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tables de M. Kirwan , que les quantités d’eau que
contiennent ces deux acides font à-peu-près dans
le rapport de 3 3 à 5 5. A la vérité , on ne peut pas
déterminer rigoureulement la chaleur fpécifique ,
qui appartient à l’acide réel, puifque nous avons !
vu que l’eau entrant dans , ces combinaifons per- ;
doit elle-même une partie de fa capacité de cha- '
leur, & qu’il n’y a pas encore de moyen connu
ti’eftimer cette quantité féparément de la perte ;
qu’en fait la maffe entière du mélange ; mais nous '
favons par expérience qu’il fe développe moins de ;
chaleur pendant l’union de l’eau avec l’acide ni- i
treux, que pendant fon union avec l’acide vitrio- !
lique ; nous voyons encore par les tables de M.
Kirwan, qu’à quantités égales en poids d’acide
vitriolique réel & d’eau, d’acide nitreux réel &
d’eau, l’accroiffement de denfité du premier mélange
eft à l’accroiffement de denfité du fécond
: : 12,1 : 82 ; il n’en faut pas davantage pour
nous autorifer à conclure que l’eau qui s’unit à
i ’acide vitriolique perd bien plus de fa chaleur
fpécifique que celle Jqui s’unit à l’acide nitreux,
& par conféquent que fi la fomme de chaleur
fpécifique de chacun de ces mélanges ne diminue
pas à beaucoup près comme la proportion de l’eau
qui y entre, c’eft que l’acide vitriolique réel a ef-
fe&ivement plus de chaleur fpécifique que l’acide
nitreux réel.
Cependant le célèbre phyficien anglois a imaginé
d’autres expériences qui appuient encore cette
conclufion.
Il s pris ic o grains de chacun des acides minéraux,
préparés de manière qu’ils continfTent tous
exaâement la même quantité d’acide réel, c’eft-à-
dire, 26,6 grains ; 8c leur température étant à 16
degrés (de Réaumur ) , il les a verfés fur une once
de mêrçie potafle en liqueur. Dans le mélange de '
l'acide vitriolique, le thermomètre s’eft élevé à 47
degrés ; dans le mélange de l’acide nitreux, à 39
dégrés ; dans le mélange de Y acide muriatique , à
43 degrés. D ’où il fuit que l’acide vitriolique contient
plus de chaleur fpécifique, ou du moins qu’il
en abandonne une plus grande quantité lorfqu’il
s’unit aux alkalis fixes que les acides nitreux &
muriatique. ( TranfaB.philofoph. vol. 73 , pag. 44. )
Je n’ai pas héfité de placer ici ces obfervations,
parce que les vrais Chymiftes me paroiffent aujourd’hui
bien convaincus de la néccffité de faire
état du fluide calorifique dans l’explication de tous -
les phénomènes , pour en rendre la théorie folide
& complette ; & fans ces notions, il ne feroit pas
même poffible de faire enrendre le fyftême ingénieux
par lequel le célèbre Kirwan eflaie de rap-
peller à la loi générale les anomalies que préfen?
tent quelques affinités de notre acide,
III. L’acide vitriolique pur très - concentré eft
fufcepttble de la congellation par le froid ; mais
daps cet état de folidité il eft toujours fans odeur, 1
A C I
ce qui doit bien le faire diftinguerde Yacide fumant
glacial, dont je me réferve de traiter dans l’article
! fuivant: celui dont il eft préfentement queftion,
peut être nommé tout Amplement acide congelé,
pour éviter toute confufiôn.
La congellation de l’acide vitriolique pur eft un
phénomène connu depuis long-temps; il en eft
fait mention dans les ouvrages de Kunckel & de
Bohn ; oleuni vitrioli fummâ arte puriffimum fumrno
frigore hyberno in glebas folidefcit verfpicuas, fed
flatim ac acuti es frigo ris parum retunditur, lique fcit
& dijfuit ; ce font les termes du grand Boerhaaye
( procejf. 87 ). Neuman en parle tout aufiï clairement.
Il aflure en avoir fait plufieurs fois l’ob-
fervation; il remarque précifément que plus cet
acide eft concentré, plus il eft difpofé à la congellation
; il relève à ce fujet ce que Stahl avoit
avancé, que l’acidé^vitriolique ne pouvoit être con-
denfé en glace par le froid, à moins qu’il ne fût
extrêmement délayé; nous ferons voir ailleurs qu’il
a même très-bien diftingué cet état de congellation
de l’état concret que le même acide peut
prendre à la diftillation. ( Tome I V , part. 2, chap.
i$, §.2276*255.)
Il ne paroît pas que perfonne s’en foit occupé
en France avant M. le duc d’A y en , qui profita du
grand froid de 1776 pour éprouver fon aélion fur
l’acide vitriolique, & communiqua à l’académie
royale des fciences une fuite d’expériences & d’ob-
fervations , d’où il réfulte que cet acide très • concentré
expofé à tin degré de froid de 13 à 15 degrés
, fe gèle entièrement en 7 à 8 heures ; que
le même acide aftojbii de deux parties d’eau- ne
donne aucun ligne de congellation à la même température
; qu’il ne fe gèle pas davantage , quoique
aftoibli de quatre parties d’eau ; que le mélange réduit
à 4 ,ii4 de pelanteur fpécifique ne fe gèle pas
non plus à un froid de 10 à 12 degrés ; qu’il commence
à le geler au même degré quand l’acide eft
délayé au point. de ne donner au mélange que
1,042, ou même 1,080 de péfanteur fpécifique;
enfin, que l’acide concentré qui s’eft entièrement
gelé en 8 heures, fe dégèle de lui-même dans l’ef-
pace de 30 heures, lorfqu’on le laifle à la même
pofition en vaifleaux ouverts, & quoique le froid
augmente , parce qu’il attire l’humidité de l’air qui
dim inue fa concentration & excite une chaleur capable
de favorifer fa diflolution. {JMacquer, diftïon,
art. acide vitriolique. )
J’ai répété une partie de ces expériences au
mois de février 1782, je fus obligé d’augmenter ,
par un mélange de glace & d’acide nitreux, le
froid qui n’étoit qu’à 7 degrés-— o ; lorfqu’il fut à
1 6 , l’acide vitriolique qui étoit très-concentré,
commença à fe geler fur les parois du .vaifleau,
& à former une mafle blanchâtre, demi-tranfpa«
rente, à-peu-près comme la neige qui s’eft taflée
& qui a acquis plus de folidité par un nouveau
degré de froid. Ce bourrelet de glace alla toujours
en augmentant 5 quoiqu’il n’y eût plus que la
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degré de froid naturel & les vaiffeaux ayant été
laiffés la nuit fur une fenêtre, on trouva le lendemain
matin une mafle de glace aflez confidé-
rable , mais toujours à la partie fupérieure & fur
les parois du verre qui étoit conique ; ir n’y avoit
rien de gelé dans le tond. (Mém. de Tacad. de Dijon,
premier fémeflre , 1782. j
Je féparai la glace de la liqueur pour obferver
les progrès du d ége l, & cependant j’employai
une portion de l’une & de l’autre pour des eflais
dont voici les réfultats.
Une goutte de la liqueur n’a paru agir ni fur le
fer, ni même fur la pierre calcaire, fans doute à
raifon de fa concentration, & d’une trop grande
privation de chaleur.
Une goutte mife fur un morceau de peau blanche
ne l’a pas noirci tout de fuite, mais feulement
après quatre jours.
Un glaçon n’a noirci non plus ni la peau, ni le
bois.
Mais un glaçon placé fur la cendre chaude
«’eft fondu & a Doirci fur-le-champ le fapin.
La mafle de glace fut laiffée en vaifleau non
bouché, dans un appartement où le thermomètre
ne defcendit pas au-deflous de 2 degrés»—o ; elle
s’y fondit, mais fi lentement, que trois jours après
elle n’étoit pas encore entièrement réduite en liqueur.
A mefure que la glace fe fondoit, je décantois
la liqueur, & je la plaçois dans un verre à côté ;
je ne fus pas peu étonné lorfque je vis qu’il fe
reformoit de la glace très-folide au fond de ce vaif-
feau. Le cinquième jour, le thermomètre placé à
côté marquant zéro, une bonne moitié de la liqueur
décantée fe trouva convertie en une mafle de
glace très-dure qui occupoit le fond du verre , &
fous laquelle néanmoins il reftoit un peu de liqueur.
Une portion de cette glace concaffée & renfermée
dans un petit flacon , ne commença à dégeler
qu’au bout de cinq jours, le thermomètre étant
à 5 degrés -f- o.
La portion de glace laiflee à l’air étoit à peine
diminuée de moitié le fécond jour, le thermomètre
étant à 2 | -4- o ; elle ne difparut entièrement que
le troifièine jour, le mercure étant à 4 degrés-f-o ,
dans le thermomètre de l’appartement.
Les différences que l’on remarque, en rapprochant
ces expériences de celles de M. le duc d’Ayen,
ne peuvent être attribuées qu’à la plus grande concentration
de l’acide que j’ai employé : la liqueur
provenant de la portion de glace renfermée dans
le flacon, qui étoit reftée à l’air près de cinq jours,
qui y'avoit fubi un premier dégel, avoit encore
une pefanteur fpécifique de 1*743.
J ai eu occafion de revoir ce phénomène beaucoup
plus en grand lors de mes expériences aérof-
Chymie. Tome I,
tatiques : de trois bouteilles d’acide vitriolique, chacune
de 120 à 140 livres, qui me furent remifes
par un négociant de cette v ille , qui les tenoit depuis
plufieurs années en dépôt fous un hangard ,
& qui venoient bien sûrement de la même fabrique,
une feule fe trouva contenir plus de moitié
de gros cryftaux prifmatiques que l’on prit d’abord
pour du vitriol de foude ou fel de Glauber, & qui,
abandonnés à l’air, furent bientôt reconnus pour
de l’acide vitriolique pur en état concret: la température
étoit alors à 6 degrés H- o ; & ce qui eft
lur-tout remarquable, c’eft qu’une partie -de cet
acide dégelé ayant été renfermée dans un grand
flacon, & portée dans une des faites de laboratoire
de l’académie, on trouva, quinze jours après,
environ les deux tiers congelés au fond en une
feule mafle.
M. Goettling ayant manqué une opération avec
de l’acide vitriolique de Nordhaufen , qu’il fe rap-
pelloit avoir vu congelé, quoiqu’il ne fît pas un
grand froid, foupçonna qu’il n’étoit pas abfolu-
ment pur ; il le mit pendant tout l’été dans une
cave, & l’ayant regardé au commencement de décembre
, il le trouva gelé., quoique la température
de cette cave fut encore à 10 degrés-f-o. Il
apporta le flacon dans une chambre ou il y avoit
du feu, & l’acide redevint liquide ; il le remit à la
cave, & il y gela de nouveau. Il laifla fur une fenêtre
, pendant une nuit, deux vaifleaux , dont
l’un contenoit une portion de cet acide , & l’autre
une pareille quantité d’un autre acide vitriolique
venant aufli de Nordhaufen ; le lendemain la liqueur
du premier étoit g elée, celle du fécond
n’avoit éprouvé aucun changement. Au refte, ces
deux acides s’échauffèrent de même, en s’uniffant
à l’eau & à l’efprit-de-vin ; ce dernier n’en précipita
rien, comme il arrive ordinairement avec
l’acide vitriolique d’Angleterre. Enfin, l’acide de
Nordhaufen fut traité à la diftillation à un feu capable
de le faire monter tout entier, & il ne refta
rien dans la cdrnue qui pût faire foupçonner la
préfence de quelque matière étrangère. ( Crell, an-
nalen, 1784 , part. 2 , page 42. )
Le 3 mars de cette année ( 1785 ) , un de mes
confrères, M. Chauffer, qui avoir expofé fur fa
fenêtre un flacon contenant deux livres d’acide vitriolique
, le trouva entièrement gelé ; & l’ayant
pefé très - exa&ement en cet état, il parut avoir
augmenté du poids dë 3 grains , qu’il perdit en effet
lorfqu’il eut repris fa fluidité. ( f o u r , des favans,
juillet, 178f,page 493.)
Voilà fans doute un aflez grand nombre d’ob-
fervations réunies pour établir non - feulement
que l’acide vitriolique pur peut perdre fa fluidité
par le froid, mais même qu’il n’eft pas néceffaire
que le froid foit au degré de la congellation de
l’eau. A la vérité , cela ne réuffit pas avec tous les
acides , même à égale concentration , & en pour-
1 roit en conférence foupçonner que, foit ceux