
quelque décompofition par double affinité, elle
eft une vérité de fait palpable & indépendante des
opinions qui partagent en ce moment les Chy-
miftes.
J’avois annoncé dans mes notes fur la differta-
tion de M. Bergman , que l’air élément acide univer-
J'el exiftoit néceffaireme'nt dans l’acide faccharin.
Le mémoire de M. Lavoifier, publié l’année fui-
vante ( 1781) , ne laiffe aucun doute à ce fujet.
C e grand Chymille a traité le fucre & l’acide nitreux
dans des vaiffeaux appareillés pour ne rien
perdre des fluides élaftiques ; il a employé à ces
expériences un acide nitreux toujours le même, que
l’on pouvoit regarder comme tenant par once 120
pouces de gas nitreux & 12.0 pouces d’air vital ;
il a fait état de la portion qui a palTé à la diftilla-
tion fans le décompofer : voici les réfultats de fes
opérations, ■
Ayant traité avec 4 gros de fucre, 2 onces
de cet acide nitreux affoibli de 2 onces-d’eau, &
entretenu par degrés la dillillation jufqu’à ce qu’il
ne pafsâtxplus de gas nitreux, il a trouvé, fa v o ir ,
Dans les récipiens pneumatiques,
Gas nitreux.....................190 pouc. cub, en poids 9
à - p e u - p r è s . ....................... 1 gros 36 gr.
Gas acide méphitique . . 90I 62
Gas inflammable . . . . , . . 25 J au plus 3
Dans la cornue,
De Yacide faccharin en liqueur,
tranfparent & fans couleur,
du poids de . . . . . . . . . 2 onc, 6 gros 18 gr.
Dans le récipient intermédiaire.
Acide nitreux non décompofé, - 3 56
Eau qui avoit palTé avec lui,
& augmenté la quantité.de
celle qui avoit été mife dans
le r é c i p i e n t 6 28
„ Total . . . 4 onc, 2 gros 60 gr.
On voit que malgré toute l’attention de M. La-
yoifier à recueillir tous les produits, il y a eu
cependant une dîfîlpation de matière du poids de
84 grains ; mais il n’eft pas moins prouvé qu’une
portion de la matière qui entroit dans la compo-
fition de l’acide nitreux a palTé dans la çompôfi-
tion de Y acide faccharin, & c’efl l’air vital". Mém,
de t acad, roy, des fciences , annÿ iy/8.
Dans une autre expérience, ce favant académicien
entreprit de détruire tout de fuite, dans les
mêmes vaiffeaux, tout Y acide faccharin qu’il venoit
de produire en traitant 2 onces du même acide ni-
affoibli de % onces d’eau ? avec 6 gros de
fucre ; il pafTa, comme à l’ordinaire ] une portion
d’acide non décompofé qui ayant été mefurée exactement
par ia quantité de liqueur alkaline qu’elle
pouvoit faturer , réduifit à n gros 5y grains, la
quantité d’acide nitreux employée. La dillillation
ayant été pouffée à ficcité, il ne relia dans la
cornue qu’un léger enduit charbonnenx, les produits
gafeux dévoient par conféquent être bien
plus confidérables, 6c repréfenter cette fois le
fluide élallique qui étoit entré dans la compofi-
tion de Y acide faccharin : ce fut préeifément ce qui
arriva. Je ne puis mieux faire que de placer ici le tableau
que M. Lavoifier a drelfé des quantités &
qualités des gas recueillis dans cette opération, en
dix tempsdifférens, qui marquent fucceffivement les
progrès de la décompofition de l’acide nitreux, la
formation complette de Yacide faccharin, & à la
fin fa rèfolution en fes élémens par l’aéliçn de la
chaleur.
D e t a i l exprimé en pouces cubiques des efpeces
& quantités des différens airs eu fluides aèriformes
obtenus de la combinaifon de 2 onces d'acide nitreux
, & 6 gros de fucre, pouffés jufqu’à ficcité.
Po r t io n s .
A i r
nitreux.
A c i d e
crayeux
aériforme.
A I R
inflammable.
T o t a l .
Première, 56 t 5 6 t
Seconde. 49 t z 6 Troifiém. 5^ a 3 t 22 y 4 f 5° t
Quatr. 21 77 3 ° f . 4 f 56 -h.
Cinqu. I4 rrô 451 * T S 63
Sixième. 15 39 y 7 Î 61 f
Septièm. 8 i
Huitièm. 48 I l 4L 59îtf
Neuv. 32 T? 8 40 ^
Dixiéme. 25 -fs ! 7 ‘4* -h
Totaux. l 8 0 J# - 277l f s 74 t s
On a vu , dit M. Lavoifier, par la première expérience,
que l’air vital fe combinoit avec le fücre ;
la fécondé nous apprend que quand l’acide du fucre
eft formé ,fi on le pouffe au feu,if fe réfout prefqu’en
entier en gas acide méphitique & en gas inflamma*
ble; or le gas acide méphitique n’eft lui-même que le
réfultatdela combinaison de la matière charbonneufe
avec l’air vital, principe acidifiant.
Ainfi, M. Lavoifier eft fondé à conclure que
M. Bergman & tous ceux qui ont écrit depuis lui fur
cette matière , ont été dans Terreur lorfqu’ils ont
regardé Yacide faccharin comme le réfultat de la
pure décompofition du fucre ; mais M. Lavoifier
n’eft-il pas lui-même dans l’erreur,lorfqu’il yeut que
cet acide ne foit autre chofe que le fucre en entier
combiné avec le principe acidifiant ? J’examinerai
bientôt cette queftion • mais je dois recueillir auparavant
d’autres preuves tout auffi décifives, que
l ’air vital de l’acide nitreux eft devenu partie confti-
tuante du nouvel acide.
Nous avons vu que 8 onces d’efprit - de - vin
traitées avec 24 onces d’acide nitreux avoient
donné à 'M . Bergman 3 onces d'acide faccharin :
MM. Hermftadt & Wiégleb font revenus fur cette
expérience ; ils ont varié les dofes , le dernier s’eft
attaché à procurer une décompofition plus complette
de l’efprit ardent, en le recohobant plufieurs
fois avec de nouvel acide nitreux ; & il réfulte de
leurs obfervations que la quantité du produit acide
n’eft nullement en proportion de la quantité d’efprit-
de-vin, mais qu’elle dépend bien plutôt de la quantité
& du degré de concentration de l’acide nitreux
qu’on emploie. M. Hermftadt ayant diftillé un mélange
de 18 livres d’efprit-de-vin & 6 livres d'eau-
forte , comme pour la dulcification de l’acide , il y
eut 3 livres d’efprit ardent décompoféés ; cependant
ce Chymifte ne put tirer du réfidu que 8 onces
d’acide faccharin , & M. Wiégleb a reconnu que la
même quantité d’efprit-de-vin donnoit beaucoup
plus d’acide faccharin , quand on le traitoit avec
Tacide nitreux fumant , que quand on fe fervoit
d’un acide plus foible. CreII, annales, 1784 , pages
7 -6* 8.
Je n’adopterai pas la conféquence que M. Wiégleb
tire de ces faits , que Yacide faccharin n’eft que
Tacide nitreux, lui-même altéré par le phlogiftique;
ils prouvent feulement que Yacide faccharin n’exifte
pas tout formé dans Tefprit-de-vin , qu’il n’eft pas
une de fes parties conftituantes, en un mot ,■ qu’il
reçoit quelque chofe de l’acide nitreux; 6c fi on
fait attention que dans tous les procédés pour la
préparation de Yacide faccharin , on peut recueillir
séparément le gas nitreux capable de régénérer
Tacide nitr-eux qui a été décompofé , quand on lui
reftituera de l’air vital, il me paroît impoffible de
fe refuferà la conféquence immédiate, que le nou*.
veau produit acide eft en partie formé aux dépens
de Tacide nitreux, 6c en lui prenant fon air vital.
III. Il ne s’agit plus préfentement, pour avoir,
une entière connoiiïance de la nature de Yacide
facchatin, que de déterminer quelle ejl fa bafe aci-
difiable.
Suivant M. Lavoifier, c’èft le fucre tout entier qui
entre en combinaifon avec le principe acidifiant ; 6c
ceux qui connoiflent la doétrine que ce célèbre
académicien a entrepris de mettre à la place de
celle de Stahl, fentiront que cette opinion devient
forcée dans fon fyftême ; car le fucre doit être
confidéré dans Yacide- facchatin comme le fouffre
dans Tacide vitriolique , comme le phofphore dans
1 acide phofphorique, êcc. S’il perd quelque chofe
en paffant à l’état d’acide , ce ne peut être que ce
principe fugace que Stahl a appellé phlogiftique :
s’iTlache ce principe, il faut bien qu’il fe retrouve
quelque part, & puifqu’il n’y a d’autre produit que
le gas nitreux, il fera donc dans ce fluide aériforme,
pour y mettre le radical nitreux en état de fouffre,
.pour concourir à ces nouvelles affinités doubles,
&c. & c . , & voilà toutes les preuves du phlogiftique
raffermies fur leur bafe , tout l’édifice de la
théorie exclufive de l’air vital renverfê :1a queftion
fous ce point de vue acquiert un nouvel intérêt.
Je pourrois d’abord demander à M. Lavoifier
pourquoi le fucre lui-même, étant fuppofé capable
de s’unir avècl’air v ita l, cette affinité fimpledireéle
ne s’exerce pas en tant d’occafions où ces fubftance&
fe trouvent en conta# ? Cette queftion , qui revient
toutes les fois que j’examine quelque point relatif
à Thypothèfe anti-phlogiftique , devient plus cm-
barraffante encore dans le cas préfent par deux
circonftances que je ne dois pàs'omettre»
La première eft que , jufqu’à préfent ,• Tacide
nitreux a été le feul intermède capable de procurer
cette combinaifon de l’air vital acidifiant avec le
radical, quel qu’il foit, de Yacide faccharin.-Uil 1 uftre
Bergman a cherché à l’obtenir, ou , comme il le
difoit, à décompofer le fucre , à mettre à nu fou
principe j-falin , en le difiillant feul , en le faifant
détonner avec le nitre, en le faifant bouillir dans l’acide
muriatique dép/ilogifliqué , en le traitant enfin avec la-
chaux noire de manganéfe. Aucun de ces moyens n’a
réufli. J’ai eflayé l’aétion fi puiflante du gas muriatique
déphlogiftiqué, condenfé à la manière de
M. Berthollet, 6c qui décompofé le fouffre, ( voyès^
A cide Régalin ) , je n’ai pas eu plus de fuccès*
J’ai fait digérer le fucre dans l’aeide arfenical en-
liqueur, le mélange eft devenu noir long-temps-
avant Tébüllition , 1e filtre en aféparé une matière
noire qui étoit un vrai régule d’arfenic, 8c cependant
il ne s’eft point formé dé acide faccharin, puifque
la liqueur n’a pas précipité l’eau de chaux. Dans
toutes ces opérations , il y a une portion d’air vital
rendue libre ; c’eft une vérité de fait indépendante
de tout fyftême , 6c préfentement avouée par tous-
les Chymiftes.Le fucre pourroit donc fe combiner
avec cet air ^il le deyroit néceffairement,fuivant
les règles établies d’après les phénomènes analogues
: or, c’eft ce qui n’arrive pas : l’affinité fimple
eft donc infuffifante pour produire l’union de l’air
acidifiant avec le radical faccharin.
Une autre circonflance non moins digne de remarque
, eft que dans les opérations où le fucre eft
employé pour reprendre l’air vital qui fe trouve
par excès , où il ne peut, dans Thypothèfe anti-
phlogiftique , jouer aucun autre rôle , i l ne fe produit
cependant point dé acide facchatin; e’eft ainfi
que le fucre ajouté à Tacide vitriolique pur y
rend foluble la chaux noire de manganéfe , en
s’appropriant l’air vital furabondant , qui adhéroità
cette chaux ; c’eft ainfi qu’ajouté à Tacide muriatique,
il empêche par la.même raifon laproduâioa