
cornue, au lieu de ballon, un petit flacon dans
lequel on a mis d’avance à-peu-près deux gros d’eau
diftillée, & que l’on lutte Amplement avec une
bande de papier gris.
Au bout d’un quart-d’heure on s’apperçoit que
Fair du flacon devient jaune' ; il faut l’enlever pour
en mettre un autre ; fi la bande de papier a bien
tenu, à l’inftant qu’on la lève , la vapeur s’échappe
avec violence ; on bouche promptement le flacon,
& on garnit de même d’une bande de papier, à
la jointure, celui qu’on fubftitue à fa place, &
dans lequel on a mis la même quantité d’eau que
dans le premier. On continue de cette manière
jufqu’à la fin de l’opération , c ’eft-à-dire jufqu’à ce
qu’il ceffe de paffer des vapeurs jaunes, ou jufqu’à
ce qu’on ait rempli fuccemvement tous les flacons
que l’on a préparés.
L ’eau que l’on met dans ces vaifleaux fert à fa-
vorifer la condenfation des vapeurs. On fe fert de
flacons, en place de récipient, pour avoir la facilité
de boucher ces vaiffeaux dès qu’on les détache
delà cornue, & parce qu’on perdroit les
trois quarts du produit en tranfvafant. On prend
plufieurs petits flacons , «pi lieu d’un grand , pour
n’avoir pas à diftiller cet acide chaque fois que l’on
en veut faire ufage ; car comme il s’altère enrepre-
nant du phlogiftique, dès qu’il eft mis en contaél
avec l’a ir, ce qui refteroit dans un flacon qui au-
roit été débouché plufieurs fois ne pourroit plus
fervir comme acide déphlogiftiqué, M. Schéele fe
fert de flacons qui tiennent environ douze onces
d’eau.
On recommande de ne lutter qu’avec du papier,
parce que le contaél des Iuts huileux auroit bientôt
reftitué à l’acide la portion de phlogiftique dont
on l’a privé , & par la même raifon on doit éviter
de boucher les vaifleaux qui la contiennent avec
des matières qui foient en état de lui en fournir,
fur-tout lorfqu’on veut le garder.
Stahl avoit annoncé que le phlogiftique étoit une
des parties conftituantes de l’acide nitreux, &
jufqu’à préfent il n’y en a d’autre preuve , fi ce
n’eft qu’il s’en empare avec beaucoup d’avidité ; & ,
comme le dit A1. Bergman, de qui j’emprunte cette
réflexion, le prétendu axiome qu’une fubftance a
d’autant plus d’affinité avec un principe qu’il en
entre déjà plus dans fa compofition, eft très-^fou-
vent démenti par les faits. Perfonne au contraire
n’avoit foupçonné l’exiftence du principe inflammable
dans l’acide muriatique, & la voilà aujourd’hui
bien démontrée par les expériences de M.
Schéele.
U acide muriatique déphlogiftiqué donne une vapeur
qui eft légèrement roufféâtre , lorfqu’on en
obferve une mafTe un peu confidérable. Son odeur
approche beaucoup de celle de l ’eau régale
chaude.
Il s’unit difficilement à l’eau , & la rend à peine
acide , lôrfqu’il ue fait que la traverfer en état de
▼ apeuçi
Lorfqu’on le met en contaél avec l’eau, dans un
vaiffeau bouché, pendant douze heures, elle en
abforbe les quatre cinquièmes , & ce qui refte eft
de l’air commun. C ’eft ainfi que l’on peut fe procurer
l'acide muriatique déphlogiftiqué fous forme de
fluide aqueux ; mais quoique cette liqueur foit réellement
chargée d’une portion de vapeur élaftique ,
la plus grande partie de l’acide qu’elle contient n eft
que de l’acide muriatique ordinaire ; il faut donc,
pour jouir de toutes fes propriétés, l’employer en
état de gas. Il conferve bien fa puiffance diffolvante
après avoir traverfé l’eau , mais elle eft plus efficace
quand il n’a pas été lavé.
De là , on pourroit foupçoriner que Y acide muriatique
déphlogiftiqué n’eft réellement que 1 acide
muriatique ordinaire en état de gas ; mais M. Bergman
en fait-très-bien fentir la différence : le premier
n’eft abforbé que lentement par l’eau ; il ne
devient pas inflammable en dépouillant peu a peu
le phofphore, il l’attaque fur le champ, le réfout
en vapeurs blanches , & fe régénère en acide muriatique
ordinaire ; il ne fond pas la glace, il ne
liquéfie pas le camphre ; il n’a point deprife fur le
nitre,non plus que fur l ’alun.
La vapeur qui s’élève dans le commencement du
mélange d’acide muriatique & de manganèfe, lorf-
quela liqueur bouillonne doucement, & qu’on fent
une odeur diftinéle d’eau régale, contient environ
JL d’air commun; mais fur la fin de l’opération elle
en contient à peine
L 3acide muriatique déphlogiftiqué attire puiffamment
le phlogiftique , & de là vient, comme nous lé verrons
dans un inftant, la faculté qui lui eft propre
en cet état d’attaquer les métaux parfaits qui retiennent
le plus opiniâtrement ce principe. Cependant
il ne décompofe pas le fourre, & M. Bergman
a obfervé que l’air nuifible ou phlogiftique
n’étoitpas fenfiblement diminué par le gas nitreux»
après avoir été mêlé avec cet acide; ce qui annonce
une affinité plus forte de la part de l’air,
fuppofé que ce foie une fimple compofition phlogiftique.
Lorfque M. Schéele a voulu effayer la force dif-
folvante de cet acide , il l’a pris en état élaftique ,
il en a rempli des cylindres de verre, & il lésa
bouchés avec du liège , auquel il a fufpendu les
matières qu’il croyoit devoir foumettre à fon aélion.
Voici les réfultats de fes obfervations.
Le liège a été jauni comme par l’eau forte.
L e papier teint par l’infufion de tournefol eft
devenu prefque blanc.
Les fleurs bleues & jaunes ont auffi perdu en
trés-peu de temps leur couleur ; il en a été de
même des plantes vertes ; & après cela l ’eau qui
étoit dans les cylindres de verre a été changée en
un acide muriatique ordinaire foible. La couleurties
fleurs & des plantes n’a pu être rétablie ni par les
alkalis , ni par les acides.
Il fait fur le vitriol de Mars le même'effet que
l’air vital ; il lui donne une çeuleur rouge & le
rend déliquefeent ; ce qu’il ne peut de meme opérer
que par l’aélion qu’il exerce fur le phlogiftique
que le fer retient dans ce fel, & qui eft neceffaire
à la faturation de l’acide vitriolique par la chaux
martiale . puifqu’il ne produit aucun changement fur
les combinaifons analogues , où ce principe eft plus
adhérent , tels que les vitriols de zinc & de cuivre.
Vacide muriatique déphlogiftiqué diflout les terres
& les alkalis, & il faut bien qu’en s’uniffant à ces
bafes, il recouvre d’une ou d’autre manière le
phlogiftique qu’il avoit perdu , puifqu’il n’a pas
encore été poflïble de découvrir la plus légère différence
des fels qui réfultent de fa faturation avec
ceux que forme l’acide muriatique ordinaire. Avec
la foude il régénère du fel commun qui décrépite furies
charbons,& ne donne aucun ligne de déformation.
Si on met quelques gouttes d’alkali volatil, préparé
par la chaux, fur les parois intérieures du
.cvlindre de verre rempli de cet acide déphlogiftiqué
, il fe forme un nuage blanc par la rencontre
des deux vapeurs, tout de même que qüand on
place fous une même cloche de verré de l’ammoniac
& de l’acide muriatique ordinaire ; mais il y
a de plus ici un phénomène bien important : on
voit des bulles d’air qui s’échappent des gouttes
d’ammoniac cauftique , & cet air eft un gas particulier
, abfolument femblable à celui que donne
l’ammoniac traité avec la chaux noire de manganèfe,
c’eft-à-dire un gas dégagé ou produit lors de
la décpmpofition de l’ammoniac par une fubftance
capable de lui enlever fon phlogiftique en vertu
d’une affinité plus LATIL & G puiffante. ( Voyei Alkali VOas
ammoniacal déphlogistiqué. }
On ne doit donc pas être furpris que dans ce cas
notre acide régénère un vrai fel ammoniac ordinaire
avec une partie de l’alkali volatil, puifque
la décompofition de l’autre partie de cet alkali lui
a reftitué le principe dont il avoit été privé.
Vacide muriatique déphlogiftiqué attaque directement
tous lés métaux, ce qui, pour le dire en
paffant, fournit une preuve bien complette de la
vérité du principe que nous avons établi fur la
diffolution des métaux par les acides ( Voyeç Acide);
qu’ils ne pouvoient entrer dans ces combinaifons
falines qu’ils n’euffent été privés d’abord d’une portion
de phlogiftique, foit par l’acide lui-même, s’il
a avec ce principe une affez grande affinité, foit
par une autre opération préalable.
Cet acide diflout l’or ; ce fait important a été
démontré il y a trois ans par M. Maret, dans une
féance du cours de l’académie de Dijon : cet académicien
n’employa pas même pour cela l’acide
en état élaftique : il diftilla de l’acide muriatique
très-pur fur la chaux noire de manganèfe ; il fit
adapter un récipient au fond duquel il y avoit un
peu d’eau; trois cornets d’or de départ furent
placés tout Amplement dans ce récipient, & il y
eut diffolution fuffifante pour donner avec l’étain
un précipité très-fenfible de pourpre minéral. M.
Scheele a annoncé que l’or précipité de cette diffolution
p a r l’alkali volatil étoit fulminant.
Cette propriété de diffoudre l’or en état de
métal étant une fois reconnue pour le caractère Je
plus frappant, le moins équivoque de la nature
particulière de cet acide , on s’en fert utilement
pour découvrir quelles font les fubftances capables
de lui enlever fon phlogiftique, & déterminer les
circonftances néceflkires pour opérer cette décompofition.
C ’eft ainfi qu’on eft parvenu à expliquer
clairement la manière d’agir de l’eau régale fur
l ’o r , en confidérant dans cette liqueur l’acide muriatique
comme étant aéluellement déphlogiftiqué
par l’acide nitreux. C ’eft ainfi que M. Schéele a
obfervé qüe lorfqu’on faifoit digérer l’acide muriatique
ordinaire dans un vaiffeau où l’on avoit mis
en même temps des feuilles d’or & de la manga-
nefe noire pulvérifée, la liqueur tenoit de l’or en
diffolution ; que l’acide muriatique que l’on fait
bouillir fur le minium acquiert la même propriété
que celui qui a bouilli fur la manganèfe, puifqu’il
diffout l’or.
On trouve dans les nouvelles découvertes en
Chymie de M. Crell (part. 2 } pag. 41 ) , une ob-
fervation de M. Storr, qui paroît autorifer ce fa-
vant à indiquer un nouveau moyen de déphlogifti-
quer l’acide muriatique. M. Storr ayant traité à la
fublimation des feuilles dor avec du fel ammoniac «,
a trouvé au col du vaiffeau une matière améthifte
tirant au pourpre ; cette matière s’eft diffôute dans
l’eau, & lui a communiqué .une couleur rougeâtre
quoiqu’affoiblie ; la diffolution a laiffé fur le filtre une
pouflière pourpre ; mais la liqueur filtrée a encore
dépôfé infenfiblement un précipité, de même couleur
, &, à la fin elle a perdu toute fa nuance améthifte
, & eft devenue jaunâtre.
On eft forcé de reconnoître , avec M. Scorr
qu’il y a réellement ici déphlogiftication & même
diffolution de l’or : mais cela v ient-il, comme il
le foupçonné , de ce que l’alkali volatil s’approprie
une partie, du phlogiftique de l’acide, & le mec
ainfi en état de le reprendre à Fort Je ne vois rien
qui appuie cette conjeélure. L ’obfervation que ce
favant rappelle à ce fujet, que l’argent en feuilles
traité à la fublimation avec le fel ammoniac prend
une couleur dorée , eft plus contraire que favorable
à fon hypothèfe, puifqu’il en réfulte que l’alkali
volatil,-ou fi l’on veut,, le mu ri a ce ammoniacal
peut céder une portion de phlogiftique , & non pas
que l ’alkali volatil peut s’approprier, celui d’un autre
corps.
Je regarde donc ici la diffolution de For comme
l ’effet de l ’aélion du fel neutre lui-même à la faveur
de la chaleur & de l’état de vapeur de ce
fel : la précipitation fpontanée de la chaux métallique
ne permet pas de croire qu’elle foit tenue en
diffolution de la même manière que dans une eau
régale faite avec l’acide nitreux & le fel ammoniac;
mais ce phenomene n’eft pas moins important pour
nous mettre fur la voie d’obferver l’aétien des fels