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eau de cryftallifation,. c’eft-à-dire, un huitième de
fon poids, ce qui réduit cette eftimation à 261,45
grains pour le nitre ordinaire.
Enfin MM. Lavoifier & de la Place croyent qu’une
once de nitre renferme environ trois gros deux tiers
ou deux cents foixante-quatre grains d'acide nitreux.
En s’arrêtant à cette dernière eftimation, la plus
forte de toutes, il eft encore évident que M. Ber-
thollet a retiré d’une once de nitre un volume d air
vital dont le poids excède de dix grains le poids
etirier de Xacide nitreux décompofé. On ne fera
pas tenté d’objecter ici la petite diminution de
poids de l’air vital qu’a pu occafionner fon expanfion
à un degré de chaleur fupérieure à celui de la
température moyenne, lorfqu’on fera attention que
je ne tiens compte dans ce calcul ni de l’eau,
principe de l’aciae , ni de la portion de cet acide
non décompofé , qui a mis 1 eau du récipient en
état de rougir faiblement l’infufion de tournefol,
ni enfin de la portion de nitre élevée par faction du ;
feu , & qui, fuivant 1 obfervation de M. Berthollet, ;
avoit paffé en aiguilles jufques dans le récipient,
qui formoit une couche, a.la vérité très-légère,
fur une partie de la furface intérieure, de même
que dans le col de la cornue. ,
11 ne faut pas croire que nette énorme difpro-
-portion ait échappé à M. Berthollet : ce Chymifte
a trouvé qu’une livre d'acide juteux concentre
formoit dix-huit onces de nitre, & comme dix-
huit onces de nitre fourniffent dix mille quatre
cents quarante pouces cubiques d’air vital, il a conclu
avec raifon que le produit en poids-d air vital, a^n ef-
timer le pouce cube quun demi-grain, feroTt de
neuf onces trente-fix grains par livre d’acide, c*eftà
dire près de cinq fois autant que la quantité
indiquée par le calcul que M. Lavoifier a établi
fur fa recompofition. Après avoir rapproche ces
•calculs, il eft bon de rappeller cette circcnftanee fi
importante : ce n’eft pas 1 air v ital, c eft le gas
nitreux qui a manqué à M. Lavoifier pour que la
recompofition abforbâtfous les produits de l’analyfe.
On verra bientôt que'je n’adopte^point-la con-
clufion de M- Berthollet, que tout l’acide nitreux
puiffe être réduit en air vital, quil n y a gueres de
différence entr’eux que l’état élaftique, que Pair doit
probablement au principe de la chaleur. Les faits que
je viens de rapporter préfentent a mon avis d autres
conféquences qui trouveront leur place ailleurs;
une feule doit m’occuper ici : l’air vital eft une des
parties conftituantes de l’acide nitreux ; ce n eft point
un fyftême, c’eft une vérité démontrée. 11 s’agit,
maintenant de favoir qu’elle eft la fubftançe qui , 1
par fon union avec le principe acidifiant commun
fait le caractère propre de Y acide nitreux", ce qui
donne lieu à deux autres queftions dont 1 examen
o’eft pas moins important.
III EJl-ce le gas nitreux tout entier qui. entre dans
la compofition de cet acide? Cette quettioa ne préfente
aucune difficulté pour le plus grand nombre
•des Chymifte*, qui admet le phlogiftique de Stahl ;
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elle n’en aura pas davantage pour ceux qui admettront
avec nous le fyftême qui concilie cette théorie
avec la très-belle idée de M. Crawford fur l’exif-
tence du calorifique dans l’air vital; il n’en eft pa*
de même pour les Chymiftes ( s ’il en eft) q u i,
tirant déjà des conféquences d’une hypothèfe que
M. Lavoifier n’a lui-même donnée jufqu’à préfent
que comme probable, oferoient affirmer que la
théorie du phlogiftique eft renverfée.
Ceux qui admettent le phlogiftique n’héfitent pas
de répondre que le gas nitreux eft compofé ( indépendamment
de la matière de la chaleur , ne--
ceffaire fans doute pour mettre un corps quelconque
en état aériforme) de deux autres fubftances ,
favoir, le phlogiftique du métal diflous , & la bafe
acidifiable ou principe radical nitreux ; que le phlogiftique
& l’air vital ne fe rencontrant que pour
mettre en jeu une affinité qui décompofé le dernier,
-il eft impoffible qu’ils co-exiftent effentielle-
ment dans Yacide nitreux pur ; que dès-lors il n’y a
que le radical nitreux qui entre en combinailon
avec l ’air vital principe acidifiant pour régénérer
l’acide ; que l’effervefcence , la chaleur, la couleur
rouge qu’occafionne le mélange des deux fluides
attellent la décompofition réciproque.
Remarquons que cette explication a déjà l’avantage
de n’emprunter d’autres fuppofitions, d’autres principes
que ces vérités auxquelles nous fommes perpétuellement
ramenés par tous les phénomènes chymi-
ques,qui nous font voir dans tous les acides,dans tous
lesmétaux, dans tous les foufres, un radical particulier
, mais affujettià une marche analogue & conf-
: tante, fuivant laquelle il ne quitte l’air vital que
pour s’unir au phlogiftique & réciproquement, de
forte que nous ne l’obtenons jamais que combiné
avec l’un ou avec l’autre.
On ne s’attend pas fans doute à trouver ici les
preuves réunies de l’exiftence du phlogiftique,
mais fans perdre de vue le fujet de cet article,
je puis en offrir deux qui paroîtront affez décifives.
i ° . J ’ai déjà remarqué , avec M. Prieftley, qu’en
traitant au feu Yacide nitreux avec les cailloux calcinés,
on obtenoit de l’air vital & point de gas
nitreux ; il fuffit au contraire de verter cet acide
fur un métal pour obtenir fur-le-champ du gas
nitreux. Dans les deux cas l’acide eft décpsnpofé,
& cependant les produits de l’analyfe font diffé-
rens : il y a donc une des parties compofantes qui,
dans l’une des opérations , eft modifiée par fa coin-
binaifon avec une autre fubftançe ; çette matière n a
pu être fournie que par celui des. corps qui a fubi
une altération dans l’opération, & puifque cela ne
convient qu’au métal, il fuit évidemment que c’eft
lui qui a fourni le principe nécefTaire a cette modification.
Si j’avois mis à la place du premier cas
l’opération fur le nitre même, on auroit pu dire
que l’autre partie conftituante de l’acide, reftojt unie
à l’alkali, à la manière des hépars , quoiqu’il foit
facile de prouver que c’eft alors de Y acide nitreux
phlogiftiqué, & uon du gas nitreux pur qui forme
a c i
Ce fel triple ; mais il n’eft pas moyen d’appliquer
cette fuppofi'tionà la terre vitrifiable, qui n’éprouve
aucun changement dans fes propriétés, & qui auroit
toujours moins d’affinité que la terre métallique
avec le radical nitreux, fi cette dernière ne
lui cédoit réellement un principe dont il eft plus
avide, & avec lequel il s’élève en état de fluide
galeux.
20. Je tire la fécondé preuve du beau travail de
M. Kirwan,' par lequel ce célèbre phyficien démontre
non-feulement l’exiftence du phlogiftique
dans le gas nitreux, mais encore détermine la quantité
en poids de ce principe. On fait déjà qu’il le
regarde comme identique avec le gas inflammable
pur. Je réduirai toutes les quantités aux mefures 6*
poids de France, pour que l ’on puiffe fuivre plus
facilement ces calculs.
1O0 grains de limaille de fer donnent, pendant
leurdiffolution dans l ’acide vitriolique délayé, 130,5
pouces cubiques de gas inflammable qui pèfent 4,40
grains, lè thermomètre étant entre dix'& douze
degrés au-deffus de zéro , & le baromètre à 29,5
pouces anglois, ou vingt-fept pouces 11,52 ligne»
de France.
D ’autre part, 100 grains de fer donnent, pendant
leur diffolution dans Yacide nitreux pur 70,78
pouces cubiques de gas nitreux pefant 27,5 34 grains,
& le fer fe trouve réduit au même état de calcination
que s’il eut été attaqué par un autre acide;
ce métal a donc éprouvé la même perte de la même
matière, & cette matière doit fe trouver comme
partie corn pofante du nouveau gas que l’on recueille
ici à la place du gas inflammable , & qui, quoique
d’un moindre volume, eft en effet beaucoup plus
confidérable en poids.
Ce n’eft pas aïfez de dire que le métal fe trouve
réduit au même point de calcination, on fait que
Y acide nitreux enlève aux métaux, plus complètement
que les autres acides, le principe qui leur
donne la forme métallique; & M. Kirwan a éprouvé
que 100grains de vitriol de mars, calciné au point
de n’avoir plus de faveur, donnoient encore , avec
Y acide nitreux, 2,63 pouces cubiques de gas nitreux.
Or ,en évaluant dans la même proportion la quantité
de matière que Yacide nitreux a pris de plus
au métal, on voit que les 70,78 pouces cubiques
de gas nitreux ont dû contenir 5,48 de phlogiftique,
Ainfi, fuivant ce calcul, que l’on peut regarder
comme exact à l’évaluation près de la petite quantité
qui peut refter dans la chaux métallique, 100
pouces cubiques de gas nitreux pefant 38,9 grains
font compofés de 6,53 grains de phlogiftique , &
de 32,37 grains de ce que j’ai cru devoir nommer
le radical nitreux, ou , ce qui eft la même chofe,
100 grains de ce gas contiennent 16,792 grains de
phlogiftique & 83,208 de radical nitreux.
J ’avoue que je n’imagine même pas ce que
1 on peut mettre à la place d’une explication qui
te relie fi bien avec tous les faits, ni comment
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ceux qui nient l ’exiftence du phlogiftique de Stahl
peuvent rendre raifon de tous ces phénomènes ,
fans admettre un être quelconque qui fourniffe la
matière du gas inflammable dans la diffolution vitriolique
, qui, dans la diffolution nitreufe, modifie
la bafe' acidifiable de Yacide nitreux, qui ne la modifie
de telle manière que quand la décompofition
s’opère par une certaine efpèce de corps qu’elle
rend analogues; qui * 'dans la régénération de cet
acide, détermine une forte de combuftion, une affinité
de décompofition de l’air vital. Si on eft obligé
d’appellerà fon fecours un être matériel pour produire
ces effets, que l’on lui donne les noms de
.principe combuftible, de principe métalh’fant, de
gas inflammable, ou tel autre que l’on voudra , ce
n’eft plus qn’une queftion de mots.
Concluons donc que le gas nitreux eft un véritable
foufre nitreux , qu’il ne fert à former cet
acide que comme le foufre vitriolique fert à former
l’acide vitjioîique, comme les foufres phofphori-
que, arfenical, &c. fervent à former les acides
phofphorique & arfenical par une combuftion plus
ou moins vifible; que de même que dans toute
combuftion, il y a ici néceffairement échange de
bafe, fixation d’une partie d’air v ita l, dégagement
du phlogiftique, & par conféquent que le gas nitreux
n’entre pas tout entier dans la régénération de cét
acide.
IV. Quelle eft maintenant cette fubftançe qui dans
le gas nitreux fe trouve unie au phlogiftique ? On a
déjà remarqué qu’il y avoit des corps que nous ne
connoiffions que par les compofitions dans lefquelles
ils entroient & les propriétés qu’ils leur donnoient
que nous ne pouvions recueillir féparés de tout autre
corps , & qui /quand nous parviendrions à les ifo-
le r , feroient encore pour nous des élémens chy-
miques. Cette vérité s’applique fur-tout aux principes
radicaux des acides & des métaux ; il femble
donc que nous n’ayons qu’à répéter ici ce que nous
avons dit des autres principes abiolument analogues,
que c’eft une fubftançe propre , de fon genre, formant
tel acide avec l’air vital, tel foufre avec le
phlogiftique : voilà en effet tout ce que nous favons
des radicaux des acides, & il eft raifonnable de
s’arrêter où finit la lumière.
Cependant notre curiofité s’obftine à pénétrer
plus avant par rapport au radical nitreux , & il faut
avouer qu’elle eft excitée par deux puiffans motifs
d’une part, on cherche à comprendre comment ce
principe matériel paroît s’anéantir dans l explofion
fans laiffer aucunes traces fenfibles ni de lui , ni de
fes propriétés ; d’autre part, le nitre eft devenu un
objet de confommation, & on a jugé que pour
augmenter à volonté la production de ce fe l, il
falloit acquérir une pleine connoiffance des parties
conftituantes de fon acide. Voyons donc jufqu’à
quel point ont réuffi les recherches qui ont été
faites dans ces vues.
Les premier^ Chymiftes qui ont donné quelque?
attention-à l’opération du Ci. Y s sus de nitre ( Voyeç