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font purement méthodiques, & Bergman, occupe d’un
objet tout différent, conftdérant le jeu des affinités
de toutes les fubftances réunies, pour arriver à une
théorie exaéle, ne pouvoit faire abftraélion d’une
force qui ajoutoit très-réellement à l’intenftté de l’effet.
Quand les deux baflins d’une balance font également
chargés, un grain ajouté d’un côté fuffit fans doute
pour rompre l’équilibre; cependant, fi au lieu d’un
grain il s’en trouvoit cent ou mille de plus , on ne
fe croiroit pas fondé pour cela à retrancher de cet
excès tout ce qui ne. feroit pas néceflaire a la rupture
d’équilibre, parce qu’il ne s'agit pas feulement
d’indiquer de quel côté efl la puiflànce, mais xuffi
d’en donner la mefure. C’efl ici abfolument la meme
chofe, & les Chymiftes favent très-bien qu’une dé-
compofition qui peut fe faire par la feule affinité
d’un troifième corps, s’opère plus facilement, plus
complètement, plus inftantanément par les affinités
confpirantes de deux corps. Voila ce que Bergman
a voulu faire entendre, qui étoit très-conforme à
fon plan, & fondé fur des principes indubitables que
j ’aurai encore occafton de développer dans la fuite
de cet article.
Après avoir reconnu qu’un grand nombre de
combinaifbns ne pouvoit fe faire que par le concours
de plufieurs affinités, qu’elles s’effeâuoient toutes
plus facilement par ce concours, il reftoit un pas à
faire , c’étoit de déterminer en nombres les rapports
de ces forces confpirantes, de maniéré a concilier
les réfuitats du calcul avec les phénomènes obfervés.
Dès 1775:, j’avois exprimé en nombres les rapports
d’affinités'du mercure avec les différens métaux, en
prenant pour bafe la force d’adhefion mefuree par
la réfiflance à la fëparation ( Voye^ Adhésion ) ; &
j’avois pris de là occafton de faire fentir fous les
avantages que l’on pourroit retirer de ces valeurs
numériques dans l’explication des phénomènes les
plus embarraffans. Macquer avoit déjà dit nettement,
qu’il y a échange mutuel toutes Us fois que la s o m m e
des affinités que chacun des principes des deux compofis
a avec Us principes de Vautre , furpaffie celle des affinités
qu’ont entre eux Us principes qui forment Us deux
premiers compofés ; mais c’efl a M. Kirwan que la
Chymie doit la première application du calcul aux
affinités doubles, dans le Mémoire qu’il lut à la Société
Royale de Londres en 1782.
La même année, M. Elliot publia , à la fuite de
fes Elémens de Philofophie naturelle, les Tables
d’affinités de Bergman, & ajouta à la Table des
affinités doubles une 63e. café, dans laquelle il exprima
ces affinités par des chiffres , pour donner un
exemple frappant de l’effet de leur concours.
Que l’on fuppofe (dit M. Elliot) que la potaffe
&Tacide vitriolique s’attirent avec une force = 9 ;
que la chaux d’argent & l’acide nitreux s’attirent
avec une force — 2 ; que l’affinité de 1 acide nitreux
avec la potaflè foit — 8 ; & celle de l’acide vitriolique
ayec la chaux d’argent 2= 4. Comme 8 -4-4 efl
plus grand que 9 -}- 2 , la déçompofition a lieu, &
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U fe forme deux nouveaux compofés i fa voir ,d u
nitre de potaffe & du vitriol d’argent.
C ’eft fur ces données que M. Elliot a établi ce
que Bergman a nommé en latin fehema, que nous
appelions fymbole, emblème ou démonftration figurée
des affinités , que l’on exprime ordinairement en
caraétères chymiques pour ménager lefpace dans
les Tables deftinées à en contenir un grand nombre,
& qui peuvent être rendus en toutes lettres de la
manière fuivante.
Nitre
de potaffe
Vitriol
de
potaffe
Vitriol d’argent
Nitre
d’argent
M. de Fourcroy préfenta, en 1 7 8 4 à l’Académie
Royale des Scienoes, un Mémoire, dans lequel il
avoit également pour Objet d introduire les nombres
dans l’explication des décompofitions opérées par
double affinité ; mais il ne faifoit alors entrer, dans
le calcul que l’eftimation de la puiffance, qui ten-
doit à maintenir celui des compofés, dont il jugeoit
la combinaifon la plus forte : il a reconnu depuis que
M. Kirwan avoit eu raifon d’y comprendre les affinités
des principes de l’autre compofé, qui n’agiffoient
pas moins, quoiqu’elles fuflènt pour ainfi dire vaincues
: c’eft d’après le célèbre Académicien Anglois
que je vais expofer cette théorie qui mérité la plus
grande attention, puifque c’eft la clef des operations
les plus compliquées de la Chymie.
Dans toute déçompofition (dit M. Kirwan ) il faut
confidèrer , i° . les forces qui s’oppofent à la de-
compofition, ou qui tendent à conferver les corps
dans leur état a&uel ; 20. les forces qui tendent a
effectuer la déçompofition, ou à former de nouveaux
compofés. Il a très-bien nommé les premières affinités
quiefeentes, & les dernières affinités divellentes;
ces dénominations font tout a la fois claires, exa es
& commodes ; nous en ferons dans la fuite un ne-
quent ufage. „ ' t .
Lors donc que la fomme des affinités divellentes
fera la plus forte, il y aura déçompofition, & il ny
en aura point quand la fomme des quiefeentes Remportera
, ou feulement lorfqu’elle fe- trouvera ega-*
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Pour rendre plus fenfible l’application de ces principes
, je placerai ici deux exemples de déçompofition
ou d’échange mutuel p'ar double affinité, qui Serviront
en même temps à faire connoître la manière
que j’ai adoptée, de repréfenter fymboliquement ce
quife paffe dans ces opérations. Je choifirai à deffein
pour ces exemples les circonftances les moins favorables
, & les fubftances que l’on a cru jufqu’à pré-
fent les moins fufceptibles d’une aérion efficace. On
verra dans une autre Se&ion jufqu’à quel point on
peut fe flatter de déterminer les affinités en nombres
vrais, ceux que j’emploierai feront purement hypothétiques
; mais ils garderont tous les rapports indiqués
par l’obfervation , ce qui fuffit à l’objet préfent.
Soit l’affinité de l’acide muriatique avec la terre
barotique = 3 6* ■
L’affinité du même a«ide avec la potaffe pure ou
cauftique étant reconnue inférieure, je puis la fup-
pofer = 3 2 .
L’acide méphitique oû air fixe e ft, comme on
fait, un des acides les plus foibies 3 il a aufli plus
d’affinité avec le barote qu’avec la potaffe 3 je me
trouverai donc dans les limites des rapports établis
en eftimant 14 la puiffançe avec laquelle il attire le
barote, & 9 fon affinité avec la potaffe. f
On voit maintenant pourquoi ni la potaffe, ni
l’acide méphitique , tant qu’ils font feuls, ne peuvent
décompofer le muriâte barotique : avec la première,
la force quiefeente eft' 3 6 , la force divellente eft
3 2 , il ne peut y avoir aucun changement 3 avec
l’acide méphitique la difproportion eft encore plus con-
fidérable, 14 ne peuvent l’emporter fur 36.
. I l en eft tout autrement, lorfqu’on préfente au
contaâ , d’un côté, le muriate barotique, ç’eft-à-dire,
l’acide muriatique, & le barote 3 d’autre côté, le mé-
phite de potaffe, c’eft-à-dire, l’acide méphitique & la
potaffe. Conftruifons le fymbole de cette opération
avec les nombres donnés, & en comparant les fommes
des deux forces, divellentes & quiefeentes, il fera facile
.de prévoir l’événement.
Echange de bafes' entre le Muriate barotique & le Méphite
de p o ta j f e , par la voie humide,
Muriate de potaffe
\
Acide 9
muriatique
32 ~ Pptaffe
Muriate j
baroti- /
que ) 36 + 9 ] = 4 5
Méphite
i de
f potaffe
L Barote 14
Acide 1
méphitique '
L i f t 46
Méphite barotique
Chymie. J'orne L
A F F ï f f
La fomme des forces divellentes ou qui tendent;
à détruire la compofition a&uelle, repréfentée par
les nombres 32 -f- 14 — 46 de la ligne verticale ,
étant plus grande que la fomme des forces quief-,
centes reprefentée par les nombres 36 -f- 9 = 43
de la ligne horifontale, il doit y avoir & il y a en
effet déçompofition & deux compofés nouveaux.
Le fécond exemple que je vais donner fera encore
plus frappant, puifque, d’une part, il s’agit de rompre
la plus forte affinité que l’on co.nnoiffe jufqu’à préfent
, celle de l’acide vitriolique avec le barote, &
que, de l’autre, le gas acide méphitique eft un des.
inftrumens de cette féparation, même à la chaleur
du fourneau de fufion, c’eft-à-dire , dans des circonftances
ou fon -affinité avec les corps fixes eft
encore affoiblie par fa grande volatilité.
Pour conftruire le fymbole de cet autre phénomène,
j’emploierai les mêmes nombres que nous
donne déjà le précédent 3 & comme l’acide vitriolique
eft bien plus puiflant que l’acide muriatique,
comme il attire aufli plus fortement le barote que
la potaffe, tous les rapports connus feront obfervés,
en fuppofant que le barote eft attiré par cet acide
avec une force de 6 5 , & la potaffe avec une,force
de 62.
Echange de bafes .entre te Spizt p e fa n to u Vitriol de
Barote , & le Méphite de potajfe, par la voie feche*
Vitriol de potaffe
Spat
pefant
Acide
vitriolique 62 Potaffe j
Méphite
65 •ri- 9 ]— 74^\ de
- potaffe
Barote 14 Acide
méphitique
= 76
Méphite barotique
La fomme des forces quiefeentes étant, moindre
que la fomme des affinités divellentes, la décomposition
doit s’opérer* & c’eft ce que l’expérience nous,
a appris, ,
Pour prendre une jufte idée des affinités doubles
ou par concôurs, il ne fuffit pas de favpir qu’elles
déterminent des décompofitions qui ne réuffiroient
pas fans elles 3 il fout s’attacher à faifir ce principe
général, que toutes des fois q uil y a plus de trois
corps , ce ne font plus les affinités, fimples ou d'un corps
d un corps qu il faut confidèrer, comme devant décider,
les combinaifons, mais les fommes de toutes les affinité
A a a a