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qu’elle ne fut lue réellement à la Société que le 22
Avril 1784, & que fe trouvant pour la plus grande
partie prefquc mot à mot dans la fécondé lettre à M.
de Luc , on avoit jugé qu’il étoit inutile de l’imprimer
, & qu’il fuffifoit, pour donner une date authentique
aux idées de l’Auteur, de marquer par
des guillemets, dans l’impreffion de la fécondé lettre
, les paffages.tirés de la première.
M. Watt déclare encore dans fa fécondé lettre,
Cjue ce n’eft qu’avec répugnance & pour fe rendre à
1 invitation de quelques amis, qu’il fe détermine à
publier l’hypothèfe qu’il avoit cru pouvoir hafarder
fur les caufes probables de la produ&ion de l’eau
pendant la combuftion des deux gas, avant qu’elle
ait été confirmée'ou détruite par des expériences
ultérieures. J’ai déjà annoncé quelle étoit cette hy -
pothèfe; il la fonde principalement fur ce que le
poids de l’eau recueillie avec foin par du papier
propre à l’imbiber, fe trouve répondre exactement
ou à très-peu près au poids des deux airs employés ;
il demande s’il n’eft pas en droit d’en conclure que
1 eau efi compofée d’air vital & de phlogiftique privés
d’une^partie de leur chaleur latente ou élémentaire,
que Y air vitaleà^ formé de l’eau privée de fon phlogiftique
& unie à la chaleur élémentaire & à la lumière.
Il faut obferver que ces pafTages font tirés
de la première lettre de l’Auteur ; au refte il accorde à
M. Cavendish la première obfervation de l’humidité
dépofée fur les parois des vaiffeaux dans lefquels on
opère cette combuftion. Il s’appuie enfin fur les expériences
faites à Paris plus en grand, dont M. de Luc
lui avoit donné connoiffance depuis fa première lettre
& qui lui paroifloient prouver clairement le point
êffentiel ( Tranf philof vol, 74, p, 332).
Après avoir expofé fidèlement les titres de ces
Savans, je puis laiflèr à mes Leéteurs apprécier leurs
droits à une découverte qui fera certainement dans
la Phyfique une des époques les plus brillantes ; mais
pour prononcer fans injuftiee, on doit, ce me fem-
b le , confidérer qu’il y a des vérités que le préjugé
repouffe, qui ne peuvent être amenées que par des
travaux multipliés & des progrès fucceflifs, & qui,
parvenues à un certain degré de maturité, éclatent
tout-à-coup , déchirent le voile qui les environne,
& ne peuvent manquer de frapper à la fois les regards
de plufieurs de ces hommes de génie occupés
à en préparer le développement. On avoit reconnu
les produits de l’air avec les autres combuftibles, il
falloit bien qu’on fe demandât aufîi ce qu’il deve-
noit pendant la combuftion du gas hydrogène; il ne
ferôit donc pas étonnant que le même examen les-
eût conduits à la même folution ; aufîi les voyons-
nous s’attacher bien plus à fortifier leurs obferva-
tions par les témoignages de leurs coopérateurs, qu’à
s’aftiirer l’antériorité que réclament pour eux ceux
qui n’apperçoivent dans une vérité acquife qu’une
penfée, qu’un inftant indivifibles. S’il me falloit prendre
un parti fur ce principe , je dirois que Macquer a ,
te. premier remarqué l’eau condenfée après la combuftion
des deux gas; qne la première penfée de la
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poflibillté de fa compofition paroît appartenir à M.'
W 2*t ; que ce ne fut néanmoins qu’une penfée timide
qui refufa de fe produire au grand jour, jufqu’au
moment oii elle fe préfenta toute armée, fi j’ofe me
fervir de ces exprefiions, dans les Ecrits de MM. La-
voifier & Monge : çe qu’il eft aifé de concevoir, 'non-
feulement par la confiance que dévoient leur infpirer
la manière dont ils avoient opéré & la grandeur des
réfultats qu’ils avoient obtenus ; mais fur-tout parce
que, libres des entraves de l’hypothèfe phlogiftique,
ils voyoient ce nouveau fait fi merveilleux & placer
fout naturellement dans le cadre des opinions qu’ils
s’étoient formées. Je penfe que ce jugement ne fe-
roit pas foupçonné de cette partialité patriotique qui
ne fait que trop fouvent pencher la balance dans ces
fortes de difcufiions ; on a pu voir dans d’autres
occafions que la vérité avoit encore plus de droits fur
mes affeéfions, & j’avois ic i, pour me défendre dé
ces illufions de la rivalité nationale, le fentiment que
produit une confraternité dont on aime à fe glorifier.
Après avoir cherché à fixer les idées fur cette
queftion, qui fera peut-être encore plus intéreffante
pour la poftérité que pour le fiècle préfént, je reprends
l’examen des produits de cette combuftion,
pour accumuler les preuves des faits qui en déterminent
la nature, pour en déduire quelques confé-
quences importantes, & pour diffiper les nuages
que répand encore fur ces vérités un refte de prévention
en faveur de l’hypothèfe de Sthal.
C ’eft la multitude des faits bien plutôt que le rai-
fonnement qui doit établir toute efpèce de théorie
nouvelle : cette réflexion judicieufe que j’emprunte
du Mémoire fait en commun fur ce fujet par MM.
Lavoifier & Meufnier, engagea ces deux Académi-.
ciens à fe livrer à de nouvelles expériences, en
réunifiant celles qui ont été dirigées dans la vue de
décompofer l’air, à celles qui ont eu pour objet de
foumettre l’eau elle-même à l’analyfe, il n’eft guère
poffible de trouver fur quelque point de Phyfique que
ce foit, une démonftration plus complette ; je ne puis
m’occuper encore que des premières, mais elles ont
été fucceflivement portéès à un point de précifion
qui laifle bien peu à defirer.
Au mois de Février 1785, MM. Lavoifier & Meufnier
entreprirent de compofer l’eau en grande quantité
, dans des appareils imaginés pour mettre les réfultats
à l’abri de foute incertitude & exécutés ayec
le plus grand foin ; ils opérèrent en préfence d’une
commiflion nombreufe de l’Académie des Sciences,
& d’un fi grand nombre d’Amateürs,. que l’on peut
regarder cette expérience comme faite publiquement ;
on drefià, chaque jour, chaque diée, un procès-verbal
exaâ de ce qui s’étoit pafle. M. Lavoifier nous apprend
dans fes notes qui accompagnent la tradu&ion
de l’Effai fur le phlogiftique de M. Kirwan (page 63 )
quune longue abfence de M. Meufnier, qui s’étoit chargé
de la rédaéfion du Mémoire, avoit empêché qu’elle
neût 'été publiée jufqu’à préfent, J’en ferai connoîtrê
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les principales circonftances d’après la notice^ que -
m’en adreffa dès le lendemain M. de V ir ly , qui l’avoit
fiiivie avec beaucoup d’attention.
On employa à cette expérience un ballon garni
dlun excitateur éle&rique , comme celui que j’ai décrit
en parlant de l’appareil de M. Monge ( Expérience
XXXVIII ) ; ce ballon communiquoit de même avec
une machine pneumatique qui fervoit à y faire le
vuide, & à en retirer les réfidus aériformes non con-
fommés, mais dont la capacité étoit fept ou huit
fois plus confidérable (1).
Au lieu de foire entrer tout de fuite dans ce ballon
une quantité déterminée de gas hydrogène pour
produire 4a détonnation ou l’inflammation inftanta-
néeavec l’air vital, ce gas y étoit porté fucceffive-
ment par un ajutage d’un diamètre tres-capiliaire ,
de manière qu’une fois allumé, il continuoit de brûler
, la pointe de la flamme en bas, tant qu’il reftoit
de l’air vital.
Les gas avoient été préparés avec foin, tenus pendant
quelque temps fur la diflolution de potaffepour
les dépouiller fte tout acide ; avant que d’entrer dans
le ballon, ils pafloient fur de la potafle calcinée à
grand feu qui retenoit l’eau dont ils pouvoient être
chargés ; le gas hydrogène avoit été retiré de Peau
décompofée par le fer incandefcent, fuivant le procédé
que je ferai connoîtrê dans la fuite ; l’air, vital
avoit été obtenu par la décompofition de l’oxide mercuriel
par l’acide nitrique ou précipité rouge.
Pour le fuccès de cette grande expérience, il importait
fur-tout que l’écoulement du gas hydrogène
qui entretenoit la flamme dans l’intérieur du ballon,
fut conftamment uniforme, & que les volumes des
gas puflent être déterminés avec précifion. Ces objets
furent parfaitement remplis au moyen de la
grande machine à comprimer les gas que M, Lavoifier
avoit imaginée pour appliquer le feu augmenté
par l’air vital à des eflais fur la fufibilité des corps;
cette machine avoit été perfectionnée depuis par
M. Meufnier : je ne puis mieux en foire connoîtrê
les principes & les effets que par la defeription que
cet Académicien en a lui-même donnée dans le Recueil
de l’Académie royale des Sciences, année 1782.
« Cet appareil eft formé de deux caiffes A B C D ,.
E F G H (Voye^jig. 43 des appareils pour les g as),
dont l’une remplie d’eau, reçoit l’autre où eft renfermé
le gas qu’il s’agit de manoeuvrer, & q u i, au
moyen de la preflion que la caiffe fupérieure exerce
fur lui par fon poids, eft déterminé à s’échapper
par les iftues qui lui feront ouvertes.
Cette preflion eft modérée à volonté par un contrepoids
variable, qui contre--balance une partie du
poids de la caiffe E F G H ; mais le frottement des
poulies & la réfiftance des cordes que M. Lavoifier
y avoit d’abord employées, apportant à renfoncement
de cette caiffe une réfiftance qui en rendoit
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la preflion fort inégale , j’y ai fubftitué utt levier
M SP dç quatre pieds de longueur, & portant à fes
extrémités deux arcs-de-cercle du même diamètre ÔC
d’un développement égal à l’efpace que la caiffe
E F G H doit parcourir entre fes portions extrêmes ;
par cette difpofition, la caiffe E F GH fe trouve
comme fufpendue à une poulie de quatre pieds de
diamètre , & la réfiftance réduite prefqu’à rien ;
Taxe du levier M SP eft formé par deux tourillons
d’acier dont le mouvement s’exécute dans deux gor- '
ges de métal de cloche, fixées à la partie fupérieure
au .montant R S ; & au lieu de fufpendre la caiffe
mobile à des cordes fufceptibles de s’alonger ou de
fe raccourcir , j’ai employé à cet ufage des chaînes
plates en fil de ter , pareilles à celles que M. de Van-
canfon a fubftituées aux courroies dans fon moulin à
organfiner les foies, & conftruites avec la belle machine
qu’il avoit inventée pour mettre cette efpèce
de chaîne à un prix très-modique. Ces chaînes s’enveloppent
fans aucune roideur fur les arcs-de-cercle
qui terminent le levier M S P , & leur forme a encore
l’avantage d’empêcher que la caiffe E F G H , en
tournant fur elle-même, ne frotte contre les parois -
| de la caifle inférieure.
Mais il ne fuffifoit pas que le mouvement de la
caiffe E F GH fut affez libre pour n’occafionner par
lui-même aucune inégalité à la preflion qu’elle exerce
fur l’air qui y eft renfermé , il falloit remédier à une
autre caufe capable d’altérer encore la parfaite uniformité
de preflion dont cette machine doit être fuf-
ceptible. En effet, à mefure que la caiffe E F G H
s’enfonce dans l’eau de la caiffe inférieure, les matériaux
dont elle eft compofée occafionnent un déplacement
d’eau dont l’effet eft de foutenir une por-
; tion de leur poids, ce qui feroit diminuer de plus
en plus la preflion foufferte par l’air intérieur. Quoique
cette variation ne dût pas être bien confidérable, j’ai
cru cependant devoir y remédier en faifant en même
temps varier le bras de levier du contre-poids oppofé
à la caiffe, dans la même proportion que le poids de
celle-ci diminue par fon enfoncement dans l’eau.
Pour remplir cet objet, l’arc-de-cercle auquel ce
contre-poids eft fufpendu, tient à une pièce à part
q f indépendante du refte du levier ; elle peut s’approcher
ou s’éloigner, parallèlement à elle-même, de
la partie correfpondante r t , & le levier eft coudé
au centre, de manière que la ligne du milieu de la
pièce q f paffe par le centre de rotation quand elle
eft appliquée contre la partie rt.
Le mouvement par lequel la pièce q f s’approche
ou s’éloigne , s’exécute par le moyen d’unchaflis de
fer o p q f, dont les deux branches o q ,p f fixées fondement
en q & en / , & parfaitement égales de
groffeur d’un bout à l’autre, gliffent dans deux canons
de cuivre r r , faifant partie de la pièce dormante
rt. Enfin une vis de fer x ç , faifie par deux
(1) Je trouve dans la notice qui a été donnée de cette expérience, dans le Journal polytipe , tom. I , n\ Il.pag. 40*
sue la ça’pacitc de ce ballon étoit de 40 liv* 1 once a gros 19 grains d’eau; ce qui revient à 961,91 pouces cubes.
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