
taux , & je ne puis croire qu’il diffère affèz du vitriol
du commerce pour changer les réfultats.
Les z8 onces de vitriol ainü calciné furent mifes
dans-une bonne cornue de grès, & la cornue placée
fur une afiïette de terre garnie d’un peu de
fable, au fourneau de réverbère; j’adaptai à la
cornue un grand récipient portant fiphon pneumatique,
comme il eft dit ci-deffus {cxpér. / ) ,
& je donnai d’abord un feu doux que j’augmentai
par degrés ; lorfque le fond de la cornue commença
à rougir, il paffa quelques gouttes d’acide
; cette diftillation dura environ une demi-
heure; les gouttes ne fe fuccédant que très-lentement
, quoique le feu n’eut pas diminué, on enleva
le récipient & on en fubftitua un autre , toujours
avec ftpbon pneumatique, dont on lutta
bien les jointures avec le lut gras & veflie ficelée ,
& on pouffa le feu ; les vapeurs commencèrent à
paroitre & à remplir le récipient.
* Il ne paffa encore dans les premiers inflans, fous
la cloche, que de l’air commun, ou qui paroiffoit
suffi bon que de l’air commun ; il n’y en avoit pas
eu d’autre depuis les huit heures du matin que
l ’opération avoit commence. Vers les onzes heures,
il paffa un gas fulfyreux qui éteignoit les lumières
que l’on y plongeoit, & cela dura jufqu a une heure
& demie. ,
" Depuis une heure & demie jufqu a fix , 1 appareil
n’a ceffé de fournir de l’air v ita l, d’abord en
petite quantité, puis fi rapidement qu il falloit au
plus cinq minutes pour en recueillir une pinte,
ce qui dura au moins deux heures ; fur la fin, il
lie venoit plus que par fecouffes à deux ou trois
minutes d’intervalle, & fe rallentit toujours de
plus en plus , quoique la cornue fût rouge à blanc.
r Dans tous les temps, cet air fut accompagné
de gas fulfüreux qui paroiffoit, dans les cloches,
d’un blanc de la it, qui rendit l’eau de la cuve très-
acide, & qui eût pu être très-incommode fi l’on
n’eût pris le parti de le diriger fous la hotte de la
cheminée par un tuyau , dans les intervalles de
la fubftitufion des recipiens pneumatiques.
Le lendemain, les vaiffeaux étant abfolument
refroidis à la température de l’atmofphère (qu’un
thermomètre , placé tout près du récipient indi-
quoit à 7 i -f- o ) , je reconnus que tome la liqueur
qui étoit au fond du récipient formoit une maffe
glaciale ou concrète, à la réferve de quelques
gouttes d’un fluide brun qui n’en faifoient pas la
vingtième partie. . . . . .
A l’inftant que le- récipient fut détaché de la
cornue, il fut rempli de vapeurs blanches , & il
en forât un nuage de fumée épaiffe, qui remplit
le laboratoire, mais fi peu malfaifante , que personne
ne fongea à en fortir, & dans laquelle on
retrouvoit à peine quelque chofe de fulfureux.
La maffe s’étant détachée, à la faveur d’un peu
fie fluide qui y reftoit, on réuflit à en faire paffer
une partie daps un flacpn, par le moyen d’un
entonnoir,
On laiflV tomber quelques gouttes cPeau fur l’entonnoir
placé fur un autre flacon , pour faire couler
les parcelles qui adhéroient à fes parois ; le
conta& occafionna un fifflement pareil à celui d’un
fer chaud qu’on plonge dans l’eau, & même beau-,
coup plus-confidérable ; dans l’inftant tout le concret
difparut, ainfi que la propriété fumante ; il
n’arriva dans le flacon qu’un acide brun.
Le récipient ayant été rebouché fur - le - champ
avec du liège, oc bien garni de lut, la vapeur qui
l’obfcurciiïoit ne tarda pas à fe condenfer, & alors
on vit diftin&ement plus de deux cents cryjlaux
d'acide vitriolique glacial que l’agitation avoit fé-
parés de la maffe & difperfés fur fes parois; ils
étoient blancs, tranfparens, tous figurés régulièrement
en tables quarrées, dont quelques - unes
avoient plus de deux lignes de largeur , & environ
i ligne d’épaiffeur ; plufieurs-étoient affemblés
deux à deux par un de leurs angles réciproque*
ment tronqués ; il y en avoit enfin qui préfen-
toient affez diftinftement un bifeau fur deux de
leurs côtés en équerre, ce qui peut faire croire
que les bifeaux des côtés oppofés font en fens
contraire. On conçoit que leur propriété fumante
n’en permet l’examen qu’à travers le verre.
Il me fut facile de reconnoître que la portion qui
étoit tombée dans le flacon, & qui étoit encore
prefque en totalité folide, étoit formée des mêmes
cryftaux que j’obferyai en les faifant couler fur les
parois.
Il n’étoit refté dans la cornue que 14 onces 6
gros d’une matière pulvérulente, abfolument infi-
pide, d’un gris „tirant au noir, dans laquelle on
diftinguoit quelques grumeaux d’un rouge affee
v if, & qui n’en faifoient pas la 30e. partie.
Tous les cryftaux du récipiént fe font conforvés
jufqu’à préfent dans leur entier , quoique dans un
lieu 011 le thermomètre s’eft élevé plufieurs fois
jufqu’à douze degrés, & il en eût été de même,
| à plus forte raifon de la portion du flacon, fi je
ne l’avois facrifiée aux expériences dont je vais
rendre compte.
Ainfi, voilà un procédé bien Ample pour obtenir
en dix heures le véritable acide vitriolique
fumant glacial dans fa forme cryftalline régulière ,
! la plus parfaite, & telle qu’elle n’avoit pas encore
été apperçue. On peut encore le perfectionner en
faifant paffer le fiphon du récipient dans un grand
flacon rempli d’eau jufqu’à moitié, à la manière
de M. Woulfe ( voye{ distillation ) , pour re»
eut illir l’acide qui s’y condenferoit, & favorifer
en même-temps fa feparation de l’air vital jamais
il ne faudroit pas négliger d’interrompre la communication
, dès que lyair de l’intérieur des vaiffeaux
commenceroit à être moins raréfié, fans quoi l’eau
du flacon rentreroit dans le récipient, & tout fe-
roit perdu.
On peut encore éviter l’embarras de fortir l’a*
cide concret du récipient en faififfant le moment
de
A G I A C I
de refroidifTement qui précédé la congellation ,
ou pour mieux dire la cryftallifation ; on le tranf-
vaferoit encore fluide dans le flacon où on le laif-
feroit cryftallifer en repos.
Enfin, il feroit à propos de diftribuer la liqueur
dans plufieurs petits flacons, afin de n’ètre pas
obligé de facrifier tout le produit à une feule expérience
; car il n’eft pas poflible d’ouvrir les vaif-
ftaux qui contiennent cet acide fans qu’il en échappe
aufli-tôt une fumée épaiffe, & par conséquent
fans que les cryftaux foient altérés, noircis & e n
partie réfous en liqueur.
V I . Dès que j’ai été en poffeftion de cet acide ,
j ’ai tenté quelques effais pour découvrir fes propriétés.
19. Un cryftal mis fur .du papier bleu n’ÿ a
d’abord laiffé qu’une tache femblable à celle qu’au-
roit faite un peu d’huile noire ,'i ll’aonfuite rougi ;
& jufqu’à ce qu’il ait totalement difparu, ce qui
a été fort rapide, il n’a ceffé d’être environné de
fumée.
20, Ayant préfenté à l’orifice du flacon, ouvert
pendant une minute, une lame de papier fur
laquelle j’avois formé des traits avec l’encre de
cobalt, pour ©bferver, à la manière de M.Schéele,
les progrès de la defficcarion de l’air, il m’a paru
que la partie plongée dans la fumée devenoit verte.
30. J’ai fait tomber dans un verre quelques cryftaux
de cet acide, & j’ai fur-le-champ placé
fur ce verre une grande cloche dont les bords
inférieurs s’enfonçoient fous l’eau : la cloche fut
bientôt remplie de vapeurs qui fe diflipèrent affez
promptement. Au bout de 24 heures, il n’y avoit
point eu d’abforption fènfible ; une mefure d’air
pris fous la cloche & mêlé à partie égale de gas
nitreux dans l’eudiomètre de M. Fontana, il y a
eu diminution de volume de o , 26, ou 5 2 degrés
fur les deux mefures; une chandelle a brûlé dans
cet air abfolument comme dans l’air commun.
4°. J’ai enfermé le flacon fous une cloche de
verre dont le bord inférieur plongeoit dans le mercure,
& j’ai enlevé le bopchon : à l’inftant la fumée
a commencé, & on la voyoit diftinéfement former
un ruiffeau ou une nape de. fluide, s’écoulant
continuellement fur l’un des côtés du goulot
du flacon qui étoit un peu incliné, & defeendre
fur le mercure le long des parois de la cloche , au-
lieu de s’élever, ce qui dura plus.d’une demi-heure ;
enfuite on vit monter quelques vapeurs dans le
deffus de la cloche, mais rares & ondulant en
filets, & qui difparurent bientôt.
Vingt-quatre heures après , je rebouchai le flacon,
je le tirai de deffous la cloche, & j’effayai
l’air qu’elle contenoit ; une chandelle parut y brûler
prefqu’aufli-bien que dans l’air commun; cependant
il ne donna à l’eudiomètre que 40 degrés
®u 0 , 20 d’abforption pour la totalité du mélange
Chymu. Tome /.
à partie égale de gas nitreux ; ce qui me parut
devoir être attribue au gas produit par la diffolu-
tion d’un peu de mercure, car il étoit fenfible-
ment mouillé d’acide, ainfi que toute la furface
extérieure du flacon. Il faut fur-tout remarquée
que l’air de la cloche n’avoit été nullement diminué,
& qu’au contraire, il s’en étoit fpontané-
ment échappé quelques bulles, foit à caute du gas
produit par la diffolution de mercure, foit par l’effet
de la dilatation occafionnée par le changement de
température.
§•
En réunifiant ces expériences à celles q u e j ’âî
rapportées des autres Chymiftes, & particuliérement
celles de M. Dollfufz, il me femble que fi
l’on ne peut pas encore rendre compte de tous les
phénomènes , on peut du moins prononcer plus
affirmativement fur la vraie nature de T acide vitriol'^
que fumant.
J’ai eu raifon de dire que ce n’étoit pas de l’acide
congelé, il n’y a plus le moindre doute à ce fujet;
celui-ci n’acquiert pas une forme régulière, il n acquiert
pas la forme folide à 7 degrés au-deffus de
zéro, il ne la conferve pas à 1 2 , il ne fume pas,
il ne fe fond pas fubitement à l’air.
Ce n’eft pas de l’acide phlogiftiqué ni furchargé de
phlogiftique ou de foufre : on a vu que l’addition
du foufre & de l’huile, foit enfemble, foit féparé-
ment, n’ont rien produit qui approchât de l’acide
fumant.
Ce n’efl: pas non plus l’acide glacial obfervé par
MM. Bernhardt, Prieftley, Lavoifier, Cornette,
&c. ; il donne des vapeurs rouges; il exige , pour
fa préparation, de l’acide nitreux ; la liqueur qu’il
fournit , en fe diffoivant, tient toujours de l’acide
nitreux ; & ce qui préfente une différence encore
plus décifive, on peut le former avec l’acide vitriolique
ordinaire, en l’imprégnant feulement de gas
nitreux. Voye{ A C ID E NITREUX GLAC IAL .
Qu’elle eft donc la nature de l’acide vitriolique
fumant ? Je réponds que c’eft tout Amplement de
l’acide ordinaire cryftallifé par la privation de l’eau
furabondante à fon état falin. Si on ne l’obtienr
que par la diftillation du vitriol de mars, c’eft que
l’on ne connoît, jufqu à ce jour, aucun autre'moyen
qui foit également approprié à l’objet de lui enlever
cette eau fuperflue. En effet, lorfqu’on traite à la
cornue l’acide feul , pour le déflegmer en faifant
monter l’eau , il y a un degré de concentration
que l’on ne peut point paffer , c’eft celui où la
chaleur devient affez confidérable pouf faire monter
l’acide lui-même avec l’eau. Mais ici tout fe paffe
différemment ; l’acide enchaîné par fon affinité avec
la terre métallique laiffe aller d’abord toute fon
eau furabondante ; quand il en. eft une fois privé,
il ne s’agit plus que de donner un degré ce chaleur
capable de décider fa volatilité, malgré 1a
force Qui le fait adhérer à la chaux martiale ; alors
Dde!