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le frottement ou d’une manière purement mécha-
nique. La feule équipondérance prouveroit donc la
combinaifon, & , à plus forte raifon, cette diftri-
bution uniforme , cette condition d’homogénéité qui
ne peut jamais être le réfultat d’un fimple mélange.
Cependant, fuivant M. de Sauflure, l’air ne dif-
font pas l’eau immédiatement , il ne la dijfout que
quand l’allion du feu l ’a convertie en vapeurs ; cette
diftinétion, je l’avouerai, ne m’a pas paru jufqu’ici
établie fur des fondemens bien folides, elle touche
de trop près aux propriétés chymiques de l’air pour
que je me croie dilpenfé de produire les raifons qui
me font douter.
Il eft inconteftable que la chaleur eft néceflaire à
la combinaifon de l’eau & de l’air : pour s’en convaincre
, il fuffit d’obferver ce qui arrive quand on
place un corps froid, un flacon plein de glace, par
exemple, dans un air dont la température eft fenfi-
blement plus élevée ; on voit bientôt une portion
de l’eau que tenoit cet air ambiant fe condenfer ou
fe dépofer en gouttes à la furfoce de ce corps plus
froid; d’oii il foit invinciblement que la diminution
de la chaleur de l’air a fait ceffer en partie la diffolution
de l’eau. Mais que conclure de là ? C’eft un
phénomène qui a lieu avec bien d’autres diffolvans
chymiques ; la plupart des fels fe dépofent auflï en
partie par le refroidiflement de l’eau , & l’on ne s’eft
pas cru fondé à en conclure que les fels dévoient
recevoir une certaine quantité de chaleur avant que
de devenir folubles par l’eau ; le fait même auroit-;
réfifté à cette fuppofition, puifque c’eft l’eau que
l ’on échauffe pour lui foire prendre uné plus grande
quantité de fel : on a donc continué de regarder
l’eau à telle température comme le vrai diffolvant
d’une dofe déterminée de fel. Cette idée feroit encore
exaéle, quand même on produiroit la diffolution
en laiffant l’eau froide & y portant le fel chaud,
parce qu’il importe peu à la nature effentielle du
compofe de laquelle des manières poflïbles les parties
compofontes fe trouvent raffemblées; rien n’empêche
fans doute que l’on ne puiffe former un amalgame
en jetant de l’or en fiifion fur du mercure
congelé, le produit de cette opération ne fera pas
moins une vraie diffolution d’or par le mercure, parce
que ce fera toujours le dernier qui entretiendra la
fluidité du compofé à la température ordinaire, &
qu’il donnera véritablement fo forme au premier ;
ce que nous fommes convenus de regarder comme
le caraélère du diffolvant7, quoique rigoureufement
l ’aâion ou l’attradion des deux corps foit néceffaire-
ment réciproque.
On oppofera peut-être avec l’ingénieux Auteur de
cette diftin&ion, que l’eau peut être mife en état de
vapeurs élaftiques fans le concours de l’a ir , & que
dans les vaiffeaux diftillatoires, fermés hermétiquement
, la vapeur ne fe mêle pas à l’a ir, s’il n’y a
quelque agitation qui favorife le mélange ( §. 183 -
192 ) ; mais ces phénomènes ne me paroiffent pas inconciliables
avec l ’hypothèfe de la diffolution de l’eau
par l’air.
L’eau peut être convertie en vapeurs fans être
diffoute par l’air ; ce fait fe démontre par le jeu de
l’éolipile , par la puiffance des pompes à feu , par
la diftillation dans les vaiffeaux purgés d’air, & en
particulier par l’expérience imaginée par le célèbre
Franklin pour rendre fenfible le phénomène de
l’ébullition de l’eau par la fimple chaleur de la main,
au moyen d’un tube de verre portant à fes deux extrémités
de petites boules vuides d’air & à moitié pleines
d’eau ou d’alcohol ( Voye^ fig. 2 de Chymie générale).
Mais J’eau n’eft pas le feul corps auquel appartienne
la propriété de fe convertir en vapeurs par fa combinaifon
avec le calorique , nous avons même les
plus fortes raifons de croire qu’elle eft générale , & ,
pour ne parler .ici que des fels qui fe fubliment, ft
on recevoit immédiatement dans l’eau au moment
même dé la fublimation, du gas acide muriatique,
par exemple, ou un fel ammoniacal, feroit-il pour
: cela moins vrai de dire qu’ils font tenus en diffolution'
par l’eau, abfolument comme s’ils y avoient
été portés dans un état différent ? Te l eft cependant
le cas des diffolutions des vapeursaqueufes par l’air;
on n’eft donc pas plus fondé à changer la manière
d’exprimer la combinaifon des deux corps fenfibles,
puifqu’elle fuppofe toujours la condition de température
, de quelque part que vienne la matière qui
remplit cette condition.
Pour ce qui eft de la diftillation qui ceffe, quoique
dans les circonftances les plus favorables ( c ’eft-à-dire,
lorfque la cornue eft le plus fortement échauffée &
le récipient le plus fortement refroidi ),- fi la cornue
porte un col long & étroit & qui foit fcellé hermétiquement
au récipient ( Journ. phyf 1779 , part. 1,
p. 22. ) ; je ne vois dans ce phénomène décrit par
M. l’Abbé Fontana, que l’effet naturel de la com-
preflion qui fufpend en général toute diffolution :
l’expérience fuivante démontre qu’elle peut „ même
fufpendre la diffolution direéte de l’eau par la chaleur
ou fa converfion en vapeurs.
E x p é r i e n c e I I .
• Je remplis entièrement d’eau diftillée le bulbe &
le col d’une petite cornue de verre foufflée à la lampe
d’Emailleur, dont le bulbe peut contenir environ
2 , ç pouces cubiques d’eau ; en mettant le doigt
fur l’extrémité de fon col pour empêcher l’eau d’en
fortir, je le plonge tout de fuite fous une cloche de
verre également remplie d’eau & un peu enfoncée
au deffous de l’eau d’une cuvette , comme pour les
diftillations pneumatiques. J’échauffe alors le, bulbe
de la cornue en plaçant deffous un petit réchaud
ou le fourneau de lampe à courant d’air intérieur:
il fe forme bientôt des vapeurs qui occupent la partie
du dôme, qui en déplacent l’eau, qui envoient même
quelques bulles fous la cloche; mais quelque attention
que l’on prenne à entretenir le feu ou même
à l’augmenter (pourvu qu’on ne le porte pas au point
de faire éclater le vaiffeau ) la diftillation s’arrête
tout-à-coup , l’eau remplit de nouveau toute la catoâcftè
de la cornue ; & comme les bulles qui paffent
jjbus le récipient difparoiffent aufli par la condensation
, il arrive qu’après avoir répété trente fois l’ope-
fation, tout fe retrouve au meme état que dans le
premier inftant»
Ce phénomène qui eft connu dans les Cours publics
de l’Académie de Dijon fous le nom de difi
tïllation perpétuelle, me paroit indiquer affez clairement
ce qui fe paffe dans l’expérience de M. Fontana;
car c’eft la même chofe que l’eau de la cornue
foit comprimée par de l’air renfermé, dont l’élafti-
cité fait équilibre à la force expanfive des vapeurs,
ou par l’eau du récipient ; ici la compreflion n’eft pas
même fufceptible d’une égale intenfité, puifque l’eau
ne fe foutient dans la cloche que par le poids de la
colonne âthmofphérique.
Au refte, M. de Sauffurè reconnoit également que
la compreflion eft, dans l’appareil de M. Fontana, le
véritable' obftacle à la diffolution de l’eau par l’air ,
on ne peut dès-lors en tirer aucune induélion en faveur'
de la- diftinéfion qu’il propofe; il n’eft pas pof-
fible de douter que la petite portion d’air qui étoit
la plus voifine de l’eau ne s’en foit d’abord faturée;
& quand une fois cette aâion réciproque a été épui-
fée , tour a dû ceffer * abfolument comme, on le
remarque dans les diffolutions acides elles-memes,
quand l’acide eft concentré; parce que la portion
faturée empêche le contaft, 8c que c’eft lui qui met
en jeh les puiflances.
Avant que d’admettre enfin que l’air ne diffout
l’eau qu’en état de vapeur, il foudroit prouver que
l'affinité de l’eau avec le calorique l’emporte tellement
fur celle de l’air avec le même principe, que .
quand l?air chaud rencontre de l’eau, froide , celle-ci
s’empare , avant toute union , de la quantité de chaleur
néceflaire à fa converfion aériforme; il foudroit
fuppoferflu moins que l’eau Amplement liquide n’a
aucune affinité avec l’air ; or il y a long - temps
que le célèbre Marîotte a fait voir que l’eau privée
d’air en reprenoit étant mife en, contaél avec
lui fous une cloche de verre à la température ord i-.
flaire. Cette expérience, fur laquelle j’aurai occa-
fion de revenir , démontre la poflibilité de l’union
de l’air à l’eau , fans que celle - ci foit réduite en
vapeurs.
Nous pouvons conclure préfentemënt que l’eau que
recèle habituellement l’air âthmofphérique, & que
l’on y découvre par les affinités des fubftances hy>
grométriques , y eft véritablement combinée, & que
cette diffolution doit perfifter tant que la température
ne change pas, ou que l’eau n’eft pas féparée de
l’air par une affinité plus puiffante. Je n’ai pas cru
devoir paffer légèrement fur une queftion aufli importante
à la théorie des diffolutions; mais je ne veux
pas laiffer croire non plus que cette conclufion fuffife
à l’explication de tous les cas qui occupent les Mé-
téqrologiftes ; & pour donner une idée plus complette
de la manière dont l’eau peut exifter -dans l’air ou
s’en féparer, je ferai ici, d’après eux, deux remarques
pffentielles. \
Chymie. Tome, h
1®. L’eau fe foutient quelquefois dans l’air fous
une forme vifible, comme dans les brouillards, d an s
les nuages; c’eft ce que M. de Sauflure appelle
vapeurs véficubaires, parce que, de même que, la
fumée de l’eau chaude, elles préfement des véfi-
cules ou petites fphères creufes ; 8c il les nomme
vapeurs concrètes, lorfque plus condenfées , fans cependant
être réduites en glace ou en pluie , elles
font emportées par l’agitation de l’air à caufe de leur
extrême ténuité. ( §§. 198, 200 & fuiv.)
On conçoit qu’il n’y a plus ici véritable diflbhi-
tion, mais un mélange inégal & non permanent, que
je ne puis mieux comparer qu’à celui de l’eau & de
l’huile dans l’inftant qui fuit une forte agitation de
ces deux liquides ; & comme l’affinité d’union eft
inefficace, les particules huileufes af&âent aufli la
forme fphérique déterminée par l’affinité d’aggrégâ-
tion qui eft plus puiffante.,
Mais on demandera pourquoi l’eau perd dans ceà
circonftances la propriété de s’unir à l’air & de former
une combinaifon homogène. Le célèbre Auteur
des Effais fur l’Hygrométrie convient qu’il n’eft pas
aifé d’indiquer ce qui peut obliger les particules d’eau
à prendre cette forme de fphères. creufes , d’autant
plus qu’elles paroiffent la conferver r . lorfqu’elles
flottent à la furfoce de l’eau chaude ou qu’elles foit
réellement en contaél avec elle, 8c que les nuages
des hivers annoncent que le froid feul ne fuffit pas]
pour enlever à ces véficules l’ênveloppe légère qui
les foutient : il demande û ce ne feroit pas une ath-
mofphère de quelque fluide plus rare que l’air qui
s’oppqferoit au contaêl de ces véftcules ;> il n’eft pas
éloigné de conje&urer que le fluide, éle&rique'peut
y avoir quelque part. Ces vues méritent fans doute
toute l’attention des Phyficiens; mais je demanderai
à mon tour s’il n’eft pas poffible d’arriver à une fo-
lution plus fimple , en partant des faits acquis & en
leur appliquant les principes des diffolutions.
M. de Sauflure s’eft affuré par un grand nombre
d’obfervatio.ns & même par des expériences direâes,
tant fur les brouillards de la plaine, que fur les nuages
les plus élevés qui s’attachent-aux montagnes, que ces
véficules n’exifient jamais que dans un air fattiré de
vapeurs ( §. 217 ) ; nous n’avons pas befoin, ce me
femble, de chercher une autre caufe de la ceffation
de la diffolution, c’eft un phénomène que la Chymie
nous offre tous les jours ; & quand la faturation
a épuifé les forces de la combinaifon, il n’eft pas
étonnant que la matière qui refte en excès demeure
féparée ; il eft tout fimple encore, quand cette matière
eft fluide, que fes molécules fe difpofent fuivant
le fyftême de leur affinité d’aggrégation , & qu’elles
occupent la place que leur affigne leur pefonteur
refpe&ive, avec les modifications qu’y apportent le
frottement & l’agitation de l’air humide, & qui n’eft
plus pour elles que le milieu dans lequel elles, font
fufpendues.
L a f e u l e v é r i t é q u e n o u s a y o n s d o r tc à r e c u e i l l i r
i c i 8c q u i n e la i f le p a s q u e d ’ê t r e a f f e z im p o r t a n t e ,
c ’ e f t q u ’ i l y a ha t e rm e d e fa tu r a t io n d e l ’a i r p a r
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