à moins que, l’on ne voulût en faire un acier doux
qu’on, nomme é t o f f e .
L’on reconnoît aufïi que le fer eft converti, à l’af-
fàiffement du fable, car alors le dos-d’âne qu’il for-
moit, eft defcendu à peu près au niveau des bords
fupérieurs du creufet.
Si l’on emploie, dans les deux chauffes de mon
fourneau, du bois bien fec & refendu en petits morceaux
de quelques pouces de groffeur, & que Fon
en mette de manière qu’il y en ait toujours ju s qu’au,
haut des petits arceaux, l’on aura une très-
grande chaleur, dont l’intenfité fera capable de rendre
l’intérieur du fourneau d’une blancheur éblouif-
.fente, &. de faire fondre les briques, fi elles ne font
pas de la terre la plus réfraélaire. D ’où il réfui te
de très-grands inconvéniens ; i°. celui de refaire à
neuf les arceaux qui portent la caiffe, la caiffe elle-
même , 8c de réparer la chemife du fourneau ; . 20.
celui de faire fondre une partie de l’acier, car les
crevaffes qui, dans cette circonftance, fe forment à
la caiffe, font brûler le cément,- & l’acier fe trouvant
à nud, entre en fùfion. Afin d’éviter ces pertes,
il ne faut employer à la conftruélion intérieure du
fourneau, que des matériaux les plus réffaékires ;
les Anglois fe fervent avec ayantage d egré s, ou
même de granité, pour faire leurs caiffes ou creufets.
Si l’on s’apperçoit que les arceaux commencent à
fondre, l’on diminue un peu la chaleur en mettant
moins de bois dans les chauffes, & même en avançant
un peu lès briques qui fervent de regiftres ;
ces briques, en interceptant une partie du paflàge de
la flamme, font ralentir la chaleur, il faut néanmoins
.un feu foutenu affez vivement, pour qu’en cinq fois
vingt-quatre heures douze milliers d’acier foient bien
convertis; car fi le feu étoit médiocre, il faudrait
beaucoup plus de temps, & la confommation du
çombuftible feroit plus grande : deux hommes, qui
fe relaient alternativement, fuffifent pour chauffer
le fourneau de cémentation, fur-tout quand ils ont
le bois ou le charbon à proximité.
L’on croit devoir avertir ici qu’il faut, outre l’attention
de mettre fouvent du bois dans les deux chauffes,
en fortir les braifes toutes les deux heures ; car,
comme elles rempliraient les chauffes, elles enipè-
çheroient la flamme de s’alonger dans l’intérieur du ;
fourneau , ce qui diminueroit la chaleur*
La manière avec laquelle ce fourneau attire la
flamme, & avec bruit, eft étonnante; lorfque fon
intérieur eft rouge, il ne paraît plus de fumée par
le haut de la cheminée, mais la flamme y paffè,
& fe termine en pyramide au defîiis de la cheminée.
Quoique les chauffes foient à l’extérieur du fourneau
, la flamme, ni la fumée ne s’élèvent point
au deffus du bois contenu dans les chauffes, mais
font vigoureufementpouffées par le poids de l’athmof-
phère dans la voie .de la flamme, enforte que les
ouvriers ne font point incommodés par la chaleur,
ils peuvent même pofer la main fur le bois des chauffes
fans en reffentir. La braife. que l’on retire du fourneau
étant étouffée, peut fervir à la compofition du
cément, alors l’on ne confeilleroit pas d’y ajouter
beaucoup de cendres, car ces braifes en contiennent
déjà, d’ailleurs elles ont perdu, par le grand cour
rànt de.la flamme, une partie de leur phlogiftique.
Lorfqu’on a çeffé le feu au fourneau de cémentation,
on en ouvre toutes les iffues, l’on démolit
lés murs en briques: des portes des extrémités, &
cela afin d’en opérer le plutôt poflible le refroidif-
fement; malgré cela, il lui faut encore fept à huit
jours avant que l’on puiffe y entrer, à l’effet d’en
fortir les barres d’acier, l’on ne retire jamais de
chaudes que les éprouvettes. L’ouvrier qui a mis le
fer dans la caiffe, fait paffer l’acier par les portes
des bouts du fourneau, il eft reçu par un homme
qui eft au dehors. L’acier en cet état eft très-caffant ;
fi on.en laiffe tomber une barre fur le pavé, elle
fe brife communément en plufieurs bouts, & il.pré-
fente dans fa caffure de grandes facettes tranfver-
fales, de couleur cendrée, enfin reffeinblant beaucoup
à la fonte blanche ou au zinc. Ce qu’il y a
de bien étonnant, c’eft que le fer le plus nerveux
fe trouve aufïi bien en cet état après la cémentation,
que du fer caffant. & à grandes lames fpécu-,
laires : fans doute que le phlogiftique, en s’infinuant
dans les pores du fer, en défunit les parties, & en
rompt tranfverfalement- les fibres longitudinales, je
croirais aufïi qu’en même temps que la chaleur porte
du phlogiftique dans l’intérieur des barres, il s’en
difïipe, par les mêmes voies, des parties hétérogènes
au fer, & finguliérement du zinc : plufieurs circonfe
tances me le font, préfumer. i° . Si on examine les
barres cémentées, l’on y voit beaucoup de bour-
foufHures à fa furface, les unes plus groffes que les
autres. Les plus groffes, qui le font quelquefois plus
que des pois & dégradés fèves, font creufes, & ont
à leur fomrnet une petite ouverture ; fans doute que
c’eft pa* ces ampoules & ouvertures que le zinc
s’eft évaporé. 2°^- Ce qui me fortifie dans cette opinion
, c’eft que • j’ai remarqué que , quand on tire les
éprouvettes1, il tombe un peu de cément, que ce
cément eft très-brillant, étincelle, fume & femble
fe brûler à la-manière du zinc. ,-3°. Cè qui peut faire
encore préfumer que c’eft ce demi-métal qui en fort,
c’eft que l’on fait qu’il vicie le fer, & que celui qui
a été cémenté, & qui n’eft pas encore tout-à-fajf