
j , i o A C I
Cette dècompofition fpontanée du tartre , eft
fans contredit un phénomène très-digne d’attention
; 8c non-feulement les expériences que je
viens de rapporter ne fatisfont pas à toutes les
queftions qu’il fait naître , mais elles font contraires
fur le point capital de i’alkali mis à nud : en adoptant
enfin la dernière obfervation, il reftoit toujours
à fav,oir pourquoi la quantité d’alkali étoit
aufli difproportionnée avec celle que donne le tartre
par la combuftion , qui va à-peu-près à un tiers
de fon poids. M. Berthollet a fenti combien il
étoit important de revenir fur cette matière : je
yais rendre compte de fon travail, où l’on re-
connoîtra aifément l’exaditude 8c la fagacité de
ce célèbre académicien.
« J’ai diffous (d it-il) deux onces de crème de
« tartre dans huit livres d’eau difiillée , & j’ai-
» abandonné cette diffolution , fimplement cou-
j? verte d’un papier , à la température naturelle
» de mon laboratoire : elle ma prèfenté les ap-
i> parences décrites par M. de Machy , & non
i> celles qu’a'obfervées M. Corvinus, parce qu’il
» s’eft fervi d’une chaleur faftice , & qu’il enle-
» voit la mucoiité à mefure qu’elle fe formoit. Au
,j> bout de quatre ou cinq mois, la mucofité étoit
jj déjà abondante; la liqueur étoit rouffâtre*, mais
» elle continuoit de rougir le firop violât , &
» d’avoir une faveur acide ; la mucofi.ré alloit en
r> augmentant, je remplaçai l’eau qui s’évaporoit,
» 8c , après huit à neuf mois, la liqueur corn-
» ménçoit à verdir lè firop violât, en prenant une
jj couleur de plus en plus foncée. J’ai laiffé le vafe
>j en repos jufqu’à ce que dix-huit mois fe foient
jj écoulés ; alors , comme depuis quelque temps
>j je n’obfervois aucun changement dans la li-
» quenr , je l’ai filtrée ; la mucofité qui paroif-
v foit très-volumineufe, 8c qui eft reftée fur le
jj filtre , s’eft réduite, par la déification, en pel-
jj ficules minces & d’iin très-petit poids ; elles fe
« font embrafées fans donner de flamme, 8c fe
n font réduites promptement en une cendre qui
p a 'donné des fignes d’alkalinité.
n La liqueur, qui donnoit tous les indices d’une
» forte alkalinité, a laiffé , par l’évaporation, 6
» gros | de réfidu bien fec , qui avoit le goût de
jj l’alkali mêlé d’une faveur huileufe très-défa-
» gréable, & qui faifoit une effervefcence vive
jj avec les acides ; Palkali paroiffoit y être uni à,
jj de l’huile. J’ai effayé fi, par le moyen de l’efprît-
» de-vin , je pourrois féparer l’huile ; la partie du
jj réfidu la plus*huileufe s’eft diffoute effectivement
jj dans, l ’efprit-de-vin ; & , par l’évaporation, elle
jj a laiffé un réfidu plus onftueux que le premier ;
jj mais une partie de l’huile eft reftée unie avec
jj l’alkali.
jj En combinant une partie du réfidu de la
>j crème de tartre avec l’acide vitriolique , il s’eft
jj féparé de cette diffolution des molécules noires
jj & concrètes, 8c la diffolution a perdu par-là la
jj plus grande partie de fa couleur,
a c r
» Par la calcination dans un creufef couvert,
jj ce réfidu a perdu à-peu-près le douzième de fon
jj poids , & il s’eft changé en alkali charbonneux ,
jj femblable à celui qu’on obtient de la diftillation
jj du tartrfe ; car , pour faire la comparaifon, j’ai
jj diftillé' 2 onces de crème de tartre qui m’ont
jj laiffé un jalkàli charbonneux qui pefoit 6 gros jj,
( Mémoires de V Acad, roy, des Sc.atm. 1782. )
M. Berthollet a été fondé à conclure de cette
expérience, 1 que M. de Machy n’a pas retiré
.de Palkali, parce que l’acide du tartre fur lequel
il a opéré n’a été décompofé qu’en partie, &
qu’il faut à la température naturelle beaucoup plus
de temps qu’il n’en a employé pour la déçompo-
fition complette ; 2.0. que fi MM. Spielman &
Corvinus n’ont obtenu que moitié de Palkali qui
exifte dans 2 onces de cryftaux de tartre, c’eft
qu’en féparant la pellicule muqueufe , à mefure
qu’elle fe formoit à la furface , ils ne pouvoient
manquer d’enlever en même-temps une portion du
tartre qui fe ‘recryftallifoit néceffairement par les
progrès de l’évaporation à la chaleur de l’étuve ;
30. que la quantité d’alkali qui réfui te de cette
dècompofition fpontanée eft rigoureufement la
même que celle qu’on obtient par la diftillation
des cryftaux de tartre, & même un peu plus forte
que celle que donne la combuftion à Pair libre ,
parce que , dans, cette dernière opération, il y a
toujours un peu de perte ; 40. enfin que dans la
dècompofition fpontanée on retrouve la même
huile qu’on obtient par la diftillation fous forme
empyreumatique , mais qu’elleeft retenue en partie
par l’alkali qui fe combine avec elle. Au refte,
M. Berthollet croit que cette combinaifon ne.peut
pas être appellée exactement fàvonneufe , parce
que l’acide méphitique n’en eft pas exclus comme
dans les véritables favons.
Le même académicien a fait , à cètte occafion ,
plufieurs autres obfervations qui ne font pas moins
importantes, pour déterminer la nature du tartre,
& pour faifir lejLcara&ères qui le diftinguent d’autres
fubftances analogues.
Il a tenté la même dècompofition fpontanée
fur l’acidule oxalin ou fel d’o feille, 8ç fur l’acète
de potaffe ou terre foliée, en ajoutant à ce dernier
affez de vinaigre diftillé pour que la liqueur rougît
le firop de violettes. La diffolution d’acidule oxalin
n’a préfenté en aucun temps!, ni même-après
deux ans 8c demi, aucun indice d’altération , quoi-
qu’expoféede temps en temps à une douce chaleur
de bain de fable.
Il n’en a pas été de même de l’acèie de potaffe:
en moins de deux mois , la diffolution d’une once
de ce fel a perdu l’odeur acéteufe, fa couleur s’eft
foncée considérablement, elle a verdi le firop de
violettes , & il a commencé à fe former à la
furface une efpèce de moififfure, qui eft allée en
augmentant pendant quatre mois. Depuis ce terme
la propriété de. verdir le firop violât n’a plus
augmenté >
a c 1
augmenté , & la couleur ne s’eft plus foncée. La
liqueur ayant été filtrée 8c évaporée au bout d’un
an révolu , elle laiffa après une forte de deflicca-
tion, 6 gros d’alkali fixe très effervefcent, qui
donnoit peu de couleur aux acides, avec lefquels
on le combinoit, & qui, par la calcination , ne
devenoit que légèrement charbonneux. La mucofité
qui paroiffoit très-volumineufe ne forma
qu’un très-petit volume lorfqu’elle eût été deffé-
çhée. Une once du même fel a laiffé par la diftil-
lation 6 gros 8c demi d’alkali très-charbonneux ;
ce qui fait croire à M. Berthollet, que, dans la
dècompofition fpontanée, une portion confidéra-
jble de la partie huileufe du vinaigre eft elle-même
décompofée ; au-lieu que dans la diftillation elle eft
retenue par l’alkali 8c réduite en charbon.
On pouvoir imaginer que dans cette opération,
il fe dégageoit quelque fluide élaftique , comme
lors de la dècompofition par lé feu ; M. Berthollet a
encore interrogé l'expérience fur ce fait important :
îl a mis dans un bocal une diffolution dé demi-
once de cryftaux de tartre dans deux livres d’eau
difiillée ; il l’a bouché exactement ; il a adapté
au bouchon*un fiphon recourbé, qui s’engageoit
fous iin autre bocal plein d’eau 8c renverfé dans
line cuvette , placée elle-même fous une cloche
de v erre, pour la défendre de la poùffière ; il a
procédé comparativement fur l’acidiile oxalin &
fur l’acète de potaffe dans des appareils fembla-
bles : mais, au bout de deux ans, aucune de ces
diffolutions n’avoit donné la moindre apparence
de produit gafeux ; l’acidule oxalin n’étoit nullement
altéré , les diffolutions de tartre & d’acète
de potaffe avoient, à leur furface , une mucofité
pareille à celle qu’elles avoient donné à l’air libre,
il n’y avoit de différence qu’en ce que la décom-
pofition n’étoit point achevée ; d’où il fuit qu’elle
a lieu fans le contaCt de l’air, & qu’elle s'opère
feulement plus lentement.
Que devient donc , dans cette dècompofition,
la prodigieufe quantité de gas dans lequel fe réfout
l’acide du tartre lors de fa diftillation ? C ’eft
avancer la fcience que de propofer de pareilles
queftions ; & , fous ce point de vue, je regarde le
fait obfervé par M. Berthollet, comme un de ces
phénomènes que la nature nous offre de temps
en temps pour nous ramener au doute , & en
mettant en défaut nos théories, nous.préparer de
nouvelles découvertes. Ce célèbre Chymifte, après
avoir donné l’aveu qu’il ne fçavoit quelle combinaifon
avoit pu former , dans cette expérience 3 le
gas que fournit l’acide du tartre décompofé par le
feu , a ajouté en note : Depuis les expériences importantes
de MM, Cavendish, Monge & Lavoifier fur
la formation de Veau par la combuflion de Vair vital
& du gas inflammable , il me paroit probable quil fie
pafifie ici quelque chofie de femblable.
J’ai fait voir à l’article air Vital , que cette hy-
pothefe de la production artificielle de l’eau, étoit
encore fort éloignée du dégré d’évidence que l’on
Chyrnie, Tome /•
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eft en droit d’exiger pour l’analyfe d’un élément ;
& la méthode rigoureufe des Cnymistes modernes
ne leur permet pas de regarder comme une explication
fatisfailante , celle qui 11’eft fondée que
fur un fyftême, qui a lui-même’ befoin de preuves
, ou plutôt qui eft fufceptible de grandes difficultés.
Mais pour me renfermer dans les vues
que préfente l’obfervation de M. B mtfiollet, il me
paroît qu’avant de chercher la folution du problème
, il farcit important de revoir carte décomposition
, de manière à écarter toutes les circonf-
tances qui peuvent en impofer, à circonfcrire les
conditions dans lefqnelles elle fe produit, 8c à
en déterminer tous les effets. Je voudrois donc
qu’au-lieu de fermer fimplement les appareils par
l’eau d’une cuve pneumatique , (q u i, comme l’on
fçait, eft fujette à abforber & à tranfinettre certains
gas ) ou même de boucher les vaiffeaux avec
deslms ., du liège ou autres matières femblables ,
on fe fervît de matras fermés hermétiquehient ,
comme je l’ai fait dans mes effais fur la décomposition
fpontanée de l’hépar de fouffre ( Voye*
Acide vitriolique)-: que l’on mît, par exemple,
dans un de ces matras A , une diffolution d’une
certaine quantité de cryftaux de tartre dans l’eau
diftillée , de manière.qu’il reftât le moins d’efpacè
poflible entre la furface de la liqueur 8c la pointe
tirée à la lampe, 8c qu’aprèsl’avoir pefé, et marqué
fur le col le point de niveau du liquide, on
le plaçât à l’ombre ; qu’un autre matras B , abfo-
lument pareil, fût expofé à la lumière du jour ;
q ue, dans un matras C , beaucoup plus grand ,
toujours fermé hermétiquement, on mît la même
quantité de pareille diffolution; que l’on mît encore
çette diffolution ( toujours à même dofe )
dans un .matras D , dont la capacité fût telle qu’il
pût tenir avec elle deux ou' trois fois plus d’air
commun que le précédent ; que la même quantité
de diflolution fût renfermée dans un matras'E ,
rempli d’avance d’air vital 8c enfuite fermé à la
lampe avec les précautions néceffaires ^pour qu’il
y eût le moins poflible de mélange d’air commun
; enfin , quUin fixième matras F fût mis ab-
folument dans la même condition, à la différence
qu’il auroit été d’abord rempli de gas acide méphitique.
Ces matras ayant été gardés à une température
à-peu-près égale pendant un an , ou feulement
jufqu’à ce qu’on n’obferve plus aucun progrès d’altération
, on pourra juger facilement 8c avec bien
plus de certitude, i° . fi cette dècompofition fpontanée
s’opère, réellement (ans le concours de l’a ir;
2°, û elle fe fait en raifon de la quantité d’air renfermé
avec la diffolution ; 30. fi cet air n’éprouve
lui-même aucune altération ; 4Ç. fi la décompo-
fition a lieu dans le gas non-refpirable, comme
dans l’air vital et l’air commun ■ ; 50-! s’il n’y a
réellement aucun changement , ni de poids , ni
de volume dans les matières ; 6°. enfin, fi la
lumière a quelque part à cét effet ? Je regrette