
744 A I R Bergman admet auffi une combination de l'alumine
avec 1\icide Carbonique ; on trouvera à cet article
( §. Y I ) les faifons qui m’en font douter : d’ailleurs
il convient lui-même que la terre précipitée de l’alun
fèchée & durcie ne paroît pas fe charger fenfible-
ment de ce principe gafeux.
Les trois alkalis expofés à l’air libre, dans leur
état de pureté ou de caufticité, fe trouvent, après
un temps plus ou moins long, avoir acquis les
mêmes propriétés que fi on les eût faturés dire&e-
ment de gas acide carbonique : la volatilité de
l’ammoniaque en dérobe en grande partie les traces;
la lenteur de la faturation en a fait long-temps mé-
çonnoître l’effet pour la potaffe ; mais c’eft un point
généralement accordé.
Enfin les oxides métalliques éprouvent à l’air libre
une furcompofition du même genre. Que l’on verfe
de l’acide nitrique fur l’oxide de plomb demi-vitreux
( lithàrge du commerce) récemment préparé, il n’y
aura-aucune effervefcence ; qu’on répète cette opération
après l’avoir laiffé quelques jours à l’a ir, il y
aura effervefcence très-màrquée, & le gas qui l’oc-
cafionnera, recueilli dans l’appareil pneumato-chy-
mique, fe trouvera être du gas acide carbonique ; le
poids acquis depuis la calcination eft en proportion de
cet effet & peut lé faire jugèr d’avance. L’illuftre
Bergman efl le premier qui ait apperçu cette différence
en comparant les fleurs de fine anciennes avec
celles qui étoient récentes ( Dijfertat. /, §. a/).
Remarques. Ces faits donnent lieu à une queftion
fort importante à l’analyfe de l’air ; le principe qu’en
reçoivent ces corps, y exifte-t-il tout formé, ou eft-
il le produit d’une compofition nouvelle dont ils
fourniffent eux-mêmes une des parties conftituantes ?
La dernière opinion a pu être admife comme la plus
vraifemblable, tant que l’on n’a pas connu la vraie
formation du gas acide carbonique , tant que l’on n’a
pas été détrompé fur la vraie caufe de la caufticité
, fur la préfence dans les cauftiques d’une matière
femblable à celle que les Stahliens fuppofoient dans
tous les combuftibles. C ’eft en ce fens que j’ai dit
moi-même, aves le célèbre Fontana, que l’air qui
entre dans la compofition de quelques’ corps en état
d’air vital, en fort le plus fouvent en état de gas acide
carbonique ( Voye[ ci-devant page #7). Mais cette
propofition eft maintenant circonfcritè aux feuls
corps qui contiennent le carbone , aux feules opérations
dans lefquelles la combinaifon de l’air vital &
du carbone peut s’effeéfuer. On fait d’ailleurs qu’il
n’exifte point de carbone dans les cauftiques, fi ce
n’eft accidentellement & en quantité fi foible, qu’elle
eft hors de toute proportion avec l’effet que l’on
voudroit lui attribuer; on fait que le carbone ne
s’acidifie qu’à une très - haute température ou dans
des cas d’affinité difpofée qui ne fe rencontrent pas
ic i; on a prouvé enfin que l’extinétion de la chaux
dans laquelle les phénomènes de la caufticité fe montrent
à leur plus haut degré d’intenfité , s’expliquoient
naturellement & fans principe hypothétique par l’avi-
A I R
dité avec laquelle l’eau eft attirée par la chatfx, Sc
le calorique que ce fluide abandonne, au point de
prendre la forme folidedela chaux, s’il n’eft pas en
excès. Il eft donc déformais impoflible de ne pas
reconnoître que l’acide gafeux qui dulcifie les fubf-
tances cauftiques expofées à l’a ir , leur eft tranfmis
comme tel.
Je l’avouerai cependant ; il n’eft pas fans difficulté
de comprendre comment l’air peut contenir tout le
gas acide que les fubftances cauftiques ne manquent
pas.d’abforber, en quelque lieu que l’on les place,
Perfonne n’ignore qu’il doit fe produire tous les jours
une énorme quantité de gas acide carbonique par la
cotnbuftion des matières charbonneufes, par la ref-
piration des animaux, par la fermentation des muqueux
, par la putréfaftiort des fubftances organiques :
quelques Phyficiens n’ont pas diffimulé qu’ils étoient
effrayés lorfqu’ils confidéroient jufqu’à quel point
l ’air devoit être rendu nuifible par les produits réunis
de ces quatre caufes habituelles , fur-tout dans les
lieux habités ; & d’après cela la faturation dés fubftances
cauftiques fembleroit une fuite toute naturelle
de cette multitude d’effluves gafeux. Mais d’autre
part, on remarque que l’air athmôfphérique ne tient
réellement qu’une quantité prefque inappréciable de
ce gas acide -, ce font les expreffions du célèbre Kir-
wan ( Journ. phyf. t. 26, p. 416 ) ; de forte qu’on a
cru pouvoir en conclure que ce gas étoit décompôfé
prefque auffi promptement foit par la végétation,
fuivant les expériences de M. Jngenhousz oc Senne-
bier, foit par d’autres moyens encore inconnus.
En effet, M. Fontana dit avoir répandu 20000
pouces cubiques de gas acide carbonique dans une
chambre dont les fenêtres & les portes étoient fermées,
& qu’au bout d’une demi-heure, il ne put
en découvrir la moindre trace ( Journ. phyf. tom. 23 ,
p. 188 ). Ce Phyficien a agité long- temps un pouce
cube d’infufion de tournefol avec 700 pouces cubes
d’air commun, fans qu’elle ait'été altérée eu rouge,
& Bergman a reconnu qu’un pouce cube de gas acide
rougiffoit fenfiblement 50 pouces cubes de cette in-
fufion. M. Kirwan a mêlé & agité de même tantôt
18 pouces cubes d’air commun avec 2 pouces cubes
d’eau de chaux , tantôt 18 pouces d’eau de chaux
avec 2 pouces d’air commun, & il n’a pas apperçu
le moindre nuage. J’ai moi - même fait paffer \ au
moyen d’un grand foufflet, jufqu’à 1200 pouces cubiques
d’air commun dans un cylindre de verre tenant
10 pouces cubiques d’eau de chaux fans lui
occasionner une altération fenfible , tandis qu’un 20e.
de pouce cube d’eau imprégnée d’un égal volume de
gas acide carbonique y occafionnoit fur-le-champ un
nuage , qui difparoiflbit à la vérité totalement par
l’agitation, & qu’un demi-pouce cube de la même
eau donnoit au mélange une couleur laiteufe permanente.
Il eft bon d’avertir, que, dans cette expérience
, je recevoîs immédiatement l’air d’une fenêtre
élevée, & que j’avois choifi un temps ferein précédé
d’une légère pluie.
La difficulté de concilier ces obfervations avec les
• , faits
A I R
[faits qui-annoncent la préfeiice habituelle de ce gas
âcide tout formé dans l’air, ne, vient, ce me femble,
que de ce que nous donnons une valeur. abfolue à
des puiffances d’affinité qui n,e font que relatives. Il
ëft bien certain que l'acide carbonique précipite fur-
le-champ la chaux di (Toute dans l’eau , quand il y
eft porté en quantité fuffifante , quand il lui y eft présenté
en maffe , c’eft-à-dire , en état de gas pur, ou
condenfé dans l ’eau ; mais cette affinité a en même
temps deux affinités à vaincre , lorfqu’on ne porte dans
l ’eau de chaux qu’un peu de ce gas diffous dans un
Volume d’air 40 ou 50 fois plus confidérable : la première
eft l’affinité de la chaux avec feau , affinité qui,
fuivant les règles établies , devient d’autant plus forte
qu’il refte plus du diffolvant pOiir retenir le corps
diîîbus ; la f é c o n d é eft l’affinité du gas lui-même avec
l’a ir, qui réfîfte d’autant plus à la féparation, que l’air
y eft en plus grande proportion, d’autant plus que le
gas eft plus défendu du contaéf de la fubftance pour
laquelle fon attraélion éleâive eft réellement plus
Forte; je ne vois pas pourquoi il n’en feroft pas ici:
de même que dans l’opération du départ, par exèm-,
p ie , où l’on fait que faélion de l’acide nitrique fur
l’argent refte inefficace, fi ce dernier eft allié d’une
Certaine quantité d’or.
Voilà ce que l’on n’a guère çonfidéré jüfqu’à pré*-
jfent, ce qui fe déduit pourtant tout naturellement
de Fobfervation, & qui fuffit pour tout éclaircir.
M. Whytt a trouvé que les dernières portions;de
chaux adhéroient tellement à d’eau , que 12 Onces
d’eau de chaux en rêtenôient encore uft grain après
avoir été expofées 19 jours à l’air libre ( o n lime-
•water). On a vu précédemment ( page 734} que
100 grains d’air vital, formant un volume' a environ
200 pouces cubiques, qui ne caufoie'nt aucune
altération à Veau de chaux, perdoient dans le lait de
chaux 2 ,6 5 grains, c’eft-à-dire qu’ils contenoient à
peu près 3 ,6 [polices cubes de gàs acide carbonique
ou 0,018 du volume total. Dans' le premier. Cas , 1a
Chaux unie à l’eau au point de faturation n’a pu enlever
le gas à l’air; dans le fécond, la chaux qui
le trouvoit en excès a exercé plus librement fôn affinité.
J’ai mis deux pouces cubiques d’eau de chaux
dans une pètite capfule évafée * fous un récipient, de
la capacité de i <jô pouces cubes, rempli d’air commun
qui n’altéroit pas lé moindrement l’eau de
Chaux en la traverfànt ; les bords inférieurs du récipient
étoient plongés dans le mercure. Je biffai lé
tout en cet état, fur la tablette d’une fenêtre expo-
fée au midi, fefpace d’un mois, pendant lequel la
chaleur opéra plufieurs fois une forte de diftillâtion
d’une portion de l’eau qui fe condenfoit en gouttes
A I R 7 4 >
fur les parois du récipient ( 1 ) : j’apperçus à la fin,
à la furrace de l’eau de chaux, une pellicule extrêmement
fine, mais très-fenfible, dont la formation
ne faurôit être attribuée qu’à la circonstance même
de ces diftillations répétées ; & peut-être que ce qu’on
nomme crénie de chaux ne fe forme auffi qu’à la faveur
d’un commencement d’évaporation qui biffe
une portion d’eau furfaturée de chaux, & met celle-ci
en état d’agir avec plus d’énergie fur le gas acide (2).
Enfin l’illuftre Bergman rapporte que lorfqu’on biffe
ouvert, même dans un lieu tranquille, un vafe cy r
lindrique rempli de gas acide carbonique, la couche
fupénéiire fe mêle bientôt à l’air commun ôc qu’à
la fin toute la maffe eft changée ( Dijfertat. / , 23) :
il n’ÿ à très-certainement qu’urié force d’affinité qui.
puiffe vaincre l’excès affez confidérable de pefanteuc
fpécifique qui s’oppofe à Ce déplacement.
Cette affinité une fois reconnue, non-feulement
il devient facile de concevoir pourquoi l’air retient
une petite portion de gas acide carbonique , au poict
de ne le pas céder même à b chaux , lorfque celle-ci
^ ft de fon côté en combinaifon avec l’eau ; on voit
encore pourquoi, malgré les caufes fi multipliées de
produélion de ce gas acide ,, oh ne'le rencontre en
maffe que dans les lieux mêmes 011 il fe formé ; pourquoi
l’extinélion de b chaux, la dulcification des alkalis
n’eft jamais qu’un effet lent & fiicceffif; pourquoi
ce gàs ne [manque nulle part aux végétaux qui
ne peuvent" croître qu’en s’appropriant un de fes
principes; pourquoi, il exifte enfin jufques furies
fommets des montagnes, loin defqiiels il dëvroit être
enchaîne par fon poids, jiifqûes fur ces rochers ef-
cârpés dont n’approche aucun être organiféqui puiffe
en fournir, les matériaux. Le célèbre Sauffure, dans
fon expédition fur la cime du, Mont-blanc, en 1787,
vit fe former en fept quarts d’heure une pellicule
couleur d’iris à là furiàce de l’eau de, chaux qu’il
avoit eu là précaution d’étendre'de partie égale d’eaii
pure, pour ne pas fe méprendre à l’effet de l’évaporation
( Relation , &c. pag. 27 ) ; des lames de papier
imbibées de potaffe pure en liqueur, & expofées fur
b cime pendant une heure & demie, fe trouvèrent
deffèchéés, Ôc firent une très-vive effervefcence avec
les acides.
Ceffons donc de nous étonner qu’une fubftance
avide de gas acide carbonique ne puiffe être abandonnée
à l’air libre, fans fe charger de ce principe ;
ceffons de croire que 1a quantité qu’en recèle le fluide
athmôfphérique foit inappréciable (3); elle ne l’eft que
lorfque les inftrumens que nous employons pour l’en
féparer, ne font pas affez puiffans. On doit efpérer
de parvenir à déterminer ce que l’air commun tient
(1) J’ai déjà evi occafion de parler de cette expérience-, dans la note de la page 6.72.
• (2) Lorfque j’ai fait, paffer de l’air pat l’eau de chaux, au moyen d’un foufflet, il" n’y a eu , comme je l’ai dit, aucun
nuage dans la liqueur ; mais j’ai toujours remarqué une pellicule à la furfacc , ôc en. même temps une diminution qui ne
permetto'it pas douter que l’air n’eût emporté un peu d’eau.
(3) Un des faits fur lefquels M. Kirwan infifte pour établir cette propofition , eft que M. Cavendish ayant fait brûler
*vec le gas hydrogène 1040 mefures d’air commun ( 1673,256 pouces cubiques de France) , n’a point trouvé de gas
acide carbonique ; -mais on ne voit pas que ce Phyficien ait fournis à l’épreuve le gas réfidu , ôc l’acide nitrique qui fe
forme dans cette opération., s’empare . à fon excbfion , de 1a petite portion de chaux diffoutè dans l’eau.
• Çh ym ïé . Tom e . 7. B b b b b