
fies ouvrages, fous le nom d’eau régale. On ne peut
douter que Beccher n’ait regardé l’acide muriatique
comme le vrai diffolvant de For dans l'eau régale ;
mais le fondement de fon opinion, étoit fort précaire
, il faifoit dépendre cette affinité de la pré-
fence de la terre mercurielle dans l’efprit-de-fel.
Enfin Lemery enfeigna que les pointes, de l’acide
nitreux étoient groffies par l’addition du fel commun,
que c’étoit pour cela qu’elles gliffoient fur
lès pores de l’argent , & s’introduifoient dans les
pores de l ’or.
Je ne m'arrêterai pas davantage fur ces hypo-
thèfes, qui portent l’empreinte de leur âge, & qui
n’ont plus befoîn d’être difcutées. Je paft'e à la
préparation de l’eau régale , j ’examinerai enfuîte fa
nature, fa manière d’agir fur les bafes & fes affinités;
§ . I. De la préparation de Facide régalin.
On obtient cet acide toutes les fois que Ton
met enfemble de l ’acide nitreux de l’acide muriatique
j ou l ’un de ces acides avec des fels qui
contiennent l’autre , ou des fels neutres tenant ces
acides, avec des mélanges ou dans des conditions
qui puiffent les affranchir de leurs bafes, ou du
moins d’une portion de leurs bafes. Cependant.on
conçoit que, fuivant le procédé; la qualité & la pro- .
portion des fels employés., il doit en réfulter un
diffolvant plus fimple ou plus compofé, & dont
les propriétés ne peuvent manquer de préfenter
des phénomènes diffé.rens ; il eft donc important
de connoître les produits de ces opérations, foit
pour être en état de reporter directement l’effet
| fa caufe, foit pour appliquer à chaque fubftançe
le diffolvant qui lui convient,
. L ’fau régale du commerce n’e ft, comme on- l ’a
dit dans le diétionnaire des arts & métiers, qu’une
çàu forte retirée de la diftillation du nitre de première
cuite, qui, étant mêlé dè beaucoup de fel
commun, fournit en même-temps de Facide muriatique
, parce que cet acide plus foible eft dégagé
de fa b afe, dans le commencement de la
diftillation, par la première portion d’acide nitreux
qui fie trouve libre.
On nommoit autrefois diffolvant paifîble ( menf-
iruiim fine frepiiu) une liqueur compofée d’un peu
d’eau ' de nitre, de fel commun &. d’alun, dans
laquelle on faifoit diffoudre des feuillles d’or à
Faide de la trituration. On voit que Facide vitrio-,
lique, porté par l’alun , fervoit ici à mettre en liberté
les.deux autres acides par l’affinité plus puif-
fiante qu’il exerçoit fur leurs bafes.
I. 11 y a quatre manières de préparer Veau ré•
gale , par diftillation , par diffoliition, par mélange
par imprégnadon.-
Par diJUlldûoji,.
On met dans une cornue de verre deux onces
4# fel ço#i£jun & quatre pnçc§ de bon acide pi-
..treux ordinaire ; on place la cornue fur un bain
de fable, on adapte un ballon à la cornue , on
lutte les jointures des vaiffeaux avec du lut gras,
& on applique deffus des bandes de linge enduites
de chaux vive détrempée avec des blancs d’oeufs.
On'commence la diftillation par un feu modéré,
& on l’augmente peu-à-peu : auffi-tôt que le mélange
s’échauffe, il s’élève des vapeurs rouges ; à
mefure qu’on augmente la chaleur , Facide nitreux
agit fur le fel, le décompofe, s’empare de fa bafe
& dégage fon acide. L ’acide muriatique & une
partie de Facide nitreux paffent enfemble: lorfqu’on
n’apperçoit plus de liqueur dans la cornue , on
augmente le feu jufqu’à en faire rougir le fond ,
afin de faire paffer tout ce qu’il eft poffible d’acide.
Alors on délute le ballon; on verfe ce qu’il
contient dans un flacon à bouchon de cryftal ufé
à l’émeri, & qui ferme exactement. Tel eft le procédé
indiqué par M.Baumé, & celui que Fon fuit
le plus ordinairement.
Lorfque le feu a été affez fort fur la fin de la
djftilladon ( dit ce Chymifte ) , la maffe faline qui
refte dans la cornue eft parfaitement neutre , & ne
contient point d’acide libre, parce que Facide nitreux
& Facide muriatique font volatils, & qu’ils
éludent l’açlïon du feu. Cette maffe eft fondue pour
l’ordinaire, parce qu’elle eft plus fufiblq que le
fel commun ; c’eft un compofé d’acide'nitreux &
de foude qui donne,par l’élixation, du nitre de foude
& une portion de fel commun qui a échappé à Faction
de Facide nitreux. Je ne doute pas que fi on
examinoit ce réfidu immédiatement après l’opération
& avant que de le diffoudre, on n’y trouvât
l’acide nitreux en état d’acide phîogiftiqué , prêt à
céder fa bafe à un acide d’un ordre inférieur, tout
de même que quand on expofe Je nitre feul au
même degré de chaleur. Voye\ Acide NITREUX
PHLOGI-ST1QUÉ.
Au lieu de fel commun , on peut employer dans
cette diftillation du fel ammoniac; mais les vapeurs
font'plus expanfibles & fi difficiles à contenir
, quand Facide nitreux eft un peu fort, que
M. Baumé n’a pu , malgré toutes les précautions
poffibles , pouffer cette diftillation jufqu’à la fin ,
&. que les vaiffeaux ont toujours crevé avec expio-
fion, dès que la liqueur commençoit à être un peu
rapprochée. M. Cornette y eft parvenu depuis, en
donnant iffue au gas rutilant qui fe dégageoit ; mais
comme le fel qui doit refter dans la cornue eft du
nitre ammoniacal qui s’enflamme dê lui-même fans
Contaét de matière phîogiftiqué, on doit’ bien fe
garder de pouffer la diftillation à- ficcité, comme
dans l’opération précédente. M. Leonhardi a eu
raifon de dire que cette méthode étoit très-dan-
gereufe.
On obtiendroit de même de Veau régale, en traitant
à la diftillation de Facide muriatique & des
fels nitreux. Boerhaave indique ce procédé dans fa
Chymie; les dofes font de deux parties d’acide
#)uriaiique ordinaire poup une partie de nitre très-"
pur ; mais M. Cornette remarque avec raifon que
ce favant Chymifte s’eft trompé lorfqu’il a dit que :
la maffe faline reftée dans la cornue étoit un vrai
nitre. M. Cornette qui , dans fon examen de la dé-
compohrion des fels par 1 acide muriatique , a fuivi
ces opérations avec plus d attention , a obferve
que fix gros d’acide muriatique fumant décompo-
foient completteffient une demi-once de nitre de
foude, que les’ vapeurs qui s’élevoient avoient ab-
folument Fodeur de Veau régale, & que la cryflal-
lifation ne donrioit que du lel commun ; qu en fai-
fan t bouiliit une once du même acide muriatique
fumant avec une demi-once de nirre , ilreftoit bien
dans J a liqueur un peu de nitre non décompofé
qui fe cryftallifoit en aiguilles , mais que la plus
grande partie des cryftaux étoit du “muriatë de
fondé; enfin, que Facide muriatique traité de même
avec le nitre ammoniacal donnoit, du fel ammo-
. niac coloré en rouge. ( Acad. roy. des Sc. ann. ijyS-,
jag. 54 è* fuiv. )
- On peut obtenir , par diftillation, de Veau ré-
gale fans employer aucun de ces deux acides en
état de liberté, mais feulement des fels qui les
contiennent, & y ajoutant une troifième fubftançe
capable de retenir leurs bafes. Ceft'ainfi queBoer-
haave ( 187 procédé') affure avoir préparé une très-
bonne eau régale en diftillant deux parties de nitre ,
trois parties de vitriol & cinq parties de fel commun.
On voit que cette opération eft fondée fur
les mêmes principes que ceux qui nous ont fervi
à expliquer les diftillations féparées des acides nitreux
6c muriatique, & que le produit feroit le
mêm,e. en fubftituant au vitriol toute autre fufcf-
tance faline acide ou terreufe du nombre de celles
oui a biffent efficacement dans ces diftillations.
Par diJTolution.
I l fuffit de faire diffoudre dans l’acide nitreux
du fel commun ou du fel ammoniac , la liqueur
prend fur-fe-champ le cara&ère d'eau régale, & ce
phénomène eft conforme aux notions les plus Irai-
pies des-affinités;- car Facide nitreux étant le'plus
puiffant , dès que la fluidité favorife le contaél, il
prend la bafe du fel muriatique , & dégage fon
acide qui refte dans le mélange, avec la portion
d’acide nitreux qui n’eff pas à l’état de fel neutre^
M. Baumé emploie dans cette préparation une
livre d’acide nitreux ordinaire; il y ajoute peu-à-
peu quatre onces .de fel ammoniac en poudre,, &
il agite le matras pour favorifer là diffoludon., ou
il le fait chauffer quelques inftans, mais très-légèrement;
pour peu que Facide fûr concentré , &
le col du matras étroit, les vapeurs qui s’élève-
roient pendant la diffoludon s’accumuleroient au
point de faire crever le matras avec violence. Cotte
eau régale eft Vaqua flygia des anciens Chymiftes, \
elle a une odeur plus vive que les autres, elle
conferve , même dans les flacons , un mouvement
d’effervefcence, & fait fauter les bouchons à la
moindre augmentation de chaleur. C ’eft pourquoi
M. Baumé recommande de ne la préparer qu’à mefure
qu’on en a befoin.
' La diffoludon des fels nitreux dans Facide muriatique
donne aufli de Veau régale, ce qui ne peut
fe faire, fans qu’il y ait décoinpofition : or, com-*
ment cette décompofition peut-elle avoir lieu par
un acide plus foible l MargrafF, qui Fa le premier
obfervéô , en conclut fimpiement que Vefprit - de-*
nitre Vefprit de f e l fe dégagent réciproquement. Mais
nous avons vu que dans les principes des affinités
cette réciprocité n’étoit fufceptible d’aucun l'ens
qui n’impliquât contradiélion : auffiM.Bergman a-t-il
placé ce cas fin gu lier dans le nombre des anomalies
apparentes; fuivant lui, le phîogiftiqué étaue
une des parties conftituantes de 1 acide muriatique ,
Facide nitreux qui en eft .fort avide exerce fur cè
principe , à l’aide de la chaleur , une attraéb'on qui
produit une affinité double.. Quoique ce ne foit pas-
ici le lieu d’examiner la vérité de cette hypothèfe y
je ne dois pas négliger- de faire obferver avec ce'
grand Chymifte que le phénomène dont il s’agit
éludé toute autre explication, & préfente réellement
une difficulté infolubîe pour ceux qui refu-
feroient d’admettre' le. phîogiftiqué dans la com poli
ti on: de l’acide muriatique ordinaire , parce quif
a lieu, non-feulement dans la diftillation à ficcité y
c’eft-à-dire à la chaleur fèche, qui fuffit feule à cé-
funir les principes du nitre , mais encore à la feule
chaleur de F ébullition ? c’eft un fait que M. Cornet té
a bien ccnftaté par les expériences rapportées dans
le mémoire que j ’ai précédemment cité. Je ner
crains pas que Fon objecie , pour affoiblir cet argument
, que le même académicien a également dé-
ccmpofé les fels vi tri oh que s par Facide nitreux J
j ’ai indiqué ailleurs une caufe particulière de cèc
autre phénomène, qui eft un excès d’alkali dans les-
vitriols de foude & de potaffe. Voye^ Acide VI- TRioLiQUE Affinité double.
h'eau régale qu’on obtient par voie de diffolù-
tion eft toujours néceftàirement chargée de fels
neutres , dont il faut tenir compte dans les ana-
îyfes , mais qui, dans plufieurs opérations , ne pro-
duifent aucun mauvais effet, & même décident des
cryftallifations de fels métalliques qui fans cela feroient
impoffibles, ou du moins très-impariaites^
Par ' mélange.
La méthode de mêler directement Facide nitreux
âc Facide initiatique libre eft, fans Contredit , la
plus avantageufe dans les expériences, par là facilité
de prendre ces acides parfaitement purs , de
les choifir au degré de concentration que Fon de-
fire de déterminer plus exaclement leurs proportions
refpeélives, & fur-tout parce que les produits
des combinaifons de 'l’eau régale' qui en efS
formée font plus fimples, moins chargées de matières
étrangères y ce qui eft un article bien important
dans leur examen,-